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07/09/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0667.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 septembre 2012, C.11.0667.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0667.N

1. VASSART & CDEG, s.a.,

2. S.V.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. M. D.,

2. L. D. B.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 10 mars2010 et 18 mai 2011 par la cour d'appel de Gand.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a depose des conclusionsecrites le 18 mai 2012.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a co

nclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen
...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0667.N

1. VASSART & CDEG, s.a.,

2. S.V.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. M. D.,

2. L. D. B.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 10 mars2010 et 18 mai 2011 par la cour d'appel de Gand.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a depose des conclusionsecrites le 18 mai 2012.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent trois moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 17, 1042, 1138, 2DEG, et 1050 du Code judiciaire ;

- principe general du droit relatif à l'autonomie des parties au procescivil ( principe dispositif).

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 10 mars 2010 decide que les juges d'appel doiventexaminer d'office la recevabilite de l'appel ; il constate que la creancea ete cedee au second defendeur de maniere reguliere et opposable auxdemandeurs et que cette cession de creance serait eventuellement de natureà influencer la recevabilite de l'appel ; il ordonne la reouverture desdebats afin de permettre aux parties de prendre position à ce propos. Ilfonde cette decision sur les motifs suivants :

« 2. Cela n'empeche toutefois pas d'apprecier la recevabilite de l'appeldes demandeurs contre le premier defendeur. La recevabilite d'un recoursest, en effet, d'ordre public et doit meme d'office etre examinee par lejuge d'appel.

2.1. En tant que parties succombantes, tant la premiere demanderesse quele second demandeur n'ont, en principe, qualite et interet pour interjeterappel. L'appel peut aussi n'etre dirige que contre celui qui etait partieen premiere instance et defendait des interets opposees devant le premierjuge, en d'autres termes contre la partie adverse au proces.

Subsiste neanmoins la question de savoir dans quelle mesure la cession decreance du 4 mars 2008 notifiee par des lettres recommandees distinctes du7 mars 2008 adressees aux demandeurs, soit posterieurement au jugemententrepris et anterieurement à l'introduction de l'appel par la requetedeposee le 11 avril 2008, peut influencer la recevabilite de l'appel.

La convention 'de cession de creance' etablie le 4 mars 2008 entre lepremier et le second defendeur - la regularite de cette convention n'etantpas mise en doute - prevoit en son article 3 que 'le premier defendeurcede par la presente convention au second defendeur la creance detailleesub 1 et toutes les plus-values et accessoires, tels que les interets, lesdepens et autres'. Il y a lieu d'entendre par 'la creance detaille sub 1''l'action du premier defendeur (...) concernant la moins-value, la pertede jouissance et les frais lies au Calypso, qui, à l'epoque, etaitentrepose aupres de la firme Vassart en vertu d'un contrat de depot'.

Il a aussi ete convenu dans cette meme convention que 1) le seconddefendeur s'est vu attribuer la pleine propriete du bateau Calypso et que2) 'la dette eventuelle à l'egard de Vassart & CDEG/Serge Vassart' (voirdemande reconventionnelle devant le tribunal relative aux droitsd'emplacement du bateau) est cedee au second defendeur 'de sorte que lepremier defendeur ne peut y etre tenu'.

Cette convention contient donc 1) un transfert de propriete concernant lebateau lui-meme, 2) une cession de creance relative aux dommages etinterets, moins-value et depens reclames, 3) une cession de creanceconcernant les droits d'emplacement du bateau reclames par le seconddefendeur.

La cession de creance est opposable aux demandeurs des lors que lesconditions de l'article 1690 du Code judiciaire ont ete remplies. Celan'est pas davantage conteste.

Ladite convention transforme le second defendeur en ayant droit à titreparticulier en ce qui concerne tant le bateau que les actions principaleset reconventionnelles qui y sont rattachees et donc aussi la creance quifait l'objet de la cession du 4 mars 2008.

Contrairement aux ayants cause à titre universel, les ayants droit àtitre particulier ne sont pas la continuation de la personne de leurauteur. En particulier, en cas de cession, le cessionnaire est substitueau cedant dans les rapports materiels entre le cedant et les debiteurs. Lelien juridique existe, en d'autres termes, à partir de ce moment entre lecessionnaire et le(s) debiteur(s) et non plus entre le cedant et le(s)debiteur(s).

2.2. L'appel des demandeurs tend notamment au rejet de la demandeprincipale originaire du premier defendeur, cette demande ayant etepartiellement admise par le premier juge à l'egard du premier defendeur.Posterieurement au jugement entrepris et anterieurement à l'introductionde l'appel, cette creance a ete, de maniere reguliere et opposable auxdebiteurs, cedee par le premier defendeur au second defendeur. Celasignifie qu'avant l'introduction de l'appel les demandeurs ont eteregulierement informes de la cession de creance et donc aussi du fait quece n'etait plus le premier defendeur mais le second defendeur qui etaitdevenu leur creancier.

Une cession de creance entraine logiquement une cession du droit d'actionaccessoire (ius agendi), ce qui signifie que, des que les formalites del'article 1690 du Code civil sont remplies - comme en l'espece -, lecedant n'est plus titulaire de la creance ni du droit d'action accessoireet ne peut, des lors, plus agir en justice.

Dans les circonstances donnees, la cession de creance qui a eu lieu avantl'introduction de l'appel pourrait etre de nature à influencer larecevabilite de l'appel.

2.3. Des lors qu'il a dejà ete indique auparavant qu'il n'appartient pasau second defendeur d'invoquer la fin de non-recevoir opposee à l'appel,la cour d'appel le fait d'office.

Des lors que le second defendeur ne reprend l'instance qu'en ordresubsidiaire, plus particulierement pour le cas ou l'appel serait declarerecevable, le premier defendeur doit toujours etre considere comme partieà l'instance en ce qui concerne la fin de non-recevoir opposee àl'appel. Du point de vue de la procedure, le premier defendeur restepartie à l'instance, comme le prouve l'ordonnance du 7 mai 2008 renduepar le president de cette chambre approuvant les delais de conclusions etla fixation convenus par les parties, notifiee au premier defendeur parpli judiciaire en date du 14 mai 2008.

Le premier defendeur n'a toutefois pas depose de conclusions d'appel etn'etait pas davantage present à l'audience publique du 13 janvier 2010 ;le second defendeur a en revanche comparu 'pour le premier defendeur' entant que partie reprenant l'instance.

Plus precisement, cette reprise d'instance, en raison de son caracteresubsidiaire, ne peut pas encore sortir d'effets du point de vue de laprocedure, ce qui a pour consequence qu'à ce stade de la procedure, lareprise d'instance du second defendeur ne peut etre decretee et que, àtout le moins en ce qui concerne la fin de non-recevoir opposee àl'appel, le premier defendeur n'a pas eu l'occasion de developper sesarguments à ce propos, contrairement aux demandeurs et au seconddefendeur, qui ont mene des debats contradictoires à ce propos dans leursconclusions.

Afin de respecter les droits de defense, specialement ceux du premierdefendeur, il y a lieu d'ordonner d'office la reouverture des debats afinde lui permettre d'exposer son point de vue à propos de la fin denon-recevoir opposee à l'appel dirige contre lui soulevee d'office par lacour d'appel ».

L'arret definitif du 18 mai 2011 declare l'appel irrecevable dans lamesure ou il est dirige contre le premier defendeur, sur la base desmotifs suivants :

« 1. Appel dans la cause portant le numero de role general 2008/RG 989

1.1. L'arret interlocutoire du 10 mars 2010 enonce que la creance dupremier defendeur sur les demandeurs et qui concerne la 'moins-value', laperte de jouissance et les frais lies au Calypso, qui etait entrepose àl'epoque chez la premiere demanderesse en vertu d'un contrat de depot, aete cedee par convention du 4 mars 2008 par le premier defendeur au seconddefendeur. Cette creance a fait l'objet de la demande principale formeepar le premier defendeur contre les demandeurs devant le premier juge et aete accordee dans le jugement entrepris jusqu'à concurrence de 48.029,37euros majores des interets judiciaires à compter du 5 octobre 1998jusqu'au jour du parfait paiement. La cession de creance a ete valablementnotifiee aux demandeurs par lettres recommandees distinctes du 7 mars 2008conformement à l'article 1690 du Code civil ainsi qu'à leur conseil parpli ordinaire, accompagnees d'une copie de la convention de cession.

Outre cette cession de creance, la convention du 4 mars 2008 contientaussi un transfert de propriete concernant le bateau Calypso et unecession de dette 'eventuelle' du premier defendeur à l'egard desdemandeurs en ce qui concerne les droits d'emplacement reclames parcelui-ci pour le bateau.

En raison de cette convention, le second defendeur est devenu l'ayantcause à titre particulier du premier defendeur tant en ce qui concerne ledroit de propriete sur le bateau qu'en ce qui concerne toutes les detteset creances y afferentes à l'encontre ou à l'egard des demandeurs.

L'arret interlocutoire considere aussi que la cession de creance a pourconsequence que, dans le rapport juridique materiel existant entre lecessionnaire et son (ses) debiteur(s), le cedant succede au cessionnaire,le lien juridique entre le cessionnaire et son (ses) debiteur(s) cessantd'exister et etant remplace par le lien juridique entre le cessionnaire etle(s) debiteur(s). Le cessionnaire d'une creance est substitue aucreancier cedant et doit etre considere comme partie dans le rapportjuridique initial en ce qui concerne les droits auxquels donne lieu lacreance cedee. Cela ne concerne pas seulement la creance elle-meme,c'est-à-dire le droit de reclamer l'execution de la prestation convenue,mais aussi tous les droits lies à cette creance (accessoires), parmilesquels le droit d'action.

A partir du moment ou la cession est portee à la connaissance du debiteurcede, elle lui est opposable.

Comme il a ete dit, la notification a eu lieu en l'espece le 7 mars 2008,c'est-à-dire apres que le jugement entrepris a ete rendu (le 20 fevrier2008) et avant l'introduction de l'appel par les demandeurs (le 11 avril2008), de sorte qu'à partir de ce moment-là, le droit d'actionconcernant la prestation de la creance cedee (à savoir le paiement dedommages et interets en raison d'une moins-value, perte de jouissance etfrais concernant le bateau Calypso en raison du dommage encouru au coursdu depot par la premiere demanderesse) a ete transfere au second defendeuret devait etre exerce par lui. Cela signifie aussi qu'à partir du 7 mars2008, le second defendeur s'est substitue au premier defendeur en tant quepartie materielle et formelle au proces, dans ses droits et obligationsresultant de l'instance qu'il a engagee, de sorte que les demandeurs nepouvaient introduire leur appel tendant au rejet de la demande principaleinitiale contre le premier defendeur mais uniquement contre le seconddefendeur.

Eu egard à la cession, par la meme convention, de la creance des droitsd'emplacement reclames par les demandeurs dans leur demandereconventionnelle, dont il n'est pas conteste qu'elle a ete acceptee parces derniers et par laquelle le second defendeur, se trouvant dans un lienjuridique avec les creanciers (ici [demandeurs]), est substitue au premierdefendeur, ce qui precede vaut aussi en ce qui concerne l'appel desdemandeurs dans la mesure ou il tend à l'octroi integral de cette demandereconventionnelle.

Griefs

(...)

Seconde branche

En vertu des articles 17, 1042 et 1050 du Code judiciaire, l'appel ne peutetre forme que par et contre une personne qui a la qualite requise.

Cela implique que l'appel doit etre interjete par une personne qui etaitpartie à la decision du premier juge contre une personne qui etait partieà la decision du premier juge. Il est, en outre, requis qu'une instanceait ete liee entre ces parties devant le premier juge. Une partie ayantete condamnee en premiere instance au paiement d'une somme d'argent àl'egard d'une autre partie peut, des lors, introduire valablement un appelcontre cette autre partie, meme si cette derniere a cede sa creance à untiers apres la decision du premier juge et avant l'introduction del'appel.

La qualite pour interjeter appel doit etre distinguee de la qualite pourexercer l'action. La qualite pour exercer l'action se refere au lien entrela partie au proces et le droit materiel litigieux. Une modification de laqualite d'une partie en cours d'instance est sans incidence sur larecevabilite de l'action qui doit s'apprecier au moment de l'introductionde l'instance. L'appel interjete contre une personne qui a obtenu lacondamnation de l'appelant mais qui a cede sa creance apres la decision dupremier juge est recevable.

En l'espece, l'arret attaque du 10 mars 2010 constate et il ressort despieces auxquelles la Cour peut avoir egard, à savoir le jugement dutribunal de premiere instance de Bruges du 20 fevrier 2008 et la requeted'appel du 11 avril 2008, que le jugement precite du 20 fevrier 2008 acondamne les demandeurs à payer au premier defendeur la somme de48.029,37 euros majoree des interets et que l'appel contre ce jugementetait dirige par les demandeurs contre le premier defendeur. Il ressort,des lors, de ces constatations que la condition precitee de recevabilitede l'appel etait remplie.

L'arret attaque du 10 mars 2010 constate toutefois que le premierdefendeur a cede sa creance au second defendeur apres la prononciation dujugement du premier juge mais avant qu'il en soit interjete appel, àsavoir le 4 mars 2008. Il constate que les demandeurs en ont ete informesle 7 mars 2008. Il considere que cette cession de creance a pourconsequence que le premier defendeur n'est plus titulaire ni de la creanceni du droit d'action accessoire, de sorte que la cession de creancepourrait etre eventuellement de nature à influencer la recevabilite del'appel et, des lors, souleve d'office l'irrecevabilite de l'appel.

L'arret definitif attaque decide que l'appel interjete par les demandeurscontre le premier defendeur est, en effet, irrecevable des lors que lepremier defendeur avait cede sa creance contre les demandeurs au seconddefendeur et en avait informe les demandeurs apres la prononciation dujugement du premier juge et avant que l'appel fut interjete.

En declarant l'appel interjete par les demandeurs contre le premierdefendeur irrecevable par le motif que le premier defendeur a cede sacreance envers les demandeurs au second defendeur apres la prononciationdu jugement du premier juge et avant l'appel, alors que l'appel estrecevable s'il est dirige par une personne qui etait partie à la decisiondu premier juge contre une personne qui etait partie à la decision dupremier juge et qu'il existait une instance entre ces parties et alorsqu'il ressort des constatations des juges d'appel et des pieces auxquellesla Cour peut avoir egard que le premier defendeur etait partie au procesen premiere instance et que les demandeurs ont ete condamnes par lepremier juge à l'egard du premier defendeur, l'arret attaque du 18 mai2011 viole les articles 17, 1042 et 1050 du Code judiciaire.

(...)

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

(...)

Quant à la seconde branche :

2. Si la creance qui fait l'objet du jugement du premier juge a ete cedee,le debiteur de la creance cedee peut interjeter appel soit contre lecreancier initial, tel qu'il ressort du jugement entrepris, soit contre lecessionnaire.

3. En constatant que la creance qui fait l'objet du jugement du premierjuge a ete cedee par le premier defendeur au second defendeur, que cettecession a ete notifiee aux demandeurs et qu'apres cette notification, lesdemandeurs ont interjete appel contre le premier defendeur, et en decidantensuite que cet appel est irrecevable des lors que le second defendeur asuccede au premier defendeur en tant que partie materielle et formelle auproces, de sorte que l'appel ne pouvait etre interjete que contre lesecond defendeur, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leurdecision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque du 18 mai 2011 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arret casse;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, president, le president desection Albert Fettweis, les conseillers Beatrijs Deconinck, Koen Mestdaghet Geert Jocque, et prononce en audience publique du sept septembre deuxmille douze par le president de section Eric Dirix, en presence del'avocat general delegue Andre Van Ingelgem, avec l'assistance du greffierJohan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president,

7 septembre 2012 C.11.0667.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0667.N
Date de la décision : 07/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-09-07;c.11.0667.n ?
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