Cour de cassation de Belgique
Arret
901
NDEG C.11.0467.F
1. M. B.,
2. P. B.,
3. K. B.,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,
contre
SOGINVEST, societe anonyme en liquidation dont le siege social est etablià Bruxelles, avenue Louise, 304/5,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le25 janvier 2011 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles,statuant en dernier ressort.
Le 24 mai 2012, le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a depose desconclusions au greffe.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et le procureurgeneral Jean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- article 4, alinea 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale ;
- articles 34, specialement 1), et 45.1 du reglement (CE) nDEG 44/2001 duConseil du 22 decembre 2000 concernant la competence judiciaire, lareconnaissance et l'execution des decisions en matiere civile etcommerciale.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir constate que
« Le 7 avril 2010, [les deux premiers demandeurs] se sont constituespartie civile en Belgique du chef d'escroquerie, de faux et usage de fauxet de blanchiment. Ils considerent qu'il est crucial de determinerl'identite des actionnaires reels de [la defenderesse]. Ils soutiennentque ceux-ci ont poursuivi leur procedure d'indemnisation devant lesjuridictions luxembourgeoises alors qu'ils avaient dejà ete indemnises.Ils se seraient ainsi rendus coupables d'escroquerie. Ils considerent parailleurs que l'execution de l'arret de la cour d'appel de Luxembourgparticipe d'un delit de blanchiment en ce qu'il permettrait auxactionnaires reels de [la defenderesse] de recuperer de fac,on apparemmentlicite des fonds qui ont à l'origine ete places via le Luxembourg par descitoyens belges pour des motifs purement fiscaux. En termes deconclusions, ils font egalement mention d'usage de faux »,
le jugement attaque, statuant au fond, « dit la tierce opposition nonfondee et en deboute [les demandeurs] », apres avoir rejete l'exceptiontiree de la regle selon laquelle « le criminel tient le civil en etat »,par les motifs que :
« 3. Contrairement à ce qu'ont soutenu les [demandeurs] à l'audience,toutes les juridictions civiles ne sont pas tenues [par le] principe `lecriminel tient le civil en etat'. Ainsi, le juge des saisies n'est pastenu par ce principe. Lorsque le litige arrive devant le juge des saisies,le juge du fond s'est dejà prononce sur le titre executoire (E. Dirix etK. Broeckx, Beslag, Kluwer, 2010, p. 41). Il n'y a donc pas de risque dedecisions contradictoires.
4. Afin d'examiner si, en l'espece, le tribunal est tenu par ce principe,il convient d'examiner dans quel cadre il intervient.
La question qui se pose en l'espece est si le principe d'ordre public `lecriminel tient le civil en etat' s'applique à la procedure particulierevisant à declarer une decision etrangere executoire en Belgique.
Une decision etrangere ne peut etre executee en Belgique que moyennantl'exequatur. L'exequatur n'est qu'un acte prealable à une mesured'execution (qui ne se confond pas avec celle-ci) (G. de Leval, Traite dessaisies, Faculte de droit de Liege, 1988, p. 492). Ceci implique quel'exequatur n'empeche pas la contestation ulterieure de l'actualite ou del'efficacite du titre executoire.
Il n'appartient pas au juge saisi de l'exequatur de modifier la decisionprononcee à l'etranger car il n'est pas saisi de la contestation jugee àl'etranger (G. de Leval, op. cit., p. 493, et ref. cit., notamment A.Fettweis, Manuel de procedure civile, Liege, 1985, n. 235).
Enfin, il resulte de l'objectif du reglement (comme de celui de laConvention de Bruxelles) et de son lien avec le Traite CE, non seulementque la liste des motifs de refus de reconnaissance est exhaustive, maisencore que ces motifs doivent recevoir une interpretation stricte `enraison de la derogation qu'ils apportent au principe de la liberte decirculation des jugements' (Fr. Rigaux et M. Fallon, Droit internationalprive, Larcier, 3e edition, p. 435, et les references citees).
5. A l'instar de ce qui a ete precise ci-dessus en matiere de saisies, lejuge de l'exequatur n'est pas davantage tenu par le principe `le crimineltient le civil en etat'.
En effet, comme le rappellent les [demandeurs], le juge civil doitsurseoir à statuer si, pour se prononcer sur le litige dont il est saisi,il doit se fonder sur des elements soumis à la sanction du juge penal quine s'est pas encore prononce. Tel n'est pas le cas en l'espece.
La decision executoire a en effet dejà ete rendue par la juridictionetrangere et `en aucun cas la decision etrangere ne peut faire l'objetd'une revision au fond' (article 36 du reglement CE).
Il n'y a pas en l'espece de risque de decisions contradictoires, le jugede l'exequatur ne faisant qu'autoriser l'execution de la decisionetrangere en Belgique. Le juge ne se prononce que sur la regularite de ladecision etrangere, au regard des motifs de refus exhaustifs vises par lereglement.
Il n'y a des lors pas lieu de surseoir à statuer en l'espece en attendantl'issue de la plainte avec constitution de partie civile deposee ».
Griefs
Premiere branche
L'article 45.1 du reglement (CE) n. 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000concernant la competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution desdecisions en matiere civile et commerciale dispose que « la juridictionsaisie d'un recours prevu à l'article 43 ou 44 ne peut refuser ourevoquer une declaration constatant la force executoire que pour l'un desmotifs prevus aux articles 34 et 35 ».
L'article 34 du meme reglement dispose qu'« une decision n'est pasreconnue si : 1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordrepublic de l'Etat membre requis ».
Par application de ces dispositions, lorsqu'un juge de l'Etat membrerequis a declare une decision etrangere executoire dans cet Etat membre,la partie contre laquelle l'execution est demandee peut former un recourset, dans le cadre de ce recours, le juge de l'Etat membre requis peut etresaisi de la question si la mise à execution de la decision etrangere dansl'Etat membre requis est manifestement contraire à l'ordre public de cetEtat membre.
Lorsque l'Etat membre requis est la Belgique et que la partie contrelaquelle l'execution est demandee fait valoir que la mise à execution dela decision etrangere en Belgique est manifestement contraire à l'ordrepublic belge car elle serait constitutive d'infractions penales faisantl'objet d'une action publique, le jugement penal aura l'autorite de lachose jugee à l'egard de l'action civile intentee separement en ce quiconcerne les points communs à l'action publique et à l'action civile et,partant, le juge saisi du recours doit surseoir à statuer conformement àl'article 4, alinea 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale.
Il s'ensuit que le jugement attaque, qui rejette l'exception de surseancesoulevee par les demandeurs et statue au fond aux motifs que : « Al'instar de ce qui a ete precise ci-dessus en matiere de saisies, le jugede l'exequatur n'est pas davantage tenu par le principe `le criminel tientle civil en etat'. En effet, comme le rappellent les [demandeurs], le jugecivil doit surseoir à statuer si, pour se prononcer sur le litige dont ilest saisi, il doit se fonder sur des elements soumis à la sanction dujuge penal qui ne s'est pas encore prononce. Tel n'est pas le cas enl'espece. La decision executoire a en effet dejà ete rendue par lajuridiction etrangere et `en aucun cas la decision etrangere ne peut fairel'objet d'une revision au fond' (article 36 du reglement CE). Il n'y a pasen l'espece de risque de decisions contradictoires, le juge de l'exequaturne faisant qu'autoriser l'execution de la decision etrangere en Belgique.Le juge ne se prononce que sur la regularite de la decision etrangere, auregard des motifs de refus exhaustifs vises par le reglement », violel'ensemble des dispositions legales visees au moyen.
Seconde branche
L'article 4, alinea 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale dispose que « l'action civilepeut etre poursuivie en meme temps et devant les memes juges que l'actionpublique. Elle peut aussi l'etre separement ; dans ce cas, l'exercice enest suspendu tant qu'il n'a pas ete prononce definitivement sur l'actionpublique, intentee avant ou pendant la poursuite de l'action civile ».
Conformement à cette disposition, le juge civil doit surseoir à statuersi, pour se prononcer sur le litige dont il est saisi, il doit se fondersur des elements soumis à la sanction du juge penal qui ne s'est pasencore prononce.
En l'espece, les deux premiers demandeurs faisaient valoir en conclusionsque l'arret de la cour d'appel de Luxembourg du 20 mars 2008 ne pouvaitetre declare executoire en Belgique parce que « l'execution de [cet]arret est manifestement contraire à l'ordre public belge car lesinfractions d'escroquerie, de faux et usage de faux et de blanchimentd'argent constituent autant de violations manifestes de regles de droitessentielles dans l'ordre juridique belge. [...] Par consequent,l'ordonnance entreprise, qui a declare cette decision executoire enBelgique, doit etre annulee ».
Les deux premiers demandeurs demandaient au tribunal de surseoir àstatuer jusqu'à ce qu'il soit definitivement statue sur l'action publiquemise en mouvement par leur depot de plainte avec constitution de partiecivile du 17 avril 2010 du chef d'escroquerie, de faux et usage de faux etde blanchiment, infractions dont participe l'execution de l'arret de lacour d'appel de Luxembourg du 20 mars 2008.
Le jugement attaque constate que :
« [Les demandeurs] demandent à titre principal au tribunal de surseoirà statuer jusqu'à ce qu'il soit definitivement statue sur l'actionpublique mise en mouvement par la plainte avec constitution de partiecivile du 17 avril 2010 »
et que
« Le 7 avril 2010, [les deux premiers demandeurs] se sont constituespartie civile en Belgique du chef d'escroquerie, de faux et usage de fauxet de blanchiment. Ils considerent qu'il est crucial de determinerl'identite des actionnaires reels de [la defenderesse]. Ils soutiennentque ceux-ci ont poursuivi leur procedure d'indemnisation devant lesjuridictions luxembourgeoises alors qu'ils avaient dejà ete indemnises.Ils se seraient ainsi rendus coupables d'escroquerie. Ils considerent parailleurs que l'execution de l'arret de la cour d'appel de Luxembourgparticipe d'un delit de blanchiment en ce qu'il permettrait auxactionnaires reels de [la defenderesse] de recuperer de fac,on apparemmentlicite des fonds qui ont à l'origine ete places via le Luxembourg par descitoyens belges pour des motifs purement fiscaux. En termes deconclusions, ils font egalement mention d'usage de faux ».
Le jugement attaque decide cependant qu' « il n'y a pas lieu de surseoirà statuer en l'espece en attendant l'issue de la plainte avecconstitution de partie civile deposee » et il statue au fond.
Il s'ensuit que le jugement attaque, en rejetant l'exception tiree de laregle selon laquelle « le criminel tient le civil en etat », violel'article 4, alinea 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepreliminaire du Code de procedure penale.
Second moyen
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- articles 34, specialement 1), et 45.1 du reglement (CE) nDEG 44/2001 duConseil du 22 decembre 2000 concernant la competence judiciaire, lareconnaissance et l'execution des decisions en matiere civile etcommerciale.
Decisions et motifs critiques
Le jugement « dit la tierce opposition non fondee et en deboute [lesdemandeurs] » par les motifs reproduits au premier moyen.
Griefs
Les deux premiers demandeurs faisaient valoir en conclusions quel'ordonnance ayant declare executoire en Belgique l'arret de la courd'appel de Luxembourg du 20 mars 2008 devait etre annulee au motif quel'execution en Belgique de cet arret serait manifestement contraire àl'ordre public belge et serait constitutive d'infractions d'escroquerie,de faux et usage de faux et de blanchiment.
Notamment les deux premiers demandeurs soutenaient :
« [...] 29. En l'espece, l'execution en Belgique de l'arret de la courd'appel de Luxembourg du 20 mars 2008 serait manifestement contraire àl'ordre public belge et serait meme constitutive d'infractions penales.
[...] 34. [...] Les beneficiaires de cette fraude avaient donc dejà etetres largement indemnises des pertes qu'ils auraient subies par rapport àl'operation Soginvest, evaluees par la cour d'appel de Luxembourg à74.719.907 francs (1.852.258,10 euros), comme le confirme effectivementMaitre P. dans sa lettre du 14 aout 1994 à monsieur F.
Nonobstant cette premiere indemnisation, les actionnaires reels deSoginvest ont poursuivi leur procedure d'indemnisation devant lesjuridictions luxembourgeoises et disposent aujourd'hui d'un arret leurpermettant de reclamer aux [deux premiers demandeurs] le paiement de plusde 4.000.000 euros à titre d'indemnite, en reparation d'un prejudice quia ete dejà ete compense.
[...] 38. En cherchant donc aujourd'hui à obtenir reparation d'unprejudice pretendu qui est en realite une magnifique plus-value, lesactionnaires reels de Soginvest commettent une fraude.
Cette fraude est dejà consommee par le fait que, sur la base de cet arretdu 20 mars 2008, Maitre P. a obtenu le paiement d'une somme de 770.393,29euros de la part de C.L.C.
Depuis l'origine de cette affaire, les personnes qui ont investi des fondsdans Soginvest ont tout fait pour preserver leur anonymat. A l'heureactuelle, on ignore encore qui sont officiellement les beneficiaireseconomiques de Soginvest. Cette question revet une importance d'autantplus grande que, bien que cette procedure soit formellement diligentee parle liquidateur de Soginvest, elle est en realite poursuivie au beneficedes actionnaires de Soginvest.
En effet, la societe Soginvest est une societe depourvue de passif et donttout l'actif reviendra aux actionnaires sous forme d'un boni deliquidation.
En principe, le liquidateur represente la societe pour assurer le respectdes droits des creanciers, sauf à l'evidence dans le cas ou laliquidation n'est pas deficitaire à defaut de creanciers ou dansl'hypothese ou ils ont ete desinteresses. En l'espece, toutefois, enl'absence de creanciers, la liquidation n'intervient qu'en faveur et dansl'interet des seuls actionnaires.
Il est impossible pour les [deux premiers demandeurs] de savoir à quiMaitre P. va remettre les fonds qu'il obtient en execution de l'arret du20 mars 2008. Ainsi que les juridictions luxembourgeoises l'ont constate,de nombreux prete-noms sont intervenus aux differents stades de cetteaffaire et il importe aujourd'hui de savoir qui sont les mandants reels deMaitre P. des lors que celui-ci n'a plus pour mission que de repartir lesfonds recoltes au nom de Soginvest. Il convient en outre d'eviter que lesfruits de cette fraude ne beneficient aux personnes qui l'ont mise enplace et qui s'empresseront de faire disparaitre ces fonds.
Cette opacite soigneusement organisee et entretenue autour de la personnedes actionnaires reels de Soginvest est destinee à permettre à Maitre P.de repartir dans la plus grande discretion les fonds qu'il recupere. Cecipermet bien entendu de ne pas divulguer le fait que les personnes qui ontinvesti des fonds dans Soginvest sont les memes personnes que celles quiont dejà beneficie d'une premiere indemnisation. Cette opacite et laconfusion permanente decrite ci-dessus entre les beneficiaireseconomiques, les administrateurs, les liquidateurs et les conseilsparticipent des manoeuvres de cette fraude.
En outre, l'execution de l'arret de la cour d'appel de Luxembourgparticipe egalement d'un delit en ce qu'il permettrait aux actionnairesreels de Soginvest de recuperer de fac,on apparemment licite des fonds quiont à l'origine ete places via le Luxembourg par des citoyens belges pourdes motifs purement fiscaux.
39. Ainsi, le benefice de l'execution des decisions des 7 juillet 2005 et20 mars 2008 reviendrait directement, si elle aboutit, sous forme de bonide liquidation à ses actionnaires, soit à concurrence de 2.633/6.000eaux heritiers d'A.-F. M. et, en outre, en vertu d'un faux dont cettederniere fait usage.
Il resulte en effet de ce qui precede que les heritiers d'A.-F. M.utilisent des documents dont ils savent qu'ils constituent des faux pourobtenir de personnes totalement etrangeres à ceux-ci - il n'a, à aucunmoment, ete pretendu par quiconque que feu R. B. aurait ete mele auxmanipulations faites par certains des dirigeants de Sonages sur lescomptes des clients du C.L.C. -, l'indemnisation du prejudice qui resulte,non pas des actes qu'elle reproche au titre de faute à l'auteur des[demandeurs] dans la procedure menee au Luxembourg, mais bien directementde l'etablissement desdits faux par feu C.
40. L'execution de l'arret de la cour d'appel de Luxembourg du 20 mars2008 serait un element constitutif des graves infractions penales decritesci-dessus.
A ce titre, l'execution de l'arret litigieux du 20 mars 2008 estmanifestement contraire à l'ordre public belge car les infractionsd'escroquerie, de faux et usage de faux et de blanchiment d'argentconstituent autant de violations manifestes de regles de droitessentielles dans l'ordre juridique belge. Pour reprendre les termes de lajurisprudence de la Cour de justice, l'execution de l'arret du 20 mars2008 heurterait de maniere inacceptable l'ordre juridique belge.
Par consequent, l'ordonnance entreprise, qui a declare cette decisionexecutoire en Belgique, doit etre annulee ».
Par aucun de ses motifs, le jugement attaque ne repond aux conclusions desdeux premiers demandeurs sur ces points.
Par consequent, ce jugement n'est pas regulierement motive et violel'article 149 de la Constitution.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
L'article 45.1 du reglement nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000concernant la competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution desdecisions en matiere civile et commerciale dispose que la juridictionsaisie d'un recours prevu à l'article 43 ou 44 ne peut refuser ourevoquer une declaration constatant la force executoire que pour l'un desmotifs prevus aux articles 34 et 35 et qu'elle statue à bref delai.
Aux termes de l'article 45.2 du meme reglement, en aucun cas la decisionetrangere ne peut faire l'objet d'une revision au fond.
Suivant l'article 34, 1), une decision n'est pas reconnue si lareconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etatmembre requis.
Ces dispositions ne permettent pas au juge de l'Etat requis de surseoir àstatuer sur le recours forme, en vertu de l'article 43 dudit reglement,contre la decision declarant executoire une decision etrangere, pour lemotif qu'une action publique engagee apres la prononciation de la decisionetrangere pourrait reveler que l'execution de celle-ci seraitmanifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient que lesdites dispositionsimposent cette surseance, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
En vertu de l'article 4, alinea 1er, du titre preliminaire du Code deprocedure penale, dans le cas ou l'action publique et l'action civile sontpoursuivies separement, l'exercice de l'action civile est suspendu tantqu'il n'a pas ete prononce definitivement sur l'action publique, intenteeavant ou pendant la poursuite de l'action civile.
Cette regle, qui tend seulement à eviter la prononciation de decisionscontradictoires sur l'action publique et sur l'action civile, ne peuts'appliquer que si l'action civile n'a pas encore fait l'objet d'unedecision definitive au moment ou la poursuite penale est invoquee, et nepeut tenir en echec l'execution de pareille decision.
Le juge de l'Etat requis qui statue sur le recours forme contre unedecision declarant executoire une decision etrangere rendue sur une actioncivile se borne à examiner s'il y a lieu de donner effet à des droitsdefinitivement acquis en vertu de cette decision et n'est, des lors, passaisi d'une action civile au sens de l'article 4 precite.
Il ne peut, partant, en vertu de cette disposition, surseoir à statuer aumotif qu'une action publique engagee apres la prononciation de la decisionetrangere pourrait reveler que l'execution de celle-ci seraitmanifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient que l'article 4 l'oblige àcette surseance, manque en droit.
Sur le second moyen :
En tant qu'il est pris de la violation des articles 34, 1), et 45.1 dureglement (CE) nDEG 44/2001, sans preciser en quoi ces dispositions ontete violees, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, les conclusions des deux premiers demandeurs visees aumoyen tendaient à ce que le juge de l'exequatur sursoie à statuer enapplication de la regle « le criminel tient le civil en etat », prevueà l'article 4, alinea 1er, du titre preliminaire du Code de procedurepenale.
Par les motifs que le moyen reproduit, le jugement attaque expose lesraisons pour lesquelles il considere que le juge de l'exequatur n'est pastenu par ce principe, qu'il n'y a lieu ni de surseoir à statuer enattendant l'issue de la plainte avec constitution de partie civile deposeepar les demandeurs ni de considerer que la reconnaissance de l'arret rendule 20 mars 2008 par la cour d'appel de Luxembourg est contraire à l'ordrepublic de l'Etat membre requis, et qu'en aucun cas la decision etrangerene peut faire l'objet d'une revision au fond.
Le jugement attaque n'etait plus tenu de repondre aux conclusions viseesau moyen, devenues sans pertinence en raison de sa decision.
Dans la mesure ou il est recevable, le moyen ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux depens.
Les depens taxes à la somme de cinq cent vingt-neuf euros quatre-vingt-uncentimes envers les parties demanderesses et à la somme de deux centcinquante-quatre euros quatre-vingt-huit centimes envers la partiedefenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Sylviane Velu etAlain Simon, et prononce en audience publique du vingt-deux juin deuxmille douze par le president Christian Storck, en presence du procureurgeneralJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.
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| P. De Wadripont | A. Simon | S. Velu |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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22 JUIN 2012 C.11.0467.F/1