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24/09/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0676.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 septembre 2012, C.10.0676.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1826



NDEG C.10.0676.F

1. AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

2. D. P.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, association d'assurance mutuelle dontle siege est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, rue de la

Charite, 33/b1,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1826

NDEG C.10.0676.F

1. AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

2. D. P.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, association d'assurance mutuelle dontle siege est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, rue de la Charite, 33/b1,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 2 avril2010 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles, statuant en degred'appel.

Par ordonnance du 6 septembre 2012, le premier president a renvoye lacause devant la troisieme chambre.

Le 31 juillet 2012, le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a deposedes conclusions au greffe.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport et le procureur generalJean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 80 de la loi du 9 juillet 1975 relative au controle desentreprises d'assurances, tel qu'il etait applicable avant son abrogationpar la loi du 22 aout 2002 ;

- article 19bis-11, specialement S: 1er, 7DEG, de la loi du 21 novembre1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matierede vehicules automoteurs ;

- article 21, specialement S: 1er, de l'arrete royal du 16 decembre 1981portant mise en vigueur et execution des articles 79 et 80 de la loi du 9juillet 1975 relative au controle des entreprises d'assurances, tel qu'iletait applicable avant son abrogation par l'arrete royal du 11 juillet2003 ;

- article 25, specialement S: 1er, de l'arrete royal du 11 juillet 2003fixant les conditions d'agrement et le fonctionnement du Bureau belge etdu Fonds commun de garantie ;

- principe general de droit selon lequel la force majeure exclut la fauteet fait obstacle aux decheances attachees par la loi à l'exercice d'undroit circonscrit dans un certain delai ;

- pour autant que de besoin, article 1148 du Code civil ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque dit non fondes les appels des demandeurs, confirme lejugement dont appel en toutes ses dispositions, et donc notamment en ceque celui-ci avait declare les demandes des demandeurs irrecevables, etcondamne les demandeurs aux depens d'appel du defendeur, par tous sesmotifs et plus particulierement les motifs suivants :

« Discussion, quant à la forclusion

1DEG L'article 80, S: 1er, de la loi du 9 juillet 1975 relative aucontrole des entreprises d'assurances, (article 19bis-11, S: 1er, 7DEG, dela loi du 21 novembre 1989) prevoit l'intervention [du defendeur] pour lareparation de dommages subis par les personnes lesees, `lorsque l'identitedu vehicule qui a cause l'accident n'est pas etablie ; dans ce cas [ledefendeur] est substitue à la personne responsable',

2DEG Selon l'article 21, S: 1er, de l'arrete royal du 16 decembre 1981(devenu l'article 25, S: 1er, de l'arrete royal du 11 juillet 2003), prisen execution de la loi precitee : `sous peine de forclusion, les personneslesees doivent, dans le delai de cinq ans à dater de l'accident, declarercelui-ci [au defendeur]. Toutefois, la forclusion n'est pas encourue parcelles qui n'ont pas declare le fait dommageable dans le delai impose maisqui prouvent que [le defendeur] en avait eu connaissance autrement'.

Les parties s'accordent pour considerer qu'il s'agit d'un delai prefix(non susceptible de suspension ou d'interruption) qui commence à couriren principe le jour de l'accident.

On ne se trouve pas dans les hypotheses expressement enumerees àl'article 19bis-11, S: 1er, 1DEG à 3DEG, de la loi du 21 novembre 1989 oule point de depart du delai est postpose (renonciation par l'assureur àson agrement ou revocation de l'agrement ou decision d'interdiction,faillite de l'assureur ou cas fortuit).

Il n'est pas conteste qu'aucune declaration de l'accident n'a eteintroduite aupres [du defendeur] dans le delai de cinq ans à dater del'accident du 27 novembre 2000, et rien ne vient dementir la declaration[du defendeur] qu'[il] n'a pas eu connaissance autrement de la survenancede l'accident.

Des lors, l'ecoulement du delai de 5 ans entraine en principe laforclusion du droit lui-meme et, partant, l'irrecevabilite de l'action.

Toutefois [les demandeurs] excipent d'un cas de force majeure - qu'il leurappartient de prouver - de nature à entrainer la prorogation du delai.

Ils estiment que leur ignorance du fait que la camionnette etait ou nonidentifiee etait invincible aussi longtemps que durait l' informationrepressive - dont le contenu ne leur etait pas accessible avant la cloturede cette derniere - ce qui constitue à leurs yeux un cas de forcemajeure, lequel aurait pour effet de postposer le point de depart du delaide cinq ans jusqu'à la cloture de l'information repressive, le 4 avril2001, date à laquelle il est devenu theoriquement possible de consulterle dossier repressif. Leurs demandes, formulees avant le 4 avril 2006,seraient des lors recevables.

On peut admettre que [le demandeur] - ou [la demanderesse] - ne pouvaitpas a priori savoir si quelqu'un avait ou non eu l'occasion de prendrenote de la plaque de cette camionnette, dans la mesure ou il a ete tresserieusement blesse et aussitot emmene en ambulance et que le fait que cevehicule restait non identifie n'etait accessible à l'un ou à l'autrequ'apres cloture de l'information repressive.

Toutefois, le delai prefix de cinq ans ne peut etre proroge pour forcemajeure que lorsque celui qui y est soumis s'est trouve dansl'impossibilite d'agir pendant tout l'ecoulement de ce delai.

Dans ce cas, le delai recommencerait à courir à partir du moment oul'impossibilite d'agir a cesse.

En l'espece, l'information repressive a ete cloturee le 4 avril 2001 et ilrestait donc quatre ans et demi pour faire la declaration [au defendeur].Meme les autres dates citees par [la demanderesse] ou [le demandeur],(telles le 23 fevrier 2005, date de la communication par AGF, assureurresponsabilite civile [du demandeur] que le dossier repressif avait eteclasse sans suite ou le 21 septembre 2005, date ou P&V, assureurresponsabilite civile de monsieur P. communique son refus d'intervenir),qui paraissent nettement moins pertinentes, se situent encore dans ledelai de cinq ans.

Que l'on considere qu'il est impossible d'agir durant toute la duree del'information repressive ou que l'on estime qu'au contraire unedeclaration de sinistre [au defendeur] à titre conservatoire est toujourspossible pour preserver son droit est indifferent, puisqu'en tout etat decause, [la demanderesse] et [le demandeur] avaient la possibilite d'agir,en pleine connaissance de cause, apres avoir pris connaissance du dossierrepressif cloture et avant l'expiration du delai de cinq ans.

Ils ne peuvent se prevaloir de la force majeure (cf. Mons, 10 janvier1978, R.G.A.R., 1981, p. 10311 : `Qu'il apparait, en effet, que place dansle cas d'un delai prefix emportant decheance, les demandeurs originairesne se sont pas trouves empeches d'agir par un obstacle de force majeuremais se sont abstenus par negligence ou toute autre raison, dependant deleur seule volonte, d'accomplir la formalite imperative qui devait leurpermettre de mettre à la cause [le defendeur]').

Comme l'a decide le premier juge, tant l'action principale que la demandeen intervention volontaire doivent etre declarees irrecevables pour causede forclusion. Le jugement sera confirme ».

Griefs

Premiere branche

L'article 80 de la loi du 9 juillet 1975 relative au controle desentreprises d'assurances, tel qu'il etait applicable avant son abrogationpar la loi du 22 aout 2002, disposait :

« Toute personne lesee peut obtenir [du Fonds commun de garantieautomobile] la reparation des dommages resultant de lesions corporellescausees par un vehicule automoteur ;

1DEG lorsque le vehicule qui a cause l'accident n'est pas identifie ; dansce cas, [le Fonds] est substitue à la personne responsable »

L'article 19bis-11, S: 1er, 7DEG, de la loi du 21 novembre 1989 relativeà l'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere de vehiculesautomoteurs, insere par la loi du 22 aout 2002, dispose de la meme maniereque « toute personne lesee peut obtenir [du Fonds] la reparation desdommages causes par un vehicule automoteur si le vehicule automoteur qui acause l'accident ne peut pas etre identifie » et que dans ce cas, [leFonds] est substitue à la personne responsable.

En vertu de l'article 21, S: 1er, de l'arrete royal du 16 decembre 1981,tel qu'il etait applicable avant son abrogation par l'arrete royal du 11juillet 2003 : « Sous peine de forclusion, les personnes lesees doivent,dans le delai de cinq ans à dater de l'accident, declarer celui-ci [auFonds]. Toutefois, la forclusion n'est pas encourue par celles qui n'ontpas declare le fait dommageable dans le delai impose mais qui prouvent que[le Fonds] en avait eu autrement connaissance ».

L'article 25, S: 1er, de l'arrete royal du 11 juillet 2003 fixant lesconditions d'agrement et le fonctionnement du Bureau belge et [du Fonds],dispose de la meme maniere que « sous peine de forclusion, les personneslesees doivent, dans le delai de cinq ans à dater de l'accident, declarercelui-ci [au Fonds]. Toutefois, la forclusion n'est pas encourue parcelles qui n'ont pas declare le fait dommageable dans le delai impose maisqui prouvent que [le Fonds] en avait eu connaissance autrement ».

L'accident litigieux s'est produit le 27 novembre 2000, et les demandeursdisposaient, conformement tant à l'article 21 de l'arrete royal du 16decembre 1981 qu'à l'article 25 de l'arrete royal du 11 juillet 2003,d'un delai de cinq ans à partir de cette date pour declarer cet accident[au Fonds]. Ce delai est reconnu comme etant un delai prefix, et ne peutdonc pas en principe etre prolonge par une cause de suspension oud'interruption. Ce delai peut cependant etre proroge lorsque celui qui yest soumis s'est trouve empeche d'agir par un obstacle de force majeurependant tout ou partie du delai.

[Le jugement attaque] constate que les demandeurs n'ont pas fait ladeclaration au defendeur prevue par les articles 21 de l'arrete royal du16 decembre 1981 et 25 de l'arrete royal du 11 juillet 2003, avantl'expiration du delai de cinq ans à dater de l'accident, la citation etl'intervention volontaire des demandeurs des 25 janvier 2006 et 10 mars2006 etant posterieures à l'expiration dudit delai.

Les demandeurs faisaient cependant etat d'un cas de force majeurejustifiant la prorogation du delai. Les demandeurs indiquaient en effetque pendant toute la duree de l'information repressive, ils avaient etedans l'ignorance invincible du fait que la camionnette litigieuse n'avaitpas ete identifiee, et que cette ignorance invincible constituait un casde force majeure. Ce n'etait donc qu'à dater du classement sans suite dudossier repressif le 4 avril 2001 que les demandeurs avaient pu constaterque la camionnette restait non identifiee, et que l'intervention dudefendeur pouvait ainsi etre sollicitee. Le delai de cinq etant proroge dela duree de l'impossibilite creee par la force majeure, les demandeurssoutenaient qu'ils n'etaient pas forclos à agir contre le defendeur les25 janvier 2006 et 10 mars 2006.

[Le jugement] attaque admet l'existence d'une force majeure dans le chefdes demandeurs jusqu'à la date de la cloture de l'information repressive,en disposant que « on peut admettre que [le demandeur] - ou [lademanderesse] - ne pouvait pas a priori savoir si quelqu'un avait ou noneu l'occasion de prendre note de la plaque de cette camionnette, dans lamesure ou il a ete tres serieusement blesse et aussitot emmene enambulance et que le fait que ce vehicule restait non identifie n'etaitaccessible à l'un ou à l'autre qu'apres cloture de l'informationrepressive ».

Il considere « toutefois » que le delai prefix de cinq ans ne peut etreproroge pour force majeure que lorsque celui qui y est soumis « s'esttrouve dans l'impossibilite d'agir pendant tout l'ecoulement de cedelai ».

[Le jugement] attaque considere en consequence que les demandeurs nepeuvent exciper de la force majeure, et que les demandeurs sont forclos deleur droit à l'egard du defendeur au motif que les demandeurs ne se sontpas trouves dans l'impossibilite d'agir par force majeure « pendant toutl'ecoulement » du delai de cinq ans dans lequel ils devaient faire leurdeclaration [au defendeur], mais uniquement pendant une partie de cedelai.

[Le jugement] attaque decide ainsi que la force majeure ne peut prorogerun delai dans lequel une partie doit accomplir un acte, que si cette forcemajeure a dure pendant tout l'ecoulement dudit delai.

Ce faisant, il n'est pas legalement motive.

En effet, [le jugement] attaque admet à raison qu'un delai prefix, tel ledelai de cinq ans dans lequel la personne lesee doit declarer son accidentau defendeur, peut etre proroge en cas de force majeure. La force majeurejustifie ainsi l'inexecution d'un acte que la loi prescrivait à unepartie d'accomplir pendant un delai determine, et qu'il a ete impossibleà cette partie d'accomplir pendant tout ou partie de ce delai. La forcemajeure qui empeche l'interesse d'accomplir un acte determine pendant unepartie du delai dont il dispose pour ce faire, a pour effet de prolongerle delai à concurrence de la duree de l'impossibilite que cette forcemajeure a creee. Tel serait notamment le cas dans lequel la duree de laperiode de force majeure se terminerait la veille de la fin du delailegal.

Contrairement à ce que dispose le jugement attaque, l'impossibilited'agir pendant une partie du delai fixe par la loi induit la prorogationpour force majeure de ce delai à concurrence de la duree del'impossibilite d'agir, en sorte qu'un delai fixe par la loi n'est doncpas proroge par la force majeure dans le seul cas ou l'impossibilited'agir aurait dure pendant tout l'ecoulement du delai.

[Le jugement] attaque n'est donc pas legalement justifie et meconnaittoutes les dispositions legales visees au moyen, à l'exception del'article 149 de la Constitution, en ce qu'il decide que les demandeurs nepeuvent invoquer une force majeure afin que soit proroge le delai de cinqans dans lequel ils devaient declarer le sinistre au defendeur, au motifque l'impossibilite creee n'a pas dure pendant tout l'ecoulement de cedelai.

Par ailleurs, le jugement attaque indique : « Que l'on considere qu'ilest impossible d'agir durant toute la duree de l'information repressive ouque l'on estime qu'au contraire une declaration de sinistre [au defendeur]à titre conservatoire est toujours possible pour preserver son droit estindifferent, puisqu'en tout etat de cause, [la demanderesse] et [ledemandeur] avaient la possibilite d'agir, en pleine connaissance de cause,apres avoir pris connaissance du dossier repressif cloture et avantl'expiration du delai de cinq ans ».

Ce motif, selon lequel il est indifferent « que l'on estime » qu'unedeclaration à titre conservatoire au defendeur etait possible dans lechef des demandeurs, est etranger à la decision du jugement attaque, etne justifie pas la decision de dire les actions des demandeursirrecevables pour forclusion. En effet, le jugement attaque indique que« on peut admettre que [le demandeur] - ou [la demanderesse] - ne pouvaitpas a priori savoir si quelqu'un avait ou non eu l'occasion de prendrenote de la plaque de cette camionnette, dans la mesure ou il a ete tresserieusement blesse et aussitot emmene en ambulance et que le fait que cevehicule restait non identifie n'etait accessible à l'un ou à l'autrequ'apres cloture de l'information repressive ». Par ce motif, le jugementattaque reconnait une force majeure dans le chef des demandeurs, les ayantempeches de declarer l'accident au defendeur, mais decide ensuite quecette force majeure ne proroge pas le delai de cinq ans puisquel'impossibilite par force majeure n'a pas dure pendant tout l'ecoulementdu delai. Ainsi, le motif selon lequel le jugement attaque dispose qu'ilserait indifferent de considerer que les demandeurs avaient la possibilitede faire, à titre conservatoire, la declaration d'accident au defendeurdes cet accident, est inutile et etranger à sa decision selon laquelleles demandes des demandeurs sont irrecevables, puisqu'il a juge parailleurs que les demandeurs avaient bien ete confrontes à une forcemajeure les empechant de faire la declaration de l'accident au defendeurjusqu'à la cloture de l'information repressive.

Seconde branche :

Apres avoir reconnu une force majeure empechant les demandeurs de declarerl'accident litigieux au defendeur jusqu'au 4 avril 2001, mais avoir decidequ'une telle impossibilite ne prorogeait pas le delai de cinq ans desarticles 21 de l'arrete royal du 16 decembre 1981 et 25 de l'arrete royaldu 11 juillet 2003 au motif que l'impossibilite n'avait pas dure tout letemps de ce delai, le jugement attaque dispose : « Que l'on considerequ'il est impossible d'agir durant toute la duree de l'informationrepressive ou que l'on estime qu'au contraire une declaration de sinistre[au defendeur] à titre conservatoire est toujours possible pour preserverson droit est indifferent, puisqu'en tout etat de cause, [la demanderesse]et [le demandeur] avaient la possibilite d'agir, en pleine connaissance decause, apres avoir pris connaissance du dossier repressif cloture et avantl'expiration du delai de cinq ans ».

Si le jugement attaque devait etre interprete comme reconnaissant ainsique les demandeurs pouvaient faire une declaration de sinistre audefendeur des l'accident litigieux, il contiendrait une contradiction. Eneffet, le jugement attaque indique par ailleurs : « On peut admettre que[le demandeur] - ou [la demanderesse]- ne pouvait pas a priori savoir siquelqu'un avait ou non eu l'occasion de prendre note de la plaque de cettecamionnette, dans la mesure ou il a ete tres serieusement blesse etaussitot emmene en ambulance et que le fait que ce vehicule restait nonidentifie n'etait accessible à l'un ou à l'autre qu'apres cloture del'information repressive. Toutefois, le delai prefix de cinq ans ne peutetre proroge pour force majeure que lorsque celui qui y est soumis s'esttrouve dans l'impossibilite d'agir pendant tout l'ecoulement du delai ».

Par ce second motif, le jugement attaque admet l'existence d'un cas deforce majeure ayant empeche les demandeurs de declarer l'accident audefendeur jusqu'à la cloture de l'information repressive, mais considerecependant que cette force majeure ne peut proroger le delai initial decinq ans. Le jugement attaque ne pourrait donc, sans etre contradictoire,justifier sa decision de dire les demandes des demandeurs irrecevablespour forclusion, au motif que les demandeurs avaient la possibilite deproceder à la declaration d'accident aupres du defendeur à tout moment,puisque precisement il constate l'existence d'un cas de force majeure dansleur chef jusqu'à la cloture de l'information repressive. [Le jugement]attaque qui serait interprete comme estimant effectivement que lesdemandeurs pouvaient effectuer la declaration d'accident au defendeur àtout moment, ce qui justifiait qu'ils etaient forclos de leur demande pourne pas avoir procede à cette declaration dans les cinq ans de l'accident,serait contradictoire avec le motif du jugement attaque selon lequel lesdemandeurs ont effectivement ete empeches de proceder à cette declarationpour force majeure pendant toute la duree de l'information repressive. Unetelle contradiction equivaudrait à une absence de motifs (violation del'article 149 de la Constitution).

En tout etat de cause, le jugement attaque ne pourrait pas legalementdecider que les demandes des demandeurs etaient irrecevables pourforclusion au motif que les demandeurs auraient toujours eu la possibilitede declarer l'accident au defendeur « à titre conservatoire », etqu'ils etaient donc forclos de leur droit à l'egard de cette derniere descinq ans apres l'accident litigieux.

En effet, les articles 80 de la loi du 9 juillet 1975 et 19bis-11, S: 1er,7DEG, de la loi du 21 novembre 1989 disposent que toute personne leseepeut obtenir du defendeur la reparation de ses dommages causes par unvehicule qui n'est pas identifie. Cependant, et sous peine de forclusion,les personnes interessees doivent faire une declaration d'accident audefendeur dans les cinq ans de celui-ci. Ce delai prefix ne peut etresuspendu ou interrompu, mais peut etre proroge lorsque celui qui y estsoumis excipe d'un cas de force majeure. Les demandeurs soulevaient ainsidans leur chef un cas de force majeure jusqu'à la cloture du dossierrepressif.

Le jugement attaque admet que les demandeurs ne pouvaient avoirconnaissance du fait que la camionnette litigieuse demeurait nonidentifiee qu'apres la cloture du dossier repressif. Conformement à samission legale, le defendeur est tenu pour sa part de reparer les dommagescauses par des vehicules non identifies aux personnes lesees, et sonintervention etait sollicitee par les demandeurs en ce sens. Le jugementattaque ne pouvait donc pas decider que les demandeurs, bien qu'ilsn'avaient pu avoir connaissance du fait que le vehicule implique demeuraitnon identifie qu'apres la cloture de l'information, avaient lapossibilite, des l'accident, d'en faire une declaration« conservatoire » aupres du defendeur. Ce faisant, le jugement attaquedenature la notion meme de force majeure, puisque celle-ci ne devrait pluspermettre la prorogation du delai prefix de cinq ans, une declaration desinistre « à titre conservatoire » etant possible en toute hypotheseapres tout accident. Il denature de meme la notion d'intervention dudefendeur, puisque son intervention pourrait alors etre demandee àl'issue de tout sinistre, alors que les interesses ignorent qu'un vehiculeimplique n'est pas identifie. Le jugement attaque qui considererait quetoute personne lesee - en l'espece les demandeurs - peut faire unedeclaration « à titre conservatoire » au defendeur, alors meme que lapersonne lesee ignorerait le fait qu'un vehicule implique dans le sinistren'est pas identifie, meconnaitrait la notion legale de force majeure,ainsi que les articles 80 de la loi du 9 juillet 1975 et 19 bis - 11 de laloi du 21 novembre 1989, selon lesquels le defendeur ne peut etre tenud'intervenir que dans certains cas determines, et notamment lorsque levehicule qui a cause l'accident n'est pas identifie (violation de toutesles dispositions legales visees au moyen, à l'exception de l'article 149de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Il n'existe pas de principe general du droit selon lequel « la forcemajeure exclut la faute et fait obstacle aux decheances attachees par laloi à l'exercice d'un droit circonscrit dans un certain delai ».

La survenance d'une force majeure au cours de l'ecoulement d'un delaiprefix n'entraine la prorogation de celui-ci qu'à concurrence du tempsnecessaire pour agir et non sa prolongation d'une duree equivalente àcelle de l'empechement.

Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, le jugementne considere pas que les demandeurs pouvaient faire une declaration desinistre au defendeur des l'accident litigieux mais que les demandeursavaient la possibilite d'agir en pleine connaissance du dossier repressifcloture et avant l'expiration du delai de cinq ans.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent quatorze euros trois centimesenvers les parties demanderesses et à la somme de cent septante-cinqeuros vingt-sept centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Alain Simon, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononceen audience publique du vingt-quatre septembre deux mille douze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du procureur generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier PatriciaDe Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+-----------+-------------|
| A. Simon | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------------+

24 SEPTEMBRE 2012 C.10.0676.F/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0676.F
Date de la décision : 24/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-09-24;c.10.0676.f ?
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