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13/09/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0226.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 septembre 2012, C.10.0226.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1541



NDEG C.10.0226.F

GENERALI BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, avenue Louise, 149,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

1. D. M.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, ru

e de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

2. C. P.,

defendeur en cassation,

en presence de

C. M....

Cour de cassation de Belgique

Arret

1541

NDEG C.10.0226.F

GENERALI BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, avenue Louise, 149,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

1. D. M.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

2. C. P.,

defendeur en cassation,

en presence de

C. M.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le26 octobre 2009 par le tribunal de premiere instance de Liege, statuant endegre d'appel.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

Articles 2, alinea 1er, 3 et 6, 1DEG, de l'arrete royal du 12 janvier 1984determinant les conditions minimales de garantie des contrats d'assurancecouvrant la responsabilite civile extracontractuelle relative à la vieprivee

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate les faits suivants : 1. le defendeur a souscritaupres de la demanderesse une assurance de responsabilite civileextracontractuelle « vie privee », laquelle est une assurance nonobligatoire ; 2. aux termes de cette police, sont couvertes « toutes lesconsequences pecuniaires de la responsabilite civile extracontractuellerelative à la vie privee pouvant incomber aux assures en raison dedommages resultant de lesions corporelles ou degats materiels, ainsi queleurs consequences, causes aux tiers » ; l'article 1er definit ce qu'ilfaut entendre par assures ; il distingue les assures principaux (notamment« vous-meme », soit le preneur d'assurance) et les assurescomplementaires, dont « vos enfants mineurs lorsqu'ils ne vivent pas àvotre foyer, pendant le temps qu'ils sont sous la garde d'un assureprincipal » ; l'article 5 des conditions generales enumere en ses pointsA.5.1 à A.5.7 des cas particuliers pour lesquels la garantie estuniquement acquise pour les assures principaux ; il est stipule au pointA.5.4 : « nous ne garantissons pas les dommages causes par la conduitedes vehicules automoteurs, sauf s'ils sont causes lorsque [les assuresprincipaux] conduisent : a) un vehicule terrestre automoteur [...] soumisà une assurance legalement rendue obligatoire sans avoir l'age legalementrequis pour ce faire et à l'insu de leurs parents ou de personnes qui lesont sous leur garde ou du detenteur du vehicule » ; 3. le 17 septembre2006, le defendeur, en compagnie de son fils G., qui etait age de seizeans et ne vivait pas au foyer du defendeur mais à celui de sa mere, icipartie appelee en declaration d'arret commun, rendit visite à ladefenderesse qui etait proprietaire d'une voiture Ferrari decapotable ; lavoiture de cette derniere a ete retrouvee dans un fosse situe en contrebasde l'endroit ou la defenderesse l'avait stationnee ; d'apres ladefenderesse et les parents de G., ce dernier aurait, par inadvertance,desserre le frein à main ; 4. la defenderesse assigna les parents de G.en reparation de son prejudice ; la demanderesse intervint volontairementdevant le premier juge ; la defenderesse dirigea egalement son actioncontre la demanderesse ; le defendeur forma une action en garantie contrela demanderesse ; cette derniere forma une action en garantie contre lapartie appelee en declaration d'arret commun pour la moitie descondamnations eventuelles,

le jugement attaque decide que la demanderesse est tenue de fournir sagarantie au defendeur ; condamne la demanderesse, in solidum avec ledefendeur et la partie appelee en declaration d'arret commun, à payer àla defenderesse la somme de 26.900,90 euros majoree des interets et desdepens ; condamne la demanderesse aux depens du defendeur.

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

« L'arrete royal du 12 janvier 1984 determinant les conditions minimalesde garantie des contrats d'assurance couvrant la responsabilite civileextracontractuelle relative à la vie privee fixe les conditions minimalesde garanties. Il est des lors interdit aux parties de convenir degaranties moins etendues que celles faisant partie des exigences minimumresultant de l'arrete. Si tel etait le cas, la clause serait reputee nulleet remplacee par les dispositions minimales de l'arrete royal conformementà l'article 19bis de la loi du 9 juillet 1975 relative au controle descompagnies d'assurance [...]. Les exigences minimales de l'arrete sontmultiples ; elles concernent tant les responsabilites couvertes (article1er) que l'attribution de la qualite d'assure (article 3), l'etendueterritoriale (article 4), les montants assures et la franchise (article 5)ainsi que les exclusions autorisees (article 6).

En l'espece, la [demanderesse] a decide d'etendre sa garantie à d'autrespersonnes que celles qui sont enumerees à l'article 3 de l'arrete royal.Parmi celles-ci se trouvent les enfants mineurs qui ne vivent pas au foyerdu preneur d'assurance pendant le temps qu'ils sont sous la garde d'unassure principal. Elle qualifie ces enfants d'assures complementaires.L'article 6, 1DEG, de l'arrete royal (`Peuvent etre exclus de la garantieles dommages decoulant de la responsabilite civile extracontractuellesoumise à une assurance legalement rendue obligatoire. Toutefois, cetteexclusion ne vise pas les dommages causes par des assures qui conduisentun vehicule automoteur ou à rails sans avoir l'age legalement requis pource faire, à l'insu de leurs parents, des personnes qui les ont sous leurgarde ou du detenteur du vehicule') ne precise pas que les assuresconcernes par l'exigence minimale seraient uniquement ceux qui sont visespar l'article 3, auquel d'ailleurs il ne renvoie pas, et n'opere aucunedistinction entre les personnes obligatoirement assurees visees àl'article, et celles qui ne sont pas prevues à cet article et pourlesquelles la compagnie a decide de couvrir la responsabilite. Des lors,la compagnie est tenue en application de cet article 6 de garantirl'ensemble des personnes qu'elle assure sans qu'elle puisse differencier,comme elle le fait, entre les assures principaux et les assurescomplementaires.

A cet egard, il convient de constater que l'exclusion de l'article 6,1DEG, de l'arrete royal avait pour objet d'eviter un double emploi avecl'assurance de la responsabilite civile automobile dont la souscriptionest obligatoire et que, si l'arrete royal impose la couverture desdommages causes par un jeune assure qui n'a pas atteint l'age requis pourconduire un vehicule automoteur terrestre et qui le conduit à l'insu deses parents, des personnes qui l'ont sous leur garde ou du detenteur duvehicule, c'est par la volonte de combler un trou de couverture relevedans la legislation sur l'assurance automobile obligatoire [...].Interpreter la clause de l'article 5.4 des conditions generales commereservee aux assures principaux - et donc offrir des garanties moinsetendues que celles faisant partie des exigences minimum resultant del'article 6, 1DEG, de l'arrete royal - rend celle-ci nulle pourcontrariete à l'arrete royal du 12 janvier 1984. Des lors, au vu de cesconsiderations, la [demanderesse] ne peut invoquer l'article 5.4 desconditions generales pour refuser sa garantie, celui-ci etant nul carcontraire à l'article 6 de l'arrete royal du 12 janvier 1984 qui prevoitque les dommages causes par des assures qui conduisent un vehiculeautomoteur ou à rails sans avoir l'age legalement requis pour ce faire,à l'insu de leurs parents, des personnes qui les ont sous leur garde oudu detenteur du vehicule sont garantis ».

Griefs

Aux termes de l'article 2, alinea 1er, de l'arrete royal du 12 janvier1984, le contrat d'assurance souscrit en couverture de la responsabilitecivile extracontractuelle relative à la vie privee couvre les assures aumoins conformement aux dispositions minimales de garantie determinees parcet arrete. L'article 3 dudit arrete royal definit les personnes « quidoivent etre considerees comme assures ». Il s'agit principalement dupreneur d'assurance et de son conjoint cohabitant et de toutes lespersonnes vivant au foyer du preneur d'assurance. N'est pas contraire àcette disposition le contrat d'assurance qui qualifie d'assures principauxles personnes qui doivent obligatoirement etre assurees en vertu del'article 3 de cet arrete royal et d'assures complementaires des personnesqui ne doivent pas obligatoirement etre assurees en vertu de cettedisposition, parmi lesquelles peuvent figurer les enfants mineurs dupreneur d'assurance qui ne vivent pas au foyer de celui-ci, pendant qu'ilssont sous la garde d'un assure principal. L'article 6, 1DEG, de l'arreteroyal du 12 janvier 1984 dispose : « Peuvent etre exclus de la garantie :les dommages decoulant de la responsabilite civile extracontractuellesoumise à une assurance legalement rendue obligatoire. Toutefois, cetteexclusion ne vise pas les dommages causes par des assures qui conduisentun vehicule automoteur ou à rails sans avoir l'age legalement requis pource faire, à l'insu de leurs parents, des personnes qui les ont sous leurgarde ou du detenteur du vehicule ». Les assures vises à cette dernieredisposition sont les personnes qui « doivent etre considerees commeassures » en vertu de l'article 3 du meme arrete royal et non celles quine doivent pas etre assurees aux termes de cet article mais pourlesquelles le contrat d'assurance a prevu une couverture speciale, àtitre de disposition plus favorable que ce qui est prevu par l'arreteroyal determinant les conditions minimales de garantie.

Le fait que l'article 6, 1DEG, de l'arrete royal du 12 janvier 1984 soitissu de la volonte de « combler un trou dans la legislation surl'assurance automobile obligatoire » ne permet pas de considerer quel'extension contractuelle des categories d'assures, au-delà de ce qui estimpose par l'article 3 de l'arrete royal, obligerait l'assureur àaccorder aux assures complementaires qui ne sont pas vises par leditarticle 3 toutes les garanties prevues par l'arrete royal pour les assuresobligatoires. Certes, il s'agissait par l'article 6, 1DEG, de l'arreteroyal du 12 janvier 1984 d'obliger l'assureur de la responsabilite civilerelative à la vie privee de couvrir la responsabilite tant de l'enfantqui a conduit un vehicule automoteur à l'insu de ses parents que deceux-ci, pour remedier au risque financier d'une action recursoire del'assureur de la responsabilite automobile qui aurait indemnise des tiersleses. Toutefois, d'une part, l'assurance de responsabilite civilerelative à la vie privee n'est pas obligatoire, de sorte que le risquefinancier auquel cette disposition de l'arrete royal du 12 janvier 1984est censee remedier existe pour toutes les personnes qui n'ont passouscrit une telle assurance. D'autre part, si un assureur propose unepolice d'assurance de responsabilite civile relative à la vie privee danslaquelle il n'y a pas d'assures autres que les assures obligatoires visesà l'article 3 de cet arrete royal, les enfants mineurs du preneurd'assurance qui ne vivent pas à son foyer ne sont pas assures, en sorteque le risque financier precite continue à exister pour le fait de cesenfants mineurs.

En l'espece, le jugement attaque admet 1. que, en vertu de l'article A.5.4du contrat d'assurance souscrit par le defendeur aupres de lademanderesse, les dommages causes par G. ne sont pas garantis, des lorsque la garantie des dommages causes par la conduite de vehiculesautomoteurs sans avoir l'age requis n'est acquise, aux termes du contrat,que pour les assures « principaux », categorie correspondant auxpersonnes obligatoirement assurees en vertu de l'article 3 de l'arreteroyal du 12 janvier 1984, et non pour les assures autres, qualifies par lecontrat de « complementaires », et que G. etait un assurecomplementaire ; 2. que la demanderesse peut opposer à la defenderessetoutes les exceptions qu'elle peut opposer au defendeur, son assure.

En decidant que la demanderesse doit, en depit des clauses de la policesouscrite par le defendeur, garantir les dommages causes par G. enconduisant le vehicule automoteur de la defenderesse et indemniser cettederniere, au motif que l'article 6, 1DEG, de l'arrete royal du 12 janvier1984 qui interdit d'exclure de la garantie les dommages qui y sont visesconcerne tous les assures, meme ceux qui ne figurent pas parmi lespersonnes qui doivent obligatoirement etre assurees en vertu de l'article3 dudit arrete royal, le jugement attaque donne à l'article 6, 1DEG, del'arrete royal du 12 janvier 1984 une portee qu'il n'a pas et partantviole cette disposition, ainsi que les articles 2, alinea 1er, et 3 duditarrete royal.

Second moyen (subsidiaire)

Dispositions legales violees

- article 1384, alinea 1er, du Code civil ;

- principe general du droit dit principe dispositif en vertu duquel lejuge ne peut elever d'office une contestation etrangere à l'ordre publicdont les conclusions des parties ont exclu l'existence.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate les faits suivants : 1. le defendeur a souscritaupres de la demanderesse une assurance de la responsabilite civileextracontractuelle « vie privee » ; aux termes de cette police, sontassures à titre complementaire les enfants mineurs du preneur d'assurancequi ne vivent pas à son foyer, pendant le temps qu'ils sont sous sagarde ; l'article A.7 des conditions generales de la police « enonce lessinistres exclus, qui ne sont pas couverts ; parmi ceux-ci se trouvent lesdommages aux biens meubles ou immeubles et aux animaux qu'un assure a soussa garde » ; 2. le 17 septembre 2006, le defendeur, en compagnie de sonfils G., qui etait age de 16 ans et ne vivait pas à son foyer, renditvisite à la defenderesse qui etait proprietaire d'une voiture Ferraridecapotable ; cette voiture a ete retrouvee dans un fosse situe encontrebas de l'endroit ou la defenderesse l'avait stationnee ; d'apres ladefenderesse et les parents de G., ce dernier aurait, par inadvertance,desserre le frein à main ; 3. la defenderesse forma une demande enreparation de son prejudice contre les parents de G. et contre lademanderesse ; le defendeur forma une action en garantie contre lademanderesse ; cette derniere forma une action en garantie contre la merede G., ici partie appelee en declaration d'arret commun, pour la moitiedes condamnations eventuelles,

et apres avoir decide que, « pour apprecier si un assure a un bien meublesous sa garde », au sens de l'article A.7 des conditions generales de lapolice souscrite par le defendeur, « il convient de se referer à lanotion de garde, telle qu'elle resulte de l'article 1384, alinea 1er, duCode civil », et avoir admis que la demanderesse peut opposer à ladefenderesse toutes les exceptions qu'elle peut opposer au defendeur, sonassure,

le jugement attaque decide que la demanderesse est tenue de fournir sagarantie au defendeur ; condamne la demanderesse, in solidum avec ledefendeur et la partie appelee en declaration d'arret commun, à payer àla defenderesse la somme de 26.900,90 euros majoree des interets et desdepens ; condamne la demanderesse aux depens du defendeur.

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

« Est gardien celui qui, pour son propre compte, use de la chose, enjouit ou la conserve avec un pouvoir de surveillance et de direction[...]. Le seul fait de detenir la chose en main ou de l'utiliser au momentdu fait dommageable n'est pas suffisant pour l'attribution de la garde, ilfaut une direction intellectuelle de la chose qui permet d'en controlerl'usage et l'emploi, fut-ce abstraitement, meme sans avoir la detentionmaterielle [...]. Tel n'est pas le cas en l'espece. Le simple fait pour G.d'avoir, comme le soutiennent ses parents et [la defenderesse], sans etreutilement contredits, desserre le frein à main de la voiture ne le rendpas gardien de la voiture. A defaut pour G. d'avoir eu la garde de laFerrari au moment du sinistre, [la demanderesse] ne peut etre suivielorsqu'elle avance ne pas devoir sa garantie en application de l'articleA.7 ».

Griefs

Premiere branche

Au sens de l'article 1384, alinea 1er, du Code civil, le gardien d'unechose est la personne qui use de cette chose pour son propre compte ou quien jouit ou la conserve avec un pouvoir de surveillance, de direction etde controle. L'emprunt d'une chose à l'insu et contre la volonte de sonproprietaire emporte le transfert de la garde de cette chose. En effet, leproprietaire de la chose empruntee à son insu et contre sa volonte n'estplus en mesure d'exercer sur cette chose son pouvoir de surveillance, dedirection et de controle, lequel est exerce, de fait, par l'emprunteur,meme si celui-ci n'a fait de la chose qu'un usage limite.

En l'espece, toutes les parties avaient admis que c'est à l'insu de ladefenderesse et contre sa volonte que G. est entre dans l'habitacle de lavoiture ou il a desserre le frein à main, en maniere telle que, comme leconstate le jugement attaque, la voiture s'est retrouvee dans un fosse encontrebas de l'endroit ou la defenderesse l'avait stationnee. Il neressort d'aucun motif du jugement attaque que G. aurait rec,ul'autorisation de la defenderesse d'entrer dans l'habitacle de la voitureet ne l'aurait pas fait à son insu.

En decidant neanmoins que G. n'avait pas la garde de la voiture au sens del'article 1384, alinea 1er, du Code civil parce qu'il n'a fait quedesserrer le frein à main et qu'il n'en avait des lors pas « ladirection intellectuelle qui permet d'en controler l'usage et l'emploi »,et en decidant pour ce motif que la demanderesse ne peut se prevaloir del'exclusion de garantie prevue à l'article A.7 des conditions generalesde la police souscrite par le defendeur pour les dommages aux biensmeubles qu'un assure a sous sa garde, le jugement attaque meconnait lanotion de garde d'une chose au sens de l'article 1384, alinea 1er, du Codecivil et, partant, viole cette disposition legale.

Seconde branche (subsidiaire)

Dans ses conclusions prises devant le tribunal de premiere instance, ladefenderesse exposait : « G. est reste seul à proximite de la Ferrari ;sans avoir rec,u aucune autorisation, G. s'est introduit dans le vehicule,s'installant sur le siege du conducteur ; il a commence à toucher auxdifferents elements du tableau de bord du vehicule ; ce faisant, il adebloque le frein de la Ferrari qui a commence à devaler en marchearriere le terrain en pente ». Selon les conclusions d'appel de synthesedu defendeur, « G. a admire le vehicule de [la defenderesse] [...] ; ils'est installe dans le vehicule et, à la suite d'une fausse manoeuvre, adebloque le frein à main » ; « le fils du [defendeur] n'avait [...] pasla garde du vehicule litigieux puisqu'il s'etait installe dans celui-ci àl'insu de son pere et de la proprietaire du vehicule ». Les conclusionsde la partie appelee en declaration d'arret commun avaient expose lesfaits dans les memes termes que le defendeur et ajoutaient : « jamais levehicule n'a ete confie [à G.] ». Selon les conclusions d'appel de lademanderesse, « alors que les deux adultes discutent, G. va monter dansla Ferrari, s'installer dans le siege du conducteur et commencer à joueravec les differents instruments du tableau de bord ».

Il ressort de ces conclusions que les parties etaient d'accord sur lacirconstance de fait suivante : G. s'est installe dans la voiture de ladefenderesse et a touche aux instruments du tableau de bord, à l'insu dela defenderesse, proprietaire de ce vehicule, sans en avoir rec,ul'autorisation.

Si les motifs critiques du jugement attaque signifient qu'il n'est pasetabli que G. est entre dans la voiture de la defenderesse à l'insu decelle-ci et sans en avoir rec,u l'autorisation, le jugement attaque violele principe general du droit dit principe dispositif qui interdit au juged'elever d'office une contestation etrangere à l'ordre public dont lesconclusions des parties excluaient l'existence.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 2 de l'arrete royal du 12 janvier 1984 determinant lesconditions minimales de garanties des contrats d'assurance couvrant laresponsabilite civile extracontractuelle relative à la vie privee disposeque le contrat d'assurances souscrit ou considere comme souscrit enBelgique en couverture de la responsabilite civile extracontractuellerelative à la vie privee couvre les assures au moins conformement auxconditions minimales de garanties determinees par cet arrete.

L'article 3 dudit arrete royal enumere les personnes qui doivent etreconsiderees comme assurees, etant notamment le preneur d'assurance ayantsa residence principale en Belgique et toutes les personnes vivant aufoyer de ce dernier.

Suivant l'article 6, 1DEG, les dommages decoulant de la responsabilitecivile extracontractuelle soumise à une assurance legalement rendueobligatoire peuvent etre exclus de la garantie ; toutefois, cetteexclusion ne vise pas les dommages causes par des assures qui conduisentun vehicule automoteur ou à rails sans avoir l'age legalement requis pource faire, à l'insu de leurs parents, des personnes qui les ont sous leurgarde et du detenteur du vehicule.

Le jugement attaque constate que :

- lors d'une visite que le defendeur rendait à la defenderesse avec sonfils G., ce dernier a, par inadvertance, desserre le frein à main duvehicule de la defenderesse, qui a ete endommage ;

- le premier juge a condamne le defendeur, in solidum avec la mere de G.,partie appelee en declaration d'arret commun, à indemniser ladefenderesse de ce dommage sur la base de l'article 1384, alinea 2, duCode civil, cette decision n'etant pas frappee d'appel ;

- le defendeur a souscrit aupres de la demanderesse un contrat d'assurancecouvrant la responsabilite civile extracontractuelle relative à la vieprivee ;

- le defendeur etait assure en tant que preneur d'assurance, la police ledesignant comme assure principal ;

- G., qui ne vivait pas au foyer du defendeur et ne devait des lors pasetre assure en vertu de l'article 3 de l'arrete royal precite, etaitneanmoins conventionnellement assure en tant qu'enfant mineur pendant letemps ou il etait sous la garde du defendeur, la police le soumettant auregime des assures complementaires ;

- la demanderesse se prevaut, pour refuser sa garantie, de l'article 5 desconditions generales, qui enumere en ses points A.5.1 à A.5.7 des casparticuliers dans lesquels la garantie est uniquement acquise pour lesassures principaux, et en particulier de l'article A.5.4, qui stipule cequi suit : « nous ne garantissons pas les dommages causes par la conduitedes vehicules automoteurs, sauf s'ils sont causes lorsqu'ils conduisent :a) un vehicule terrestre automoteur [...] soumis à une assurancelegalement rendue obligatoire sans avoir l'age legalement requis pour cefaire et à l'insu de leurs parents ou de personnes qui les ont sous leurgarde ou du detenteur du vehicule ».

Le jugement attaque interprete cette stipulation comme impliquant que,« lorsque le vehicule est conduit par un assure complementaire commel'etait G., les dommages causes lors de cette conduite ne sont pasgarantis » et declare cette clause nulle comme contraire à l'article 6,1DEG, precite de l'arrete royal.

Le moyen reproche au jugement attaque de considerer, pour en deciderainsi, que la demanderesse est tenue en application de cet article 6 degarantir l'ensemble des personnes qu'elle assure sans qu'elle puissedifferencier, comme elle le fait, entre les assures principaux et lesassures complementaires.

Le defendeur, qui est un assure au sens de l'article 3 de l'arrete royal,doit beneficier des garanties minimales prevues par celui-ci.

L'article 6, 1DEG, limite cependant les dommages pouvant etre exclus de lagarantie aux dommages decoulant de la responsabilite civileextracontractuelle soumise à une assurance legalement rendue obligatoire.

Le dommage litigieux ne decoule pas d'une telle responsabilite civile et,en particulier, d'une responsabilite soumise à l'assurance obligatoire dela responsabilite en matiere de vehicules automoteurs, des lors qu'il aete cause au vehicule meme de la defenderesse.

Ce dommage ne pouvait, des lors, etre exclu de la garantie en vertu del'article 6, 1DEG, precite.

Le moyen, qui, fut-il fonde, ne saurait entrainer la cassation, est denued'interet et, des lors, irrecevable.

Sur le second moyen :

Quant à la seconde branche :

Le jugement attaque ne considere pas qu'il n'est pas etabli que G. estentre dans le vehicule de la defenderesse à l'insu de celle-ci et sans enavoir rec,u l'autorisation.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la premiere branche :

Le gardien d'une chose, au sens de l'article 1384, alinea 1er, du Codecivil, est celui qui use de cette chose pour son propre compte ou qui enjouit ou la conserve avec pouvoir de surveillance, de direction et decontrole.

Apres avoir enonce que « le seul fait de detenir la chose en main ou del'utiliser au moment du fait dommageable n'est pas suffisant pourl'attribution de la garde [et qu'] il faut une direction intellectuelle dela chose qui permet d'en controler l'usage et l'emploi », le jugementattaque considere que « tel n'est pas le cas en l'espece », G. s'etantborne à desserrer par inadvertance le frein à main du vehicule de ladefenderesse dans lequel il s'etait introduit à l'insu de cette derniereet sans son autorisation.

Sur la base de ces enonciations, le jugement attaque a pu legalementdecider que la garde du vehicule n'avait pas ete transferee à G. aumoment de la survenance du dommage.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent quatre-vingts eurosquarante-cinq centimes envers la partie demanderesse et à la somme decent quarante-cinq euros septante-deux centimes envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Sylviane Velu etMichel Lemal, et prononce en audience publique du treize septembre deuxmille douze par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | S. Velu |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

13 SEPTEMBRE 2012 C.10.0226.F/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0226.F
Date de la décision : 13/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-09-13;c.10.0226.f ?
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