Cour de cassation de Belgique
Arret
5899
NDEG C.11.0609.F
VILLE DE LA LOUVIERE, representee par son college communal, dont lesbureaux sont etablis à La Louviere, en l'hotel de ville,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ou il est faitelection de domicile,
contre
O. P.,
defendeur en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 21 octobre2010 par le tribunal de police de Mons, statuant en dernier ressort.
Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 7 et 51 du decret wallon du 27 juin 1996 relatif aux dechets ;
- article 119bis, specialement S:S: 7, 8 et 8bis, de la nouvelle loicommunale, codifiee par arrete royal du 24 juin 1988.
Decisions et motifs critiques
Le jugement attaque rec,oit [le recours] du defendeur, le declare fonde,met à neant la decision [administrative querellee] et condamne lademanderesse aux frais et depens ramenes à la somme de 150 euros, auxmotifs suivants :
« L'article 59 du reglement communal repute depot clandestin, entreautres, les recipients conformes, contenant des dechets, deposes en dehorsdes heures et jours prevus ;
(...) Le fait reproche est constitutif d'infraction aux articles 59 et 63du reglement communal de la ville de La Louviere ;
L'article 59, repris in extenso dans la decision querellee, vise le depotclandestin et l'article 63, egalement repris in extenso, interdit `dedeposer, de faire deposer, d'abandonner des dechets menagers [...] outoute autre chose ou tout objet sur la voie publique ou tout autre lieupublic, sauf ceux qui sont prevus à cet effet' ;
[Le defendeur] objecte que le decret du Conseil regional wallon du 27 juin1996 relatif aux dechets, en son article 7, interdit d'abandonner lesdechets ou de les manipuler au mepris des dispositions legales etreglementaires, à peine de sanctions penales (articles 51 et suivants) ;
Il en deduit que les infractions reprochees constituent des infractionsmixtes et qu'en consequence, le fonctionnaire sanctionnateur ne pouvaitinfliger une amende administrative qu'au cas ou le procureur du Roi avait,dans les deux mois, decide de ne pas donner de suite au fait reproche ;
Cette objection ne manque pas de pertinence, des lors que l'article119bis, S: 8bis, de la nouvelle loi communale enonce que, `si, en dehorsdes cas de concours mentionnes au paragraphe 7, un fait constitue à lafois une infraction penale et une infraction administrative, lesprocedures prevues pour les infractions visees aux articles du livre II,titre X, du Code penal et aux articles 526, 534bis, 534ter, 537 et 545 duCode penal sont d'application' ;
Ces procedures sont celles qui sont prevues à l'article 119bis, S: 7,1DEG, et S: 8, alinea 2 ;
En l'espece, le proces-verbal de constatation n'a pas ete transmis auprocureur du Roi mais au seul fonctionnaire sanctionnateur », de sorteque « la decision querellee n'est pas legale » et que « le recours doitetre declare fonde ».
Griefs
L'article 59 du reglement communal de police de la demanderesse, dont letexte est cite par la decision du fonctionnaire sanctionnateur du 14 mai2009, dispose comme suit :
« Le depot clandestin
Sont consideres comme depots clandestins sur la voie publique ou lesendroits prives accessibles au public :
- les recipients non conformes contenant des dechets, ne respectant pasles articles 49 à 56 ;
- les recipients conformes, contenant des dechets, deposes en dehors desheures et jours prevus conformement aux articles 45 et 46 du presentreglement ;
- tous recipients ou caisses en carton (conformes ou non) contenant desdechets, en dehors des lieux de ramassage prevus, tels qu'ils sont definisà l'article 46 du present reglement ».
Quant à l'article 63 du meme reglement de police, tel qu'il est cite dansla decision du fonctionnaire sanctionnateur, il dispose :
« Depot dans les lieux et sur la voie publique
Il est interdit de deposer, de faire deposer, d'abandonner ou de faireabandonner des dechets menagers, des materiaux de demolition, des epavesou toute chose ou tout objet sur la voie publique ou tout autre lieupublic, sauf ceux qui sont prevus à cet effet par autorisation speciale,telles que, par exemple, les autorisations relatives aux emplacements deconteneurs ».
Le jugement attaque constate que le comportement reproche au defendeur estconstitutif d'une infraction à ces dispositions du reglement de police etqu'il s'est vu infliger, de ce chef, une amende administrative.
Un meme comportement peut, à la fois, etre constitutif d'une infractionà un reglement communal de police, infraction passible d'une sanctionadministrative, et d'une infraction penale, passible d'une sanctionpenale.
Le principe « non bis idem » s'oppose toutefois à ce que la memeinfraction soit sanctionnee deux fois, une premiere fois au moyen d'unesanction administrative, une seconde fois par une sanction penale. Lesmodalites mises en oeuvre par le legislateur pour eviter cette doublesanction varient en fonction de la gravite de l'infraction.
Ces modalites sont prevues par l'article 119bis, S: 7, 1DEG, et S: 8,alinea 2, de la nouvelle loi communale, applicable lorsque les faits sontà la fois constitutifs d'une infraction administrative et d'uneinfraction aux dispositions du Code penal qui y sont enumerees (infraction« mixte »). En pareille hypothese d'infraction mixte, l'original duconstat doit etre envoye au parquet du procureur du Roi dans le mois de laconstatation de l'infraction. A defaut, aucune sanction administrative nepeut etre infligee.
Le paragraphe 8bis de l'article 119bis de la nouvelle loi communale, citepar le jugement attaque comme etant applicable en l'espece, vise les casde concours qui peuvent se presenter en dehors de ceux mentionnes auparagraphe 7. Pour rappel, selon cette disposition, « si, en dehors descas de concours mentionnes au paragraphe 7, un fait constitue à la foisune infraction penale et une infraction administrative, les proceduresprevues pour les infractions visees aux articles du livre II, titre X, duCode penal et aux articles 526, 534bis, 534ter, 537 et 545 du Code penalsont d'application ».
Le decret wallon du 27 juin 1996 relatif aux dechets dispose, en sonarticle 7, S: 1er, qu' « il est interdit d'abandonner les dechets ou deles manipuler au mepris des dispositions legales et reglementaires ».Selon le paragraphe 2 de la meme disposition, « toute personne quiproduit ou detient des dechets est tenue d'en assurer ou d'en faireassurer la gestion dans des conditions propres à limiter les effetsnegatifs sur les eaux, l'air, le sol, la flore, la faune, à eviter lesincommodites par le bruit et les odeurs et, d'une fac,on generale, sansporter atteinte ni à l'environnement ni à la sante de l'homme », leparagraphe 3 prevoyant que « les dechets sont, soit geres par leproducteur des dechets, soit cedes à une personne agreee ou enregistreepour les gerer, soit cedes à un etablissement autorise ou declare pourles gerer ».
Au titre des sanctions penales, l'article 51 du meme decret wallon disposeque commet une infraction de deuxieme categorie au sens de la partie VIIIde la partie decretale du livre Ier du Code de l'environnement celui quicontrevient aux articles 3, S:S: 1er et 2, 6, 7, S:S: 1er, 2 et 5, 8, 10,14, 19, S: 3, et 23 du decret ou aux mesures prises pour leur execution.
L'article 7 precite est repris au chapitre III, section 1ere (dispositionscommunes) du decret, chapitre intitule « Prevention et limitation desnuisances lors de la gestion des dechets ». Cette disposition s'inseredans une section concernant la gestion des dechets, les modalites ettechniques de gestion des dechets, les procedures d'agrement etd'enregistrement. Elle est toutefois etrangere à la situation qui a donnelieu à l'amende administrative infligee au defendeur (à savoir l'abandond'une caisse de dechets sur la voie publique par un particulier) et viseepar les articles 59 et 63 du reglement de police de la demanderesse.
Il s'ensuit que le jugement attaque, qui met à neant la decision dufonctionnaire sanctionnateur au motif que le proces-verbal de constatationn'a pas ete transmis au procureur du Roi, ne justifie pas legalement sadecision et viole l'article 119bis, S:S: 7, 8 et 8bis, de la nouvelle loicommunale, dans la mesure ou l'infraction constatee à charge [du]defendeur, et visee par les articles 59 et 63 du reglement general depolice de la [demanderesse], ne constituait pas, en meme temps, uneinfraction penale visee aux articles 7 et 51 du decret regional wallon du27 juin 1996 (violation des articles 7 et 51 du decret wallon du 27 juin1996 relatif aux dechets).
III. La decision de la Cour
L'article 7 du decret wallon du 27 juin 1996 relatif aux dechetsapplicable au litige dispose, en son paragraphe 1er, qu'il est interditd'abandonner les dechets ou de les manipuler au mepris des dispositionslegales et reglementaires, en son paragraphe 2, que toute personne quiproduit ou detient des dechets est tenue d'en assurer ou d'en faireassurer la gestion dans des conditions propres à limiter les effetsnegatifs sur les eaux, l'air, le sol, la flore, la faune, à eviter lesincommodites par le bruit et les odeurs et, d'une fac,on generale, sansporter atteinte ni à l'environnement ni à la sante de l'homme, et, enson paragraphe 3, que les dechets sont, soit geres par le producteur desdechets, soit cedes à une personne agreee ou enregistree pour les gerer,soit cedes à un etablissement autorise ou declare pour les gerer.
Ces dispositions sont enoncees au chapitre III du decret, intitulePrevention et limitation des nuisances lors de la gestion des dechets, etles paragraphes 1er et 2 constituent des infractions penalementpunissables en vertu de l'article 51 du meme decret.
L'article 2, 8DEG, du meme decret definit la gestion comme la collecte oule transport ou la valorisation ou l'elimination des dechets, y compris lasurveillance de ces operations, ainsi que la surveillance et la remise enetat des sites d'elimination ou de valorisation apres leur fermeture.
Il resulte des articles 7, S:S: 1er à 3, et 2, 8DEG, precites qu'ils nes'appliquent pas à l'abandon par un particulier d'une caisse contenantdes papiers et publicites sur la voie publique, punissable en vertu desarticles 59 et 63 du reglement de police de la demanderesse.
Le jugement attaque, qui considere que pareil fait reproche au defendeurconstitue à la fois une infraction penale et une infractionadministrative et que, des lors, le proces-verbal de constatation de cefait aurait du etre transmis au procureur du Roi en vertu de l'article119bis, S: 8bis, de la nouvelle loi communale, ne justifie pas legalementsa decision de mettre à neant la decision du fonctionnaire sanctionnateurau motif que le proces-verbal a ete transmis à ce seul fonctionnaire.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque, sauf en tant qu'il rec,oit le recours ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de police deCharleroi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce enaudience publique du vingt-cinq octobre deux mille douze par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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25 octobre 2012 C.11.0609.F/1