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01/06/2012 | BELGIQUE | N°F.11.0082.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 juin 2012, F.11.0082.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1509



NDEG F.11.0082.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Mons, dont les bureaux sont etablisà Mons, digue des Peupliers, 71,

demandeur en cassation,

contre

1. M. A. et

2. G. C.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 octobre 2010par la cour d'appel de Mons.



Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1509

NDEG F.11.0082.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Mons, dont les bureaux sont etablisà Mons, digue des Peupliers, 71,

demandeur en cassation,

contre

1. M. A. et

2. G. C.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 octobre 2010par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Gustave Steffens a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- article 114 de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Courconstitutionnelle ;

- article 2, 4DEG, de la loi du 11 avril 1994 sur la publicite del'administration.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que

« C'est à bon droit que le premier juge a declare la reclamationirrecevable sur la base de l'article 371 du Code des impots sur lesrevenus 1992.

(...) Le delai prevu à peine de forclusion par l'article 376, S: 1er,1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 etant ecoule, il n'est pluspossible de recourir à la procedure de degrevement d'office, en manieretelle que la demande sur ce point doit etre declaree non fondee.

Le premier juge a rappele à juste titre que l'Etat belge etait soumiscomme les particuliers aux regles du droit commun de la responsabilitecivile conformement aux articles 1382 et suivants du Code civil.

Il appartient aux [defendeurs] de demontrer l'existence d'une faute, d'undommage distinct de celui qui resulte de l'imposition querellee et d'unlien de causalite entre le dommage et la faute.

La faute peut consister en un acte ou une abstention qui viole uneobligation legale qui impose d'agir ou de s'abstenir d'agir de manieredeterminee.

Il peut egalement y avoir faute si la puissance publique a manque à sondevoir general de prudence en dehors de toute violation de la loi ou desreglements.

Il s'agit d'apprecier la faute de l'autorite administrative dans le cadregeneral de son activite sur la base du critere de la personne normalementsoigneuse et prudente placee dans les memes circonstances (M. Eloy,Annales de Droit de Liege, 1986, 546) »,

l'arret considere que

« L'on peut admettre qu'au lendemain du prononce de l'arret de la Courd'arbitrage, [le demandeur] n'ait pas ete en mesure concretement d'avertirchaque contribuable concerne, ce qui impliquait un examen au cas par casdes conditions d'une eventuelle exoneration.

Il reste cependant que, n'ayant pas procede au degrevement d'office descotisations litigieuses, [le demandeur] ne s'est pas preoccupe du sort descontribuables qui, ayant subi une surtaxe, pouvaient invoquer ledegrevement d'office conformement à l'article 376 du Code des impots surles revenus 1992.

[Le demandeur] n'a pris aucune disposition pour lancer une informationgenerale ou pris une quelconque mesure - tels l'envoi d'une noticeexplicative annexee à la declaration fiscale ou une annonce par voie depresse - qui aurait permis aux personnes concernees d'exercer leur recoursalors qu'il ne pouvait ignorer qu'un certain nombre de contribuablesavaient ete taxes illegalement et qu'il reconnait que l'arret de la Courd'arbitrage rendu sur une question prejudicielle constitue un fait nouveauprobant au sens de l'article 376 du Code des impots sur les revenus 1992.

Une demarche positive etait envisageable, comme le demontre l'initiativerelative au livre publie par le ministere des Finances informant lescontribuables du nouveau regime fiscal de taxation des indemnites pourincapacite permanente causee par un accident du travail ou une maladieprofessionnelle edite en 2000, soit trop tard pour les [defendeurs], dontle delai pour introduire une demande de degrevement expirait le 31decembre 1999.

Le manque de diligence de l'Etat belge constitue une faute au sens del'article 1382 du Code civil sans laquelle le dommage invoque par lesdefendeurs ne se serait pas produit.

Aucune faute ne saurait etre reprochee aux [defendeurs] pour n'avoir pasintroduit un recours administratif dans les delais des lors qu'il n'estpas etabli que ces derniers auraient eu connaissance en temps utile del'arret de la Cour d'arbitrage du 9 decembre 1998, lequel constituait lefait nouveau sur la base duquel ils auraient pu signaler une surtaxe etainsi obtenir un degrevement »,

et decide qu' « à defaut d'annulation ou de degrevement de l'impositionlitigieuse, c'est de maniere pertinente que le premier juge a estime quele prejudice subi par les [defendeurs] sera adequatement repare parl'octroi de dommages et interets correspondant au montant du degrevementqu'ils etaient en droit d'obtenir suite à l'arret 132/98 de la Courd'arbitrage du 9 decembre 1998 jusqu'à concurrence de la taxationindument pratiquee sur les rentes perc,ues par [le defendeur]en 1996 enreparation d'une incapacite permanente suite à un accident du travail ouune maladie professionnelle sans qu'il y ait perte de revenus dans le chefde la victime, majores des interets compensatoires puis judiciaires auxtaux legaux successifs à dater de la perception ».

En consequence, l'arret « confirme le jugement » entrepris qui avaitdecide, « faisant application de l'article 1382 du Code civil, decondamner l'Etat belge à verser aux [defendeurs], à titre de dommages etinterets, le montant de la taxation pratiquee sur la rente de 553.112francs belges perc,ue par les contribuables en reparation d'une incapacitepermanente suite à un accident de travail ou à une maladieprofessionnelle pour l'annee 1996 (exercice d'imposition 1997 - article derole 779.801.007) ».

Griefs

L'article 1382 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'hommequi cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il estarrive à le reparer et l'article 1383 du meme code precise que chacun estresponsable du dommage qu'il a cause, non seulement par son fait, maisencore par sa negligence ou par son imprudence.

Il se deduit de ces articles que l'auteur d'un fait ou d'une negligence oud'une imprudence ne peut voir sa responsabilite retenue que dans la mesureou son fait ou son abstention presente un caractere fautif.

Pour conclure à l'existence d'une faute, il est necessaire d'etablirl'existence d'un fait ou d'une abstention illicite, c'est-à-dire lameconnaissance d'un devoir ou d'une obligation impose par l'ordrejuridique, à savoir la loi, le reglement ou une norme generale deprudence et de diligence.

A cet egard, le fait, la negligence ou l'imprudence, fut-il etabli, nerevet un caractere fautif de nature à engager la responsabilite de sonauteur que si celui-ci ne s'est pas comporte comme l'eut fait une personnenormalement prevoyante, prudente et diligente, placee dans les memescirconstances.

Determiner si une faute peut etre retenue en l'espece à charge del'administration fiscale implique donc la prise en consideration desdevoirs qui s'imposent legalement à celle-ci lorsqu'il s'agit d'informerles contribuables d'une decision rendue par la Cour constitutionnelle afinqu'ils puissent le cas echeant introduire un recours en se prevalant decette decision.

Or, la loi speciale du 6 janvier 1989 determine en son article 114 que :

« Les arrets rendus sur recours en annulation et sur des questionsprejudicielles sont publies dans leur integralite ou par extraits auMoniteur belge par les soins du greffier. L'extrait comporte lesconsiderants et le dispositif.

La Cour en assure la publication dans un recueil officiel ».

A cet egard, la Cour constitutionnelle enseigne que « la publication auMoniteur belge est le moyen officiel par lequel le legislateur garantitl'acces effectif aux normes legislatives et aux arrets de la Cour(constitutionnelle) qui controlent la validite de ces normes. La date depublication d'un arret au Moniteur belge est des lors la date à laquelleles citoyens sont censes avoir pris connaissance de cet arret ».

Par ailleurs, l'administration n'est tenue d'informer les citoyens de lapossibilite d'intenter des recours juridictionnels qu'en ce qui concerneses decisions ou ses actes administratifs à portee individuelle, et ce,conformement à l'article 2, 4DEG, la loi du 11 avril 1994 relative à lapublicite de l'administration, lequel regle plus particulierement lapublicite « active ».

Le legislateur, qui a le pouvoir de deroger à un principe general nonecrit en intervenant pour regler une matiere determinee, est donc bienintervenu de maniere specifique pour regler la publicite à donner auxarrets de la Cour constitutionnelle ainsi que l'information à donner auxcitoyens concernant les possibilites de recours juridictionnels qui leursont offertes, de sorte qu'aucune norme generale de prudence ou dediligence n'est, en principe, de nature à imposer au demandeur d'agirautrement que ne l'exigent les dispositions legales precitees, l'arret nesoulevant au demeurant aucune consideration de nature à justifier uneexception à ce principe dans le cas d'espece.

Ni la loi ni aucun principe de droit n'impose à l'autorite administrativede completer par une information specifique la publication des arrets dela Cour constitutionnelle au Moniteur belge et dans le recueil officielprevue par la loi ou encore d'informer le contribuable des possibilites derecours qu'offrirait la prononciation de tels arrets.

Des lors que l'administration ne doit accomplir aucune diligenceparticuliere afin de proceder à la publicite d'un arret de la Courconstitutionnelle ou de communiquer sur ses effets en droit, elle necommet aucune faute, aucune negligence, au sens des articles 1382 et 1383du Code civil lorsqu'elle ne prend pas, comme en l'espece, de mesures afind'informer les contribuables des consequences fiscales d'un arret de laCour constitutionnelle à l'encontre d'impositions anterieurementetablies.

Ainsi, l'arret, qui constate que le [demandeur] « n'a pris aucunedisposition pour lancer une information generale ou pris une quelconquemesure - tels l'envoi d'une notice explicative annexee à la declarationfiscale ou une annonce par voie de presse - qui aurait permis auxpersonnes concernees d'exercer leur recours alors qu'il ne pouvait ignorerqu'un certain nombre de contribuables avaient ete taxes illegalement etqu'il reconnait que l'arret de la Cour d'arbitrage rendu sur une questionprejudicielle constitue un fait nouveau probant au sens de l'article 376du Code des impots sur les revenus 1992 », n'a pu legalement en deduirel'existence d'une faute [du demandeur] et, partant, viole la notion legalede faute et de negligence (violation des articles 1382 et 1383 du Codecivil et, pour autant que de besoin, 114 de la loi speciale du 6 janvier1989 sur la Cour constitutionnelle et 2, 4DEG, de la loi du 11 avril 1994sur la publicite de l'administration).

III. La decision de la Cour

Il resulte de l'article 114 de la loi du 6 janvier 1989 sur la Courconstitutionnelle que les arrets rendus sur recours en annulation et surles questions prejudicielles sont publies dans leur integralite ou parextraits au Moniteur belge par les soins du greffier, cette cour enassurant egalement la publication dans un recueil officiel et lacommunication en copie aux juridictions qui lui en font la demande.

Selon l'article 2, 4DEG, de la loi du 11 avril 1994 relative à lapublicite de l'administration, tout document par lequel une decision ou unacte administratif à portee individuelle emanant d'une autoriteadministrative federale est notifie à un administre indique les voieseventuelles de recours, les instances competentes pour en connaitre ainsique les formes et delais à respecter, faute de quoi le delai deprescription pour introduire le recours ne prend pas cours.

Ces dispositions, en tant qu'elles prescrivent des mesures particulieresde publicite, ne limitent pas les obligations incombant au demandeur enapplication des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Le moyen manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de quarante-quatre euros septante-troiscentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Sylviane Velu,Martine Regout, Gustave Steffens et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du premier juin deux mille douze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | G. Steffens |
|-----------------+----------+-------------|
| M. Regout | S. Velu | Chr. Storck |
+------------------------------------------+

1 JUIN 2012 F.11.0082.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.11.0082.F
Date de la décision : 01/06/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-06-01;f.11.0082.f ?
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