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18/06/2012 | BELGIQUE | N°S.11.0041.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 juin 2012, S.11.0041.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.11.0041.N

G. V. P.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

D. S.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 4 mars2009 et 17 fevrier 2010 par la cour du travail d'Anvers.

Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles

149 et 159 de la Constitution coordonnee ;

- article 51, alinea unique, plus specialement 1DEG, 2DEG et 3DEG, de laloi du 5 decembr...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.11.0041.N

G. V. P.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

D. S.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 4 mars2009 et 17 fevrier 2010 par la cour du travail d'Anvers.

Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

L'avocat general Ria Mortier a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 149 et 159 de la Constitution coordonnee ;

- article 51, alinea unique, plus specialement 1DEG, 2DEG et 3DEG, de laloi du 5 decembre 1968 sur les conventions collectives de travail et lescommissions paritaires ;

- articles 29, S: 3, et 29ter de la loi du 1er avril 1936 sur les contratsd'engagement pour le service des batiments de navigation interieure, lepremier article, tel qu'il a ete remplace, et le second article, tel qu'ila ete insere, par la loi du 19 decembre 1979 ;

- articles 3 et 4 de la convention collective de travail relative au jourde carence et aux delais de preavis, conclue le 23 juin 2003 au sein de laCommission paritaire de la batellerie, rendue obligatoire par arrete royaldu 4 mai 2004, et article 1er de cet arrete royal ;

- articles 2 et 3 de la convention collective de travail modifiant laconvention collective de travail relative au jour de carence et aux delaisde preavis du 23 juin 2003, conclue le 22 juin 2005 au sein de laCommission paritaire de la batellerie, rendue obligatoire par arrete royaldu 12 decembre 2005, et article 1er de cet arrete royal ;

- pour autant que de besoin, articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 3 et 5 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees par l'arreteroyal du 12 janvier 1973.

Decisions et motifs critiques

Statuant par l'arret interlocutoire du 4 mars 2009, apres avoir rejetetoutes conclusions contraires comme denuees de pertinence et de fondementen l'espece, la troisieme chambre de la cour du travail d'Anvers, sectionde Hasselt, declare l'appel du demandeur partiellement fonde, reforme lejugement rendu le 16 janvier 2008 par le tribunal du travail de Tongres etdit pour droit que l'indemnite de conge est d'un mois. La cour du travailordonne la reouverture des debats afin de permettre au demandeur decalculer correctement l'indemnite de conge.

Statuant par l'arret definitif du 17 fevrier 2010 en prosecution del'arret interlocutoire precite, apres avoir rejete toutes conclusionscontraires comme denuees de pertinence et de fondement en l'espece, lacour du travail d'Anvers, section de Hasselt, declare l'appel du demandeurfonde, reforme le jugement dont appel, condamne le defendeur à payer audemandeur la somme brute de 1.544,03 euros à titre d'indemnite de conge,majoree des interets legaux et judiciaires, sous la reserve de la decisionqu'il pourra etre procede aux retenues sociales et fiscales lors del'execution.

Ces decisions sont fondees

- sur les considerations reproduites dans l'arret interlocutoire rendu le4 mars 2009 par la cour du travail, reiterees ci-apres :

« 5.2.4. (...)

(...) le nouveau contrat d'engagement à duree indeterminee (conclu) entreles parties a pris cours le 1er janvier 2006 et a irregulierement pris finle 2 janvier 2006, de sorte que (le defendeur) est tenu de payer uneindemnite de conge au (demandeur).

(...)

7. En vertu de l'article 29, S: 3, de la loi du 1er avril 1936 sur lescontrats d'engagement pour le service des batiments de navigationinterieure, le delai de preavis est d'un mois au moins, si le conge estdonne par l'employeur à un engage comptant moins de cinq ans de serviceininterrompu aupres du meme travailleur (lire : employeur).

En vertu de l'article 3 - chapitre III - de l'arrete royal du 4 mai 2004rendant obligatoire la convention collective de travail relative au jourde carence et aux delais de preavis, conclue le 23 juin 2003 au sein dela Commission paritaire de la batellerie, le delai de preavis prevu à laloi du 1er avril 1936 sur les contrats d'engagement pour le service desbatiments de navigation interieure est fixe à 36 jours civils, lorsque lepreavis est donne par l'employeur et que l'anciennete est de moins de cinqans (Moniteur belge, 7 juillet 2004).

L'article 4 de l'arrete royal precite prevoit que la convention collectivede travail est conclue pour une duree indeterminee et produit ses effetsau 1er juillet 2003, à l'exception des dispositions du chapitre III, quientrent en vigueur au 1er octobre 2003.

En vertu de l'article 2 de l'arrete royal du 12 decembre 2005 rendantobligatoire la convention collective de travail modifiant la conventioncollective de travail relative au jour de carence et aux delais de preavisdu 23 juin 2003, conclue le 22 juin 2005 au sein de la Commissionparitaire de la batellerie, le delai de preavis est porte à 44 jourscivils, lorsque le preavis emane de l'employeur et que l'anciennete est demoins de cinq ans (Moniteur belge, 14 fevrier 2006).

L'article 3 de l'arrete royal precite prevoit que la convention collectivede travail est conclue pour une duree indeterminee et entre en vigueur au1er juillet 2005.

(...)

La question se pose de savoir si la Commission paritaire de la batellerieest competente pour prolonger les delais de preavis prevus àl'article 29, S: 3, de la loi du 1er avril 1936 sur les contratsd'engagement pour le service des batiments de navigation interieure.

En principe, les accords entre les organisations syndicales et patronalesne peuvent etre contraires aux dispositions legales qui sont imperativesdans leurs chefs. L'article 51 de la loi du 5 decembre 1968 sur lesconventions collectives de travail et les commissions paritaires impliqueque les dispositions legales imperatives priment toute dispositionnormative de rang inferieur (telle une convention collective de travail).Toutefois, cette norme inferieure n'est pas censee etre contrairelorsqu'elle accorde un benefice superieur au minimum prevu par la loi.

(...)

9. Il y a lieu de se rallier à la these du (demandeur) sur la demandeprincipale suivant laquelle l'indemnite de conge est de 44 jours civils.En effet, l'article 32 de la loi du 5 decembre 1968 precite prevoit quel'arrete royal rendant la convention collective de travail obligatoire aeffet à partir de la date d'entree en vigueur de celle-ci, sans toutefoispouvoir retroagir plus d'un an avant sa publication.

L'article 3 de l'arrete royal du 12 decembre 2005 rendant obligatoire laconvention collective de travail modifiant la convention collective detravail relative au jour de carence et aux delais de preavis du 23 juin2003, conclue le 22 juin 2005 au sein de la Commission paritaire de labatellerie a fixe la date d'entree en vigueur de la convention collectivede travail au 1er juillet 2005. Ainsi la convention collective de travailprecitee etait applicable le 2 janvier 2006, date de la resiliation ducontrat d'engagement litigieux.

10. La cour du travail considere que les conventions collectives detravail des 23 juin 2003 et 22 juin 2005 ne sont pas regulieres, par lesmotifs que :

10.1. La loi du 1er avril (...) 1936 ne prevoit pas de derogationexplicite en matiere de preavis, de sorte que les conventions collectivesde travail qui prolongent les delais de preavis sont entachees de nullite.Aucune disposition de la loi du 1er avril (1936) n'autorise une tellederogation et aucun arrete royal n'a ete pris en execution de ladisposition de l'article 29, S: 3, de la loi. L'article 29ter de la loiprevoit meme la nullite des clauses qui reduisent le delai de preavis àobserver par l'employeur ou prolongent celui à respecter par l'engage.Dans le chef de l'employeur, le delai de preavis fixe par la loi estimperatif (...).

A defaut de derogation expresse, un conflit de normes existe entre, d'unepart, la loi du 1er avril 1936 precitee, plus specialement en ce que ladisposition de l'article 29, S: 3, concernant les delais de preavis relevedu droit imperatif, et, d'autre part, la convention collective de travailrendue obligatoire par arrete royal.

Conformement à la hierarchie etablie par l'article 51 de la loi du5 decembre 1946 (lire : 1968) sur les conventions collectives de travailet les commissions paritaires, la convention collective de travail doitetre ecartee des lors qu'elle est de rang inferieur (...).

Dans l'hypothese ou la loi du 5 decembre 1948 (lire : 1968) precitee estd'ordre public, la hierarchie des sources de droit est sanctionnee par lanullite des dispositions qui la violent (...).

(...)

10.2. Les arretes royaux des 4 mai 2004 et 12 decembre 2005 n'ont pas etesoumis prealablement à l'avis de la section de legislation du Conseild'Etat.

L'article 3, S: 1er, alinea 1er, des lois sur le Conseil d'Etat,coordonnees par l'arrete royal du 12 janvier 1973, prevoit que, hors lescas d'urgence specialement motives et (...), les projets d'arretesreglementaires sont soumis à l'avis motive de la section de legislationdu Conseil d'Etat.

Les arretes reglementaires sont les arretes qui formulent une regle dedroit et, en consequence, ont une portee generale.

Les projets d'arretes royaux qui portent modification de dispositionslegales en vigueur - ce qui est le cas en l'espece, en ce que desconventions collectives de travail modifient la duree des delais depreavis fixes par l'article 29, S: 3, de la loi du 1er avril 1936 precitee- doivent etre soumis à la section de legislation du Conseil d'Etat. Laformalite de l'avis du Conseil d'Etat est par ailleurs une formalitesubstantielle (...).

Le « cas d'urgence specialement motive » n'a pas davantage ete invoque.

En execution de cette obligation, les motifs pour lesquels le reglementprojete est urgent ou si urgent que l'avis du Conseil d'Etat ne peut etredemande doivent etre reproduits dans le preambule de l'arretereglementaire (...).

10.3. La cour du travail ne peut que constater que les projets des arretesroyaux des 4 mai 2004 et 12 decembre 2005 n'ont pas ete soumis à l'avisprealable de la section de legislation du Conseil d'Etat et qu'aucun casd'urgence n'a ete invoque en justification du defaut d'avis.

10.4. Ainsi, les deux arretes royaux des 4 mai 2004 et 12 decembre 2005sont illegaux et, en application de l'article 159 de la Constitution, lacour du travail doit s'abstenir, (eventuellement) d'office, de lesappliquer.

(...)

11.1. Par ces motifs, la cour du travail considere qu'il y a lieud'appliquer l'article 29, S: 3, de la loi du 1er avril 1936 sur lescontrats d'engagement pour le service des batiments de navigationinterieure, de sorte que le delai de preavis est d'un mois ».

- et sur les considerations reproduites dans l'arret definitif, reitereesci-apres :

« 2. (Le demandeur) devait encore calculer correctement le montant del'indemnite de conge, de sorte que la reouverture des debats sur ce pointa ete ordonnee.

La (cour du travail) constate que (le defendeur) considere la somme de1.544,03 euros reclamee par (le demandeur) à titre de preavis de 33 jourscivils, n'est pas ou est incompletement justifiee.

3. Dans ses conclusions deposees le 30 juillet 2009 au greffe de la (courdu travail), (le demandeur) a demande :

« (...)

(à entendre) condamner (le defendeur) au paiement d'une somme brute de1.544,03 euros à titre d'indemnite de conge, majoree des interets legauxet judiciaires ;

(à entendre) condamner (le defendeur) aux depens, taxes jusqu'àaujourd'hui à la somme de :

- frais de citation : 113, 22 euros,

- indemnite de procedure en premiere instance : 111, 55 euros,

- indemnite de procedure en degre d'appel : 400 euros.

(...) »

4. La somme de 1.544,03 euros constitue manifestement la remunerationbrute mensuelle convenue à l'article 2 du contrat d'engagement (...).

Par reference à l'arret interlocutoire, la (cour du travail) decide que(le defendeur) est redevable d'une indemnite de conge d'un mois, soitd'une indemnite de conge de 1.544, 03 euros ».

Griefs

La cour du travail a admis que la relation de travail des parties estregie par la loi du 1er avril 1936 sur les contrats d'engagement pour leservice des batiments de navigation interieure. Elle a constate que ledefendeur a irregulierement mis fin au contrat d'engagement le 2 janvier2006 et a declare que le demandeur a droit à une indemnite de conge.

L'indemnite de conge est fonction du delai de preavis devant normalementetre respecte.

En vertu de l'article 29, S: 3, alinea unique, 1DEG, de la loi du1er avril 1936 sur les contrats d'engagement pour le service des batimentsde navigation interieure, tel qu'il a ete remplace par la loi du29 decembre 1979, le delai de preavis « est fixe à un mois au moins, sile conge est donne par l'employeur (...) à un engage comptant moins decinq ans de services ininterrompus dans la meme entreprise ».

Il n'est pas conteste qu'au moment du conge, le demandeur comptait moinsde cinq ans de services ininterrompus aupres du defendeur.

Ainsi, l'article 29, S: 3, alinea unique, 1DEG, precite prevoit le delaide preavis minimum auquel l'employeur est tenu lorsqu'il donne conge à unbatelier, mais n'empeche pas que celui-ci puisse etre tenu de respecterdes delais prolonges en faveur du batelier congedie. Cette disposition estune disposition legale imperative en faveur du travailleur.

Conformement à l'article 29ter de la loi du 1er avril 1936 precitee,seules les clauses reduisant le delai de preavis à observer parl'employeur ou prolongeant celui à respecter par l'engage sont entacheesde nullite. Cette disposition egalement permet de convenir des delais depreavis plus avantageux pour les travailleurs en cas de conge donne parl'employeur.

Premiere branche

La prolongation du delai de preavis à laquelle l'employeur peut etre tenupeut decouler de toutes les sources des obligations dans les relations detravail visees à l'article 51 de la loi du 5 decembre 1968 sur lesconventions collectives de travail et les commissions paritaires et liel'employeur sans qu'il soit requis que l'article 29, S: 3, de la loi du1er avril 1936 precitee determine qui fixe cette prolongation et commentcelle-ci est fixee.

Ainsi que la cour du travail l'a constate, l'article 3 de la conventioncollective de travail relative au jour de carence et aux delais depreavis, conclue le 23 juin 2003 au sein de la Commission paritaire de labatellerie, rendue obligatoire par arrete royal du 4 mai 2004, entree envigueur le 1er octobre 2003 en vertu de l'article 4 de cet arrete royal,dispose que le delai de preavis prevu par la loi du 1er avril 1936 sur lescontrats d'engagement pour le service des batiments de navigationinterieure est fixe à 36 jours civils, si le preavis est donne parl'employeur et l'anciennete de moins de cinq ans. Ainsi que la cour dutravail l'a constate, l'article 2 de la convention collective de travailconclue le 22 juin 2005 au sein de la Commission paritaire de labatellerie, rendue obligatoire par arrete royal du 12 decembre 2005,entree en vigueur le 1er juillet 2005 en vertu de l'article 3 de cetarrete royal, modifie la convention collective de travail relative au jourde carence et aux delais de preavis du 23 juin 2003 precitee et adapte ledelai de preavis à 44 jours calendrier, lorsque le preavis emane del'employeur et l'anciennete est de moins de cinq ans.

L'article 51 de la loi du 5 decembre 1968 precitee etablit la hierarchiedes sources des obligations dans les relations de travail entre employeurset travailleurs et dispose notamment que la loi dans ses dispositionsimperatives (1DEG) prime les conventions collectives de travail renduesobligatoires (2DEG).

Il resulte de la hierarchie des sources du droit du travail qu'en casd'incompatibilite entre deux normes reglant un meme objet, l'applicationde la norme inferieure est ecartee.

La circonstance qu'une loi fixe de maniere imperative dans le chef del'employeur le delai de preavis minimum calcule en fonction del'anciennete du travailleur devant etre observe en cas de conge donne parl'employeur, ne fait pas obstacle à ce qu'une source de droit de ranginferieur puisse obliger l'employeur à respecter un delai de preavis plusfavorable au travailleur, en ce qu'il fait l'objet d'une prolongation.Ainsi, comme le demandeur l'a soutenu dans ses conclusions (...), il nepeut etre fait etat d'une incompatibilite entre deux normes reglant unmeme objet, des lors qu'au contraire, la norme superieure fixe des delaisminimums et la norme inferieure prevoit une prolongation de delais.

Ainsi, la cour du travail ne decide pas legalement que (1) la loi du1er avril 1936 ne prevoit pas de derogation explicite en matiere depreavis, de sorte que les conventions collectives de travail quiprolongent les delais de preavis sont entachees de nullite, (2) aucunedisposition de la loi du 1er avril 1936 n'autorise une telle derogation et(3) un conflit de normes existe entre, d'une part, l'article 29, S: 3, dela loi du 1er avril 1936 qui fixe de maniere imperative dans le chef del'employeur le delai de preavis minimum à respecter et, d'autre part, lesconventions collectives de travail rendues obligatoires qui imposent àl'employeur une prolongation des delais de preavis.

En consequence, la cour du travail viole les articles 51, alinea unique,plus specialement 1DEG et 2DEG, de la loi du 5 decembre 1968 sur lesconventions collectives de travail et les commissions paritaires, 29,S: 3, et 29ter de la loi du 1er avril 1936 sur les contrats d'engagementpour le service des batiments de navigation interieure (remplace,respectivement insere par la loi du 19 decembre 1979), 3, 4 de laconvention collective de travail relative au jour de carence et aux delaisde preavis, conclue le 23 juin 2003 au sein de la Commission paritaire dela batellerie, rendue obligatoire par arrete royal du 4 mai 2004, 1er decet arrete royal, 2, 3 de la convention collective de travail modifiant laconvention collective de travail relative au jour de carence et aux delaisde preavis du 23 juin 2003, conclue le 22 juin 2005 au sein de laCommission paritaire de la batellerie, rendue obligatoire par arrete royaldu 12 decembre 2005, et 1er de cet arrete royal. A tout le moins, endecidant que les termes des conventions collectives de travail preciteessont inconciliables avec l'article 29, S: 3, alinea unique, 1DEG, de laloi du 1er avril 1936 sur les contrats d'engagement pour le service desbatiments de navigation interieure, la cour du travail viole la foi due àces conventions collectives de travail (pour autant que de besoin,violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Seconde branche

En decidant que les arretes royaux des 4 mai 2004 et 12 decembre 2005cites ci-avant sont illegaux et qu'en consequence, en application del'article 159 de la Constitution coordonnee, ils ne peuvent etre appliquesaux motifs qu'ils n'ont pas ete soumis en leur qualite d'arretesreglementaires à l'avis prealable de la section de legislation du Conseild'Etat requis par l'article 3 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonneespar l'arrete royal du 12 janvier 1973, et qu'aucun cas d'urgence n'a eteinvoque en justification du defaut d'avis, l'arret du 4 mars 2009 nemotive pas regulierement ni ne justifie legalement sa decision.

L'article 5 des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat prevoit que leMinistre ayant le travail dans ses attributions peut demander à lasection de legislation du Conseil d'Etat de donner, dans un delai qui nepeut etre inferieur à quinze jours, son avis sur un projet d'arrete royalrendant obligatoire une convention collective de travail.

Ainsi que le demandeur l'a soutenu dans ses conclusions de synthese (...)et dans ses conclusions posterieures à l'avis du ministere public (...),il resulte de l'article 5 precite que l'obligation prevue à l'article 3suivant laquelle le texte de tous les avant-projets de loi, de decret,d'ordonnance ou de projets d'arretes reglementaires doivent etre soumis àla section de legislation du Conseil d'Etat, n'est pas applicable auxarretes royaux qui rendent une convention collective de travailobligatoire.

Ainsi, en ce qui concerne les arretes royaux qui rendent une conventioncollective de travail obligatoire, il appartient au ministre competentd'apprecier s'il y a lieu de solliciter l'avis prealable de la section delegislation du Conseil d'Etat.

Conformement à l'article 149 de la Constitution coordonnee, les decisionsjudiciaires doivent etre motivees, ce qui implique notamment que le jugereponde à tous les griefs et moyens de defense regulierement invoquesqui, à la lumiere de sa decision, se revelent pertinents.

Ainsi, en decidant qu'en l'espece, les arretes royaux rendant lesconventions collectives de travail obligatoires sont illegaux aux motifsqu'ils n'ont pas ete soumis à l'avis prealable de la section delegislation du Conseil d'Etat requis par l'article 3 des lois sur leConseil d'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 12 janvier 1973, etqu'aucun cas d'urgence n'a ete invoque en justification du defaut d'avis,sans repondre au moyen de defense pertinent et regulier du demandeursuivant lequel l'obligation prevue à l'article 3 n'est pas requise dansles cas vises à l'article 5 des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat,la cour du travail meconnait son devoir de motivation (violation del'article 149 de la Constitution coordonnee).

A tout le moins, en decidant à tort, nonobstant les termes de l'article 5des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat, que les arretes royaux rendantles conventions collectives de travail obligatoires auraient du etresoumis prealablement à la section de legislation du Conseil d'Etat(violation de l'article 5 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees parl'arrete royal du 12 janvier 1973) et, qu'à defaut, ces arretes royauxsont illegaux et ne peuvent etre appliques (violation de l'article 159 dela Constitution coordonnee), l'arret attaque du 4 mars 2009 n'est paslegalement justifie.

En consequence, la cour du travail ne decide pas legalement que ledemandeur n'a pas droit à une indemnite de conge correspondant au delaide preavis fixe par les conventions collectives de travail litigieuses(violation des articles 51, alinea unique, plus specialement 1DEG et 2DEG,de la loi du 5 decembre 1968 sur les conventions collectives de travail etles commissions paritaires, 29, S: 3, de la loi du 1er avril 1936 sur lescontrats d'engagement pour le service des batiments de navigationinterieure (tel qu'il a ete remplace par la loi du 19 decembre 1979), 3, 4de la convention collective de travail relative au jour de carence et auxdelais de preavis, conclue le 23 juin 2003 au sein de la Commissionparitaire de la batellerie, rendue obligatoire par arrete royal du 4 mai2004, 1er de cet arrete royal, 2, 3 de la convention collective de travailmodifiant la convention collective de travail relative au jour de carenceet aux delais de preavis du 23 juin 2003, conclue le 22 juin 2005 au seinde la Commission paritaire de la batellerie, rendue obligatoire parl'arrete royal du 12 decembre 2005, 1er de cet arrete royal, et, pourautant que de besoin, 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

En tout cas, meme si la cour du travail a decide legalement, sansmeconnaitre son devoir de motivation, qu'en l'espece, les arretes royauxrendant les conventions collectives de travail obligatoires auraient duetre soumis prealablement à la section de legislation du Conseil d'Etatou auraient du mentionner le cas d'urgence justifiant la dispense del'avis de la section de legislation du Conseil d'Etat et qu'à defaut, lesarretes royaux litigieux sont illegaux et ne peuvent etre appliques,l'arret du 4 mars 2009 n'est pas legalement justifie des lors quel'eventuelle illegalite des arretes royaux rendant les conventionscollectives de travail obligatoires et l'inapplicabilite en resultantn'affectent ni n'abrogent l'existence ou la regularite de ces conventionscollectives de travail.

En effet, dans ce cas, les conventions collectives de travail subsistent(certes, encore non obligatoires) mais conclues au sein d'une commissionparitaire et constituant en application de l'article 51, alinea unique,3DEG, de la loi du 5 decembre 1968 precitee une source reguliered'obligations - pour autant qu'il n'ait pas ete constate (ce qui est lecas en l'espece) que l'employeur n'a pas signe les conventions collectivesde travail ou n'est pas membre de l'organisation qui a signe cesconventions.

En consequence, meme dans cette hypothese, la cour du travail ne decidepas legalement que le demandeur n'a pas droit à une indemnite de congecorrespondant au delai de preavis fixe par les conventions collectives detravail litigieuses (violation des articles 51, alinea unique, plusspecialement 3DEG, de la loi du 5 decembre 1968 sur les conventionscollectives de travail et les commissions paritaires, 29, S: 3, de la loidu 1er avril 1936 sur les contrats d'engagement pour le service desbatiments de navigation interieure (tel qu'il a ete remplace par la loi du19 decembre 1979), 3, 4 de la convention collective de travail relative aujour de carence et aux delais de preavis, conclue le 23 juin 2003 au seinde la Commission paritaire de la batellerie, rendue obligatoire par arreteroyal du 4 mai 2004, 1er de cet arrete royal, 2, 3 de la conventioncollective de travail modifiant la convention collective de travailrelative au jour de carence et aux delais de preavis du 23 juin 2003,conclue le 22 juin 2005 au sein de la Commission paritaire de labatellerie, rendue obligatoire par arrete royal du 12 decembre 2005, 1erde cet arrete royal, et, à tout le moins, pour autant que de besoin,1319, 1320 et 1322 du Code civil).

III. La decision de la Cour

1. En vertu de l'article 29, S: 3, 1DEG, de la loi du 1er avril 1936 surles contrats d'engagement pour le service des batiments de navigationinterieure, abregee ci-apres loi du 1er avril 1936, les delais de preavissont fixes à un mois au moins si le conge est donne par l'employeur et àquinze jours s'il est donne par l'engage lorsqu'il s'agit d'un engagecomptant moins de cinq ans de services ininterrompus dans la memeentreprise

L'article 29ter de la loi precitee dispose : « Sont nulles toutes clausesreduisant le delai de preavis à observer par l'employeur ou prolongeantcelui à respecter par l'engage ».

Il suit de ces dispositions qu'une clause qui oblige l'employeur àrespecter un delai de preavis excedant le delai prevu à l'article 29,S: 3, de la loi du 1er avril 1936, n'est pas contraire aux dispositionslegales precitees.

2. L'article 3, alinea 1er, de la convention collective de travailrelative au jour de carence et aux delais de preavis, conclue le 23 juin2003 au sein de la Commission paritaire de la batellerie, rendueobligatoire par arrete royal du 4 mai 2004, dispose : « Les delais depreavis prevus par la loi du 1er avril 1936 sur les contrats d'engagementpour le service des batiments de navigation interieure sont fixes, si lepreavis est donne par l'employeur, de la fac,on suivante : moins de 5 ansd'anciennete : 36 jours civils (...) ».

L'article 2, alinea 1er, de la convention collective de travail modifiantla convention collective de travail relative au jour de carence et auxdelais de preavis du 23 juin 2003, conclue le 22 juin 2005 au sein de laCommission paritaire de la batellerie, rendue obligatoire par arrete royaldu 12 decembre 2005, dispose : « Les delais de preavis tels que prevuspar la loi sur les contrats d'engagement pour le service des batiments denavigation interieure du 1er avril 1936 et fixes par la conventioncollective de travail du 23 juin 2003 sont adaptes comme suit lorsque lepreavis emane de l'employeur : moins de 5 ans d'anciennete : 44 jourscalendrier (...) ».

3. Ainsi, les clauses precitees des conventions collectives de travail des23 juin 2003 et 22 juin 2005 qui prolongent le delai de preavis auquell'employeur est tenu, ne sont pas contraires aux articles 29, S: 3, et29ter de la loi du 1er avril 1936.

L'arret du 4 mars 2009 qui statue autrement en decidant que lesconventions collectives de travail des 23 juin 2003 et 22 juin 2005 sontentachees de nullite, de sorte que le delai de preavis auquel le defendeurest tenu en application de l'article 29, S: 3, de la loi du 1er avril 1936est d'un mois, n'est pas legalement justifie.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la seconde branche :

4. En vertu de l'article 5 des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat, leMinistre ayant le travail dans ses attributions peut demander à lasection de legislation du Conseil d'Etat de donner, dans un delai qui nepeut etre inferieur à quinze jours, son avis sur un projet d'arrete royalrendant obligatoire une convention collective de travail.

Il s'ensuit que l'obligation prevue à l'article 3, S: 1er, alinea 1er,des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat en vertu de laquelle, hors lescas d'urgence specialement motives, le texte de tous les projets d'arretesreglementaires doivent etre soumis à l'avis motive de la section delegislation du Conseil d'Etat, n'est pas applicable aux projets d'arretesroyaux qui rendent une convention collective de travail obligatoire.

5. L'arret du 4 mars 2009 considere egalement que les conventionscollectives de travail des 23 juin 2003 et 22 juin 2005 « ne sont pasregulieres » des lors que les arretes royaux des 4 mai 2004 et12 decembre 2005 qui rendent ces conventions collectives de travailobligatoires sont illegaux et qu'en consequence, en application del'article 159 de la Constitution, ils ne peuvent etre appliques, de sorteque le delai de preavis auquel le defendeur est tenu en application del'article 29, S: 3, de la loi du 1er avril 1936 est d'un mois. Il statueainsi sur la base de la consideration que les projets des arretes royauxdes 4 mai 2004 et 12 decembre 2005 n'ont pas ete soumis prealablement àl'avis de la section de legislation du Conseil d'Etat et qu'aucun casd'urgence n'a ete invoque en justification du defaut d'avis.

Ainsi, la decision n'est pas legalement justifiee.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur l'etendue de la cassation :

6. La cassation de l'arret du 4 mars 2009 s'etend à l'arret du 17 fevrier2010 qui en resulte.

Par ces motifs,

La Cour

Casse les arrets attaques des 4 mars 2009 et 17 fevrier 2010 ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge des arretscasses ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers AlainSmetryns, Koen Mestdagh, Mireille Delange et Antoine Lievens, et prononceen audience publique du dix-huit juin deux mille douze par le president desection Edward Forrier, en presence de l'avocat general delegue AndreVan Ingelgem, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Alain Simon ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

18 juin 2012 S.11.0041.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.11.0041.N
Date de la décision : 18/06/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-06-18;s.11.0041.n ?
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