Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.10.0433.N
BAUER KOMPRESSOREN GmbH, societe de droit allemand,
Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,
contre
DUBRACO, s.a.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 mars 2010par la cour d'appel d'Anvers.
Le 22 mars 2012, l'avocat general Christian Vandewal a depose desconclusions au greffe.
Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat general Christian Vandewal a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente quatre moyens.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
1. En vertu de l'article 85, alinea 1er, du Traite CE, applicable enl'espece, sont incompatibles avec le marche commun et interdits, tousaccords entre entreprises, toutes decisions d'associations d'entrepriseset toutes pratiques concertees, qui sont susceptibles d'affecter lecommerce entre Etats-membres et qui ont pour objet ou pour effetd'empecher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence àl'interieur du marche commun, et notamment ceux qui consistent à :
a) fixer de fac,on directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente oud'autres conditions de transaction ;
b) limiter ou controler la production, les debouches, le developpementtechnique ou les investissements ;
c) repartir les marches ou les sources d'approvisionnement ;
d) appliquer, à l'egard des partenaires commerciaux, des conditionsinegales à des prestations equivalentes en leur infligeant de ce fait undesavantage dans la concurrence ;
e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par lespartenaires, de prestations supplementaires qui, par leur nature ou selonles usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.
L'article 85, alinea 2, du Traite CE dispose que les accords ou decisionsinterdits en vertu du present article sont nuls de plein droit.
2. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Unioneuropeenne (ci-apres Cour de justice), notamment de l'arret du 11septembre 2008, CEPSA, C-279/06, que la nullite de l'article 85, alinea 2,du Traite CE est absolue. Cela signifie que, des que les conditionsd'application de l'article 85, alinea 1er, du Traite CE sont remplies etque la convention en question ne peut justifier l'octroi d'une exonerationdu chef de l'article 85, alinea 3, du Traite CE, la nullite prevue parl'alinea 2 de cet article peut etre invoquee par chacun. Cette nulliteimplique, en outre, qu'elle peut concerner toutes les consequences, pourle passe et pour l'avenir, de ladite convention.
3. En ce qui concerne la portee de la nullite absolue de plein droitfondee sur l'article 85, alinea 2, du Traite CE, la convention n'est nulledans son ensemble que si les clauses qui sont inconciliables avecl'article 85, alinea 1er, du Traite CE ne peuvent etre detachees de laconvention elle-meme. Dans le cas contraire, les consequences de lanullite de toutes les parties de la convention ne sont pas determinees parle droit communautaire. Selon le droit national applicable, le jugenational doit apprecier la portee et les consequences pour l'ensemble desrelations contractuelles si certaines dispositions de la convention sontnulles en vertu de l'article 85, alinea 2, du Traite CE.
4. Le juge d'appel considere que l'interdiction de vente passive figurantdans la convention de distribution exclusive entre la demanderesse et ladefenderesse est contraire à l'article 85, alinea 1er, du Traite CE etentraine, en principe, la nullite de plein droit, conformement àl'article 85, alinea 2, du Traite CE.
En ce qui concerne la question de savoir si la nullite en vertu du droitnational entraine la nullite partielle ou totale de la convention, le juged'appel a constate que :
* l'essence de la convention est la distribution exclusive pour laquellela demanderesse s'est engagee en tant que fournisseur de ne vendre sesproduits qu'à la defenderesse en vue de la revente dans un secteurdetermine, alors que la defenderesse s'est engagee, en tant quevendeur exclusif, à ne se fournir que chez la demanderesse ;
* les parties ont stipule à l'article 18.2 de la convention que lanullite d'un ou de plusieurs articles n'entache pas automatiquement lavalidite de la totalite de la convention.
Le juge d'appel a decide que la convention n'est nulle que dans la mesureou elle concerne l'interdiction de vente passive, qui se deduit desarticles 3.1 et 6.5 de la convention.
5. En statuant ainsi, le juge d'appel a legalement justifie sa decision.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
(...)
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque en tant qu'il se prononce sur la perte de beneficesur le marche public, la pretendue perte de benefices concernant la ventede compresseurs aux clients Interlabor Opleidingscentrum voor Brandweer,Brandweer Mechelen, Debois Marine et Pompiers de Bissen, et la pretendueperte de marge pour les dernieres livraisons qui n'ont pas ete honorees etsur les depens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne la demanderesse à la moitie des depens ;
Reserve le surplus des depens pour qu'il soit statue sur celui-ci par lejuge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, president, le presidentde section Eric Dirix, les conseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconincket Koen Mestdagh, et prononce en audience publique du vingt-huit juin deuxmille douze par le president de section Edward Forrier, en presence del'avocat general Christian Vandewal, avec l'assistance du greffier JohanPafenols.
Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.
Le greffier, Le president de section,
28 juin 2012 C.10.0433.N/1