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22/10/2012 | BELGIQUE | N°S.12.0031.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 octobre 2012, S.12.0031.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5712



NDEG S.12.0031.F

1. P. G. et

2. I.-A. G.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

Centre PUBLIC d'action sociale de Charleroi, dont les bureaux sont etablisà Charleroi, boulevard Joseph II, 13,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est

etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pou...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5712

NDEG S.12.0031.F

1. P. G. et

2. I.-A. G.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

Centre PUBLIC d'action sociale de Charleroi, dont les bureaux sont etablisà Charleroi, boulevard Joseph II, 13,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 decembre 2011par la cour du travail de Mons.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1er, alinea 1er, et 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976organique des centres publics d'action sociale ;

- article 9bis, S: 1er, de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers ;

- article 23 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret confirme pour l'essentiel le jugement entrepris, en limitant lareformation à « la seule precision ou emendation que l'aide socialedevait etre à nouveau allouee [aux demandeurs], non à partir du 20 juin2011, mais à partir du 14 juin 2011 ».

L'arret se fonde sur les motifs suivant lesquels l'article 57, S: 2,alinea 1er, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publicsd'action sociale « etablit [...] une distinction, en matiere d'aidesociale, entre les etrangers selon qu'ils sejournent legalement ouillegalement sur le territoire ; [il] prevoit en effet que l'aide socialeaccordee aux etrangers sejournant illegalement sur le territoire estlimitee à l'aide medicale urgente ;

Est constitutif de sejour illegal, le sejour sans autorisation d'entree,de sejour ou d'etablissement ou lorsqu'on ne se trouve pas dans une descategories d'etrangers admis de plein droit à sejourner (voir, à cesujet, C. Arb., arret nDEG 131/2001 du 31 octobre 2001 ; S. Moureaux etJ.P. Lagasse in Le statut des etrangers, commentaires de la loi du 15decembre 1980, pp. 228 à 230) ;

Se trouvent des lors en sejour illegal, les etrangers qui, soit ont accedeau territoire sans autorisation et sont demeures dans la clandestinite,soit sejournent sur le territoire apres l'expiration de la periode pourlaquelle ils avaient obtenu l'autorisation requise, soit ont ete deboutesde leur demande d'asile (voir C. Arb., arret nDEG 131/2001 du 30 octobre2001 ; S. Moureaux et J.P. Lagasse, in Le statut des etrangers,commentaires de la loi du 15 decembre 1980, pp. 228 à 230) ;

Cette situation correspond à celle [des demandeurs]. A cet egard,l'introduction d'une autorisation de sejour temporaire pour circonstancesexceptionnelles, comme celle qui fut (trop) longtemps pendante, ne peut ensoi conferer un caractere legal à la presence sur le territoirenational : un demandeur en autorisation de sejour provisoire pourcirconstances exceptionnelles se trouve bien en situation illegale sur leterritoire national, nonobstant la demande introduite sur la base del'article 9, aliena 3, de la loi du 15 decembre 1980 et ce, tant que sonrecours n'aura pas abouti. La jurisprudence est à cet egard constante :l'introduction d'une demande fondee sur l'article 9, alinea 3, de la loidu 15 decembre 1980 n'a pas pour effet de conferer à un sejour, parailleurs illegal, une quelconque legalite (voir notamment tribunal dutravail de Charleroi, 21 janvier 2003, R.D.E., 2003, nDEG 122, p. 78) ».

L'arret en deduit que, « cela etant, trouve à s'appliquer en tel casl'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976 [...] dans toute sarigueur, notamment en ce qu'il limite l'aide sociale à l'aide medicaleurgente. Il en decoule que les personnes concernees ne peuvent pretendreà titre personnel qu'à l'aide medicale urgente, pour autant que leuretat de besoin soit etabli, ce qui n'est pas conteste mais ne constituepas l'objet du present litige ».

Griefs

La Constitution, en son article 23, alinea 1er, proclame le droit dechacun de mener une vie conforme à la dignite humaine. Selon le deuxiemealinea de cet article, la loi garantit à cette fin, en tenant compte desobligations legales correspondantes, les droits economiques, sociaux etculturels, et determine les conditions de leur exercice. L'article 23,alinea 3, inclut expressement parmi les droits sociaux ainsi garantis ledroit à l'aide sociale.

L'aide sociale, qui, comme l'affirme l'article 1er, alinea 1er, de la loidu 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, aprecisement pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme àla dignite humaine, est, en vertu du second alinea du meme article,assuree par les centres publics d'action sociale dans les conditions quecette loi determine.

Selon l'article 57, S: 1er, de la loi du 8 juillet 1976, le centre publicd'action sociale a pour mission d'assurer aux personnes et aux famillesl'aide due par la collectivite. Cette aide n'est pas necessairementfinanciere, mais peut etre materielle, sociale, medicale, medico-socialeou psychologique.

L'article 57, S: 2, 1DEG, de la meme loi precise que, par derogation auxautres dispositions de la loi, la mission du centre public d'actionsociale se limite à l'octroi de l'aide medicale urgente à l'egard d'unetranger qui sejourne illegalement dans le royaume.

Par ailleurs, aux termes de l'article 9bis, S: 1er, de la loi du 15decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers,

« Lors de circonstances exceptionnelles et à la condition que l'etrangerdispose d'un document d'identite, l'autorisation de sejour peut etredemandee aupres du bourgmestre de la localite ou il sejourne, qui latransmettra au ministre ou à son delegue. Quand le ministre ou sondelegue accorde l'autorisation de sejour, celle-ci sera delivree enBelgique.

La condition que l'etranger dispose d'un document d'identite n'est pasapplicable :

- au demandeur d'asile dont la demande d'asile n'a pas fait l'objet d'unedecision definitive ou qui a introduit un recours en cassationadministrative declare admissible conformement à l'article 20 des loissur le Conseil d'etat, coordonnees le 12 janvier 1973, et ce, jusqu'aumoment ou un arret de rejet du recours admis est prononce ;

- à l'etranger qui demontre valablement son impossibilite de se procureren Belgique le document d'identite requis ».

Il est constant qu'il appartient au ministre competent, avant de prendreune mesure d'eloignement, de statuer sur la demande de sejour de plus detrois mois formulee apres un expose des circonstances exceptionnellesjustifiant l'introduction de la demande.

Il decoule de ce qui precede qu'il est interdit que soit mise à executiondurant l'examen de la demande de regularisation toute mesure d'eloignementqu'eut autrement justifiee la situation de l'etranger. Celui-ci se trouveainsi autorise, eu egard au but poursuivi par le legislateur tendant àregler les difficultes liees à la politique concernant l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, àprolonger sur le territoire du royaume son sejour pourtant entached'illegalite.

Des lors, l'economie de l'ensemble des dispositions legales etconstitutionnelles precitees implique que la limitation du droit à l'aidesociale prevue à l'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976 nes'applique pas à un etranger contre qui il ne peut pas etre procedemateriellement à un eloignement.

En l'espece, il ressort des constatations de l'arret que 1. [lesdemandeurs] ont obtenu des titres de sejour temporaires en vertu d'uneordonnance du 27 janvier 2009 prononcee par le president du tribunal depremiere instance de Bruxelles ; 2. cette ordonnance ne fut retractee quepar un arret de la cour d'appel de Bruxelles du 8 janvier 2010 ; 3.entre-temps, [les demandeurs] avaient adresse au ministre de l'Interieurune demande de regularisation de sejour sur pied de l'article 9bis de laloi du 15 decembre 1980 afin de se voir delivrer une autorisation desejour sur le territoire national.

Il suit du rapprochement de ces constatations et des principesconstitutionnels et legaux ci-avant rappeles que la decision de l'arret dedeclarer l'appel [des demandeurs], pour l'essentiel, depourvu de fondementn'est pas legalement justifiee (violation des dispositions legales viseesau moyen).

III. La decision de la Cour

Il ne se deduit ni de l'article 9bis, S: 1er, de la loi du 15 decembre1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers, qui permet, lors de circonstancesexceptionnelles, que l'autorisation de sejour soit demandee aupres dubourgmestre de la localite ou sejourne l'etranger et dispose que, dans cecas, si l'autorisation est accordee, elle est delivree en Belgique, nid'aucune des autres dispositions legales dont le moyen invoque laviolation qu'il est interdit que soit mise à execution durant l'examen decette demande une mesure d'eloignement que justifierait la situation del'etranger.

Le moyen, qui repose sur le soutenement contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le defendeur auxdepens.

Les depens taxes à la somme de deux cent six euros quarante-sept centimesen debet envers les parties demanderesses et à la somme de centtrente-quatre euros nonante-six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du vingt-deux octobre deux mille douze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Simon | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

22 octobre 2012 S.12.0031.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0031.F
Date de la décision : 22/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-10-22;s.12.0031.f ?
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