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11/10/2012 | BELGIQUE | N°C.12.0044.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 octobre 2012, C.12.0044.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1585



NDEG C.12.0044.F

N. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. J. D.,

2. D. R., avocat, en qualite d'administrateur provisoire des biens de M.D.,

defenderesses en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 septembre2011 par la cour d'

appel de Mons.

Le 20 septembre 2012, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Chri...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1585

NDEG C.12.0044.F

N. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. J. D.,

2. D. R., avocat, en qualite d'administrateur provisoire des biens de M.D.,

defenderesses en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 septembre2011 par la cour d'appel de Mons.

Le 20 septembre 2012, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat generalJean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1387, 1388, 1389, 1390, 1405.4, 1451 et 1453 du Code civil ;

- principe general du droit relatif aux renonciations à un droit.

Decisions et motifs critiques

L'arret, par confirmation du jugement entrepris, declare non fondee lademande de la demanderesse tendant à l'annulation de la vente del'immeuble situe à R., en Espagne.

L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sub« Discussion » et plus particulierement sur la consideration que :

« [La demanderesse] declare fonder son action sur les dispositions desarticles 1418 et 1422 du Code civil ;

L'article 1418, 1, a), du Code civil, relatif à la gestion du patrimoinecommun, dispose que le consentement des deux epoux est requis pour alienerles biens susceptibles d'hypotheque ;

L'article 1422 du meme code prevoit que le tribunal de premiere instancepourra, à la demande de l'un des epoux justifiant d'un interet legitimeet sans prejudice des droits des tiers de bonne foi, annuler l'acteaccompli par l'autre epoux en violation notamment de l'article 1418 ;

Ces regles regissant la gestion du patrimoine commun des epoux, ils'impose de verifier prioritairement si l'immeuble de R. dependait de lacommunaute des epoux [...] ;

En matiere de regimes matrimoniaux, le principe consacre par l'article1387 du Code civil est celui de l'autonomie de la volonte des epoux, sousreserve des restrictions de droit commun prohibant les clauses contrairesà l'ordre public ou aux bonnes moeurs, des regles imperatives de la loidu 14 juillet 1974 qui ne sont pas ici en cause et des principes ou reglesstructurelles caracterisant le regime choisi, le contrat ne pouvantcontenir aucune clause contraire aux caracteristiques essentielles duditregime [...] ;

Le contrat de mariage [...] reprend à son article 1er que les epoux ontadopte, `pour base de leur union, le regime de la communaute universelleavec les modalites ci-apres' et qu' `en consequence, la communautecomprendra tous leurs biens tant meubles qu'immeubles, presents et futurs,à l'exclusion des biens qui ont un caractere personnel et des droitsexclusivement attaches à la personne et en particulier des droits visesà l'article 1401 du Code civil' ;

A son article 2, il enonce que [le mari] declare faire apport à lacommunaute de deux maisons d'habitation situees à J. et d'une maisond'habitation situee à M.-S.-J. ;

Aucune allusion à l'immeuble de R. n'y figure ;

Il en resulte une apparente contradiction entre, d'une part, ladeclaration du choix d'un regime matrimonial qui cree une communaute debiens englobant l'ensemble des meubles et immeubles presents et futurs dechacun des epoux et, d'autre part, une clause d'apport ne reprenant pasl'un des immeubles d'un des epoux ;

Il convient donc de rechercher quelle a ete la volonte reelle des parties,en appliquant les regles d'interpretation des conventions en general, soitles dispositions des articles 1154 à 1162 du Code civil ;

L'examen d'une autre clause du contrat permet, en l'espece, de lever cetteambiguite apparente ;

En effet, l'article 4, qui traite de la dissolution de la communaute parle deces, precise que `la communaute, telle qu'elle est decrite ci-avant,ne sera pas partagee par moitie [...] et appartiendra en pleine proprieteau survivant des epoux à dater du deces' ;

Lue au regard de l'article 2 du contrat et compte tenu de ce que [lademanderesse] n'a, de son cote, apporte aucun immeuble à la communaute,cette clause impose de considerer que la volonte des parties a ete decreer une communaute universelle dont les actifs immobiliers etaient, aujour de la passation de l'acte, constitues des biens precisement decritsà l'article 2 ;

L'immeuble de R. en a, des lors, ete exclu ;

Cette exclusion etant la seule, elle ne peut etre consideree comme privantle regime de communaute universelle choisi de ses principes structurelsessentiels ;

C'est donc à juste titre que le premier juge a deboute [la demanderesse]de son action ».

Griefs

En vertu de l'article 1453 du Code civil, lorsque les epoux conviennentqu'il y aura entre eux communaute universelle, ils font entrer dans lepatrimoine commun tous leurs biens presents et futurs, à l'exception deceux qui ont un caractere personnel et des droits exclusivement attachesà la personne.

Le patrimoine commun comprend donc en principe tous les biens des epoux,presents et à venir, à l'exception des biens à caractere personnel,ceux qui sont donnes ou legues à un epoux avec stipulation qu'ilsresteront propres au beneficiaire et les droits exclusivement attaches àla personne, qui conservent un caractere propre.

Les epoux choisissent toutefois librement de determiner le contenu de leurregime matrimonial. En vertu de l'article 1387 du Code civil, les epouxreglent leurs conventions matrimoniales comme ils le jugent à propos,pourvu qu'elles ne contiennent aucune disposition contraire à l'ordrepublic ou aux bonnes moeurs. Les articles 1388 et 1389 de ce codecontiennent egalement des regles auxquelles il ne peut etre deroge.L'article 1390 du meme code dispose qu'à defaut de conventionsparticulieres, les regles du regime legal forment le droit commun. Il suitde ces dispositions que les epoux doivent necessairement adopter un regimematrimonial. Ceci signifie qu'en vue de la protection des patrimoines desepoux, le contrat de mariage ne peut contenir aucune disposition contraireaux caracteristiques essentielles du regime choisi.

S'il est admis que les parties qui adoptent un regime de communauteuniverselle puissent limiter leurs apports aux seuls biens presents ou auxseuls biens futurs ou encore exclure certains biens de la communaute,encore faut-il cependant que le contrat de mariage le stipuleexpressement.

Le regime de la communaute universelle integre la presomption decommunaute de l'article 1405.4 du Code civil. Ce regime est donc soumisaux regles imperatives du regime à patrimoine commun. Les epoux restentegalement soumis aux regles du regime legal auxquelles leur contrat demariage ne deroge pas (articles 1387, 1388, 1389, 1390 et 1451 du Codecivil).

Or, en vertu de l'article 1405.4 du Code civil, sont communs tous lesbiens dont il n'est pas prouve qu'ils sont propres à l'un des epoux parapplication d'une disposition de la loi. Tous les biens des epoux sontainsi presumes communs, sauf preuve contraire.

Lorsque les epoux ont fait choix du regime de la communaute universelle,pareille preuve ne peut resulter [que] de faits ou d'actes nonsusceptibles d'une autre interpretation. L'exclusion d'un bien de lacommunaute revient en effet à renoncer partiellement à unecaracteristique fondamentale de ce reglement qui fait entrer en communautetous les biens presents et futurs des epoux (principe general du droitrelatif à la renonciation à un droit).

Elle ne saurait des lors se deduire de la seule circonstance qu'un biensoit omis de la liste des biens presents apportes à la communauteuniverselle.

Il s'ensuit qu'en considerant que l'immeuble de R. a ete exclu de lacommunaute universelle des epoux, au seul motif que la clause d'apport,qui vise cependant tous les biens meubles ou immeubles presents ou futursdes epoux, ne reprenait pas l'immeuble de R. et que l'article 4 du contratse refere à « la communaute, telle qu'elle est decrite ci-avant »,alors que cette omission n'implique pas necessairement à elle seule quecet immeuble ait ete exclu, l'arret viole toutes les dispositions viseesau moyen, et specialement les articles 1405.4 et 1453 du Code civil, etmeconnait le principe general du droit relatif aux renonciations à undroit.

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 1453, alinea 1er, du Code civil, lorsque les epouxconviennent qu'il y aura entre eux communaute universelle, ils font entrerdans le patrimoine commun tous leurs biens presents et futurs, àl'exception de ceux qui ont un caractere personnel et des droitsexclusivement attaches à la personne.

Conformement à l'article 1387 de ce code, qui dispose que les epouxreglent leurs conventions matrimoniales comme ils le jugent à propos,pourvu qu'elles ne contiennent aucune disposition contraire à l'ordrepublic ou aux bonnes moeurs, les epoux qui adoptent le regime de lacommunaute universelle sont, à la condition de respecter les caracteresessentiels de ce regime, libres d'exclure certains biens de la communaute.

Pareille stipulation doit etre certaine des lors qu'en vertu de l'article1405.4 du Code civil, sont communs tous biens dont il n'est pas prouvequ'ils sont propres à l'un des epoux par application d'une disposition dela loi.

L'arret attaque constate que « le contrat de mariage [...] reprend à sonarticle 1er que les epoux ont adopte `pour base de leur union le regime dela communaute universelle' et `qu'en consequence, la communaute comprendratous leurs biens tant meubles qu'immeubles, presents et futurs, àl'exclusion des biens qui ont un caractere personnel et des droitsexclusivement attaches à la personne' », et qu'« à son article 2, ilenonce que [le mari] declare faire apport à la communaute de deux maisonsd'habitation à J. et d'une maison d'habitation à M.-S.-J. », sansqu'« aucune allusion à l'immeuble [litigieux] y figure ».

Relevant ensuite que « l'article 4 [du contrat], qui traite de ladissolution de la communaute par le deces, precise que `la communaute,telle qu'elle est decrite ci-avant, ne sera pas partagee par moitie [...]et appartiendra en pleine propriete au survivant des epoux à dater dudeces », l'arret considere que, « lu au regard de l'article 2 du contratet compte tenu que [la demanderesse] n'a, de son cote, apporte aucunimmeuble à la communaute, cette clause impose de considerer que lavolonte des parties a ete de creer une communaute universelle dont lesactifs etaient, au jour de la passation de l'acte, constitues des biensprecisement decrits à l'article 2 » et dont « l'immeuble [litigieux] a,des lors, ete exclu ».

En se fondant, non sur la circonstance que le bien litigieux aurait eteomis de la liste des biens presents apportes à la communaute, mais sur lavolonte des parties au contrat de decrire precisement la teneur decelle-ci, et en ajoutant que « l'exclusion [du bien litigieux] etant laseule, elle ne peut etre consideree comme privant le regime de communauteuniverselle choisi de ses principes structurels essentiels », l'arret neviole aucune des dispositions legales et ne meconnait pas le principegeneral du droit vises au moyen.

Celui-ci ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille deux cent septante-sept eurosquatre-vingt-cinq centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Alain Simon etMichel Lemal, et prononce en audience publique du onze octobre deux milledouze par le president Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

11 octobre 2012 C.12.0044.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0044.F
Date de la décision : 11/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-10-11;c.12.0044.f ?
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