Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.12.0107.N
I
1. D. P.,
2. R. S.,
prevenus,
demandeurs,
Me Tanja Van den Bossche, avocat au barreau de Gand,
contre
1. K. A.,
2. N. O. O.,
parties civiles,
defendeurs.
II
O. O.,
prevenu,
demandeur,
Me Tim De Keukelaere, avocat au barreau de Gand,
contre
N. O. O.,
partie civile,
defendeur.
I. La procedure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont diriges contre un arret rendu le 13decembre 2011 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs I presentent un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le demandeur II presente trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. La decision de la Cour :
(...)
Sur le deuxieme moyen du demandeur II :
12. Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 195du Code d'instruction criminelle, 3 et 8 de la loi du 29 juin 1964concernant la suspension, le sursis et la probation, lus en combinaisonavec l'article 211 du Code d'instruction criminelle : l'arret refuse deprononcer la peine integralement ou partiellement avec sursis ; cettedecision n'est pas motivee ; ni le jugement dont appel, ni l'arret n'ontrepondu à la defense du demandeur developpee dans ses conclusionsdeposees le 18 janvier 2010.
13. L'arret decide : « Le premier juge n'a pas accorde, à bon droit, au[demandeur II] la mesure favorable d'un sursis à l'execution de la peineprecitee, compte tenu de la gravite objective des faits, de la presence deplusieurs victimes et du temps relativement long pendant lequel K. A. etN. O. O. ont du travailler sous un regime feodal de domestique aux ordresdu [demandeur II] ».
14. Le demandeur II n'est poursuivi du chef de traite et trafic d'etrehumains qu'à l'egard du defendeur II et non à l'egard du defendeur I.1(preventions A.2 et E).
15. En admettant que le jugement dont appel n'accorde pas, à bon droit,au demandeur II la mesure favorable du sursis à l'execution de la peine,compte tenu, notamment, de la presence de plusieurs victimes, du tempsrelativement long pendant lequel K. A. et N. O. O. ont du travailler sousun regime feodal de domestique aux ordres du [demandeur II], la decisionn'est pas legalement justifiee.
Le moyen est fonde.
Sur le troisieme moyen du demandeur II :
16. Le moyen invoque la violation de l'article 433quinquies, S: 1er, 3DEG,du Code penal : l'arret declare le demandeur coupable du chef del'infraction de traite des etres humains et decide, à cet egard, que ledefendeur II n'avait pas la possibilite ni la liberte de disposer de laremuneration pour laquelle il avait travaille à plein temps mais que ledemandeur l'avait, au contraire, traite tel un serviteur corveable ; ladisposition legale enoncee requiert comme element constitutif que la miseau travail de la personne s'inscrive dans des conditions contraires à ladignite humaine, ce qui laisse entendre que les conditions de travail dela personne employee doivent etre humainement indignes.
17. La mise au travail d'employes de maniere telle qu'ils sonteconomiquement exploites est contraire à la dignite humaine visee àl'article 433quinquies, S: 1er, 3DEG, du Code penal.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
18. En adoptant les motifs du jugement dont appel, l'arret decide que :
- le demandeur II a mis le defendeur II au travail immediatement apres sonarrivee en Belgique, durant la periode courant du 1er mai 2007 au 31janvier 2008, sous le nom du demandeur II ;
- la remuneration due pour la mise au travail du defendeur II a ete verseesur le compte du demandeur II ;
- la victime n'avait aucune possibilite de retirer sa remuneration ducompte car un co-prevenu disposait de la carte bancaire et du code secretlies au compte ;
- meme les versements faits par les parents du defendeur II ont ete faitsà l'adresse du demandeur II ;
- la notion de « dignite humaine » se refere à un niveau de qualite devie protege par le respect des autres et à une existence humaine dont lespreventions de base sont garanties ;
- cette notion implique davantage que les conditions de travail concretesdans lesquelles la victime devait travailler.
19. Par ces motifs, la decision de l'arret selon laquelle le defendeur IIa ete mis au travail dans des circonstances contraires à la dignitehumaine, est legalement justifiee.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
20. Pour le surplus, le moyen critique totalement l'appreciationsouveraine des faits par l'arret ou oblige la Cour à proceder à unexamen des faits pour lequel elle est sans pouvoir.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable
(...)
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, en tant qu'il se prononce sur la peine infligee audemandeur II, en ce compris la confiscation infligee au demandeur II del'avantage patrimonial, et sur la contribution au Fonds special pourl'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, et en tant qu'ilaccorde à la partie civile, N. O. O., la somme de 5.689,64 eurosconfisquee dans le chef du demandeur II ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne les demandeur I aux frais de leur pourvoi ;
Condamne le demandeur II au deux tiers des frais et laisse le surplus desfrais à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, lesconseillers Luc Van hoogenbemt, Filip Van Volsem, Peter Hoet et AntoineLievens, et prononce en audience publique du cinq juin deux mille douzepar le conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, en presencede l'avocat general Marc Timperman, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Michel Lemal ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
5 juin 2012 P.12.0107.N/1