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26/10/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0533.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 octobre 2012, C.10.0533.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0533.N

BOUWBEDRIJF VMG-DE COCK, s.a.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. COMMUNE DE TAMISE,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

2. ARCHITECTENSTUDIO, MULTIPROFESSIONELE ARCHITEC-TEN-VENNOOTSCHAP,s.p.r.l.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 fevrier 2010par la cour d'appel de Gand.

L'avocat general Christian Vand

ewal a depose des conclusions le 28 juin2012.



Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0533.N

BOUWBEDRIJF VMG-DE COCK, s.a.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. COMMUNE DE TAMISE,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

2. ARCHITECTENSTUDIO, MULTIPROFESSIONELE ARCHITEC-TEN-VENNOOTSCHAP,s.p.r.l.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 fevrier 2010par la cour d'appel de Gand.

L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions le 28 juin2012.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 36, 37, 40 et 159 de la Constitution ;

- article 15 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fournitures et de services ;

- article 110, S: 3, de l'arrete royal du 8 janvier 1996 relatif auxmarches publics de travaux, de fournitures et de services et auxconcessions de travaux publics, tel qu'il etait applicable avant sonremplacement par l'article 60 de l'arrete royal du 29 septembre 2009modifiant la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics et àcertains marches de travaux, de fournitures et de services et certainsarretes royaux pris en execution de cette loi ;

- article 110, S: 4, de l'arrete royal precite du 8 janvier 1996.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit non fonde l'appel de la demanderesse, confirme la decisionentreprise rejetant la demande de la demanderesse tendant à lacondamnation de la premiere defenderesse au paiement d'une somme de30.479,70 euros, majoree des interets, et condamne la demanderesse auxdepens des defenderesses, par les motifs suivants :

« 2. La contestation concerne tout d'abord la faute presumee, commise,selon la demanderesse, par la premiere defenderesse lors de l'adjudicationpublique du marche de renovation de l'entree de la piscine communale'Scheldebad' à Tamise, Kasteelstraat nDEG 85 (dossier d'adjudicationapprouve par le conseil communal de Tamise le 27 fevrier 2006 evaluant lesfrais à 370.279,17 euros, TVA de 21 p.c. incluse), qui chargeait laseconde defenderesse (l'architecte Karolien V. H.) notamment du projet etde la collaboration lors de l'adjudication et de la soumission.

Le proces-verbal d'ouverture des soumissions date du 12 avril 2006,(soumission de la demanderesse 300.000 euros ; COLLEWAERT 357.453,69euros, LIPPENS 484.312,53 euros et PIT 268.388,08 euros).

Par arrete du College des bourgmestre et echevins du 8 mai 2006 toutes lessoumissions ont ete considerees comme regulieres, et le classement desmontants corriges a ete fixe comme suit 1DEG/ s.a. PIT ANTWERPEN272.613,14 euros, 2DEG/ (la demanderesse) 304.796,98 euros, 3DEG/ sprlCOLLEWAERT 373.289,27 euros, 4DEG/ sprl BOUWKANTOOR LIPPENS 489.352,57euros). Le marche a ete attribue à la s.a. PIT ANTWERPEN pour un prixcorrige de 272.613,14 euros + 21 p.c. de TVA, soit 57.248,76, soit untotal de 329.961,90 euros.

La demanderesse allegue que la premiere defenderesse a commis une fautelorsque, constatant que la soumission de la s.a. PIT s'ecarte d'au moinsquinze p.c. en-dessous de la moyenne calculee conformement à l'article110,

S: 4, de l'arrete royal du 8 janvier 1996, elle n'a pas (comme prevu àl'alinea 3 de cette disposition) :

- soit motive formellement dans la decision d'attribution du marche, lerejet du grief d'anormalite apparente du montant de l'offre ;

- soit invite le soumissionnaire à fournir les justificationsnecessaires comme prevu au S: 3 de cette meme disposition.

Les allegations de la demanderesse ne peuvent en aucun cas etre accepteesdes lors qu'elles sont fondees sur une interpretation inexacte del'article 110, S: 4, de l'arrete royal du 8 janvier 1996 ainsi que sur desallegations non prouvees.

2.1. L'article 110, S: 4, de l'arrete royal du 8 janvier 1996 requiert,si les conditions qu'il prevoit sont remplies (comme c'est le cas enl'espece, ce qui n'est pas conteste par les parties), que l'administrationverifie le caractere eventuellement anormal du prix.

Le but de cette verification des prix eventuellement anormaux estincontestablement d'eviter que les soumissionnaires s'engagent à des prixirrealistes mettant en peril l'execution effective du marche.

La verification du caractere anormal releve du pouvoir discretionnaire del'autorite.

Ce pouvoir discretionnaire de l'autorite est limite de la maniere suivantepar l'article 110, S: 4, alinea 3, precite :

2.1.1. Si une autorite considere prima facie qu'un prix est anormal, elledoit inviter le soumissionnaire concerne à fournir une justification.

L'autorite n'est toutefois pas tenue de demander immediatement unejustification.

Une telle invitation n'est requise que si l'autorite souhaite exclure lesoumissionnaire.

Cela est confirme par le Rapport au Roi à propos de l'article 110, S: 4 :'Conformement à la jurisprudence du Conseil d'Etat, le pouvoiradjudicateur qui n'a pas l'intention d'ecarter un soumissionnaire, estdispense de demander à ce dernier de justifier son prix. Il se peut, parexemple, que le pouvoir adjudicateur dispose d'elements lui permettantd'etablir une justification selon laquelle le prix remis est normal, bienqu'il se situe en-dessous de la moyenne de 15 p.c. calculee selon le S: 4.Dans un tel cas, la formalite ne devra donc pas etre accomplie'.

Le point de vue de la demanderesse suivant lequel, des lors que le seuilde 15 p.c. etait depasse dans le cadre de l'article 110, S: 4, precite,la premiere defenderesse, en tant qu'autorite, etait tenue d'inviter lesoumissionnaire PIT ANTWERPEN à fournir une justification est inexact ;

En effet, des que le seuil de 15 p.c. est depasse, l'autorite est tenue deverifier l'offre mais c'est en fonction de sa decision de rejeter ou nonl'offre, qu'elle doit ou non demander une justification.

2.1.2. En vertu de l'article 110, S: 4, alinea 3, precite, l'autoriteest, en outre, tenue de motiver sa decision eventuelle d'ecarter l'offresur la base de prix anormaux.

Connaitre les motifs constitue une garantie substantielle pour lesoumissionnaire ecarte dont le grief contre le montant apparemment anormalest rejete.

Cette obligation ne s'applique des lors que si l'autorite souhaite exclurele soumissionnaire.

Le point de vue de la demanderesse suivant lequel, des lors que le seuilde 15 p.c. etait depasse dans le cadre de l'article 110, S: 4, precite,la premiere defenderesse en tant qu'autorite devait exposer specifiquementdans la decision d'attribution la raison pour laquelle aucunejustification n'avait ete demandee au soumissionnaire, s.a. PIT ANTWERPEN,est, des lors, tout aussi inexact :

Si l'autorite ne rejette pas l'offre, elle n'est pas tenue d'inviter lesoumissionnaire à fournir une justification. Si le soumissionnaire n'estpas invite à fournir une justification à propos du caractere apparemmentanormal de l'offre, il ne fait valoir aucun grief qui pourrait ou nonetre rejete par l'autorite. Il ne peut, des lors, pas etre question demotivation à donner par l'autorite à cet egard.

2.2. Il ressort du dossier d'adjudication VTG 09/1-97 et 2-97 (dossier dela demanderesse, piece 8), que la premiere defenderesse, constatant qu'ily avait quatre soumissionnaires et que la s.a. PIT ANTWERPEN, en tant quesoumissionnaire le plus bas, s'ecartait effectivement de 15 p.c. de lamoyenne du montant des offres, a effectue une verification des prixunitaires et des prix totaux et a porte une attention specifique aux prixeventuellement anormaux, en application de l'article 110, S:S: 3 et 4, del'arrete royal du 8 janvier 1996.

Suivant le formulaire complete, la premiere defenderesse a constate, à cepropos, qu'il n'etait question de prix unitaires ou de prix totauxapparemment anormaux pour aucun des soumissionnaires (chaquesoumissionnaire a rec,u la mention nihil à cette rubrique).

Si, contrairement à ce que la demanderesse tente de soutenir, il ressortainsi desdits formulaires que la premiere defenderesse a effectivementverifie le caractere eventuellement anormal du prix comme requis parl'article 110,

S: 4, de l'arrete royal du 8 janvier 1996, lors de l'examen des conditionsrequises, il y a lieu de remarquer qu'il n'est pas prevu comment cetteverification doit avoir lieu concretement.

Il n'y a pas de directive generale :

Lors de l'appreciation du caractere eventuellement anormal du prix,l'autorite peut ainsi se baser sur le prix permettant à un entrepreneurd'obtenir une marge beneficiaire raisonnable apres deduction de ses frais ; l'autorite agit, à cet egard, selon ses propres convictions etpossibilites ; l'autorite peut ainsi parfaitement decider que le prixpropose est realiste et applicable sur la base de l'evaluation des prixunitaires des differentes offres ou de sa propre experience resultantd'autres marches ;

2.3. Le pouvoir de decision discretionnaire precite dans le chef de lapremiere defenderesse en tant qu'autorite lui confere un pouvoird'appreciation important dans les limites du raisonnable.

Les soumissionnaires (parmi lesquels la demanderesse) ne peuventsubstituer leur appreciation du caractere anormal ou non des prix à cellede l'autorite et le juge ne peut pas davantage le faire.

Seul un controle marginal est possible et la decision ne peut etrecritiquee que dans la mesure ou elle est manifestement deraisonnable.

Ce n'est ni plausible ni, a fortiori, etabli.

2.3.1. Il ressort au contraire des pieces produites, specialement durapport d'adjudication precite (...) que le montant de la souscription dela s.a. PIT ANTWERPEN (268.388,08 euros) ainsi que le prix de la commandecorrige apres la verification des offres (272.613,14 euros) etaientproches de l'evaluation de la premiere defenderesse (soit 266.100,00euros).

Les memes elements ne font etat que d'un faible depassement de la limitede 15 p.c. comme prevu par l'article 110, S: 4, de l'arrete royal du 8janvier 1996.

Le proces-verbal de reception des travaux comprenant le decompte demontre,en outre, que la s.a. PIT ANTWERPEN a reellement realise le marche pour ceprix (...).

On ne peut soutenir serieusement à cet egard que la decision de lapremiere defenderesse serait manifestement deraisonnable.

2.3.2. Cela vaut aussi pour les prix unitaires :

Le rapport d'adjudication precite demontre que pour les postes 27.14 et27.34 (elements de la structure en acier) (pour lesquels la demanderessesoutient que la s.a. PIT ANTWERPEN aurait souscrit à des prix anormaux)des prix unitaires similaires ont ete proposes par la sprl BOUWKANTOORLIPPENS, l'autre soumissionnaire, (article 27.14 : pour PIT 3,630 euros,pour LIPPENS, 3,710 euros ; article 27.34 : pour PIT 4,970 euros, pourLIPPENS 4,380 euros). Les deux autres soumissionnaires ont, par contre,remis des prix eleves et tres differents (article 27.14 : pour lademanderesse 20,00 euros, pour COLLEWAERT 32,00 euros ; article 26.34 :pour la demanderesse 21,00 euros, pour COLLEWAERT 36,00 euros).

Il ressort ainsi des offres de prix des quatre soumissions que les prixunitaires pour ces deux postes etaient tres differents.

Compte tenu du fait qu'un deuxieme soumissionnaire a offert des prixunitaires similaires à ceux de la s.a. PIT ANTWERPEN, la decision de lapremiere defenderesse de ne pas considerer les prix unitaires de la s.a.PIT ANTWERPEN comme etant anormaux n'etait pas manifestement deraisonnableet ne demontrait ni arbitraire ni detournement de pouvoir ».

2.4. Dans ces circonstances, il ne pouvait nullement etre conclu à unefaute à un manquement quelconque de la part de la premiere defenderessequant aux obligations en matiere de regularite des prix, comme prevu parl'article 110, S: 4, de l'arrete royal du 8 janvier 1996, ni au caracteremanifestement deraisonnable, à l'arbitraire ou au detournement de pouvoirlors de la decision discretionnaire de l'autorite quant au caractereanormal ou non des prix.

2.5. Dans le cadre des prix qu'elle pretend anormaux, la demanderessereitere l'affirmation que la premiere defenderesse aurait autorise à tortla s.a. PIT ANTWERPEN à utiliser un materiau non conforme au cahier descharges en ce qui concerne la rubrique 27 'elements de la structure enacier'.

La demanderesse affirme que la s.a. PIT ANTWERPEN n'aurait pas donne deprix pour de l'acier inoxydable resistant aux vapeurs de chlore (acierAISI 316) comme specifie dans le cahier des charges.

Cette non-conformite entrainerait, selon la demanderesse, la nullite del'offre et, eu egard à l'importance du poste, aurait une influencedecisive sur le classement.

Ce point de vue de la demanderesse ne peut pas davantage etre suivi.

Il ne ressort nullement du proces-verbal de reception provisoire du 16aout 2007 (...), specialement de 'la declaration relative à la receptionprovisoire de la structure en inox' annexee que, contrairement à ce quela demanderesse tente d'alleguer, il serait question d'un materiau nonconforme au cahier des charges.

Au contraire, il est clairement constate qu'il existe une pollution desurface sur la structure en inox de l'ascenseur installee par la s.a. PITANTWERPEN due à une manipulation incorrecte de l'inox au cours dutraitement (separation incorrecte de l'acier et de l'inox au cours dutraitement du materiau).

L'avis demande à Benoit VAN HECKE (directeur technique de la firme EUROINOX) par le chef de projet (dossier de la premiere defenderesse, piece 7)confirme clairement qu'il n'est pas question d'une selection incorrecte dumateriau, mais uniquement d'un defaut « d'hygiene » lors de lafabrication.

Il s'agit apparemment d'un probleme qui n'est pas du à un mauvaismateriau mais bien à une faute dans le traitement qui pourrait etreresolue definitivement par assainissement. La s.a. PIT ANTWERPEN s'y etaitengagee et cela aurait eu lieu entre-temps (...8).

Les affirmations de la demanderesse sont entierement contredites par ceselements, qui ne sont pas refutes par celle-ci, et contre lesquelles ellen'apporte aucun preuve.

Il n'y a pas lieu d'admettre qu'un choix de materiau contraire au cahierdes charges aurait ete fait par la s.a. PIT ANTWERPEN au moyen de prixanormaux, celle-ci ayant entre-temps effectue les travaux conformement aucahier des charges et aux prix offerts.

La demande, formulee en ordre subsidiaire, de proceder à une expertisejudiciaire à ce propos est, dans ces circonstances, sans pertinence etnon fondee.

Aucune faute ou manquement de la premiere defenderesse n'est etabli et iln'apparait pas davantage qu'elle aurait viole l'egalite entre lessoumissionnaires lors de l'attribution du marche litigieux.

La decision du premier juge doit donc etre confirmee sur ce point.

3. Les griefs et les moyens concernant une faute supposee dans le chef del'autorite adjudicatrice (premiere defenderesse) n'etant pas fondes, ilest sans interet d'examiner plus avant ce qui est invoque à propos dulien de causalite et du dommage presumes.

La demande initiale dirigee contre la premiere defenderesse demeure nonfondee dans les circonstances donnees.

Il y a lieu de confirmer la decision du premier juge en ce sens.

4. Toutes les conclusions contraires sont rejetees comme etant nonfondees, sans pertinence ou irrelevantes (...)

Griefs

Premiere branche

1. Suivant l'article 159 de la Constitution qui dispose que les cours ettribunaux n'appliqueront les arretes et reglements generaux, provinciauxet locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois, le juge a lepouvoir et l'obligation d'examiner la legalite interne et externe de toutacte administratif sur lequel une demande, une defense ou une exceptionest fondee.

2. L'article 110, S: 4, de l'arrete royal du 8 janvier 1996 relatif auxmarches publics de travaux, de fournitures et de services et auxconcessions de travaux publics dispose que :

« En cas de marche public de travaux à passer par adjudication publiqueou restreinte et pour autant qu'au moins quatre offres aient ete deposees,toute offre dont le montant s'ecarte d'au moins quinze p.c. en dessous dela moyenne des montants des offres deposees par des soumissionnairesselectionnes est consideree comme une offre exigeant la verification parle pouvoir adjudicateur de l'eventuelle anormalite de ce montant.La moyenne visee à l'alinea 1er se calcule de la maniere suivante :1DEG lorsque le nombre des offres est egal ou superieur à sept, enexcluant à la fois l'offre la plus basse et, parmi les plus elevees, unnombre d'offres representant le quart de l'ensemble des offres. Si cenombre n'est pas divisible par quatre, le quart de celui-ci est arrondi àl'unite superieure ;

2DEG lorsque le nombre des offres est inferieur à sept, en excluantl'offre la plus basse et l'offre la plus elevee.

En presence d'une offre exigeant la verification de l'eventuelleanormalite de son montant au sens du present paragraphe, le pouvoiradjudicateur doit :

1DEG soit motiver formellement dans la decision d'attribution du marchele rejet du grief d'anormalite apparente du montant de l'offre ;

2DEG soit inviter le soumissionnaire à fournir les justificationsnecessaires comme prevu au S: 3. Si, apres examen de ces justifications,le montant de l'offre est retenu comme anormal ou en l'absence dejustifications dans le delai imparti, le pouvoir adjudicateur doit, parderogation au S: 2, considerer l'offre comme irreguliere et partant commenulle de plein droit ».

Sur la base de ces dispositions, le pouvoir adjudicateur qui decide de nepas considerer comme etant anormal le prix d'un entrepreneur qui s'ecarted'au moins quinze p.c. en-dessous de la moyenne, et qui ne demande pas dejustification au soumissionnaire, est tenu dans sa decision d'attributiondu marche de motiver formellement le caractere normal de l'offre en sefondant sur les justifications de l'article 110, S: 3, de l'arrete royaldu 8 janvier 1996 - à savoir les facteurs objectifs fondes sur l'economiedu procede de construction, du procede de fabrication des produits ou dela prestation des services, sur les solutions techniques adoptees ou lesconditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnairepour executer les travaux, sur l'originalite des travaux, des fournituresou des services proposes par le soumissionnaire - ou sur d'autresjustifications objectives avancees par le pouvoir adjudicateur.

Le devoir de motivation formelle signifie que la decision doit etremotivee de maniere expresse et doit enoncer à suffisance lesconsiderations de droit et de fait fondant la decision. A cet egard, il nepeut etre tenu compte que des considerations de droit et de fait reprisesdans la decision meme ou dans d'autres pieces, auxquelles il est faitreference dans la decision, dont l'interesse a ete informe prealablementet dont il peut etre etabli qu'elles sont imputees au pouvoiradjudicateur. Il ne peut, des lors, pas etre tenu compte de motifs quisont enonces a posteriori dans le cadre d'une procedure judiciaire.

Le « rejet du grief d'anormalite apparente du montant de l'offre », dontil est fait etat à l'article 110, S: 4, alinea 3, 1DEG, de l'arrete royaldu 8 janvier 1996, vise le « grief legal » de l'article 110, S: 4,alinea 1er, de ce meme arrete royal suivant lequel il seraiteventuellement question d'un prix anormal lorsque le montant de l'offres'ecarte d'au moins quinze p.c. en-dessous de la moyenne des montants desoffres deposees par les soumissionnaires. Le « grief » ne constituenullement un grief exprime par l'administration ou un soumissionnaire,mais une presomption legale d'un prix eventuellement anormal qui obligel'administration à faire une verification motivee.

3. Dans ses conclusions, la demanderesse a souleve l'illegalite de ladecision d'attribution des lors que, nonobstant la circonstance que leprix de la societe anonyme PIT ANTWERPEN s'ecarte d'au moins quinze p.c.en-dessous de la moyenne calculee conformement à l'article 110, S: 4, del'arrete royal du 8 janvier 1996, la premiere defenderesse avait omis dansla decision d'attribution du marche, soit de motiver formellement « lerejet du grief d'anormalite apparente du montant de l'offre », soit dedemander à la societe anonyme PIT ANTWERPEN de fournir les justificationsnecessaires, comme prevu par l'article 110, S: 3, de l'arrete royal du 8janvier 1996 (...).

L'arret attaque constate que le marche litigieux, apres adjudicationpublique, a ete attribue par la premiere defenderesse à la societeanonyme PIT ANTWERPEN, que la soumission de la societe anonyme PITANTWERPEN s'ecartait d'au moins 15 p.c. en-dessous de la moyenne calculeeconformement à l'article 110, S: 4, de l'arrete royal du 8 janvier 1996,que la premiere defenderesse, conformement à l'article 110, S: 4, de cememe arrete royal etait tenue de verifier le caractere eventuellementanormal du prix de la societe anonyme PIT ANTWERPEN mais n'etait pas tenuede demander à ce soumissionnaire de fournir des justifications des lorsqu'elle n'ecartait nullement la soumission.

L'arret attaque decide que le devoir de motivation formelle, impose parl'article 110, S: 4, alinea 3, de l'arrete royal du 8 janvier 1996 nes'applique que si l'administration souhaite exclure le soumissionnaire duchef de prix anormaux, et pas lorsque l'administration, comme en l'espece,qualifie de normaux « des prix eventuellement anormaux » au sens del'article 110, S: 4, alineas 1er et 2 de ce meme arrete. Le juge d'appela, en effet decide que : « S'il n'est pas demande au soumissionnaire defournir des justifications à propos du montant apparemment anormal del'offre, celui-ci ne fait valoir aucun grief à ce propos qui pourrait ounon etre rejete par le pouvoir. Il ne peut des lors etre question demotivation à donner par l'administration dans ce cas » (...).

L'arret attaque decide ainsi à tort que « le grief » dont il est faitetat à l'article 110, S: 4, alinea 3, 1DEG, de l'arrete royal du 8janvier 1996 vise « un grief » du soumissionnaire contre la possibilitede retenir son prix comme anormal et pas contre le grief souleve par lelegislateur lui-meme contre le prix d'au moins 15 p.c. en-dessous de lamoyenne des montants des offres deposees par les soumissionnaires.

4. En limitant ainsi le champ d'application de l'obligation de motivationformelle « du rejet du grief d'anormalite apparente du montant del'offre » imposee par l'article 110, S: 4, alinea 3, 1DEG, de l'arreteroyal du 8 janvier 1996 dans la decision d'attribuer le marche, et enexcluant de l'obligation de motivation formelle la decision litigieuse dela premiere defenderesse de considerer le prix offert par la societeanonyme PIT ANTWERPEN comme etant normal et de ne pas demander dejustification à la societe anonyme PIT ANTWERPEN, l'arret attaque violel'article 159 de la Constitution et l'article 103, S:S: 3 et 4, del'arrete royal du 8 janvier 1996, dans leur version visee au moyen.

La seule circonstance retenue par l'arret attaque que la premieredefenderesse a verifie « le caractere eventuellement anormal » des prix,des lors que selon le rapport d'adjudication elle a indique pour chaquesoumission la mention « nihil » à la rubrique prix unitaire ou globauxanormaux, ne permettait en tout cas pas de conclure que la premieredefenderesse a agi en conformite avec l'article 110, S: 4, de l'arreteroyal du 8 janvier 1996, des lors qu'il n'apparait pas que, conformementau devoir de motivation formelle impose par l'article 110, S: 4, alinea 3,1DEG, de l'arrete royal du 8 janvier 1996, les motifs pour lesquels leprix de la societe anonyme PIT ANTWERPEN en particulier a ete considerecomme etant normal par la premiere defenderesse, ont ete mentionnes àsuffisance dans la decision d'attribution du marche (violation desarticles 159 de la Constitution coordonnee, 110, S:S: 3 et 4 de l'arreteroyal du 8 janvier 1996, dans leur version visee au moyen).

L'arret attaque ne pouvait, des lors, pas rejeter legalement lespretentions de la demanderesse à l'indemnite forfaitaire prevue àl'article 15 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fourniture et de services, egale à 10p.c. du montant de l'offre (violation des memes dispositions ainsi que del'article 15 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fourniture et de services).

(...)

III. la decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la recevabilite du moyen dans son ensemble :

1. La seconde defenderesse soutient que le moyen est irrecevable des lorsqu'en vertu de l'article 15 de la loi du 24 decembre 1993 relative auxmarches publics et à certains marches de travaux, de fourniture et deservices, la demanderesse ne peut pretendre à une indemnite forfaitairede 10 p.c. que si le marche ne lui est pas attribue alors qu'elle avaitremis l'offre reguliere la plus basse. Il ressort de la decision des jugesd'appel que la premiere defenderesse pouvait raisonnablement decider quela societe anonyme PIT ANTWERPEN avait remis l'offre reguliere la plusbasse, que la demanderesse n'etait pas le soumissionnaire regulier le plusbas et n'avait, des lors, pas droit à cette indemnite de sorte que lemoyen, fut-il fonde, ne saurait entrainer la cassation.

2. La motivation formelle du rejet du grief d'anormalite apparente dumontant de l'offre, prescrit par l'article 110, S: 4, alinea 3, 1DEG, del'arrete royal du 8 janvier 1996, avant de proceder à l'attribution ausoumissionnaire sans lui demander au prealable de fournir lesjustifications necessaires, est une formalite substantielle dont lenon-respect invoque entraine l'illegalite de l'acte administratifconcerne.

La decision du juge d'appel sur la necessite de motiver ne se distinguepas de celle sur la regularite de l'attribution du marche de sorte que laviolation invoquee de l'article 110, S: 4, alinea 3, 1DEG, precite est denature à entrainer une cassation totale.

Il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir opposee au moyen.

Quant à la premiere branche :

Sur la fin de non-recevoir :

3. La premiere defenderesse soutient que le moyen, en sa premiere branche,est irrecevable des lors que les articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ne sontpas cites parmi les dispositions legales violees.

4. Le grief est fonde sur la violation du devoir de motivation formelledont il est fait etat à l'article 110, S: 4, alinea 3, 1DEG, de l'arreteroyal du 8 janvier 1996 relatif aux marches publics de travaux, defourniture et de services et aux concessions de travaux publics, qui estvise comme disposition violee.

Il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir.

5. La premiere defenderesse soutient par ailleurs que le moyen, en sapremiere branche, est irrecevable à defaut d'interet des lors que le juged'appel a decide que le marche a ete, à juste titre, attribue à lasociete anonyme PIT ANTWERPEN, qui a remis l'offre reguliere la plusbasse.

6. Il y a lieu de rejeter egalement cette fin de non-recevoir par lemotif enonce dans le considerant 2.

Sur le bien-fonde

7. En vertu de l'article 110, S: 4, alinea 1er, de l'arrete royal du 8janvier 1996 relatif aux marches publics de travaux, de fourniture et deservices et aux concessions de travaux publics, en cas de marche public detravaux à passer par adjudication publique ou restreinte et pour autantqu'au moins quatre offres aient ete deposees, toute offre dont le montants'ecarte d'au moins quinze p.c. en-dessous de la moyenne des montants desoffres deposees par des soumissionnaires selectionnes est consideree commeune offre exigeant la verification par le pouvoir adjudicateur del'eventuelle anormalite de ce montant.

En vertu de l'article 110, S: 4, alinea 3, de cet arrete, en presenced'une offre exigeant la verification de l'eventuelle anormalite de sonmontant au sens de ce paragraphe, le pouvoir adjudicateur doit :

1DEG soit motiver formellement dans la decision d'attribution du marchele rejet du grief d'anormalite apparente du montant de l'offre ;

2DEG soit inviter le soumissionnaire à fournir les justificationsnecessaires comme prevu au S: 3. Si, apres examen de ces justifications,le montant de l'offre est retenu comme anormal ou en l'absence dejustifications dans le delai imparti, le pouvoir adjudicateur doit, parderogation au S: 2, considerer l'offre comme irreguliere et partant commenulle de plein droit.

8. Il ressort de ces dispositions qu'en cas de marche public de travaux àpasser par adjudication publique ou restreinte et pour autant qu'au moinsquatre offres aient ete deposees, toute offre dont le montant s'ecarted'au moins quinze p.c. en dessous de la moyenne des montants des offresdeposees par des soumissionnaires selectionnes est consideree comme uneoffre exigeant la verification par le pouvoir adjudicateur de l'eventuelleanormalite de ce montant et que dans un tel cas, le pouvoir adjudicateurn'est pas necessairement tenu de demander au prealable au soumissionnairede fournir les justifications necessaires mais peut decider immediatementd'attribuer le marche à ce soumissionnaire, à condition de motiverformellement pour quel motif le grief d'anormalite apparente de l'offreest rejete.

9. Le juge d'appel qui decide que le pouvoir qui attribue le marchenonobstant le depassement du seuil de 15 p.c. sans demander dejustification au soumissionnaire à propos du prix apparemment anormal del'offre, n'est pas tenu de motiver sa decision, viole l'article 110, S: 4,alinea 3, de l'arrete royal du 8 janvier 1996.

Dans cette mesure le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Stassijns, les conseillersBeatrijs Deconinck, Alain Smetryns, Koen Mestdagh et Geert Jocque, etprononce en audience publique du vingt-six octobre deux mille douze par lepresident de section Eric Stassijns, en presence de l'avocat generalChristian Vandewal, avec l'assistance du greffier delegue VeroniqueKosynsky.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

26 octobre 2012 C.10.0533.N/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0533.N
Date de la décision : 26/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-10-26;c.10.0533.n ?
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