Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.11.0858.N
UNION PROFESSIONNELLE DES MEDECINS ACUPUNCTEURS DE BELGIQUE, (...),
partie civile,
demanderesse,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
P. D. V.,
prevenu,
defendeur,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 29 mars 2011 par la courd'appel de Gand, chambre correctionnelle.
La demanderesse presente un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le 24 mai 2012, le premier avocat general Marc De Swaef a depose au greffedes conclusions ecrites.
Le conseiller Luc Van hoogenbemt a fait rapport.
Le premier avocat general Marc De Swaef a conclu.
II. La decision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir du moyen de cassation soulevee par ledefendeur :
1. Le defendeur soutient que le moyen est irrecevable à defautd'interet : la decision selon laquelle le defendeur n'est pas coupable duchef d'exercice illegal de la medecine lors pratique de l'acupuncturecomme kinesitherapeute demeure legalement justifiee sur la base du motifautonome non critique d'l'absence d'element moral de l'infraction mise àcharge, à tout le moins de la siuation de force majeure vecue par ledefendeur empeche de satisfaire à la condition de se faire enregistrer,ce qui ne lui est en aucune fac,on imputable et ne saurait des lors luietre reproche.
2. Les juges d'appel ont considere que le defendeur n'est pas poursuivi duchef d'infraction aux dispositions de la loi du 29 avril 1999 relative auxpratiques non conventionnelles dans les domaines de l'art medical, del'art pharmaceutique, de la kinesitherapie, de l'art infirmier et desprofessions, mais du chef d'exercice illegal de la medecine. Ils ontensuite considere que le seul fait que le defendeur qui satisfait àtoutes les conditions legales auxquelles il peut jusqu'à presentsatisfaire pour exercer l'acupuncture comme pratique nonconventionnelle, n'est pas reconnu au sens de la loi du 29 avril 1999, nesignifie pas en soi que le defendeur serait coupable du chef d'exerciceillegal de la medecine.
En outre, l'arret annule dans le dispositif "le jugement attaque en tantqu'il constate qu'il n'y a pas d'infraction en raison de l'existence d'unecause de justification sous la forme d'un etat de necessite ou d'uneerreur de droit dans le chef [du defendeur]".
Ainsi, le defendeur presuppose, à tort, que les juges d'appel ont fondeleur decision sur le motif autonome d'absence d'element moral necessaireà l'infraction mise à charge du defendeur ou de la situation de forcemajteur dans laquelle se trouvait le defendeur.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le moyen pris dans son ensemble :
3. Le moyen, en sa premiere branche, invoque la violation de l'article 2,S: 1er, alinea 2, et, pour autant que de besoin, des articles 21bis, enparticulier S: 1er, S: 4 et S: 6, 38, S: 1er, 43, S: 1er, et 44 del'arrete royal nDEG 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice desprofessions des soins de sante : les juges d'appel ont considere, à tort,que le kinesitherapeute ne se rend coupable du chef d'exercice illegal dela medecine que s'il traite un patient par l'acupuncture apres avoir poselui-meme un diagnostic.
Le moyen, en sa seconde branche, invoque la violation des articles 2, S:1er, 2DEG, 3, en particulier S: 3, alinea 1er, 8, en particulier S: 1er,alinea 1er, de la loi du 29 avril 1999 et 21bis de l'arrete royal nDEG 78du 10 novembre 1967 : les juges d'appel ont considere que, nonobstant lefait que le defendeur n'est pas enregistre, ainsi que le prevoit l'article8, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 29 avril 1999, il "satisfait à toutesles conditions actuellement possibles pour exercer l'acupuncture enqualite de kinesitherapeute" ; ainsi, ils n'ont pas justifie legalementleur decision, en etendant à tout le moins de maniere illegale lesconditions d'application auxquelles une personne doit satisfaire pourexercer legalement la kinesitherapie.
4. En vertu de l'article 2, S: 1er, 2DEG, alinea 1er, de la loi du 29avril 1999, pour l'application de cette loi, il y a lieu d'entendre parpratique non conventionnelle "la pratique habituelle d'actes ayant pourbut d'ameliorer et/ou de preserver l'etat de sante d'un etre humain etexercee selon les regles et conditions stipulees dans la presente loi",parmi lesquels l'acupuncture.
Selon l'article 3, S: 3, de la loi du 29 avril 1999, dans les trois moisde la communication d'un projet d'avis par la chambre concernee, lacommission paritaire rend un avis sur les conditions dans lesquelles lespraticiens d'une pratique non-conventionnelle enregistree peuvent etreenregistres de maniere individuelle.
L'article 8, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 29 avril 1999 dispose quenul ne peut exercer l'une des pratiques non conventionnelles enregistreesou accomplir des actes ayant trait à cette pratique, qu'apres avoir eteenregistre relativement à cette pratique.
En vertu de l'alinea 2 de cette disposition, aussi longtemps que leministre ne s'est pas prononce sur l'enregistrement individuel,conformement à la procedure visee au S: 2, le praticien professionnelconcerne ne peut continuer à exercer la pratique non conventionnelle.
En vertu de l'alinea 3 de cette disposition, par derogation à l'alinea1er, le praticien professionnel qui a introduit une demanded'enregistrement dans un delai de six mois apres publication au Moniteurbelge des dispositions prises en vertu de l'article 3, S: 3, peutcontinuer à exercer la pratique non-conventionnelle. Le ministre doit seprononcer dans un delai de douze mois sur la demande d'enregistrement.
L'article 12 de la loi du 29 avril 1999 dispose que les articles 3, 8, 9,10 et 11 de ladite loi entrent en vigueur six mois apres le premier jourdu mois suivant celui au cours duquel la nomination des membres de lacommission paritaire visee à l'article 5 a pris cours.
Etant donne qu'à defaut des arretes d'execution requis, les dispositionsprecitees de la loi du 29 avril 1999 ne sont pas entrees en vigueur, leskinesitherapeutes sont exclusivement habilites à exercer l'art medicalaux conditions prevues par l'arrete royal nDEG 78 du 10 novembre 1967.
5. En tant qu'il invoque la violation des articles 3 et 8 precites de laloi du 29 avril 1999 qui, à defaut d'arretes d'execution, sontinapplicables au litige tranche et n'ont d'ailleurs pas ete appliques parl'arret, le moyen, en sa seconde branche, est, des lors, irrecevable.
6. En vertu de l'article 1er de l'arrete royal nDEG 78 du 10 novembre1967, l'art de guerir couvre l'art medical, en ce compris l'art dentaire,exerce à l'egard d'etres humains, et l'art pharmaceutique, sous leursaspects preventifs ou experimentaux, curatifs, continus et palliatifs.
Eu egard à cette definition large, l'art medical s'etend egalement àl'acupuncture. 7. L'article 2, S: 1er, alineas 1er et 2, de l'arrete royalnDEG 78 du 10 novembre 1967 dispose que : "Nul ne peut exercer l'artmedical s'il n'est porteur du diplome legal de docteur en medecine,chirurgie et accouchements, obtenu conformement à la legislation sur lacollation des grades academiques et le programme des examensuniversitaires ou s'il n'en est legalement dispense, et s'il ne reunitpas, en outre, les conditions imposees par l'article 7.
Constitue l'exercice illegal de l'art medical, l'accomplissement habituelpar une personne ne reunissant pas l'ensemble des conditions requises parl'alinea 1er du present paragraphe de tout acte ayant pour objet oupresente comme ayant pour objet, à l'egard d'un etre humain, soitl'examen de l'etat de sante, soit le depistage de maladies et deficiences,soit l'etablissement du diagnostic, l'instauration ou l'execution dutraitement d'un etat pathologique, physique ou psychique, reel ou suppose,soit la vaccination".
Il s'ensuit que la personne qui administre le traitement peut egalement serendre coupable d'exercice illegal de la medecine sans avoir poseelle-meme le diagnostic à cet effet.
8. L'article 21bis de l'arrete nDEG 78 du novembre 1967 dispose:
- au S: 1er, alinea 1er : "Par derogation à l'article 2, S: 1er, et sansrestreindre la notion d'art medical visee à cet article, nul ne peutexercer la kinesitherapie s'il n'est titulaire d'un agrement delivre parle Ministre qui a la Sante publique dans ses attributions."
- au S: 4 : "Est considere comme exercice illegal de la kinesitherapie, lefait pour une personne qui n'y est pas autorisee en vertu du S: 1er deproceder habituellement à :
1DEG des interventions systematiques destinees à remedier à des troublesfonctionnels de nature musculo-squelettique, neurophysiologique,respiratoire, cardiovasculaire et psychomotrice par l'application d'unedes formes suivantes de therapie :
a) la mobilisation, qui consiste à faire executer des mouvements aupatient, à des fins medicales, avec ou sans assistance physique ;
b) la massotherapie, qui consiste à soumettre le patient à destechniques de massage, à des fins medicales ;
c) les therapies physiques, qui consistent à appliquer au patient, à desfins medicales, des stimuli physiques non invasifs tels que les courantselectriques, les rayonnements electro-magnetiques, les ultra-sons, lechaud et le froid ou la balneation ;
2DEG des examens et des bilans de motricite du patient visant àcontribuer à l'etablissement d'un diagnostic par un medecin ou àinstaurer un traitement constitue d'interventions visees au 1DEG ;
3DEG la conception et la mise au point de traitements constituesd'interventions visees au 1DEG ;
4DEG la gymnastique prenatale et postnatale."
- au S: 6, alinea 1er, que les personnes agreees en vertu du S: 1er nepeuvent exercer la kinesitherapie qu'à l'egard des patients qui sontenvoyes sur la base d'une prescription faite par une personne habilitee àexercer l'art medical en vertu de l'article 2, S: 1er, alinea 1er.
Il resulte de ces disposition que, par derogation à l'article 2, S: 1er,de l'arrete royal nDEG 78 du 10 novembre 1967, les personnes agreees parle ministre pour exercer la kinesitherapie sont à habilitees à accomplirles actes enumeres à l'article 21bis, S: 4, sur la base d'uneprescription faite par une personne habilitee à exercer la medecine.
L'acupuncture ne releve d'aucun des actes medicaux enumeres par cettedisposition qu'un kinesitherapeute peut exercer en vertu de l'arrete royalnDEG 78 du 10 novembre 1967 .
9. Les juges d'appel ont considere qu'etant donne que le defendeursatisfait à toutes les exigences de formation et de competence, qu'il estmembre d'une association professionnelle reconnue et qu'il n'est pasapparu etabli qu'il n'ait pas toujours agi en concertation avec un medecintraitant, l'on peut affirmer qu'à defaut d'arretes d'execution devantautoriser l'enregistrement legalement prevu, il satisfait à toutes lesconditions actuellement possibles pour exercer l'acupuncture en qualite dekinesitherapeute de sorte qu'aucune infraction que ce soit soit auxarticles 1er, 2, S: 1er, 38, S: 1er, 1DEG, 43, S: 1er, et 44 de l'arreteroyal nDEG 78 du 10 novembre 1967 n'est etablie dans son chef et qu'ildoit, par consequent, beneficier d'un renvoi des poursuites, sans frais.
En considerant ainsi qu'il est permis au defendeur de poser un actemedical qui ne figure pas à l'article 21bis, S: 4, de l'arrete royal nDEG78 du 10 novembre 1967, les juges d'appel n'ont pas legalement justifieleur decision.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs
La Cour
Casse l'arret attaque, en tant qu'il statue sur l'action civile de lademanderesse ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne le defendeur aux frais ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, lesconseillers Luc Van hoogenbemt, Filip Van Volsem, Alain Bloch et PeterHoet et prononce en audience publique du douze juin deux mille douze parle conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, en presence dupremier avocat general Marc De Swaef, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.
Traduction etablie sous le controle du president de section Frederic Closeet transcrite avec l'assistance du greffier ... .
Le greffier, Le president de section,
12 juin 2012 P.11.0858.N/1