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15/06/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0120.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 juin 2012, C.11.0120.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

52



NDEG C.11.0120.F

M. D.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

G. F.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi

en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 aout 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 22 mai 2012, l'avocat general ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

52

NDEG C.11.0120.F

M. D.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

G. F.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 aout 2010par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 22 mai 2012, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusions augreffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat generalAndre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 1315 du Code civil ;

- articles 33, 35, 36, 39, 40, 867 et 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret

« Dit l'appel fonde,

En consequence, met à neant le jugement attaque du 22 fevrier 2005, saufen ce qu'il a rec,u l'opposition,

Et, statuant par voie de dispositions nouvelles, met le jugement du7 novembre 2002 à neant et dit la demande originaire non recevable,

Condamne M. D. aux depens des deux instances, liquides pour G. F. à 82,00euros (mise au role opposition) + 334,66 euros (indemnite de procedure1ere instance) + 186,00 euros (role appel) + 10.000,00 euros (indemnite deprocedure appel) et pour lui-meme à 265,97 euros (assignation + role) +
334,66 euros (indemnite de procedure 1ere instance) + 10.000,00 euros(indemnite de procedure d'appel) ».

L'arret fonde essentiellement ces decisions et specialement celle relativeà l'irrecevabilite de la demande originaire sur ce que :

« 1. Quant à l'application de l'article 40, dernier alinea, du Codejudiciaire :

Se fondant sur les dispositions de l'article 40, dernier alinea, du Codejudiciaire, G. F. conteste la recevabilite de la demande originaire.

Cet article dispose que : `La signification à l'etranger ou au procureurdu Roi est non avenue si la partie à la requete de laquelle elle a eteaccomplie connaissait le domicile ou la residence ou le domicile elu enBelgique ou, le cas echeant, à l'etranger du signifie'.

En l'espece, l'acte introductif de la demande originaire a ete signifie àG. F. à son domicile à ... (Republique democratique du Congo) et ce, parpli recommande à la poste avec accuse de reception.

Toutefois, il ressort des documents produits par M. D. que celui-ciconnaissait parfaitement la residence de G. F. en Belgique (voir notammentla lettre du 20 janvier 1999 dans laquelle le conseil de M. D. ecrit àl'huissier L. : `en outre, l'adversaire a quitte sa residence de la rue... à ... pour ..., avenue ..., dans une maison qu'il a faitconstruire...'), puisque c'est à cette adresse que l'huissier P.,agissant pour son confrere l'huissier L. à la requete de M. D., a remisle 13 avril 1999 à G. F., en lui parlant personnellement, une citationdirecte à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Nivelles.

Or, s'il est acquis qu'en 1999, M. D. connaissait la residence en Belgiqueque G. F. a ulterieurement delaissee, il n'apporte par contre aucunelement objectif de nature à demontrer que G. F. n'aurait pas continue àresider aupres de sa fille et de son epouse en Belgique comme en 1999, detelle sorte que, connaissant l'identite de l'epouse, il lui etait aise detrouver l'adresse de celle-ci - que ce soit au lieu-dit `...' (ou, auxtermes de ses conclusions, M. D. situe lui-meme la residence de G. F.) à... ou dans les environs pour faire notifier l'acte introductif d'instanceà residence plutot qu'à l'adresse d'un domicile en Republiquedemocratique du Congo ou les services postaux sont malheureusement souventdefaillants ainsi qu'il est de commune renommee, donnant tout lieu decraindre que comme ce fut le cas en l'espece, l'envoi recommande del'huissier n'atteigne pas son destinataire en temps utile.

Il decoule des constatations et considerations qui precedent que,connaissant la residence de G. F., residence qu'il savait etre en Belgiquesinon precisement, à tout le moins etant apte à la localiser aisement,il appartenait à M. D. de faire signifier l'acte introductif d'instanceà cette residence (cf. articles 35 et 40, premier alinea [a contrario] duCode judiciaire).

En consequence, conformement aux dispositions precitees de l'article 40,dernier alinea, du Code judiciaire, l'acte introductif de l'instanceoriginaire est `non avenu' et donc sans effet de telle sorte que lademande originaire formee par M. D. contre G. F. est irrecevable.

Contrairement à ce que soutient M. D., cette conclusion n'est pas enerveepar le prescrit de l'article 867 du Code judiciaire car cet article vise`l'omission ou l'irregularite de forme d'un acte, en ce compris lenon-respect des delais (...) ou de la mention d'une formalite' et non,comme en l'espece, le lieu ou l'acte doit etre delivre à sondestinataire, ce qui ne ressortit pas de la forme de l'acte mais enconstitue un element substantiel.

Cette conclusion n'est pas davantage enervee par le prescrit de l'article861 du Code judiciaire qui dispose que : `Le juge ne peut declarer nul unacte de procedure que si l'omission ou l'irregularite denoncee nuit auxinterets de la partie qui invoque l'exception'.

En effet, il n'est pas douteux que l'envoi de l'assignation par voiepostale, c'est-à-dire par une voie incertaine, ainsi qu'il est ditci-dessus, ce que ne pouvait ignorer M. D. qui est lui-meme domicilie enRepublique democratique du Congo, a nui aux interets de G. F. puisque nonseulement il a ete condamne par defaut aux termes d'un jugement executoirepar provision, mais encore il a ete contraint successivement de faireopposition puis d'interjeter appel du jugement pour lever les effets de lacondamnation.

Cette conclusion n'est, enfin, pas enervee par l'affirmation de M. D.selon qui G. F. aurait affirme, à la suite de l'action directe dirigeecontre lui en 1999, qu'il n'avait pas de residence en Belgique. En effet,dans le texte cite par M. D. à ce sujet, les explications donnees par G.F. n'impliquent pas qu'il n'aurait pas de residence en Belgique ».

Griefs

Premiere branche

L'arret fonde sa decision quant à l'irrecevabilite de la demandeoriginaire sur ce que le demandeur connaissait la residence en Belgique dudefendeur, en 1999, aupres de sa fille et de son epouse et sur ce qu'« iln'apporte [...] aucun element objectif de nature à demontrer que G. F.n'aurait pas continue à resider aupres de » ces dernieres.

Ce faisant, l'arret renverse illegalement la charge de la preuve etdispense illegalement le defendeur de rapporter la preuve qui luiincombait.

Le defendeur invoquait l'irrecevabilite de la demande originaire en raisonde ce qu'elle avait ete formee par une citation notifiee à son domicileà l'etranger alors que, selon lui, elle aurait du l'etre à sa residenceen Belgique.

C'etait donc à l'actuel defendeur qu'il incombait de prouver le faitallegue par lui qu'il avait une residence en Belgique en juin 2002 et quele demandeur connaissait ou devait connaitre cette residence à cette date(articles 870 du Code judiciaire et 1315 du Code civil).

En decidant que cette preuve etait faite parce que le demandeur neprouvait pas que le defendeur n'aurait pas continue à resider en Belgiqueaupres de sa fille et de son epouse, ainsi qu'il l'avait fait en 1999,l'arret dispense illegalement le defendeur de prouver qu'il avait uneresidence en Belgique en juin 2002 et que le demandeur connaissait cetteresidence, et, sur ce point, renverse illegalement la charge de la preuve(violation des dispositions visees au moyen autres que l'article 149 de laConstitution, et specialement des articles 870 du Code judiciaire et 1315du Code civil).

Seconde branche

L'arret fonde sa decision que la demande originaire serait irrecevable surce que l'acte introductif de l'instance originaire serait non avenu parapplication des articles 35 et 40, alinea 1er, du Code judiciaire et surce que : « Contrairement à ce que soutient M. D., cette conclusion n'estpas enervee par le prescrit de l'article 867 du Code judiciaire car cetarticle vise `l'omission ou l'irregularite de forme d'un acte, en cecompris le non-respect des delais (...) ou de la mention d'une formalite'et non, comme en l'espece, le lieu ou l'acte doit etre delivre à sondestinataire, ce qui ne ressortit pas de la forme de l'acte mais enconstitue un element substantiel ».

Aux termes de l'article 867 du Code judiciaire, dans sa version applicableau jour de la signification de la citation introductive d'instance,« l'omission ou l'irregularite de la forme d'un acte, en ce compris lenon-respect des delais prescrits à peine de nullite ou de la mentiond'une formalite, ne peut entrainer la nullite, s'il est etabli par lespieces de la procedure que l'acte a realise le but que la loi lui assigneou que la formalite non mentionnee a, en realite, ete remplie ».

Dans sa version en vigueur au jour du prononce de l'arret, ledit article867 dispose que « l'omission ou l'irregularite de la forme d'un acte, ence compris le non-respect des delais vises par la presente section ou dela mention d'une formalite, ne peut entrainer la nullite, s'il est etablipar les pieces de la procedure que l'acte a realise le but que la loi luiassigne ou que la formalite non mentionnee a, en realite, ete remplie ».

Dans l'une et l'autre de ces versions, l'article 867 du Code judiciaires'applique à l'irregularite affectant une citation introductived'instance en raison de ce qu'elle n'a pas ete signifiee à la residencedu signifie ou à son domicile elu ainsi qu'elle aurait du l'etre.

Il suit de là qu'en decidant que l'article 867 du Code judiciaire nes'applique pas au lieu ou l'acte doit etre delivre à son destinataire,l'arret viole ledit article 867, dans ses versions tant anterieure queposterieure à la loi du 26 avril 2007.

Au demeurant, il est etabli par les pieces de la procedure que la citationintroductive d'instance a, en l'espece, realise le but que la loi luiassigne puisque le defendeur a pu faire valoir ses droits devant lepremier juge sur opposition, et avec succes en degre d'appel.

Il s'ensuit que, en declarant la citation introductive d'instance nonavenue, alors qu'elle avait realise le but que la loi lui assigne, l'arreta viole les dispositions visees au moyen autres que les articles 1315 duCode civil, 870 du Code judiciaire et 149 de la Constitution, etspecialement l'article 867 du Code judiciaire, dans ses deux versionsvisees au moyen.

A tout le moins, en refusant de rechercher si la citation introductived'instance a, en l'espece, realise le but que la loi lui assigne, l'arretne contient pas les constatations devant permettre à la Cour d'exercer lecontrole de legalite qui lui est confie et, partant, n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, par ledefendeur et deduite du defaut d'interet :

La consideration de l'arret suivant laquelle « [le demandeur] n'apportepar contre aucun element objectif de nature à demontrer que [ledefendeur] n'aurait pas continue à resider aupres de sa fille et de sonepouse comme en 1999 » ne peut etre dissociee de la consideration qui laprecede qu'« il ressort des documents produits par [le demandeur] quecelui-ci connaissait parfaitement la residence [du defendeur] enBelgique » en 1999, situee à ..., avenue ..., puisque c'est à cetteadresse qu'un huissier de justice « a remis le 13 avril 1999 [audefendeur], en lui parlant personnellement, une citation », ni de laconsideration qui la suit que « connaissant l'identite de l'epouse [...],il lui etait aise de trouver l'adresse de celle-ci [...] à ... ou dansles environs pour faire notifier [en juin 2002] l'acte introductifd'instance à residence plutot qu'à l'adresse d'un domicile en Republiquedemocratique du Congo ».

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

En vertu de l'article 40, alinea 4, du Code judiciaire, la significationà l'etranger est non avenue si la partie à la requete de laquelle elle aete accomplie connaissait la residence en Belgique du signifie.

Aux termes de l'article 870 du meme code, chacune des parties a la chargede prouver les faits qu'elle allegue.

Il appartenait des lors au defendeur, qui soutenait que la citation auraitdu lui etre signifiee à sa residence en Belgique et non à son domicileà l'etranger comme elle le fut, de prouver qu'il avait au moment de lasignification en 2002 une residence en Belgique et que le demandeur laconnaissait ou devait la connaitre.

En considerant que le demandeur connaissait la residence en Belgique dudefendeur en juin 2002 au motif qu'il est prouve que le demandeurconnaissait en 1999 la residence du defendeur aupres de sa fille et de sonepouse à ..., avenue ..., residence « que le [defendeur] aulterieurement delaissee », et que « [le demandeur] n'apporte [...]aucun element objectif de nature à demontrer que [le defendeur] n'auraitpas continue à resider aupres de sa fille et de son epouse en Belgique[en 2002] comme en 1999, de telle sorte que, connaissant l'identite del'epouse [...], il lui etait aise de trouver l'adresse de celle-ci »,l'arret, qui dispense le defendeur de prouver qu'il avait une residence enBelgique au moment de la signification et que le demandeur connaissaitcette residence ou devait la connaitre, renverse illegalement la charge dela preuve, partant viole l'article 870 du Code judiciaire.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel, que, parconfirmation du jugement dont appel, il rec,oit l'opposition et qu'ildeclare non fondee la demande du defendeur en payement de dommages etinterets ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce enaudience publique du quinze juin deux mille douze par le president desection Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Andre Henkes,avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------------+

15 JUIN 2012 C.11.0120.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0120.F
Date de la décision : 15/06/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-06-15;c.11.0120.f ?
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