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27/09/2012 | BELGIQUE | N°D.11.0013.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 septembre 2012, D.11.0013.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1926



NDEG D.11.0013.F

D. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

1. PReSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, dont lesbureaux sont etablis à Saint-Gilles, avenue Henri Jaspar, 94,

2. MAGISTRAT ASSESSEUR DUDIT CONSEIL NATIONAL, dont les bureaux sontetablis à Saint-Gilles, avenue Henri Jaspar,

94,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le c...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1926

NDEG D.11.0013.F

D. J.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

1. PReSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, dont lesbureaux sont etablis à Saint-Gilles, avenue Henri Jaspar, 94,

2. MAGISTRAT ASSESSEUR DUDIT CONSEIL NATIONAL, dont les bureaux sontetablis à Saint-Gilles, avenue Henri Jaspar, 94,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la sentence nDEG 978/979 renduele 24 mars 2011 par le conseil d'appel d'expression franc,aise de l'Ordredes pharmaciens.

Le 3 septembre 2012, l'avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport et l'avocat general AndreHenkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente trois moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Le pharmacien inscrit à l'ordre des pharmaciens d'une province et leconseil national de l'Ordre des pharmaciens ne sont pas dans les liensd'un contrat.

Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

La sentence attaquee enonce que la demanderesse « reconnait avoir mis sonofficine à la disposition du groupe Santalis, dont elle est l'un despharmaciens franchises, pour l'organisation d'une conference de presse,[qu'] elle a donc permis l'organisation de cette conference de presse et[qu'] elle y a participe activement en accueillant les journalistes et enles autorisant à la prendre en photo », que « l'article 91 du Code dedeontologie ne peut etre isole des articles 92 et 93 avec lesquels ilforme le contenu du titre relatif à la publicite, pas plus que del'article 85 qui dispose que le pharmacien titulaire d'une officineouverte au public, qu'il soit proprietaire ou gerant, est responsable detoutes les informations et publicites diffusees par ou pour sonofficine », que la demanderesse « ne conteste pas que l'articlelitigieux constitue, ne fut-ce que de maniere indirecte, une publicite enfaveur de son officine », que, « lorsque, comme en l'espece, unpharmacien participe activement à une campagne de presse initiee à unefin publicitaire, qui concerne au moins de maniere indirecte son officinevia son reseau de franchise, il ne peut etre admis qu'il se desinteressetotalement, voire qu'il ignore, l'usage qui sera fait des informations oucliches photographiques recueillis en sa presence dans son officine, [que]la chose est encore plus inadmissible lorsque l'on a prete sa propre imageau publi-reportage » et que la demanderesse doit « assumer,personnellement, la responsabilite des informations mensongeres qui ontete diffusees par voie de presse ecrite, sans dementi de sa part ».

La sentence attaquee repond ainsi, en les contredisant, aux conclusions dela demanderesse, qui soutenaient que la publicite litigieuse n'avait eterealisee ni par elle-meme ni en sa faveur et que sa participation à unepublicite mise en place par une entreprise commerciale à son propreprofit ne revetait pas un caractere personnel au sens de l'article 91 duCode de deontologie.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

Outre les motifs reproduits dans la reponse à la seconde branche dupremier moyen, l'arret enonce que, l'article de presse litigieuxcomportant de fausses informations et qualifiant l'officine de« superette », il incombait à la demanderesse « de prendre lesdispositions adequates pour retablir ou faire retablir la verite ».

Ainsi, la sentence attaquee ne fonde la sanction qu'elle inflige à lademanderesse ni sur le fait meme de l'organisation d'une conference depresse par la firme Santalis dans son officine ni sur le contenu, pris entant que tel, des articles de presse auxquels cette conference a donnelieu mais sur la participation active de la demanderesse à celle-ci etsur son defaut de vigilance sur les suites qu'elle a connues.

Procedant d'une lecture inexacte de la sentence attaquee, le moyen manqueen fait.

Sur le troisieme moyen :

1. Suivant l'article 10.2 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales, l'exercice de la liberted'expression, qui comprend celle de communiquer des informations ou desidees et comporte des devoirs et des responsabilites, peut etre soumis àcertaines formalites, conditions, restrictions ou sanctions, prevues parla loi, qui constituent des mesures necessaires, dans une societedemocratique, notamment à la protection de la sante, de la morale ou desdroits d'autrui.

2. L'article 10.2 n'interdit pas toute restriction à l'exercice de laliberte d'expression, pourvu qu'elle trouve son fondement dans une loi.

L'article 15, alinea 1er, de l'arrete royal nDEG 80 du 10 novembre 1967relatif à l'Ordre des pharmaciens dispose que le conseil national peutelaborer un code de deontologie pharmaceutique.

Tel qu'il est interprete par la jurisprudence, ce code enonce lesprincipes et les usages que tout pharmacien doit observer et dont il doits'inspirer dans l'exercice de sa profession, d'une maniere suffisammentprecise et accessible.

Meme si le Roi n'a pas, par arrete delibere en conseil des ministres,donne force obligatoire audit code, comme l'article 15, alinea 2, del'arrete royal precite le lui permet, ce code constitue une « loi » ausens de l'article 10.2 de la Convention.

Dans la mesure ou il soutient le contraire, le moyen manque en droit.

3. Pour le surplus, la sentence attaquee a pu legalement considerer quel'ingerence dans l'exercice de la liberte d'expression de la demanderesseetait justifiee par la necessite de proteger « l'image de l'artpharmaceutique et à travers elle la sante publique ».

4. Quant à la condition de « necessite dans une societe democratique »,elle commande de determiner si l'ingerence incriminee correspondait à unbesoin social imperieux, ce qui implique que les motifs invoques pourjustifier cette ingerence soient pertinents et suffisants et que la mesureincriminee soit proportionnee aux buts legitimes poursuivis.

La sentence attaquee constate que l'article de presse litigieux decrivaitl'officine de la demanderesse comme une « superette » dans laquelle onpouvait « se promener dans les rayons, acheter ce qu'on veut, [...]regarder les produits à [son] aise et meme comparer les prix car tous lesprix [etaient] affiches » et soulignait qu'elle comportait plusieurscaisses, « chacune avec une fonction bien precise : la caisse rapide, lacaisse sans ordonnance et celle avec ordonnance », ce qui permettait dene pas devoir « faire la file à la caisse pendant des heures ».

La sentence attaquee releve que cette derniere information etait inexacte.

Elle fonde sa decision sur les motifs cites dans la reponse à la secondebranche du premier moyen ainsi que sur les considerations que « l'imageque l'article donne de [la] pharmacie [de la demanderesse] n'est conformeni à la realite ni aux devoirs de reserve et de discretion requis par leCode de deontologie : il comporte en effet de fausses informations etqualifie l'officine de `superette' », et que l'article 6 de ce code« confirme que `toute information diffusee en pharmacie doit etrehonnete, veridique et controlable' ».

Sur la base de ces constatations et considerations, la sentence attaquee apu, sans violer l'article 10 de la Convention, decider que la demanderesseavait « porte atteinte à l'honneur, à la discretion, à la probite età la dignite de la profession au regard des articles 1er et 91 du Code dedeontologie », et la sanctionner de ce chef.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de trois cent quarante-six euros vingt-quatrecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent neuf eurossoixante-neuf centimes envers les parties defenderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Sylviane Velu, Alain Simon et Gustave Steffens, et prononce en audiencepublique du vingt-sept septembre deux mille douze par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | G. Steffens | A. Simon |
|-----------------+-------------+-------------|
| S. Velu | D. Batsele | Chr. Storck |
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27 SEPTEMBRE 2012 D.11.0013.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : D.11.0013.F
Date de la décision : 27/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-09-27;d.11.0013.f ?
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