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04/10/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0686.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 octobre 2012, C.11.0686.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1192



NDEG C.11.0686.F

REPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN, representee par son ambassadeur, dont lesbureaux sont etablis à Bruxelles, avenue Franklin D. Roosevelt, 15,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

V. D.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabine

t est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

en presence de

1. MUSEES ROYAUX D...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1192

NDEG C.11.0686.F

REPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN, representee par son ambassadeur, dont lesbureaux sont etablis à Bruxelles, avenue Franklin D. Roosevelt, 15,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

V. D.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

en presence de

1. MUSEES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE, etablissement public agissant enqualite de conservateur du Musee du Cinquantenaire, dont le siege estetabli à Bruxelles, Parc du Cinquantenaire, 10,

2. ETAT BELGE, represente par le ministre des Petites et moyennesentreprises, des Independants, de l'Agriculture et de la Politiquescientifique, ayant dans ses attributions les etablissements scientifiquesfederaux, dont le cabinet est etabli à Saint-Gilles-lez-Bruxelles, avenuede la Toison d'Or, 87,

3. P. V. B.,

4. M. l. V. B.,

5. H. V. B.,

parties appelees en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 juin 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 544, 2242, 2244 et 2262 du Code civil, ce dernier tel qu'il estmodifie par l'article 4 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certainesdispositions en matiere de prescription ;

- article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription ;

- article 807 du Code judiciaire ;

- article 87, specialement S: 2, de la loi du 16 juillet 2004 portant leCode de droit international prive.

Decisions et motifs critiques

L'arret « declare prescrite la demande nouvelle de la [demanderesse]tendant à entendre dire pour droit qu'elle est proprietaire de lacollection litigieuse et à entendre, pour ce motif, ordonner la remise dela collection en sa faveur ; dit l'appel principal recevable et fonde dansla mesure ci-apres precisee ; dit l'appel incident recevable mais nonfonde ; [...] reforme le jugement entrepris uniquement en tant qu'il adeclare les demandes de Y. W., veuve M., autres que celle ayant pour objetla reparation des spoliations dont elle se plaignait d'avoir ete victimeen Iran, recevables mais non fondees ; invite le conservateur du Musee duCinquantenaire à remettre à [la defenderesse] la collection d'objetsdont monsieur D. R. a ete institue sequestre par l'ordonnance du juge dessaisies de Gand du 4 aout 1982, telle qu'elle a ete inventoriee parmonsieur E. H. le 19 novembre 1983 ; condamne la [demanderesse] auxentiers frais de sequestre et d'expertise de la collection, s'il en est ;la condamne aux depens d'appel de [la defenderesse] [...] et lui delaisseses propres depens d'appel ; deboute chacune des parties du surplus de sespretentions respectives ».

Apres avoir constate que :

« Quant à la demande principale de la [demanderesse]

Devant le premier juge, la [demanderesse] s'est limitee à demander lareexportation des biens vers l'Iran ;

C'est ainsi qu'il se lit dans le jugement entrepris :

`Que la demanderesse expose que ni les modes d'acquisition de lacollection litigieuse ni le fait que la defenderesse soit ou non devenuevalablement proprietaire de celle-ci ne sont remis en cause dans lapresente action ;

Que la demanderesse se reserve seulement le droit de contesterulterieurement le droit de propriete invoque par la defenderesse sur cettecollection et ce, sur la base des modes d'acquisition de celle-ci et desregles de droit iranien qui ont ou auraient ete violees à l'occasion decette acquisition, ainsi que sur la base des consequences legalesattachees aux exportations sans autorisation ;

Que le tribunal ne peut avoir egard, pour determiner le fondementjuridique de la demande, à la circonstance de fait, invoquee par ladefenderesse, qu'elle serait, dans la realite des choses, dansl'impossibilite d'exercer desormais les prerogatives attachees à sondroit de propriete dans l'hypothese ou la collection serait reexpediee enIran, compte tenu de ce qu'elle est « traitee » dans ce pays « comme sielle etait condamnee à mort » ;

Que l'action ne peut etre analysee en droit en une action en revendicationou en une action possessoire ;

Qu'il est des lors surabondant d'examiner l'argumentation deduite par ladefenderesse de l'application de l'article 2279 du Code civil et leseffets de la prescription acquisitive envisages au regard du droit belge,loi competente en tant que lex rei sitae' ;

C'est par des conclusions datees du 28 fevrier 1991 et deposees au greffede la cour [d'appel] le 4 mars 1991 que, par la voie d'un appel incident,la [demanderesse] a introduit une demande (presentee à ce moment commesubsidiaire alors qu'actuellement elle est presentee à titre principal)tendant à entendre dire pour droit qu'elle est proprietaire des bienslitigieux, sa demande de reexportation, en raisonnant à partir del'hypothese ou la dame M. est proprietaire de la collection, etantmaintenue à titre principal ;

Il s'agit donc d'une demande nouvelle en degre d'appel »,

l'arret considere que :

« C'est par contre à bon droit que [la defenderesse] soutient qu'elleest prescrite ;

En effet, ainsi qu'en conviennent tant la [demanderesse] que [ladefenderesse], il y a lieu d'appliquer le delai de prescription de droitbelge enonce à l'article 2262 du Code civil, suivant lequel toutes lesactions reelles sont prescrites par trente ans, sans que celui qui alleguecette prescription soit oblige d'en rapporter un titre ou qu'on puisse luiopposer l'exception deduite de sa mauvaise foi ;

Il est constant que les acquisitions de la dame M. se sont achevees auplus tard en 1954 ;

La demande de la [demanderesse] tendant à entendre dire pour droitqu'elle est proprietaire des biens en cause, introduite le 4 mars 1991,est des lors prescrite ;

En vain la [demanderesse] soutient-elle que la citation du 7 juillet 1982aurait interrompu cette prescription. Il a ete vu ci-avant que cettecitation ne tendait pas à entendre statuer sur le droit de propriete dela [demanderesse]. Tout au long de ses ecrits de procedure en premiereinstance, [celle-ci] n'a eu de cesse de repeter qu'elle n'entendait pasremettre en cause devant le tribunal belge le droit de propriete de ladame M. mais se reservait de le faire ulterieurement devant lesjuridictions iraniennes ;

Aucun autre acte interruptif de prescription n'est par ailleurs intervenuavant le 4 mai 1991, date de l'introduction de cette demande. Enparticulier, la [demanderesse] ne peut se prevaloir de l'article 2244 duCode civil, des lors qu'elle n'a procede à aucune saisie sur les bienslitigieux ;

La [demanderesse] a seulement forme, le 4 decembre 1981, tierce oppositionà une ordonnance du juge des saisies qui avait statue sur la procedurede saisie-revendication qu'avait introduite la dame M., en vue, non derevendiquer la propriete de la collection, mais d'exprimer sa volonte dela voir renvoyee en Iran en raison de son exportation irreguliere ;

L'interruption de la prescription ne s'etend pas d'une action à uneautre ; elle n'interrompt la prescription que pour la demande qu'elleintroduit et pour celles qui y sont virtuellement comprises ;

Tel n'est pas le cas en l'espece de la demande introduite par la[demanderesse] le 4 mars 1991 tendant à se voir reconnaitre proprietairede la collection, alors que la demande qu'elle avait formee jusqu'alorstendait uniquement à voir reexporter vers l'Iran des biens dont, parailleurs, la propriete n'etait nullement revendiquee ; au contraire, ilavait ete plusieurs fois souligne par la [demanderesse] qu'ellen'entendait pas contester, devant les tribunaux belges, le droit depropriete de la dame M. ;

Par ses conclusions deposees le 4 mars 1991, la [demanderesse] a doncintroduit une demande nouvelle, modifiant l'objet de sa demandeprincipale ; sa demande originaire est par ailleurs demeuree telle, maispresentee en ordre subsidiaire ».

L'arret en conclut que « la demande nouvelle ne beneficie pas del'interruption de la prescription afferente à la demande introductived'instance et qu'il suit des constatations et considerations qui precedentque la demande principale de la [demanderesse], formee en degre d'appel,est prescrite ».

Griefs

Premiere branche

Aux termes de l'article 544 du Code civil, rendu applicable en l'espece envertu de l'article 87, specialement S: 2, de la loi du 16 juillet 2004portant le Code de droit international prive, la propriete est le droitde jouir et disposer des choses de la maniere la plus absolue, pourvuqu'on n'en fasse pas un usage prohibe par les lois ou par les reglements.

Le droit de propriete ne se perd pas par prescription liberatoire : lapropriete a vocation à la perpetuite et le droit de jouir de sa chosecomprend celui de ne rien en faire. Cette regle vaut pour tous les biens,y compris les biens meubles, et s'etend à l'action en revendication,etroitement liee à la propriete (M. Marchandise, La prescriptionliberatoire en matiere civile, Dossiers du J.T., nDEG 64, Larcier, 2007,pp. 32 et 33 ; V. Sagaert, « Het onderscheid tussen persoonlijke en zakelijke vorderingen - Het verjaringsregime van zakelijke vorderingennader geanalyseerd », in Verjaring in het privaatrecht, Kluwer, 2005,nDEG 42). Le non-usage seul n'a pour effet la perte ni de la propriete nidu droit de revendiquer entre les mains d'un tiers simple detenteur oupossesseur (M. Marchandise, La prescription liberatoire en matiere civile,Dossiers du J.T., nDEG 64, Larcier, 2007, p. 33).

L'article 544 du Code civil permet d'ecarter l'application de l'article2262 du meme code, qui enonce que toutes les actions reelles sontprescrites par trente ans, sans que celui qui allegue cette prescriptionsoit oblige d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposerl'exception deduite de la mauvaise foi.

En principe, le juge est tenu de determiner et d'appliquer la regle dedroit qui regit la demande portee devant lui. A cet effet, il peut, quelleque soit la qualification que les parties ont donnee aux faits, suppleerd'office aux moyens invoques devant lui. Le juge doit donc qualifierjuridiquement les faits dont il est saisi, sans etre lie par lesqualifications proposees par les parties, rechercher la regle de droit quecette qualification entraine et l'appliquer au litige.

Le juge a ainsi l'obligation, en respectant les droits de la defense, derelever d'office les moyens dont l'application est commandee par les faitsspecialement invoques par les parties au soutien de leurs pretentions, enparticulier si ces moyens sont tires de normes imperatives ou d'ordrepublic, telles celles qui regissent la prescription.

En l'espece, il ressort des constatations de l'arret que 1. les bienslitigieux sont situes sur le territoire belge depuis juillet 1964 ; 2. lademande de la demanderesse tendant à « entendre dire pour droit qu'elleest proprietaire des biens en cause » a ete introduite posterieurementdevant les juridictions belges et 3. la defenderesse a oppose à cetterevendication l'exception de prescription, l'examen de la legalite del'entree en possession des biens litigieux par la dame M. n'etant aborde,au regard du droit iranien, que pour trancher la demande subsidiaireformee par la demanderesse tendant au renvoi de la collection en Iran.

L'arret releve donc qu'à cet egard, la defenderesse se limitait àsoutenir que la demande nouvelle de la demanderesse concernant lapropriete des biens litigieux « est prescrite ».

L'arret decide que c'est à bon droit que cette exception est elevee parles motifs, en substance, 1. qu'il y a lieu d'appliquer « le delai deprescription de droit belge enonce à l'article 2262 du Code civil »,soit trente ans ; 2. que « les acquisitions de la dame M. se sontachevees au plus tard en 1954 » et 3. que la demande de la demanderesse« tendant à entendre dire pour droit qu'elle est proprietaire des biensen cause, introduite le 4 mars 1991, est des lors prescrite ».

Sur la base des faits constates, à savoir la revendication par lademanderesse d'un droit de propriete relatif à des biens situes enBelgique, l'arret etait tenu d'appliquer, en vertu de l'article 87, S: 2,de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international prive,l'article 544 du Code civil, lequel permet d'ecarter l'application del'article 2262 de ce code. Aussi, l'arret aurait-il du decider qu'en vertud'une regle d'ordre public decoulant de l'article 544 du Code civil, cetterevendication n'etait pas prescrite.

En consequence, en statuant comme il le fait, sans rechercher si, sur labase des faits qu'il constate, la demande de la demanderesse « tendantà entendre dire pour droit qu'elle est proprietaire des biens en cause »n'etait pas imprescriptible, l'arret ne justifie pas legalement sadecision (violation des articles 544 du Code civil, 87, S: 2, de la loi du16 juillet 2004 portant le Code de droit international prive et 2262 duCode civil, ce dernier tel qu'il est modifie par l'article 4 de la loi du10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescription,applicable en vertu de l'article 10 de cette loi).

Deuxieme branche (subsidiaire)

Il est constant que « la demande originaire, dont la prescription a eteinterrompue par la citation, est determinee par son objet et par sa cause.Conformement à la conception factuelle de l'objet et de la cause de lademande, consacree par la Cour de cassation, la saisine du juge s'etend àtous les faits qui servent de base à la pretention du demandeur, sansavoir egard à la qualification juridique qui lui a ete donnee. Ainsi,meme si le demandeur n'a pas formellement exprime une pretention, ellepeut neanmoins etre implicitement (virtuellement) comprise dans sa demandelorsqu'elle peut etre deduite des faits specialement invoques à l'appuide la pretention qu'il soumet au juge. L'inclusion virtuelle d'une demandedans la demande principale implique que les termes de l'acte introductifd'instance soient suffisamment clairs pour que le defendeur s'attende aucomplement de demande et ne soit pas surpris par les moyens developpes parle demandeur (M. Dupont, « L'interruption de la prescription et lesdemandes virtuellement comprises dans la citation », R.G.D.C, 2010, 402à 405, et les references citees).

Aux termes de l'article 2262 du Code civil, toutes les actions reellessont prescrites par trente ans, sans que celui qui allegue cetteprescription soit oblige d'en rapporter un titre ou qu'on puisse luiopposer l'exception deduite de la mauvaise foi.

Cette prescription peut etre interrompue, conformement aux articles 2242et 2244 du Code civil, par une citation en justice, celle-ci interrompantla prescription jusqu'à la decision definitive.

L'article 2262 du Code civil, pour autant qu'il soit applicable, le seraiten vertu de l'article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certainesdispositions en matiere de prescription, qui enonce que, lorsque l'actiona pris naissance avant l'entree en vigueur de cette loi, les nouveauxdelais de prescription qu'elle institue ne commencent à courir qu'àpartir de son entree en vigueur mais que, toutefois, la duree totale dudelai de prescription ne peut depasser trente ans.

En outre, selon l'article 807 du Code judiciaire, la demande dont le jugeest saisi peut etre etendue ou modifiee, si les conclusions nouvelles,contradictoirement prises, sont fondees sur un fait ou un acte invoquedans la citation, meme si leur qualification juridique est differente.

Il est de jurisprudence constante qu'une demande en justice peut etreetendue ou modifiee par voie de conclusions lorsque les faits sur lesquelscelles-ci se fondent sont les memes que ceux qui sont mentionnes dans lacitation, meme si le demandeur n'en avait alors tire aucune consequencequant au bien-fonde de sa demande. L'existence virtuelle de la demandenouvelle dans la citation originaire entraine un effet interruptif de laprescription.

L'arret constate 1. que la demande de la demanderesse tendant à entendredire pour droit qu'elle est proprietaire des biens litigieux a eteintroduite le 4 mars 1991 ; 2. que « cette demande se fonde bien sur desfaits invoques dans la citation et ce, meme si, dans celle-ci, aucunerevendication n'avait ete formulee concernant la propriete des objetslitigieux dont la reexportation etait demandee ; 3. que, « certes, ilexiste un ecart temporel entre la periode à laquelle les biens en causeont ete acquis (entre 1950 et 1954) et celle à laquelle ils ont eteexportes (1964). Toutefois, la citation originaire, qui ne date pas lesfaits qu'elle relate, et ne les restreint donc à aucune periode de temps,vise expressement, en son premier paragraphe, les circonstances danslesquelles la dame M. a acquis les objets en cause (pour partie lors defouilles et pour partie aupres de marchands locaux) avant d'enchainer surles circonstances de leur exportation ». L'arret en conclut que « lademande nouvelle de [la demanderesse] est, partant, recevable au regard del'article 807 du Code judiciaire ».

Constatant ainsi que la demande de la demanderesse tendant à entendredire pour droit qu'elle est proprietaire des biens litigieux etaitvirtuellement comprise dans la citation introductive d'instance signifieele 7 juillet 1982, soit moins de trente ans apres la periode à laquelleles biens en cause ont ete acquis (entre 1950 et 1954) et celle àlaquelle ils ont ete exportes (1964), l'arret aurait du accueillir lathese de la demanderesse selon laquelle la citation du 7 juillet 1982 ainterrompu la prescription.

En consequence, en decidant que la demande principale de la demanderesse,formee en degre d'appel, est prescrite, tout en admettant qu'elle etaitvirtuellement comprise dans la citation introductive d'instance signifieele 7 juillet 1982, l'arret ne justifie pas legalement sa decision auregard des articles 2242, 2244 et 2262 du Code civil, ce dernier modifiepar l'article 4 et rendu applicable par l'article 10 de la loi du 10 juin1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescription, ainsique l'article 807 du Code judiciaire (violation de ces dispositionslegales).

Troisieme branche

La contradiction des motifs equivaut à une absence de motifs.

L'arret constate, d'une part, que la demande de la demanderesse tendant àentendre dire pour droit qu'elle est proprietaire des biens litigieux «se fonde bien sur des faits invoques en citation et ce, meme si, danscelle-ci, aucune revendication n'avait ete formulee concernant lapropriete des objets litigieux dont la reexportation etait demandee » etconsidere, d'autre part, que l'effet interruptif de la citation du 7juillet 1982 ne peut s'etendre à la demande nouvelle car il ne se produitque « pour la demande qu'elle introduit et pour celles qui y sontvirtuellement comprises ».

Ces motifs sont contradictoires car une demande nouvelle fondee sur desfaits invoques en citation est virtuellement comprise dans celle-ci.

En consequence, l'arret n'est pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).

Second moyen

Dispositions legales violees

- articles 1er, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18 et 32 de la loiiranienne du 12 Aban-Mah 1309 (3 novembre 1930) ;

- articles 12 à 36 et 51 du decret d'application de la loi iranienne du12 Aban-Mah 1309 (3 novembre 1930) du 28 Aban-Mah 1311(19 novembre 1932) ;

- article 36 du Code civil iranien ;

- articles 20, S: 2, 87 et 127 de la loi du 16 juillet 2004 portant leCode de droit international prive.

Decisions et motifs critiques

L'arret « dit l'appel principal recevable et fonde dans la mesureci-apres precisee ; dit l'appel incident recevable mais non fonde [...] ;reforme le jugement entrepris uniquement en tant qu'il a declare lesdemandes de Y. W., veuve M., autres que celle ayant pour objet lareparation des spoliations dont elle se plaignait d'avoir ete victime enIran, recevables mais non fondees ; invite le conservateur du Musee duCinquantenaire à remettre à [la defenderesse] la collection d'objetsdont monsieur D. R. a ete institue sequestre par ordonnance du juge dessaisies de Gand du 4 aout 1982, telle qu'elle a ete inventoriee parmonsieur E. H. le 19 novembre 1983 ; condamne la [demanderesse] auxentiers frais de sequestre et d'expertise de la collection, s'il en est ;[la] condamne aux depens d'appel de [la defenderesse] et lui delaisse sespropres depens d'appel ; deboute chacune des parties du surplus de sespretentions respectives ».

L'arret commence par constater que :

« Quant à la demande subsidiaire de la [demanderesse] tendant au renvoide la collection en Iran

L'argumentation que developpe la [demanderesse] à l'appui de cettedemande consiste à faire valoir que l'exportation des biens en cause a eulieu sans l'autorisation requise et que, des lors, leur reexportation versl'Iran s'impose comme sanction civile de la violation de cette obligationlegale de ne pas faire, à titre de reparation en nature ;

[La defenderesse] soutient à titre principal que le droit internationalprive belge empeche les juridictions belges d'appliquer le droit iranienreglant l'exportation de biens car il s'agit d'une reglementation àcaractere public et penal ;

A titre subsidiaire, elle soutient que l'exportation des biens n'est pasintervenue de maniere illegale ;

Certes, il n'appartient pas aux cours et tribunaux belges d'exercer unesouverainete etrangere. Partant, la cour [d'appel] ne saurait ni prononcerla confiscation des biens en cause ni appliquer d'autres sanctions denature penale, telles des amendes, en raison de l'exportation illegaledesdits biens ;

Cependant, la loi iranienne de 1930 et son decret d'application, plusamplement decrits ci-apres, ne comportent pas que des dispositions àcaractere public ou penal ; ils reglent aussi la question de la propriete,de la possession et de la detention de ces biens, dans leurs aspects dedroit civil, questions qui ne peuvent etre eludees à l'occasion del'examen de la demande subsidiaire de la [demanderesse] et de celles de[la defenderesse] ;

Il n'existe pas de regle de droit belge ou de droit international quiempecherait en principe le juge belge d'ordonner, en l'espece, une mesureà caractere civil, meme si celle-ci est rendue necessaire parl'application d'une loi etrangere comprenant des dispositions à caractereadministratif et penal ;

La cour [d'appel] est chargee d'appliquer le droit du pays designe par lesregles de conflit de lois, dans son ensemble ;

Cette solution se trouve du reste confirmee par l'article 20, S: 2, duCode de droit international prive du 16 juillet 2004, qui permet dedonner effet aux dispositions imperatives ou d'ordre public du droit d'unautre Etat, sous la seule reserve, contenue à l'article 21, d'unecontrariete avec l'ordre public (Article 20, S: 2 : `Lors del'application, en vertu de la presente loi, du droit d'un Etat, il peutetre donne effet aux dispositions imperatives ou d'ordre public du droitd'un autre Etat avec lequel la situation presente un lien etroit, si etdans la mesure ou, selon le droit de ce dernier Etat, ces dispositionssont applicables quel que soit le droit designe par les regles de conflitde lois. Pour decider si effet doit etre donne à ces dispositions, il esttenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des consequences quidecouleraient de leur application ou de leur non-application'. - Article21 : `L'application d'une disposition du droit etranger designe par lapresente loi est ecartee dans la mesure ou elle produirait un effetmanifestement incompatible avec l'ordre public') ;

Suivant l'article 127 de ce code, s'agissant des regles de conflit delois, les regles edictees par celui-ci sont d'application immediate, ycompris pour les effets produits apres le 1er octobre 2004 par un acte ouun fait juridique survenu avant cette date ;

Il n'est pas douteux que la question de la propriete des biens en causedoit s'examiner au regard du droit iranien ;

L'article 87, S: 1er, du Code de droit international prive enonce leprincipe de la lex rei sitae : les droits reels sur un bien relevent dudroit du lieu ou ce bien se trouve àu moment ou [ces droits] sontinvoques'. Lorsque le litige porte sur l'acquisition ou la perte de cesdroits reels, le droit applicable est celui de l'Etat sur le territoireduquel le bien est situe au moment de la survenance des actes ou des faitsinvoques pour fonder l'acquisition ;

A l'appui de sa demande subsidiaire, la [demanderesse] se prevaut, toutd'abord, de l'article 26 du Code civil iranien, qui enonce : `La proprietedu gouvernement qui se rapporte au service public et au bien-etre, commeles fortifications, forteresses, douves, travaux en terre militaire,arsenaux, armes, magasins, avions de guerre et similairement les meubleset batiments publics, les poteaux telegraphiques, les musees, lesbibliotheques publiques, les monuments historiques et objets similaires,en bref tout ce qui, propriete mobiliere ou immobiliere, est utilise parle gouvernement pour le service public au profit de l'Etat, ne peut etrela propriete des particuliers. Les memes regles s'appliquent aux actifsqui sont destines au service public d'une province, d'une region ou d'uneville' ;

Cette disposition n'apparait toutefois pas pertinente ici, puisque,precisement, les biens en cause n'ont jamais ete affectes au service del'Etat iranien ni utilises comme tels ;

La [demanderesse] invoque aussi l'article 36 du Code civil iranien suivantlequel `la possession qui a ete reconnue comme ne provenant pas d'un moded'acquisition de propriete ou d'un transfert legal n'est pas valable' ;

Pour determiner si la dame M. est ou non entree legalement en possessiondes objets en cause, il convient de s'en referer à la loi iranienne du 12Aban-Mah 1309 (3 novembre 1930) et à son decret d'application du 28Aban-Mah 1311 (19 novembre 1932), qui reglaient à l'epoque le regimepropre aux antiquites, et de decrire en synthese la teneur de cettereglementation ;

L'article 1er de cette legislation prevoit que `toutes les oeuvresartisanales, les edifices et les sites qui ont ete crees ou construits enIran jusqu'à la fin de la dynastie Zend, qu'ils soient mobiliers ouimmobiliers, peuvent etre, observation faite de l'article 3, considerescomme oeuvres nationales et mises sous la sauvegarde et la surveillance del'Etat' ;

Suivant l'article 2, `l'Etat doit dresser un inventaire de toutes lesoeuvres nationales actuellement connues et ayant une importancehistorique, scientifique ou artisanale. Toute oeuvre ulterieurementdecouverte doit etre portee à cet inventaire ; l'inventaire ainsi dressesera publie et porte à la connaissance du public' ;

L'article 3 prevoit : `Le classement de l'oeuvre s'effectue apresl'appreciation et l'autorisation ecrite du ministere de l'Instructionpublique. Toutefois, le classement de l'oeuvre ayant un proprietaire privene s'effectue qu'apres la notification au proprietaire et n'est definitifqu'apres avoir examine la protestation eventuelle formulee par leproprietaire ; les obligations edictees par cette loi ne seront mises àcharge du proprietaire qu'apres le classement definitif' ;

L'article 5 precise que les proprietaires ou les possesseurs d'un bienclasse peuvent conserver leur droit de propriete ou de possession mais nedoivent pas s'opposer aux mesures que l'Etat estimera necessaires pour lasauvegarde de l'oeuvre, sans frais pour le proprietaire ;

Les articles 7 et 8 prevoient que les biens mobiliers consideres commeoeuvres nationales et en possession d'un particulier doivent etre inscritsà un inventaire separe sous reserve des dispositions de l'article 3 etqu'un certificat en double exemplaire de l'oeuvre sera emis, l'un conserveaux archives des oeuvres nationales et l'autre accompagnant l'oeuvre dansses alienations ;

L'article 9 oblige le proprietaire d'un bien mobilier classe qui desire levendre à en informer l'administration, qui beneficiera d'un droit depreemption ;

L'article 10 oblige celui qui trouve fortuitement des biens mobilierssusceptibles d'etre consideres, d'apres cette loi, comme oeuvresnationales, à en informer aussitot le ministere de l'Instructionpublique. Si l'administration juge que ces biens doivent etre classescomme oeuvres nationales, la moitie des objets ou leur juste valeurconfirmee par experts sera remise au decouvreur, l'Etat pouvant, soitgarder l'autre moitie, soit la laisser gratuitement au decouvreur ;

L'article 11 enonce que le droit de fouille appartient exclusivement àl'Etat, qui peut le deleguer, notamment à des particuliers ou à dessocietes (pour des fouilles dites commerciales) ou à des institutionsscientifiques (pour les fouilles dites scientifiques) au moyen d'uneautorisation qui determine le lieu des fouilles ou leur limite et duree.Il prevoit que l'Etat peut egalement faire executer des sondages ;

L'article 14 precise que les objets trouves au cours des fouillesappartiendront à l'Etat s'ils sont trouves directement par l'Etat ; s'ilssont trouves par d'autres personnes, l'Etat peut choisir dix objets, lesolde se partageant par moitie entre l'Etat et le decouvreur. Si le nombred'objets trouves lors de la saison de fouilles ne depasse pas dix et quel'Etat garde le tout, il remboursera au fouilleur ses depenses ;

L'article 15 prevoit que la part revenant au decouvreur appartiendra àlui-meme ;

L'article 16 sanctionne d'une amende ceux qui contreviennent à l'article10, de meme que ceux qui se livrent à des fouilles sans autorisation del'Etat et à son insu, et ceux qui exportent illegalement des oeuvresnationales ;

L'article 17 prevoit que l'exportation des antiquites doit se faire avecl'autorisation de l'Etat et que quiconque tentera d'exporter, sansautorisation, des objets inscrits à l'inventaire des oeuvres nationalesverra ces objets confisques au profit de l'Etat. Il precise que l'Etat nerefusera pas son autorisation pour l'exportation si les objets trouves,qui d'apres les articles 10 et 14 de la loi reviennent au decouvreur,n'ont pas ete portes sur l'inventaire des oeuvres nationales ;

L'article 18 concerne les objets consideres comme oeuvres nationales, pourlesquels l'autorisation d'exporter peut etre refusee par l'Etat, à chargepour lui d'acheter les biens au prix declare dans la demanded'exportation ;

Il precise aussi qu'en tout cas, l'exportation de la part des objetsrevenant au decouvreur apres une fouille scientifique avec l'autorisationde l'Etat est autorisee et est exempte de droits ou taxes ;

Le chapitre II du reglement d'execution de cette loi traite des antiquitesmobilieres ;

Il repete et precise, en ses articles 12 à 17, ce qui a ete dit à la loiconcernant la tenue d'un inventaire, l'emission d'un certificat en doubleexemplaire, le droit de preemption de l'administration en cas de vente etl'obligation pour quiconque trouvera fortuitement une antiquite d'enaviser l'administration ;

Le chapitre III reglemente les fouilles (articles 18 à 30) et le sort desobjets trouves (article 31), comme il est dit à la loi ;

L'article 32 enonce que, les antiquites trouvees au cours de fouillesscientifiques ayant par definition un caractere purement documentaire, lesobjets trouves de cette sorte qui reviendront à l'Etat feront de droitpartie des collections nationales ;

L'article 33 impose au fouilleur, à la fin de chaque campagne de fouillesscientifiques, de remettre à la direction du service archeologique unplan du ou des champs de fouille avec une legende indiquant la positiondes edifices et objets decouverts, une liste des objets trouves et unrapport sommaire contenant l'historique des travaux ;

L'article 36 prevoit que quiconque contreviendra aux dispositions del'article 10 de la loi ou de l'article 17 du reglement, executera desfouilles sans autorisation reguliere, exportera des fouilles sansautorisation reguliere ou exportera des antiquites en contrebande seracondamne à une amende et prevoit que les objets decouverts seront saisiset confisques au profit de l'Etat ;

L'article 51 enonce que toute antiquite que l'on tenterait de faire sortirde la Perse sans autorisation reguliere serait saisie et confisquee auprofit de l'Etat ;

Il suit de ce qui precede qu'il convient de distinguer selon que lesobjets en cause ont ete trouves lors de fouilles ou acquis aupres decommerc,ants ;

S'agissant des objets trouves lors des fouilles, il est exact que lademande d'autorisation introduite par la dame M. ne concernait que dessondages scientifiques ;

Toutefois, la reponse de l'administration, datee du 23 novembre 1954, estainsi libellee :

`Concernant la demande de sondage et d'etudes scientifiques dans lacolline prehistorique du village de Khorvine, le ministere de la Culture[...] vous donne accord afin que, en respectant les articles 13 et 14 dela loi [...] concernant les antiquites, vous procediez à des sondages età des etudes scientifiques pour une duree d'un mois, sous la surveillanceet avec l'aide de monsieur M. P. M., et presentiez les objets decouvertsà l'administration generale d'archeologie afin qu'un traitement conformeaux reglements soit reserve' ;

Il doit des lors etre admis que, si ce texte ne parle pas expressement defouilles, il autorise en tout cas des sondages et etudes scientifiques,sous la surveillance et avec l'aide d'un delegue de l'administration, etprevoit expressement l'hypothese de la decouverte, à cette occasion,d'objets à soumettre, le cas echeant, à l'administration ;

Il est constant que monsieur P. a assiste aux travaux menes sur le sitepar la dame M. avec le professeur V. B. Si la [demanderesse] tente delimiter son role à une assistance scientifique et non d'ordreadministratif, ceci est contredit par les termes de l'autorisation quimentionne qu'il aura egalement un role de surveillance ;

Dans ces conditions, c'est en toute legalite que la dame M. a trouve, àcette epoque, les objets en cause. Il y a en effet lieu d'admettre qu'ellen'a, à ce stade, nullement agi à l'insu de l'administration et elle doitetre crue egalement lorsqu'elle affirme que les objets ont ete ensuitepresentes au service d'archeologie ;

La bonne foi avec laquelle la dame M. a agi transparait du reste dedivers courriers, dont certains ont ete ecrits in tempore non suspecto,à une epoque ou l'Etat iranien n'avait pas entrepris de revendiquer lacollection en question ; certains de ces courriers tendent du reste àconfirmer qu'une partie du produit des fouilles a bien ete laissee àl'Etat iranien à l'epoque ;

Ainsi, dans une lettre du 9 mars 1966 adressee à Son Excellence S. S.,conseiller culturel et porte-parole de la cour imperiale d'Iran, L. V. B.ecrivait notamment : `Je suis bien rentre en Belgique apres des recherchesarcheologiques fructueuses et un sejour agreable en Iran', et luirecommande la dame M. pour le secretariat de la section `Archeologie', luirappelant ses larges connaissances en la matiere ;

C'est des 1964 que le professeur V. B. a fait paraitre son livre `Lanecropole de Khorvine', auquel la dame M. a prete son concours. La dame M.et le professeur V. B. ont egalement relate leurs recherchesarcheologiques dans une contribution à un ouvrage intitule `Tresors del'ancien Iran', paru à Geneve en 1966. Par ces publications, l'existencede la collection et les conditions de constitution etaient rendueslargement publiques, ce qui ne se conc,oit pas de la part de personnes demauvaise foi ;

Dans une lettre que la dame M. a adressee le 4 mai 1975 à monsieur H.,ambassadeur d'Iran en Belgique, il se lit notamment : `Il y a vingt-septans, le Musee de Teheran etait plutot indifferent à Khorvine, l'Iranregorgeant de sites prestigieux. Parce que je portais un vif interetscientifique à ce site, chaque semaine, prenant des risques sur lespistes embourbees, je venais sur les lieux pour acheter poteries et petitsbronzes. Avec patience et amour, j'ai reuni une collection, la pluscomplete connue [...]. Le jeune professeur V. B. demanda à etudier macollection. J'ai paye toutes les photos qui illustrent sa publication.Pour en augmenter la valeur scientifique, j'ai sollicite et obtenu demonsieur M., directeur du Musee, une autorisation de fouille scientifique.J'ai paye la totalite des frais. Le musee a ete dec,u par les objetsexhumes et je suis sure qu'il a mis au « zizarmin » les objets qu'il agardes' ;

Dans une lettre adressee le 31 mai 1982 par la dame M. au charged'affaires en Iran, apres l'introduction de la procedure judiciaire,[celle-ci] repete que l'objet de ses fouilles que lui avait laissemonsieur M., alors directeur du musee, ne valait pas le prix du transportet precisait que, `pendant des annees, et jusqu'aux lois recentes de larepublique islamique, les objets de nos fouilles etaient partages par lemusee en deux lots tires au sort, l'un pour lui, l'autre pour laBelgique' ;

Dans une lettre du 29 avril 1981 à monsieur M., charge d'affaires àl'ambassade d'Iran, L. V. B. expose aussi que les objets decouverts lorsdes sondages qui ont eu lieu entre le 26 novembre et le 5 decembre 1954`ont permis seulement de mettre à jour quatorze tombes dont le mobilierfuneraire comprenait essentiellement de la ceramique (voir mon livre « Lanecropole de Khorvine », pages 6 à 2)', que `les objets de ce sondageont ete apportes au service archeologique et que la dame M., qui avaitsubventionne ces sondages, en a rec,u une partie conformement au reglementen vigueur à cette epoque' ;

[La defenderesse] est credible lorsqu'elle affirme qu'à l'epoque,l'administration n'a porte que peu d'interet au produit de ces fouillesou sondages et n'a des lors ni souhaite inscrire ces biens à l'inventaireni en prelever la partie que la reglementation en vigueur lui permettaitde s'attribuer ;

Il apparait en tout etat de cause que c'est en connaissance de causequ'elle a laisse la dame M. en possession des objets issus desditesfouilles que cette derniere a, ulterieurement, exportes vers la Belgique ;

Ce constat n'est pas enerve par la confusion occasionnelle que la dame M.semblait operer entre le Musee archeologique de Teheran et le ministerecompetent ;

La circonstance que [la defenderesse] ne soit pas en mesure de fournirl'inventaire que la dame M. aurait du presenter, en son temps, àl'administration n'ote rien à la credibilite de ses explications à cepropos et de celles qu'elle avait donnees precedemment ;

S'agissant des objets acquis aupres de marchands iraniens, il apparait despieces du dossier que, en novembre 1954 en tout cas, l'administrationetait bien au fait de l'existence de la collection constituee par la dameM. puisque celle-ci, loin de s'en cacher, en faisait expressement etatdans sa demande d'autorisation de sondage du 13 novembre 1954 (`Comme vousle savez, depuis cinq ans que je suis arrivee en Iran, je m'occuped'etudier et de rassembler des antiquites provenant du village deKhorvine') et que, dans sa reponse du 23 novembre 1954, l'administrationl'en remerciait, sans formuler la moindre pretention sur tout ou partie decette collection, ni mettre en cause la legalite de sa possession par ladame M. (`le ministere de la Culture vous remercie de votre attachementaux oeuvres historiques du pays ainsi que de la reunion d'une importantecollection issue des objets decouverts à Khorvine, que vous avezrassembles soigneusement et avec beaucoup de gout') ;

Il doit donc en etre deduit que l'administration avait bien connaissancede l'existence de cette collection et que c'est en pleine connaissance decause qu'elle n'a pas requis que tout ou partie des objets la composantfigure à l'inventaire des oeuvres nationales ;

Aucun manquement de la dame M. n'est des lors etabli concernant la manieredont elle est entree en possession des objets composant sa collection ;

S'agissant de l'exportation des objets faisant partie de cette collection,il apparait que, les objets en possession de la dame M. n'etant pasinscrits à l'inventaire des oeuvres nationales, l'Etat iranien ne pouvaitrefuser son autorisation pour leur exportation. Il ressort en effet del'article 17 de la loi que l'Etat iranien avait l'obligation de ne pasrefuser l'autorisation d'exporter aux objets appartenant à l'inventeur etqui ne figurent pas sur la liste des antiquites nationales. Pour lesobjets provenant de fouilles scientifiques effectuees avec l'accord del'Etat et constituant la part de l'inventeur, l'article 18 de la loiprevoit que l'exportation est dans tous les cas autorisee et exoneree detous droits et taxes ;

Certes, formellement, une demande d'exportation aurait du etre introduiteà leur propos ;

Il ne ressort pas des pieces versees aux debats que monsieur M. s'en soitcharge, quoique la dame M. ait paye au demenageur charge du transport unesomme de 2.000 rials destinee à couvrir les formalites d'exportation ;

Toutefois, ce manquement ne peut justifier le retour de ces biens enIran ;

La [demanderesse] ne pourrait faire valoir que les droits de sortie n'ontpas ete valablement acquittes par la dame M., alors qu'elle indiqueelle-meme que la prescription de droit iranien applicable à ce propos estde quinze ans et est donc acquise depuis 1979 ;

De meme, elle ne peut se prevaloir de ce que la reglementation iranienneprevoit la confiscation des objets dont l'exportation est intervenue demaniere irreguliere ;

En effet, la confiscation est une forme de peine et ne peut, des lors,etre appliquee par les tribunaux belges, en raison du principe de laterritorialite du droit penal (sans prejudice de la prescription de cettepeine en droit iranien) ;

Pour revendiquer le retour de la collection vers l'Iran, la [demanderesse]ne peut prendre appui sur aucune disposition de droit iranien autre quecelles qui prevoient la confiscation de biens exportes sans avoir accompliles formalites requises ;

La [demanderesse] ne peut soutenir que la reglementation iranienne auraitinstitue, sur ces objets, une forme de servitude legale d'interet public.La qualification de droit reel ne ressort en effet pas des textes iraniensproduits. L'interdiction d'exporter des antiquites sans autorisation nes'analyse pas comme une forme de servitude mais comme une formalite detype administratif, sanctionnee par des peines de confiscation etd'amendes qui revetent le caractere de sanctions penales et sont, deslors, territoriales (outre la question de leur prescription en droitiranien) ;

Elle ne peut davantage revendiquer un droit reel sui generis ressortissantdu domaine eminent de l'Etat, qui lui permettrait, meme s'il n'est pasproprietaire des objets en cause, d'en exiger le retour en Iran au motifqu'il s'agit de biens qui font partie de son patrimoine culturel. Il a etevu ci-avant que les conditions dans lesquelles la dame M. est entree enpossession de ces biens ne sont pas critiquables et que l'Etat n'a pasjuge opportun, en temps utile, de proceder à leur classement ;

Ces biens ne font des lors pas partie de son patrimoine culturel. Lamesure de confiscation eventuellement applicable n'est qu'une mesure àcaractere penal et n'est pas creatrice d'un droit reel sui generis ;

Il peut etre releve en outre qu'il n'y a pas lieu de faire application del'article 90 du Code de droit international prive qui dispose que,`lorsqu'un bien qu'un Etat inclut dans son patrimoine culturel a quitte leterritoire de cet Etat de maniere illicite au regard du droit de cet Etatau moment de son exportation, sa revendication par cet Etat est regie parle droit dudit Etat en vigueur à ce moment ou, au choix de celui-ci, parle droit de l'Etat sur le territoire duquel le bien est situe au moment desa revendication', puisque l'article 127, S: 7, de ce code limite leseffets de l'article 90 precite àu bien qui a quitte le territoire del'Etat de maniere illicite apres l'entree en vigueur de la presente loi',alors qu'en l'occurrence, l'exportation est intervenue en 1964, soit bienavant cette entree en vigueur, et que, en tout etat de cause, ces biensn'ont pas ete inclus dans le patrimoine culturel de l'Etat iranien ;

La [demanderesse] ne peut davantage invoquer utilement que l'exportationillicite constituerait un fait juridique dommageable, pour la sanctionduquel il conviendrait, en application de la loi de police iranienne,d'ordonner la reexpedition des biens en Iran ;

En effet, les seules sanctions d'une exportation irreguliere sont lespeines d'amende et de confiscation prevues par la loi iranienne ;

La [demanderesse] ne prouve pas que, suivant le droit iranien, lareexportation s'imposerait à titre de sanction civile d'une exportationirreguliere ;

De plus, le retour des biens vers l'Iran, en tant que sanction civile del'exportation irreguliere, n'apparait pas se justifier en l'espece, carcette mesure aurait pour effet, de facto, de deposseder totalement [ladefenderesse] de la collection appartenant originairement à sa mere, ladame M., dont elle est l'ayant droit ;

Or, il a ete vu que, si l'exportation avait, en son temps, ete demandee,elle aurait en principe du etre autorisee et que la dame M. serait, deslors, restee en possession de cette collection ;

Meme en supposant que, à l'occasion de la demande d'exportation, l'Etatiranien eut pu decider de proceder au classement de tout ou partie desoeuvres, tout porte à croire qu'il n'en aurait rien fait ;

En effet, des lors qu'il a ete vu que l'Etat iranien connaissaitparfaitement tant l'existence que la consistance de la collection, depuisau moins decembre 1954 (voir sa lettre precitee du 23 novembre 1954 et lapresence de monsieur p. lors des fouilles de decembre 1954), et n'a pasjuge opportun de proceder à un classement ni de prelever, sur le produitdes fouilles, dix objets plus la moitie du solde, il est purementhypothetique d'imaginer qu'il aurait ete d'un autre avis à l'occasiond'une demande d'exportation, si celle-ci avait ete introduite ;

Ce n'est qu'en 1980, apres la chute du shah d'Iran, que l'Etat iranien amanifeste un interet pour les biens en cause ;

Meme à supposer que, lors de l'exportation des biens, l'Etat iranienaurait decide de porter tout ou partie des oeuvres à l'inventaire desoeuvres nationales, encore cette decision n'aurait-elle pas eu pourconsequence de lui permettre d'acquerir la propriete de toute lacollection ni d'en acquerir la possession ;

En effet, s'agissant des biens acquis par la dame M. aupres de marchands,ceux-ci seraient en tout etat de cause demeures la propriete de [celle-ci]en vertu de l'article 5 de la loi, l'Etat beneficiant seulement d'un droitde preemption en cas d'alienation de l'oeuvre ; s'agissant des oeuvresrecueillies lors des sondages ou fouilles, l'Etat aurait seulement pu enprelever dix au maximum et la moitie du solde ;

Il apparait ainsi que le retour de l'ensemble des pieces de la collectionvers l'Iran excede manifestement ce qu'aurait pu, eventuellement, obtenirl'Etat iranien si une demande d'exportation avait ete regulierementintroduite en son temps ;

Pour rappel, l'article 20 du Code de droit international prive indique quele juge `peut' donner effet aux dispositions imperatives ou d'ordre publicdu droit d'un autre Etat avec lequel la situation presente un lien etroitet que, pour decider si effet doit etre donne à ces dispositions, il esttenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des consequences quidecouleraient de leur application ou de leur non-application ;

C'est en vain, encore, que la [demanderesse] invoque les dispositions desarticles 307 et 308 du Code civil iranien, qui instituent comme causes deresponsabilite l'usurpation de la chose d'autrui ;

En effet, la [demanderesse] demeure en defaut d'etablir qu'en l'espece, ladame M. aurait usurpe des objets appartenant à l'Etat d'Iran, au sens oul'entend le droit iranien. Il a ete vu au contraire que la dame M., etantlegitimement entree en possession des biens concernes, qui n'appartenaientpas à l'Etat iranien en vertu des regles edictees à la loi de 1930 et àson reglement d'application, [elle] a seulement omis d'accomplir lesformalites requises pour leur exportation, ce qui ne fait pas d'elle uneusurpatrice ».

L'arret en deduit que la demande de la defenderesse tendant à ce « quesoit ordonne au sequestre, conservateur du Musee du Cinquantenaire,designe par le juge des saisies de Gand, de vider ses mains en sa faveur[...] est fondee compte tenu des constatations et considerations quiprecedent » et que « les frais d'expertise et de sequestre doivent [...]etre mis à charge de la [demanderesse], qui succombe dans sa demande ».

Griefs

Premiere branche

Il ressort de l'article 36 du Code civil iranien que « la possession quia ete reconnue comme ne provenant pas d'un mode d'acquisition de proprieteou d'un transfert legal n'est pas valable ».

Pour apprecier la legalite du mode d'acquisition de propriete ou dutransfert, il convient de se referer aux dispositions de la loi iraniennedu 12 Aban-Mah 1309 (3 novembre 1930).

En substance, le systeme legal ainsi mis en place et rendu applicable envertu des articles 20, S: 2, 87 et 127 de la loi du 16 juillet 2004portant le Code de droit international prive impose 1. que les bienspresentant les caracteristiques des biens litigieux soient considerescomme des « oeuvres nationales [...] mises sous la sauvegarde et lasurveillance de l'Etat » ; 2. que de tels biens fassent partie d'uninventaire tenu par le ministere de l'Instruction publique, qui doit etretenu informe par celui qui les trouve (voir articles 3, 5, 7, 8, 9 et 10de la loi precitee) ; 3. que le droit de fouille fasse l'objet d'uneautorisation etatique et d'une surveillance exercee par la direction duservice archeologique (articles 11 et 16 de la loi iranienne precitee, 12à 36 et 51 du decret precite) ; 4. que les objets trouves au cours defouilles scientifiques fassent de droit partie des collections nationales(article 32 du decret) et 5. que l'Etat dispose de prerogativesparticulieres relatives aux objets pouvant etre consideres comme desoeuvres nationales (articles 10, 14, 15 et 17 de la loi iranienneprecitee).

En l'espece, il ressort des constatations de l'arret que 1. c'est unedemande de sondage et d'etudes scientifiques (et non de fouilles) qui aete formulee par l'auteur de la defenderesse ; 2. l'autorisation a eteaccordee par le ministere de la Culture (et non le ministere del'Instruction publique) ; 3. la surveillance des travaux a ete effectueepar un directeur de musee (et non par la direction du servicearcheologique) et 4. divers courriers et publications posterieurs àl'execution des fouilles ont ete rediges et adresses à plusieurspersonnes, toutes etrangeres au ministere de l'Instruction publique ou àla direction du service archeologique de la demanderesse.

Il ne ressort donc nullement des considerations precitees de l'arret quele mode d'acquisition des biens litigieux par la dame M. se soit opere demaniere legale au sens des articles 1er, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16et 17 de la loi iranienne du 12 Aban-Mah 1309 (3 novembre 1930) et desarticles 12 à 36 de son decret d'application. La possession de la dame M.ne pouvait donc etre consideree comme valable au sens de l'article 36 duCode civil iranien.

En consequence, l'arret, qui, sur la base de ces constatations, decide que« l'administration avait bien connaissance de l'existence de cettecollection et que c'est en pleine connaissance de cause qu'elle n'a pasrequis que tout ou partie des objets la composant figure à l'inventairedes oeuvres nationales » et qu' « aucun manquement, dans le chef de ladame M., n'est des lors etabli concernant la maniere dont elle est entreeen possession des objets composant sa collection », viole les articles1er, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17 de la loi iranienne du 12Aban-Mah 1309 (3 novembre 1930), 12 à 36 du decret d'application de cetteloi et 36 du Code civil iranien, rendus applicables par les articles 20,S: 2, 87 et 127 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droitinternational prive.

Seconde branche

Il ressort des articles 16, 17 et 18 de la loi iranienne du 12 Aban-Mah1309 (3 novembre 1930) et des articles 12 à 36 et 51 de son decretd'application que l'exportation de biens, tels les biens litigieux, doitfaire l'objet d'une autorisation de l'Etat.

L'article 32 de la loi precitee enonce, en outre, que, les antiquitestrouvees au cours de fouilles scientifiques ayant par definition uncaractere purement documentaire, les objets trouves de cette sorte quireviendront à l'Etat feront de droit partie des collections nationales.

Enfin, selon l'article 36 du Code civil iranien, la possession qui a etereconnue comme ne provenant pas d'un mode d'acquisition de propriete oud'un transfert legal n'est pas valable.

Il ressort des considerations de l'arret que 1. une demande d'exportationaurait du etre introduite à propos des biens litigieux, ce qui n'a pasete fait ; 2. l'autorisation d'exportation aurait du etre donnee car «tout porte à croire » que l'Etat iranien n'aurait pas decide de procederau classement de tout ou partie de ces biens ; 3. meme si la demanded'exportation avait ete formulee par la dame M., l'Etat iranien n'auraitpu exercer que des droits limites sur les biens litigieux et 4. cettemesure ne pourrait se justifier car elle aurait pour effet de facto dedeposseder totalement la defenderesse, alors que la dame M. serait resteeen possession de cette collection.

L'arret en deduit que « le retour de l'ensemble des pieces de lacollection vers l'Iran excede manifestement ce qu'aurait pu,eventuellement, obtenir l'Etat iranien si une demande d'exportation avaitete regulierement introduite en son temps ».

Ce faisant, l'arret meconnait la portee de l'article 32 de la loi d'ou ildecoule que les biens litigieux qu'il vise auraient fait partie de droitdes collections nationales, sans qu'une decision de classement doive etreprise par l'Etat iranien. En outre, la demande d'exportation n'ayant pasete effectuee, la possession de la dame M. ne pouvait etre considereecomme valable au regard de l'article 36 du Code civil iranien.

En consequence, l'arret, qui decide de rejeter totalement la demande derenvoi de la collection litigieuse en Iran, en se fondant sur lacirconstance que le defaut de demande d'exportation est sans incidence surla possession de la dame M., dont la defenderesse est l'ayant droit, n'estpas legalement justifie au regard des articles 16, 17, 18, 32 de la loiiranienne du 12 Aban-Mah 1309 (3 novembre 1930), 12 à 36, 51 de sondecret d'application et 36 du Code civil iranien, rendus applicables parles articles 20, S: 2, 87 et 127 de la loi du 16 juillet 2004 portant leCode de droit international prive.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, par ladefenderesse et deduite de ce qu'il est dirige contre une decisionconforme aux conclusions de la demanderesse :

Le moyen, en cette branche, est dirige contre la decision de l'arret dedeclarer prescrite, par application de l'article 2262 du Code civil, lademande de la demanderesse tendant à entendre dire pour droit qu'elle estproprietaire de la collection d'antiquites et d'objets d'art litigieuse.

La defenderesse fait valoir que, ainsi que le constate d'ailleurs l'arret,la demanderesse a, comme elle, considere devant la cour d'appel y avoirlieu d'appliquer le delai de prescription de l'article 2262 precite.

L'article 544 du Code civil, dont le moyen, en cette branche, deduit quela demande de la demanderesse n'est pas soumise à ce delai deprescription, est d'ordre public.

Quels que soient les moyens qu'elle a soumis au juge du fond, lademanderesse est recevable à invoquer contre l'arret, qui, en disant sademande prescrite, contrairement à ce qu'elle pretendait, lui infligegrief, un moyen qui, pris de la violation de pareille disposition, peutetre souleve pour la premiere fois devant la Cour.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

Aux termes de l'article 544 du Code civil, la propriete est le droit dejouir et disposer des choses de la maniere la plus absolue, pourvu qu'onn'en fasse pas un usage prohibe par les lois et par les reglements.

Ni ce droit ni l'action en revendication qui le protege ne se perdent parle non-usage.

En declarant prescrite, pour n'avoir pas ete intentee dans le delai detrente ans depuis que « se sont achevees [...] les acquisitions [del'auteur de la defenderesse] », la demande de la demanderesse « tendantà se voir reconnaitre proprietaire de la collection », l'arret violel'article 544 du Code civil.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le second moyen :

Quant aux deux branches reunies :

Lorsqu'il applique la loi etrangere, le juge doit en determiner la porteeen tenant compte de l'interpretation qu'elle rec,oit dans le pays dontelle emane.

La Cour controle la conformite de la decision du juge à cetteinterpretation.

Le moyen, qui ne precise pas en quoi l'arret donnerait des dispositions dela loi iranienne dont il invoque la violation une portee non conforme àl'interpretation qu'elles rec,oivent en Iran, est, en chacune de cesbranches, irrecevable.

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du premier moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.

Et la demanderesse a interet à ce que l'arret soit declare commun auxparties appelees à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il declare prescrite la demande tendantà entendre dire pour droit que la demanderesse est proprietaire de lacollection litigieuse et à entendre, pour ce motif, ordonner la remise decette collection en sa faveur, qu'il invite le conservateur du Musee duCinquantenaire à remettre celle-ci à la defenderesse, qu'il condamne lademanderesse aux frais de sequestre et d'expertise, et qu'il statue surles depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Declare le present arret commun aux Musees royaux d'art et d'histoire,agissant en qualite de conservateur du Musee du Cinquantenaire, à l'Etatbelge, à P. V. B., à m. L. V. B. et à H. V. B. ;

Condamne la demanderesse à la moitie des depens ; en reserve l'autremoitie pour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Les depens taxes à la somme de mille cinq cent treize euros quarantecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de centsoixante-quatre euros huit centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout etAlain Simon, et prononce en audience publique du quatre octobre deux milledouze par le president Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | A. Simon | M. Regout |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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4 OCTOBRE 2012 C.11.0686.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0686.F
Date de la décision : 04/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-10-04;c.11.0686.f ?
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