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29/06/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0663.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 juin 2012, C.11.0663.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1638



NDEG C.11.0663.F

J. T.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. R. B. et

2. A.-M. D.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 novembre 2010par la cour d'appel de Liege.

Le president de section Albert Fettweis a fa

it rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les t...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1638

NDEG C.11.0663.F

J. T.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. R. B. et

2. A.-M. D.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 novembre 2010par la cour d'appel de Liege.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1315,1732 et 1733 du Code civil ;

* article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret confirme le jugement dont appel disant pour droit que le demandeurest responsable, sur la base de l'article 1733 du Code civil, del'incendie intervenu au gite le 26 avril 2004 et qu'il doit repondrecontractuellement des degradations ou des pertes subies par lesdefendeurs, par tous ses motifs reputes ici integralement reproduits et,specialement, par les motifs que :

« Dans leurs dernieres conclusions d'appel, les (defendeurs) basent leuraction uniquement sur l'article 1733 du Code civil.

Cet article dispose que le preneur d'un immeuble repond de l'incendie àmoins qu'il ne prouve que celui-ci s'est declare sans sa faute.

Conformement à l'article 1732 du Code civil, (le demandeur) doit repondredes degradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, àmoins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

L'article 1735 precise que le preneur est tenu des degradations et despertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de sessous-locataires.

(Le demandeur) fait valoir que la restitution des lieux ayant eu lieu laveille par les locataires, la presomption que l'article 1733 du Code civilfait peser sur ce dernier ne joue pas et ce, d'autant que la caution de1.000 euros a ete retournee par les proprietaires 15 jours apresl'incendie.

Ainsi que l'a adequatement releve le premier juge, la reprise depossession sans reserve ne porte cependant que sur les elements dont lesproprietaires ont pu se rendre compte mais ne peut porter sur des elementscaches, tel un feu couvant (...).

(Le demandeur) fait grief au jugement dont appel de l'avoir considerecomme responsable de l'incendie au motif notamment que, `des lors quel'incendie existait en germe au moment de la restitution des lieux, il nepeut etre admis que la reprise des lieux, meme sans reserve, par lesproprietaires, exonerait le locataire de sa responsabilite fondee surl'article 1733 du Code civil' (...).

Il fait valoir que le fait que l'incendie existait en germe au moment dela restitution n'est pas prouve par les proprietaires et que les auditionsde (la defenderesse) et de l'electricien qui se sont rendus (sur) leslieux le lundi 26 avril vers 10 heures 30 - 11 heures et qui ont declarene pas avoir accede au container-poubelle et n'avoir eu aucune activitecompatible avec l'incendie, sur lesquelles le premier juge a fonde saconviction, sont de simples affirmations de personnes susceptibles d'etreincriminees et ne peuvent constituer la preuve qu'ils ne sont pas àl'origine de l'incendie.

Il resulte des conclusions motivees de l'expert M. G., ingenieur civil,designe par le parquet de Marche-en-Famenne le jour de l'incendie, et del'expert J.-L. H., ingenieur civil, designe par l'ordonnance de refere dupresident du tribunal de premiere instance de Marche-en-Famenne du 30 juin2004 de l'accord de la societe L'Ardenne prevoyante, assureur incendie etpertes d'exploitations (du defendeur) (...), que :

`La presence d'un foyer d'incendie couvant installe dans ceconteneur-poubelle en PVC explique la naissance de ce foyer initiald'incendie. Ce foyer d'incendie couvant a pu intervenir soit par le depotde cendres incandescentes de barbecue dans ce conteneur-poubelle oul'apport d'une cigarette mal eteinte (...).

Le sinistre incendie resulte d'une zone de convection-radiation initiale,localisee au niveau du container-poubelle pose à proximite du bardagenord du gite (...).

Aucune source d'energie normalement presente n'a ete observee dansl'environnement de la zone de convection-radiation initiale.

Les decombres (bouteilles de verre, canettes, dechets alimentaires,residus combustibles ... ) decouverts parmi les restes ducontainer-poubelle ne sont pas de nature à s'enflammer spontanement.

Une source d'energie a donc ete apportee dans l'environnement de la zonede convection-radiation initiale.

L'imprudence domestique (cendres incandescentes ou cigarette se consumant)par les derniers occupants des lieux constitue le scenario retenu parl'expert comme cause à l'origine de l'incendie.

Compte tenu de la configuration des lieux, l'embrasement ducontainer-poubelle s'est propage au gite' (...).

(Le demandeur), qui doit etablir que l'incendie est survenu sans sa faute,soutient, sans l'etablir, que le positionnement de la poubelle le long dumur pignon est le fait des proprietaires. Ces derniers deposent (...)l'attestation de S. K., chauffeur aupres de la firme WC 2000 à Stavelotchargee de reprendre les containers-poubelles du gite, selon laquelle ilreprend celui-ci `toujours situe au meme endroit - à savoir dans la courfermee du gite - à 4 metres à l'ecart du batiment en face d'uneporte-fenetre'.

Il affirme egalement que les lieux sont ouverts à tous et qu'apres sondepart le 25 avril en debut d'apres-midi et son coup de telephone auproprietaire, n'importe qui a pu acceder aux lieux pour y jeter quelquechose d'incandescent, notamment des fusees petards.

Les dossiers soumis à la cour d'appel n'etablissent aucune negligence desproprietaires, dont l'immeuble est entoure de murs et de haies auquel onaccede par la grande cour et qui conviennent comme il est d'usage avecleurs locataires de la remise de la cle apres le sejour à un endroitdonne.

(Le demandeur) reste en defaut d'etablir que des petards soient àl'origine de l'incendie, de meme qu'une cigarette jetee dans la poubellepar un tiers. Par ailleurs, (le demandeur) reste en defaut d'etablirqu'une imprudence de (la defenderesse) et de l'electricien qui etaientpresents juste avant que l'incendie ne se declare a ete commise et seraità l'origine du feu couvant qui est la cause du sinistre.

(Le demandeur) conteste avoir transfere les cendres du barbecue exterieurqui a ete utilise le samedi 24 avril au soir. Il depose (...) desattestations des personnes de sa famille qui ont participe au week-end quile confirment, annexees à la lettre qu'adressait le 24 decembre 2004 sonconseil à l'expert judiciaire H.

Il fait valoir, sur la base du rapport des pompiers du 21 novembre 2004,qui releve qu'un nettoyage interieur venait d'etre realise, que c'est (ladefenderesse) qui, lors du nettoyage qu'elle aurait entrepris le lundi 26avril, aurait transfere ces cendres. (La defenderesse) fait valoir qu'elleetait presente uniquement pour ouvrir à l'electricien et qu'elle en aprofite pour relever les compteurs, le nettoyage de ce grand gites'effectuant en famille pendant minimum deux jours.

En tout etat de cause, si, selon la these (du demandeur), les cendres dubarbecue etaient restees à l'exterieur depuis le samedi 24 avril 2004 ausoir jusqu'au 26 avril, elles etaient refroidies et ne pouvaientconstituer, par elles-memes, le feu couvant à l'origine de l'incendie.Enfin, sa these suivant laquelle le feu aurait ete provoque par unecigarette mal eteinte dans une poubelle ou se seraient trouvees descendres eteintes de barbecue qui auraient ete ainsi rallumees n'estobjectivee par aucun des elements soumis à l'appreciation de la courd'appel.

Il resulte des constatations des experts qu'il est tres vraisemblable quel'immeuble a ete restitue par (le demandeur) avec un feu couvant dans lecontainer-poubelle etanche qui, à la longue, a provoque le percement deses parois verticales en PVC. `Le percement de ces parois ou leureffondrement a permis un apport suffisant d'oxygene pour donner naissanceà un foyer initial d'incendie qui s'est propage au bardage en boiscouvrant le pignon sud, à l'exterieur du batiment' (...).

(Le demandeur) restant en defaut de renverser la presomption de l'article1733 du Code civil, il repond contractuellement des degradations ou despertes subies par les (defendeurs) ».

Griefs

Aux termes de l'article 1732 du Code civil, le preneur repond desdegradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moinsqu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute. L'article 1733 du memecode, qui constitue une application particuliere de l'article 1732 au casde l'incendie, dispose que le preneur repond egalement d'un tel sinistre,en lui reservant la possibilite de prouver qu'il n'a pas commis de faute.

Il se deduit de ces dispositions qu'il incombe au bailleur d'etablir quela « degradation », la « perte » ou l'« incendie » est survenupendant la jouissance du locataire et que la charge de la preuve de sonabsence de faute ne pesera sur le preneur que si le bailleur s'en estacquitte.

Premiere branche

L'arret, qui ne conteste pas que le demandeur a quitte les lieux loues ledimanche 25 avril 2004 et que l'incendie s'est declare le lendemain - desorte que cet incendie n'est pas survenu pendant la jouissance des lieuxpar le demandeur - et qui condamne neanmoins ce dernier à repondre« contractuellement des degradations ou des pertes subies par les(defendeurs) » aux motifs qu'il « rest(e) en defaut de renverser lapresomption de l'article 1733 du Code civil », meconnait tant l'article1733 du Code civil que l'article 1732 dont il constitue l'applicationparticuliere au cas de l'incendie (violation des articles 1732 et 1733 duCode civil).

Il meconnait egalement les dispositions du Code civil et du Codejudiciaire relatives à la charge de la preuve en mettant à charge dudemandeur « de renverser la presomption de l'article 1733 du Codecivil » alors qu'il incombait aux defendeurs, qui ne pouvaient pas seprevaloir de l'article 1733 du Code civil des lors qu'il resulte desconstatations de fait de l'arret que l'incendie n'est pas survenu pendantla jouissance des lieux par le demandeur, d'apporter la preuve de laresponsabilite du demandeur ou des gens de sa maison dans la survenance del'incendie (violation des articles 1315 du Code civil et 870 du Codejudiciaire).

Seconde branche

A supposer que l'« incendie » vise par l'article 1733 du Code civildoive etre entendu en l'espece comme le feu couvant à l'origine dusinistre et non comme l'incendie lui-meme, encore appartenait-il auxdefendeurs, en vertu des articles 1732 et 1733 du meme code, d'etablir quele feu couvant etait survenu au cours de la location, durant la periode aucours de laquelle le demandeur avait la jouissance du bien.

L'arret, qui ne decide pas qu'il est etabli que les lieux ont eterestitues par le demandeur avec un feu couvant et que la degradation estsurvenue durant la jouissance mais se borne à considerer que le demandeur« rest(e) en defaut de renverser la presomption de l'article 1733 du Codecivil » au motif qu'une « reprise de possession sans reserve ne porte(...) que sur les elements dont les proprietaires ont pu se rendre comptemais (qu')elle ne peut porter sur des elements caches, tel un feucouvant » et qu'« il resulte des constatations des experts qu'il esttres vraisemblable que l'immeuble a ete restitue par (le demandeur) avecun feu couvant dans le container-poubelle etanche qui, à la longue, aprovoque le percement de ses parois verticales en PVC », n'a pu deciderque le demandeur repond contractuellement des degradations ou des pertessubies par les defendeurs sans violer tant les articles 1732 et 1733 duCode civil que les articles 1315 du meme code et 870 du Code judiciairerelatifs à la charge de la preuve.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

En vertu de l'article 1733 du Code civil, le preneur repond de l'incendie,à moins qu'il ne prouve que celui-ci s'est declare sans sa faute.

Cette disposition legale est fondee sur l'obligation du preneur derestituer à la fin du bail au bailleur la chose dont la detention lui aete transmise.

Il en resulte que l'article 1733 n'est pas applicable lorsqu'un incendiese declare dans le bien loue apres que celui-ci a ete restitue par lepreneur au bailleur à la fin du bail.

Il ressort de l'expose des faits de la cause du premier juge, auquell'arret se refere, et des faits releves par l'arret lui-meme, que :

- les defendeurs ont donne un gite en location au demandeur du 23 au 25avril 2004, les defendeurs ayant repris la possession des lieux à la finde la location ;

- le lundi 26 avril 2004, vers 13 heures, un incendie s'est declare dansles lieux loues au depart d'un conteneur-poubelle situe à proximite dugite sinistre.

L'arret, qui considere qu' « il resulte des constatations des expertsqu'il est tres vraisemblable que l'immeuble a ete restitue par [ledemandeur] avec un feu couvant dans le conteneur-poubelle » mais qui nedenie pas que, comme le soutenait celui-ci, l'incendie provoque par ce feucouvant s'est declare apres la remise des lieux loues à la dispositiondes defendeurs, n'a pu, sans violer l'article 1733 du Code civil, deciderque le demandeur « reste en defaut de renverser la presomption » prevueà cette disposition.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout etAlain Simon, et prononce en audience publique du vingt-neuf juin deuxmille douze par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | A. Simon | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

29 JUIN 2012 C.11.0663.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0663.F
Date de la décision : 29/06/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-06-29;c.11.0663.f ?
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