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11/10/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0260.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 octobre 2012, C.10.0260.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1612



NDEG C.10.0260.F

1. L. S. et

2. M. P.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

1. M. I. et

2. S. C.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

e

n presence de

IMMOBILIERE LE LION, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, avenue Delleur, 8,

partie a...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1612

NDEG C.10.0260.F

1. L. S. et

2. M. P.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

1. M. I. et

2. S. C.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

en presence de

IMMOBILIERE LE LION, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, avenue Delleur, 8,

partie appelee en declaration d'arret commun,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 novembre2009 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 20 septembre 2012, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat generalJean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 1101, 1108, 1134, 1135, 1142, 1145, 1146, 1150, 1151, 1184, 1582,1583, 1584, 1589, 1603, 1625, 1626, 1628, 1630 et 1633 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret rejette la demande par laquelle les demandeurs reclamaient lacondamnation des defendeurs à leur payer solidairement ou in solidum uneindemnite evaluee à la somme de 1.500.000 euros, sous reserve demodifications, destinee à reparer le dommage subi par eux en raison de laperte sur la plus-value de l'immeuble, aux motifs suivants :

« En mai 2004, les [defendeurs] ont decide de mettre en vente leurpropriete situee ... à ... ;

A cette fin, ils ont confie à la [partie appelee en declaration d'arretcommun] un contrat d'agence immobiliere dont il n'est pas conteste qu'iln'a pas ete constate par ecrit ;

A cet egard, il ressort de la lettre adressee le 12 mai 2004 aux[defendeurs] par la [partie appelee en declaration d'arret commun] [...]que :

- une mission non exclusive a ete confiee à celle-ci en vue de la ventedu bien et ce, moyennant des honoraires fixes à trois p.c. du prix devente definitif (plus taxe sur la valeur ajoutee) ;

- le prix annonce est de 2.650.000 euros ;

- plusieurs candidats avaient dejà ete contactes, dont les [demandeurs],dont la visite est annoncee le mercredi 12 mai 2004 à quatorze heures ;

En effet, des le 10 mai 2004, agissant dans le cadre de sa mission, la[partie appelee en declaration d'arret commun] avait communique parcourriel au [demandeur] le descriptif du bien offert au prix de 2.650.000euros qu'elle avait etabli [...] et, le jour meme, celui-ci avait repondu,s'informant des possibilites de visiter l'immeuble ;

Le mercredi 12 mai 2004, les [demandeurs] ont visite le bien en presencedes [defendeurs] et de monsieur d. K., delegue de la [partie appelee endeclaration d'arret commun] ;

Le jeudi 13 mai, les [demandeurs], qui avaient rendez-vous avec la [partieappelee en declaration d'arret commun] pour visiter un autre bien, ontexprime le souhait de se voir accorder une option de deux mois surl'immeuble de l'avenue ... et ce, au prix de 75.000 euros ;

Contactes par monsieur d. K., les [defendeurs] ont refuse d'accorder unetelle option, marquant neanmoins, ainsi qu'il est dit ci-apres, leuracceptation d'octroyer aux [demandeurs] un `droit' dont, comme l'a relevele premier juge, `les contours exacts sont au centre du present litige' ;

Le jeudi 13 mai 2004, les epoux H.-S. ont visite le bien qu'ils ont vuencore deux fois le lendemain ;

Le vendredi 14 mai 2004, [la partie appelee en declaration d'arret commun]a ecrit aux [demandeurs] : `Je vous confirme que j'ai pu obtenir desvendeurs le droit de vous confirmer qu'ils s'engagent à vous tenirinformes de toute offre ferme sur leur bien durant un delai de dix joursà dater du 13 mai 2004. Je dois egalement vous faire part que d'autresamateurs manifestent des à present des interets vraiment precis. Deslors, je crois vraiment important de precipiter vos demandes bancaires sivous souhaitez garder toutes vos chances de vous positionner en tempsutile. Il vous sera donne un delai de vingt-quatre heures pour pouvoirvous aligner sur une offre precise. Je vous tiendrai informe' ;

Le meme jour, la [partie appelee en declaration d'arret commun] a ecritaux [defendeurs] : `Je vous confirme que j'ai bien note que vous aviezaccepte de donner une priorite [aux demandeurs] pour l'achat de votrepropriete. Il ne s'agit pas d'une option mais seulement du droit des'aligner dans un delai de vingt-quatre heures sur le montant d'une offrequi vous agreerait. [Les demandeurs] entreprennent les demandes bancairespour savoir s'ils ont la possibilite de financer l'acquisition du biendans le delai legal, meme s'ils acceptent les conditions d'occupation quevous souhaitez. Je me permets de leur confirmer par un courrier votreaccord verbal sur ces conditions, puisqu'ils me l'ont demande. Je voustiendrai informe bien evidemment des suites reservees par M. et Mme O. H.et M. et Mme D.' ;

Le samedi 15 mai 2004, les epoux H.-S. ont visite le bien pour laquatrieme fois, en presence de mademoiselle v. Z., deleguee de la [partieappelee en declaration d'arret commun], et, le meme jour, ils ont signeune offre ecrite pour le prix de 2.650.000 euros, cette offre prevoyantque la maison serait libre d'occupation pour le 17 janvier 2005, uncompromis de vente serait signe au plus tard le lundi 17 mai 2004, unacompte de dix p.c. serait paye le jour du compromis, bloque chez lenotaire de l'acheteur, et l'acte authentique de vente serait signe au plustard le 17 janvier 2005 ;

Les [defendeurs] ont signe cette offre pour accord [...] ;

Toujours le samedi 15 mai 2004, monsieur d. K. a informe [le demandeur]par telephone de l'existence d'une offre ferme emanant des epoux H.-S. auprix de 2.650.000 euros ;

Le dimanche 16 mai, [le demandeur] a adresse à la [partie appelee endeclaration d'arret commun] la telecopie suivante : `Deferant à votrelettre du 14 mai ainsi qu'à nos entretiens telephoniques d'hierapres-midi, j'ai l'honneur de vous faire part que j'accepte l'offre devente de la propriete sise avenue ... à ... de monsieur et madame I. auprix de 2.650.000 euros. La vente est donc parfaite. Vous plairait-il deme faire connaitre le nom du notaire des vendeurs afin que je puisse lecommuniquer au mien' ;

Le meme jour, monsieur d. K. a ecrit par telecopie aux [defendeurs] : `Jeprends connaissance de votre decision de vendre la propriete dontreference sous rubrique à M. et Mme O. H. en depit du fait que vousm'avez autorise verbalement à octroyer [au demandeur] un droit depreference de dix jours à dater du 13 mai 2004 (ce qui a ete confirme parmon courrier du 14 mai 2004). Je dois decliner toute responsabilite quantaux suites eventuelles de votre decision. Je reste à votre entieredisponibilite pour la conclusion de cette affaire' ;

Les [defendeurs] ont repondu le lendemain, 17 mai 2004 : `J'accuse bonnereception de votre lettre du 16 mai dont le contenu me surprend. Dans lecourrier que vous adressez le 14 mai [au demandeur], vous lui confirmezque vous avez obtenu de notre part « le droit de vous confirmer qu'ils'engage à vous tenir informe de toute offre ferme sur le bien durant undelai de dix jours à dater du 13 mai 2004 » et en outre qu'« il voussera donne un delai de vingt-quatre heures pour vous aligner sur une offreprecise ». Lorsque votre assistante, madame v. Z., m'a fait part del'interet de monsieur et madame H. et qu'elle m'a soumis leur offre, jelui ai demande si nous etions en droit de l'accepter. Elle m'a repondu parl'affirmative, ce qui m'a ete confirme par mon notaire, etant donne quenous n'avions accorde aucune option [au demandeur] ; le seul engagementque nous avions pris etait de le tenir informe d'une autre offre, sans quenous ayons l'obligation de lui vendre le bien à un prix determine.Contrairement à ce que [le demandeur] affirme dans le fax [qu'il] vous aadresse le 16 mai, la vente n'est pas parfaite et nous sommes libres devendre le bien à qui nous le souhaitons. Je regrette que vous declinieztoute responsabilite quant aux suites eventuelles de notre decision,celle-ci ayant ete prise en concertation avec votre assistante, madame v.Z., qui etait presente lors de toutes les demarches entreprises ceweek-end. Je vous demande des lors de confirmer notre point de vue aupres[du demandeur] envers qui nous estimons n'avoir aucun engagement' ;

Par ailleurs, le meme jour, soit le lundi 17 mai 2004 encore, les[defendeurs] ont signe avec les epoux H.-S. un compromis de vente preparepar le notaire J. [...] ;

Toujours le lundi 17 mai 2004, [le demandeur] ayant ete informe de lasignature de ce compromis, a adresse au notaire J., avec copie à la[partie appelee en declaration d'arret commun], une telecopie qui se lit[...] : `Faisant suite à notre entretien telephonique de ce matin, jevous confirme que je ne partage nullement votre opinion selon laquelle[les defendeurs] seraient en droit de vendre leur propriete à quiconqueau mepris des droits qu'ils m'ont consentis ce 14 mai. Permettez-moiegalement de vous faire part de notre consternation. Mon epouse etmoi-meme etions convaincus de traiter en toute confiance. Je considere entout cas que monsieur et madame H. ne pourront acquerir de bonne foi cettepropriete et que, si vente il devait y avoir, elle ne me sera pasopposable' ;

Apres un echange de correspondance, les [demandeurs] ont saisi lepresident du tribunal de premiere instance de Bruxelles, sur requeteunilaterale, et, parallelement, en refere, pour qu'il soit faitinterdiction aux [defendeurs] de ceder la propriete litigieuse à qui quece soit, sous peine d'une astreinte de 500.000 euros. Le president dutribunal a fait droit à leur demande par ordonnances respectives des 2juin et 10 decembre 2004, l'ordonnance de refere etant ulterieurementreformee par arret de la cour [d'appel] du 11 aout 2005 ;

L'acte de vente du bien entre les [defendeurs] et les epoux H.-S. a eterec,u le 10 octobre 2005 et transcrit le lendemain à la conservation deshypotheques ;

Entre-temps, les [demandeurs] ont paye, le 6 septembre 2004, les droitsd'enregistrement relatifs à la vente de la propriete de l'avenue ... etprocede à l'enregistrement de la lettre du 16 mai 2004 par laquelle [ledemandeur] ecrit accepter la vente du bien au prix de 2.650.000 euros » ,

et sur les motifs selon lesquels :

« 1. Quant à l' `engagement' pris par les [defendeurs] envers les[demandeurs]

Les [demandeurs] font valoir que les [defendeurs] se sont engages à leuregard, leur accordant un droit de preference ;

Conformement aux disposions des articles 1315 du Code civil et 870 du Codejudiciaire, c'est aux [demandeurs] qu'il appartient d'en rapporter lapreuve. En outre, s'agissant d'un engagement excedant une somme de 375euros, cette preuve doit etre, en principe, rapportee au moyen d'un ecrit(article 1341 du Code civil) ou, s'il existe un commencement de preuve parecrit [soit un document emanant de celui contre lequel la demande estformee, ou de son representant legal ou conventionnel, qui rendvraisemblable le fait allegue (article 1347 du Code civil ; Cass., 14octobre 1965, Pas., 1966, I, 206)], notamment par presomptions ;

En l'espece, par sa lettre du 14 mai 2004, [la partie appelee endeclaration d'arret commun] a ecrit aux [demandeurs] : `Je vous confirmeque j'ai pu obtenir des vendeurs le droit de vous confirmer qu'ilss'engagent à vous tenir informes de toute offre ferme sur leur biendurant un delai de dix jours à dater du 13 mai 2004 [...]. Il vous seradonne un delai de vingt-quatre heures pour pouvoir vous aligner sur uneoffre precise' ;

Or, independamment de toute apparence, il est incontestable que, comme l'apar ailleurs justement constate le premier juge, la [partie appelee endeclaration d'arret commun] avait rec,u mandat des [defendeurs] deconfirmer cet engagement aux [demandeurs] ;

Si, certes, la mission d'un agent immobilier n'est pas, en principe,d'accomplir des actes juridiques au nom et pour compte de ses clients maisde rechercher des candidats interesses par l'acquisition de leurpropriete, aucune disposition n'interdit qu'il soit egalement charge d'unmandat ;

Or, en l'espece - sans qu'il soit necessaire aux [demandeurs] de produireun ecrit ou un commencement de preuve par ecrit puisqu'ils sont des tiersau contrat de mandat -, l'existence de celui-ci est demontree àsuffisance de droit par les elements suivants :

1. dans sa lettre du 14 mai 2004, la [partie appelee en declarationd'arret commun] a ecrit aux [demandeurs] : `Je vous confirme que j'ai puobtenir des vendeurs le droit de vous confirmer qu'ils s'engagent à voustenir informes de toute offre ferme', l'agence notifiant en leur noml'engagement pris par les [defendeurs] ;

2. dans sa lettre simultanee, la [partie appelee en declaration d'arretcommun] a ecrit aux [defendeurs] : `Je vous confirme que j'ai bien noteque vous aviez accepte de donner une priorite [aux demandeurs] pourl'achat de votre propriete. Il ne s'agit pas d'une option mais seulementdu droit de s'aligner dans un delai de vingt-quatre heures sur le montantd'une offre qui vous agreerait', l'agence confirmant la mission deconferer le `droit de s'aligner' aux [demandeurs], donnee par les[defendeurs] ;

Il convient de relever ici que les [defendeurs], non seulement n'ont pasconteste in illo tempore les instructions qu'ils avaient donnees et quisont ainsi rappelees, mais encore qu'ils s'y referent expressement audeuxieme paragraphe de leur lettre du 14 mai 2004 [...], le paragraphesuivant dans cette lettre ne confirmant nullement leur these selonlaquelle la faculte d'alignement n'offrait aucun droit aux [demandeurs],mais ayant un objet tout different, ainsi qu'il est dit au point 4ci-dessous ;

3. Les [defendeurs] qui, certes, donnent au `droit' concede une porteedifferente (cf. leurs conclusions deposees le 30 mai 2008, pages 4 et 8 :`il est indiscutable que les [defendeurs] ont fait une concession aux[demandeurs]), non seulement ne contestent pas serieusement avoir donnemandat à la [partie appelee en declaration d'arret commun] de ceder un`droit' en leur nom aux [demandeurs], mais encore ont execute, au moinspour partie, l'engagement contracte par leur mandataire (cf. : `nous nousetions engages à vous tenir informes de toute offre, ce qui a ete faitpar [la partie appelee en declaration d'arret commun], lettre du 18 mai2004 des [defendeurs] au demandeur), puisqu'ils ont veille à ce que les[demandeurs] aient connaissance de l'offre des epoux H.-S. et, ainsi qu'ilest dit ci-dessous, ont `suspendu' leur accord sur cette offre ;

En confirmant la reconnaissance d'un droit au nom de ses clients, la[partie appelee en declaration d'arret commun] n'a pas agi simplementcomme leur `porte-parole', mais bien comme leur mandataire, accomplissanten leur nom un acte juridique dont elle avait ete chargee. Il est sansincidence à cet egard qu'ulterieurement les [demandeurs] aient pus'adresser directement aux [defendeurs] plutot qu'à leur mandataire ;

Des lors que, ainsi qu'il ressort de ce qui precede, la [partie appelee endeclaration d'arret commun] etait valablement mandatee par les[defendeurs] pour conceder un droit en leur nom aux [demandeurs] et quel'agence, agissant dans le cadre de ce mandat, en a fait part à cesderniers par la lettre precitee du 14 mai 2004, il faut considerer quecette lettre constitue un commencement de preuve par ecrit au sens del'article 1347 du Code civil et que, partant, les [demandeurs] sontautorises à rapporter la preuve des contours du droit qui leur a eteconcede, notamment par presomptions ;

La lettre du 14 mai 2004 contient deux elements concernant l'engagementdes [defendeurs] :

- pour les vendeurs, une obligation d'information en ce qui concerne lesoffres rec,ues et ce, pendant dix jours (note de la cour d'appel :obligation à laquelle ils se sont tenus, ainsi qu'il est dit plus haut) ;

- pour les acquereurs, un droit de `s'aligner' sur une offre precise, etce, dans les vingt-quatre heures ;

Les parties divergent sur l'interpretation qu'il convient de donner auxmots `s'aligner' ;

Selon le sens commun, `s'aligner' signifie `se ranger, etre range sur lameme ligne' (cf. Larousse), de telle sorte qu'il faut comprendre, en toutehypothese, que les [defendeurs], au travers de la lettre de leurmandataire du 14 mai 2004, ont entendu, non seulement que les [demandeurs]soient informes de toutes offres qu'ils recevraient, mais encore qu'ilsaient la faculte de `s'aligner' sur cette offre, c'est-à-dire de faireune offre identique et ce, dans un delai de vingt-quatre heures ;

Or, il faut relever que, selon les termes du descriptif, l'immeublelitigieux est propose à la vente pour le prix de 2.650.000 euros et qu'iln'est ni demontre ni meme allegue que les [defendeurs] entendaientrecevoir un prix superieur. En d'autres termes, s'ils recevaient d'untiers une offre d'acheter l'immeuble au prix de 2.650.000 euros, les[demandeurs] avaient la faculte de `s'aligner' sur les termes etconditions d'une telle offre ;

Si, comme le soutiennent en substance les [defendeurs], le fait de`s'aligner' devait seulement permettre aux [demandeurs] de faire savoirqu'ils formulaient la meme offre que le tiers, la clause `il vous seradonne un delai de vingt-quatre heures pour pouvoir vous aligner sur uneoffre precise' ne presente aucun interet pour les [demandeurs] ;

En revanche, si les mots `s'aligner' impliquent que ces derniers, enformulant une offre identique à celle du tiers, doivent etre preferes àce dernier, la clause prend toute sa signification (cf. article 1157 duCode civil) ;

Il convient, à cet egard, de relever que c'est bien cette significationqui etait donnee, in tempore non suspecto, par monsieur d. K., intervenutrois jours plus tot comme mandataire des [defendeurs] pour confirmer aux[demandeurs] le droit qui leur etait octroye ; monsieur d. K.,professionnel de l'immobilier, a ecrit en effet aux [defendeurs] le 16 mai2004 : `vous m'avez autorise verbalement à octroyer [au demandeur] undroit de preference de dix jours à dater du 13 mai 2003', le `droit depreference' etant, par essence, le droit d'etre prefere, comme enl'espece, à une tierce personne ;

Les [defendeurs], se referant notamment aux conclusions prises par la[partie appelee en declaration d'arret commun] devant le premier juge,soutiennent vainement qu'ils devaient, à offre egale, conserver lafaculte de choisir à qui ils decideraient de vendre leur bien ;

En effet, cette these ne repose ni sur les termes employes pour confirmeraux [demandeurs] le droit qui leur a ete octroye ni sur aucun elementobjectif entourant les circonstances dans lesquelles ce droit leur a eteconcede, etant par ailleurs souligne que les [demandeurs] avaient, eux,sollicite l'octroi d'un droit plus contraignant encore pour les vendeurs,à savoir une option de deux mois sur l'immeuble puisqu'une telle optionetait de nature à `geler' la vente du bien pendant deux mois et que lefait que l'option qu'ils avaient demandee leur ait ete refusee n'impliquepas, en soi, le refus d'un droit de preference ;

En outre, ainsi qu'il ressort de ce qui est dit ci-dessus, cette theserevient à vider de son contenu le droit d'alignement reconnu aux[demandeurs] ;

Par ailleurs, le fait que ni l'acceptation le 15 mai 2004 par les[defendeurs] de l'offre des epoux H.-S. ni le compromis signe entre eux le17 mai 2004 (soit posterieurement à la telecopie du 16 mai 2004 parlaquelle les [demandeurs] ont declare s'aligner sur l'offre precitee) nesoient assortis d'une condition suspensive de non-alignement des[demandeurs] n'est pas de nature à demontrer que, nonobstant le droitqu'ils leur avaient concede, les [defendeurs] s'etaient reserve la facultede choisir à qui ils vendraient leur bien ;

A cet egard, il est sans pertinence de relever, comme le font les[defendeurs], que le compromis qu'ils ont signe le 17 mai 2004 avec lesepoux H.-S. ne comporte pas de clause suspensive relative au droitd'alignement. En effet, ainsi qu'il ressort des documents soumis à lacour [d'appel], au moment de la signature de ce compromis, les[defendeurs] avaient dejà definitivement arrete leur decision de ne pasrespecter l'engagement qu'ils avaient pris en faveur des [demandeurs] ;

Egalement à cet egard, il est significatif de constater que si, certes,les [defendeurs] n'ont pas expressement assorti d'une clause suspensivel'accord qu'ils ont donne le 15 mai 2004 à l'offre des epoux H.-S., iln'en demeure pas moins que, ainsi qu'il ressort des explicationsconcordantes tant de la [partie appelee en declaration d'arret commun](note de la cour d'appel : cf. les conclusions de synthese, point 18, p.5 : `[monsieur d. K.] demande donc à madame v. Z. de conserverl'exemplaire de la promesse reservee aux consorts H. afin de ne parfairela vente que lorsque les consorts S. auront eu l'occasion de semanifester') que des [defendeurs] (note de la cour d'appel : cf. leursconclusions, point 6, p. 5 : `la representante de l'agence va conserver,pendant une duree de vingt-quatre heures, l'exemplaire de l'offre d'achatcontresignee pour accord par les vendeurs'), que ceux-ci ont manifestementuse d'un `stratageme' peu qualifiable pour suspendre les effets de leuraccord, ce qui confirme, s'il en est encore besoin, qu'ils avaient accordeaux [demandeurs] un droit de preference. En effet, en retenantl'exemplaire (instrumentum) de l'offre d'achat du 15 mai 2004 qui leurrevenait et, partant, en privant les epoux H.-S. de l'instrumentprobatoire de leur accord, les [defendeurs] confirment par leurcomportement, non seulement le droit qu'ils ont concede aux [demandeurs],mais egalement que, contrairement à ce que [les defendeurs] affirment,ils n'avaient pas conserve le droit de vendre à qui ils voulaient, sansquoi cette retention de document n'avait aucun sens puisque, selon leurthese, ils pouvaient, en definitive, vendre aux epoux H.-S. à toutmoment ;

Contrairement à ce qu'affirment les [defendeurs], selon lesquels àucuneraison ne justifie [qu'ils] octroient un droit de preference', l'octroi dece droit est justifie, ne serait-ce que pour repondre à l'offre d'uneoption payante qui leur avait ete faite ;

Par ailleurs, c'est à tort que les [defendeurs] tentent de nier le droitconsenti aux [demandeurs] en affirmant que `l'on peut se demander pourquoi[la partie appelee en declaration d'arret commun], familiarisee avec unmecanisme tel le droit de preference, ne l'aurait pas qualifie comme tel'dans la lettre du 14 mai 2004. En effet, la [partie appelee en declarationd'arret commun] n'etait pas tenue d'utiliser un vocabulaire specifiquepour definir la preference donnee aux [demandeurs], preference qui nesouffre d'aucune ambiguite selon les termes utilises par l'agence dans lalettre de confirmation du 14 mai 2004 qu'elle a adressee à ses mandants(cf. `Je vous confirme que j'ai note que vous aviez accepte de donner unepriorite') ;

Il n'est ni demontre ni meme allegue qu'en declarant, par leur telecopiedu 16 mai 2004, `s'aligner' sur l'offre des epoux H.-S. (dont lesconditions ressortent de leur offre d'achat du 15 mai 2004), les[demandeurs] se seraient ecartes des conditions offertes par cesderniers ;

A cet egard, les courriers de la [partie appelee en declaration d'arretcommun], qui - sans emaner des [demandeurs] - evoquent les contacts queceux-ci devaient prendre avec leur banquier, ne peuvent aucunementaccrediter la these d'une solvabilite insuffisante pour acquerir le bien(insuffisance qui n'est, par ailleurs, pas alleguee comme n'est pasdavantage demontre le fait que les [defendeurs] auraient subordonne leuraccord à la production de garanties bancaires par les [demandeurs], commetente de l'affirmer la [partie appelee en declaration d'arret commun],alors qu'ils visent les demarches qu'il est unanimement admis quel'acquereur d'un bien immeuble doit realiser pour disposer des liquiditesnecessaires au moment du paiement du prix. Dans ce contexte, la lettre des[demandeurs] du 17 mai 2004 n'est qu'une demonstration complementaire deleur surface financiere mais aussi, alors qu'il semble que les[defendeurs] etaient interesses par l'acquisition d'un appartement àBruxelles, de degager entre acheteurs et vendeurs, sous la forme d'unechange, une solution qui pouvait etre interessante pour tous, tout enpresentant des avantages fiscaux ;

Des lors qu'il n'est ni demontre ni allegue que les [demandeurs], d'unepart, et les [defendeurs], d'autre part, auraient - independamment desconditions precisees par ces derniers dans leur offre d'achat du 15 mai2004 - entendu deroger d'une quelconque maniere aux conditionshabituellement rencontrees lors d'une vente (etat du bien, liberte decharges et hypotheques, servitudes urbanismes, etc.), il ressort de ce quiest dit ci-dessus qu'en declarant `s'aligner' sur l'offre des epoux H.-S.par leur telecopie du 16 mai 2004, les [demandeurs] ont confirme leuraccord sur le prix et sur la chose, de sorte que la vente de l'immeublesitue avenue ... à ..., etait parfaite au sens de l'article 1583 du Codecivil ;

Il n'y a, à ce sujet, pas d'ambiguite, contrairement à ce que tente desoutenir la [partie appelee en declaration d'arret commun]. En effet, enfaisant reference à l'entretien telephonique de la veille, par lequel la[partie appelee en declaration d'arret commun] lui a fait connaitrel'offre des epoux H.-S. et en ecrivant `j'accepte l'offre' et en ecrivantlogiquement `la vente est donc parfaite' dans sa lettre du 16 mai 2004,[le demandeur] a, dans le delai convenu, exerce le droit d'alignementoctroye à la [demanderesse] et à lui-meme, de sorte qu'ils devaient etrepreferes comme acquereurs aux epoux H.-S. ;

2. Quant aux manquements reproches par les [demandeurs] aux [defendeurs]et à la [partie appelee en declaration d'arret commun]

2.1. Les manquements des [defendeurs]

En acceptant l'offre des epoux H.-S. et, par voie de consequence, enrefusant de vendre leur bien aux [demandeurs] nonobstant le droitd'alignement qu'ils leur avaient octroye et que ceux-ci ont exerce dansles limites convenues, ainsi qu'il ressort de ce qui est dit ci-dessus,les [defendeurs] ont commis une faute qui a entraine pour les [demandeurs]un prejudice dont ils sont fondes à reclamer la reparation »,

ainsi que sur les motifs suivants :

« 3. Quant au dommage des [demandeurs]

Des lors que, par la faute des [defendeurs], les [demandeurs] ont eteprives [...] de la possibilite de finaliser l'acquisition de l'immeuble,c'est à bon droit qu'ils reclament la reparation du prejudice qui endecoule ;

Les [demandeurs] reclament à ce titre en ordre principal une somme de(1.500.000 euros) `sous reserve de modification' [...] pour la perte surla plus-value de l'immeuble ;

En ce qui concerne la perte sur la plus-value de l'immeuble, les[demandeurs], qui estiment avoir ete `evinces' par les [defendeurs],fondent la demande sur l'article 1633 du Code civil qui dispose que, `sila chose vendue se trouve avoir augmente de prix à l'epoque del'eviction, independamment du fait de l'acquereur, le vendeur est tenu delui payer ce qu'elle vaut au-dessus du prix de la vente'. L'evictionconsiste dans tout fait quelconque, emanant du vendeur lui-meme ou d'untiers, ayant pour effet d'enlever à l'acheteur, en tout ou en partie, lapropriete ou l'usage de la chose vendue. Elle suppose necessairement ladepossession (H. De Page, Traite elementaire de droit civil belge, t. IV,nDEG 124) ;

Or, en l'espece, les [demandeurs] ne sont pas fondes à reprocher au[defendeurs] de les avoir `depossedes' de l'immeuble litigieux en nerespectant pas le droit de preference qu'ils leur avaient concede, parcequ'au moment (note de la cour d'appel : soit le 15 mai 2004 encontresignant pour accord l'offre d'achat et le 17 mai 2004 en signant lecompromis de vente en l'etude du notaire J.) ou ils ont definitivementscelle la vente du bien aux epoux H.-S., les [demandeurs], bien qu'en enetant valablement les acquereurs ainsi qu'il est dit ci-dessus, n'enetaient pas encore les proprietaires ;

En effet, alors qu'il n'est pas conteste que le compromis de vente signepar les epoux H.-S. le 17 mai 2004 reflete les conditions de leur offre du15 mai 2004 et que, ainsi qu'il ressort de ce qui est dit ci-dessus, les[demandeurs] se sont alignes sur ces conditions, les faisant leurs, iletait entendu que le transfert de propriete ne devait se realiser qu'aumoment de la passation de l'acte authentique qui ne devait pas interveniravant le 17 janvier 2005 ;

Des lors qu'ils n'ont pas ete evinces au sens des articles 1603 et 1625 etsuivants du Code civil, les [demandeurs] ne sont pas fondes à reclamerl'indemnisation prevue par l'article 1633 du meme code. En revanche, ilssont bien fondes à reclamer l'indemnisation dont il est questionci-apres, à la suite de la faute commise par les [defendeurs] d'avoirvendu le bien aux epoux H.-S. malgre l'engagement qu'ils avaient prisenvers les [demandeurs] ».

Griefs

1. Il decoule des articles 1582 et 1583 du Code civil que la vente, memefaite sous seing prive, est « parfaite entre parties, et la proprieteacquise de droit à l'acheteur à l'egard du vendeur, des qu'on estconvenu de la chose et du prix quoique la chose n'ait pas encore etelivree ni le prix paye ».

En vertu de l'article 1584 du Code civil, quelles que soient les modalitesde la vente, les effets qu'elle produit entre les parties sont regles parles principes generaux des conventions, et notamment par les articles 1134et 1135 du Code civil, qui contraignent le juge à respecter la forceobligatoire d'une convention en reconnaissant à celle-ci l'effet que,dans l'interpretation qu'il en donne, elle a legalement entre les parties.

En application des articles 1101, 1108 et 1589 du Code civil, la promessede vente engage irrevocablement le promettant à realiser la vente si lebeneficiaire exprime la volonte d'acquerir le bien, pour autant que lesparties soient d'accord et echangent leurs consentements sur la chose etsur le prix (Cass., 9 janvier 1975, Pas., 1975, I, 482 ; Cass., 12decembre 1991, Pas., 1992, I, 284, avec les conclusions du ministerepublic).

L'article 1603 du Code civil met à charge du vendeur deux obligationsprincipales : « celle de delivrer et celle de garantir la chose qu'ilvend ». Cette seconde obligation se decompose elle-meme, d'apresl'article 1625 du Code civil, en deux objets, dont le premier consiste enla garantie pour l'acheteur « d'une possession paisible de la chosevendue ». Cela implique, d'apres l'article 1626 du Code civil, à chargedu vendeur, l'obligation de garantir l'acquereur « de l'eviction qu'ilsouffre dans la totalite ou partie de l'objet vendu, ou des chargespretendues sur cet objet, et non declarees lors de la vente », y compris,ajoute l'article 1628 du Code civil, « celle qui resulte de son faitpersonnel ».

Par application aussi bien des articles 1142, 1145,1146, 1150, 1151 et1184 que de l'article 1630 du Code civil, « si l'acquereur est evince, ila droit de demander contre le vendeur les dommages et interets »,s'etendant, selon l'article 1633 du Code civil, pour les cas ou « lachose vendue se trouve avoir augmente de prix à l'epoque de l'eviction[...], à ce qu'elle vaut au-dessus du prix de la vente ».

Sur le fondement de ces dispositions legales, constitue une cause de miseen oeuvre de la garantie d'eviction, l'impossibilite dans laquelle setrouve l'acquereur, alors que la vente est parfaite, de se voirtransferer, au terme convenu, la propriete et la jouissance du bienacquis, meme si l'acquereur evince n'a pas encore ete mis en possessionlors de la survenance de cette cause.

Il y a, en effet, trouble de droit imputable au vendeur, sanctionne parles dispositions precitees, faisant jouer la garantie d'eviction du faitpersonnel, lorsque le vendeur vend une seconde fois l'immeuble à uneautre personne qui fait transcrire son titre avant le preneur acquereur.

2. L'arret deduit, en substance, de l'ensemble des constatations citees aumoyen, qu'« en declarant `s'aligner' sur l'offre des epoux H.-S. par leurtelecopie du 16 mai 2004, [les demandeurs] ont confirme leur accord sur leprix et sur la chose, de sorte que la vente de l'immeuble situe avenue ...à ..., etait parfaite au sens de l'article 1583 du Code civil ; qu'il n'ya, à ce sujet, pas d'ambiguite, contrairement à ce que tente de soutenirla [partie appelee en declaration d'arret commun] ; qu'en effet, enfaisant reference à l'entretien telephonique de la veille par lequel[cette partie] a fait connaitre l'offre des epoux H.-S. et en ecrivant`j'accepte l'offre' et en ecrivant logiquement `la vente est doncparfaite' dans sa lettre du 16 mai 2004 [...], [le demandeur] a, dans ledelai convenu, exerce le droit d'alignement octroye [aux demandeurs], desorte qu'ils devaient etre preferes comme acquereurs aux epoux H.-S. ».

Il ressort de ces considerations que, dans l'interpretation qu'il endonne, l'arret decide que, en vertu de la convention des parties, lesdemandeurs sont, à l'egard des defendeurs, les veritables acquereurs del'immeuble en litige.

Par ailleurs, l'arret releve, neanmoins, dans les constations citees aumoyen, que :

- « l'acte de vente du bien entre les [defendeurs] et les epoux H.-S. aete rec,u le 10 octobre 2005 et transcrit le lendemain à la conservationdes hypotheques » ;

- « entre-temps, [les demandeurs] ont paye, le 6 septembre 2004, lesdroits d'enregistrement relatifs à la vente de la propriete de l'avenue... et procede à l'enregistrement de la lettre du 16 mai 2004 parlaquelle [le demandeur] ecrit accepter la vente du bien au prix de2.650.000 euros et, par acte du 17 septembre 2004, ont assigne [lesdefendeurs] devant le tribunal de premiere instance de Bruxelles, pour (àce stade de la procedure) les entendre condamner, sous peine d'astreinte,à passer avec eux l'acte authentique de vente de l'immeuble de l'avenue... » ;

- « au moment de la signature de ce compromis (conclu avec les epouxH.-S.), [les defendeurs] avaient dejà definitivement arrete leur decisionde ne pas respecter l'engagement qu'ils avaient pris en faveur des[demandeurs] » ;

- les defendeurs « ont manifestement use d'un `stratageme' peuqualifiable pour suspendre les effets de leur accord, ce qui confirme,s'il en est encore besoin, qu'ils avaient accorde aux [demandeurs] undroit de preference ».

Ces considerations montrent que, par le fait des defendeurs, vendeurs del'immeuble en litige aux demandeurs, ces derniers ont ete evinces de latotalite du bien vendu.

Les demandeurs se trouvaient donc justifies à mettre en oeuvre lagarantie d'eviction au sens des articles 1625 et 1626 du Code civil afind'obtenir la condamnation des defendeurs à leur payer les dommagesinterets attribues par les articles 1142, 1145, 1146, 1150, 1151, 1184,1630 et, en particulier, 1633 du Code civil mettant à charge du vendeurl'obligation de payer à l'acheteur evince ce que la chose vaut« au-dessus du prix de la vente ».

En consequence, en decidant de rejeter la reclamation des demandeursd'obtenir, sur le fondement des dispositions legales precitees et, enparticulier, de l'article 1633 du Code civil, le paiement d'une somme de1.500.000 euros à charge des defendeurs afin de reparer la perte sur laplus-value de l'immeuble, par les motifs cites au moyen et, notamment, que« l'eviction [...] suppose necessairement la depossession [...] ; qu'enl'espece, [les demandeurs] ne sont pas fondes à reprocher aux[defendeurs] de les avoir `depossedes' de l'immeuble litigieux en nerespectant pas le droit de preference qu'ils leur avaient concede, parcequ'au moment ou ils ont definitivement scelle la vente du bien aux epouxH.-S., [les demandeurs], bien qu'en en etant valablement les acquereursainsi qu'il est dit ci-dessus, n'en etaient pas encore les proprietaires ;qu'effet, alors qu'il n'est pas conteste que le compromis de vente signepar les epoux H.-S. le 17 mai 2004 reflete les conditions de leur offre du15 mai 2004 (...) et que, ainsi qu'il ressort de ce qui est dit ci-dessus,[les demandeurs] se sont alignes sur ces conditions, les faisant leurs, iletait entendu que le transfert de propriete ne devait se realiser qu'aumoment de la passation de l'acte authentique qui ne devait pas interveniravant [le] 17 janvier 2005 ; que, des lors qu'ils n'ont pas ete evinces ausens des articles 1603 et 1625 et suivants du Code civil, les [demandeurs]ne sont pas fondes à reclamer l'indemnisation prevue par l'article 1633du meme code », l'arret meconnait, dans l'interpretation qu'il en donne,les effets legaux produits entre les parties par la convention de venteconclue le 16 mai 2004 et, partant, viole la force obligatoire de cetteconvention (violation des articles 1101, 1108,1134, 1135, 1582, 1583, 1584et 1589 du Code civil) ainsi que les effets legaux de la garantied'eviction de son fait personnel due à l'acquereur par le vendeur, tellequ'elle etait mise en oeuvre par les demandeurs à l'egard des defendeurs(violation des article 1142, 1145, 1146, 1150, 1151, 1184, 1603, 1625,1626, 1628, 1630 et 1633 du Code civil).

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la partie appelee endeclaration d'arret commun et deduite du defaut d'interet :

La partie appelee en declaration d'arret commun soutient que celui quiaccorde un droit de preference s'oblige uniquement à ne pas vendre à unepersonne autre que le beneficiaire, qu'en consequence, les demandeurs,auxquels, suivant l'analyse de l'arret, les defendeurs avaient consenti,non une promesse unilaterale de vente, mais un droit de preferenceseulement, n'ont pu conclure une vente portant sur l'immeuble litigieux ens'alignant sur le prix agree par les defendeurs, de sorte que le refus del'arret de reconnaitre aux demandeurs le benefice de la garantied'eviction en raison de la vente de cet immeuble aux epoux H.-S. estlegalement justifie.

L'arret decide toutefois, par un motif que le moyen ne critique pas etauquel la Cour ne saurait des lors en substituer un autre sans exceder sespouvoirs, qu' « en declarant `s'aligner' sur l'offre des epoux H.-S. parleur telecopie du 16 mai 2004, les [demandeurs] ont confirme leur accordsur le prix et sur la chose, de telle sorte que la vente de l'immeuble[litigieux] etait parfaite au sens de l'article 1583 du Code civil ».

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

En vertu de l'article 1626 du Code civil, quoique lors de la vente iln'ait ete fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligede droit à garantir l'acquereur de l'eviction qu'il souffre dans latotalite ou partie de l'objet vendu, ou des charges pretendues sur cetobjet, et non declarees lors de la vente.

Suivant l'article 1630, 4DEG, de ce code, lorsque la garantie a etepromise, ou qu'il n'a rien ete stipule à ce sujet, si l'acquereur estevince, il a droit de demander contre le vendeur les dommages et interets,ainsi que les frais et loyaux couts du contrat.

Conformement à l'article 1633 du meme code, si la chose vendue se trouveavoir augmente de prix à l'epoque de l'eviction, independamment meme dufait de l'acquereur, le vendeur est tenu de lui payer ce qu'elle vautau-dessus du prix de la vente.

La garantie d'eviction, qui est un effet de la vente, n'est pas exclue parle fait que le transfert de la propriete de la chose vendue est differe.

L'arret considere que les demandeurs ont conclu une vente parfaite del'immeuble litigieux avec les defendeurs le 16 mai 2004 et que lesdefendeurs ont vendu le meme immeuble aux epoux H.-S. en vertu d'uncompromis signe le 17 mai 2004, l'acte authentique de cette vente ayantete passe le 10 octobre 2005 et transcrit le lendemain à la conservationdes hypotheques.

En considerant, pour refuser aux demandeurs le benefice de la garantied'eviction qu'ils invoquaient et rejeter la demande qu'ils fondaient surl'article 1633 du Code civil, que « l'eviction consiste dans tout faitquelconque, emanant du vendeur lui-meme ou d'un tiers, ayant pour effetd'enlever à l'acheteur, en tout ou en partie, la propriete ou l'usage dela chose vendue, [qu'] elle suppose necessairement la depossession, [qu']en l'espece, les [demandeurs] ne sont pas fondes à reprocher aux[defendeurs] de les avoir `depossedes' de l'immeuble litigieux en nerespectant pas le droit de preference qu'ils avaient concede parce qu'aumoment ou ils ont definitivement scelle la vente du bien aux epoux H.-S.,les [demandeurs], bien qu'en etant valablement les acquereurs [...], n'enetaient pas encore les proprietaires, [qu'] en effet, [...] il etaitentendu que le transfert de propriete [à leur profit] ne devait serealiser qu'au moment de la passation de l'acte authentique, qui ne devaitpas intervenir avant le 17 janvier 2005 », l'arret viole les dispositionslegales precitees.

Le moyen est fonde.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

Les demandeurs ne critiquent pas la decision declarant non fondee leurdemande contre la partie appelee en declaration d'arret commun, decisiond'ailleurs sans lien avec les decisions cassees.

Ils sont des lors sans interet à demander que l'arret soit declare communà cette partie.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il dit non fondee la demande desdemandeurs fondee sur l'article 1633 du Code civil et qu'il statue sur lesdepens, à l'exception de ceux de la partie appelee en declaration d'arretcommun ;

Rejette la demande en declaration d'arret commun ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne les demandeurs aux depens de la partie appelee en declarationd'arret commun ;

Reserve le surplus des depens pour qu'il soit statue sur celui-ci par lejuge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Les depens de la partie appelee en declaration d'arret commun taxes à lasomme de cent septante et un euros vingt-quatre centimes.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Alain Simon etMichel Lemal, et prononce en audience publique du onze octobre deux milledouze par le president Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

11 octobre 2012 C.10.0260.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0260.F
Date de la décision : 11/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-10-11;c.10.0260.f ?
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