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31/05/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0343.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 mai 2012, C.11.0343.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0343.N

ER PRODUCTIONS - PARADISO TV sprl

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. DUTCH FILMWORKS bv, societe de droit neerlandais,

2. F. B.,

3. SOURCE INVESTMENTS bv,

4. LICENSING CHANNEL bv,

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre un arret rendu le 8 mars 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions ecrites le 8mars 2012.

Le conseiller Alain Smetryns a

fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen lib...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0343.N

ER PRODUCTIONS - PARADISO TV sprl

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. DUTCH FILMWORKS bv, societe de droit neerlandais,

2. F. B.,

3. SOURCE INVESTMENTS bv,

4. LICENSING CHANNEL bv,

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre un arret rendu le 8 mars 2011par la cour d'appel de Bruxelles.

L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions ecrites le 8mars 2012.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 17, 815, 816 et 1138, 4DEG, du Code judiciaire ;

- articles 1134, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont decide que la demanderesse n'avait pas la qualiterequise pour reprendre l'instance dont le premier juge avait ete saisi parla sprl Hot Town Music - Paradiso, ont declare sa reprise d'instance etles actions qu'elles a introduites devant le premier juge irrecevables etont condamne la demanderesse aux depens sur la base de la motivationsuivante :

« La recevabilite de la reprise d'instance et des actions de lademanderesse

10. Les defenderesses ont conclu à l'irrecevabilite de la reprised'instance de la demanderesse devant le premier juge et de ses actions.

11. L'article 815 du Code judiciaire dispose que :

`Dans les causes ou la cloture des debats n'a pas ete prononcee, le decesd'une partie, son changement d'etat ou la modification de la qualite enlaquelle elle a agi, demeurent sans effet tant que la notification n'en apas ete faite'.

La cour d'appel constate que le `contrat d'achat - vente' conclu le 1erjanvier 2006 entre la demanderesse, d'une part, et la sprl Hot Town Music,d'autre part, dispose que :

`Hot Town Music transfere pour le monde entier, de maniere universelle etsans limite à ER Productions - Paradiso TV :

1. (...)

2. Tous les droits d'auteur, droits voisins et droits contractuels lies aupersonnage/dessin de Musti, bien connu des parties, aux personnagessecondaires, aux histoires et aux derives, y compris l'autorisation deprolonger tous les contrats en cours, de les resilier ou de lesrenouveler, independamment de toutes les licences exclusives accordees auxtiers.

3. Tous les droits d'edition sur les oeuvres musicales dont la listefigure à l'annexe 1.

4. Tous les droits d'edition sur les phonogrammes dont la liste figure àl'annexe 2.

ER Productions - Paradiso TV est, des lors, seulement titulaire etproprietaire de tous ces droits pour toute la duree des droits d'auteur.

Tous les droits patrimoniaux, sommes et elements patrimoniaux qui ontgenere les droits depuis le 1er janvier 2006 doivent etre transmis sansdelai et directement à la demanderesse.

Toutes les demandes pour faire usage de ces droits d'une manierequelconque doivent etre exclusivement adressees à la demanderesse àpartir de cette date.

La seule contrepartie de ce transfert de propriete est une somme de100.000 euros payee par la demanderesse à Hot Town Music.

Cet addendum fait partie integrante du contrat du 1er janvier 2006.'

Par le contrat du 1er janvier 2006, la sprl Hot Town Music - Paradiso n'apas disparu en tant que personne morale. A la suite de ce contrat elle aperdu au cours de la procedure devant le premier juge, la qualite requise(à savoir la capacite d'agir en justice) et l'interet pour exercer sesactions contre les defenderesses.

A la suite du contrat du 1er janvier 2006, la demanderesse n'a pas etesubrogee « aux droits et obligations » de Paradiso, à tout le moinselle est demeuree en defaut de prouver le contraire. En vertu de cecontrat elle est devenue `seulement titulaire et proprietaire' de tous lesdroits qui lui ont ete transferes en vertu de ce contrat pour toute laduree des droits d'auteur.

La demanderesse, qui n'est pas l'ayant-cause de la sprl Hot Town Music -Paradiso, n'avait pas la qualite requise pour reprendre l'instance dont lasprl Hot Town Music - Paradiso a saisi le premier juge. Sa reprised'instance et les actions exercees par elle devant le premier juge sontirrecevables.

12. La fin de non-recevoir concernant la reprise d'instance de lademanderesse et les actions qu'elle a exercees devant le premier juge, nedevait pas etre opposee in limine litis par les defenderesses, à savoiravant chaque defense au fond ou au plus tard avant que le premier juge seprononce.

La vente du 1er janvier 2006 est un fait qui s'est produit au moment oules parties avaient dejà conclu sur le fond de la cause de sorte que lafin de non-recevoir ne pouvait etre soulevee in limine litis par lesdefenderesses.

Un defaut de qualite est d'ordre public. Le defaut de qualite de lademanderesse pour reprendre l'instance devant le premier juge n'est pascouvert par le jugement dont appel. »

Griefs

L'article 815 du Code judiciaire dispose que le deces d'une partie, sonchangement d'etat ou la modification de la qualite doivent etre notifiesau juge devant lequel la procedure est en cours avant la cloture desdebats. Cela se fait par un acte de reprise d'instance comme prevu àl'article 816 du Code judiciaire. Il y a lieu d'entendre par qualite ausens des articles 815 et 17 du Code judiciaire, la qualite en vertu delaquelle une partie peut faire valoir ses droits. Cette qualite appartientà la personne qui est le depositaire des droits materiels dontl'execution ou le respect est demande en droit. En l'espece, lademanderesse invoque que, par contrat du 1er janvier 2006, la demanderesseoriginaire, la sprl Hot Town Music - Paradiso, avait transfere tous sesdroits lies au personnage de Musti à la demanderesse et que, des lors, lareprise d'instance faite par la demanderesse en premiere instance etaitrecevable. Les juges d'appel ont constate que le contrat d'achat-venteconclu le 1er janvier 2006 entre la demanderesse, d'une part, et la sprlHot Town Music, demanderesse originaire en premiere instance, d'autrepart, prevoit que :

« Hot Town Music transfere mondialement, de maniere universelle et sanslimite à ER Productions - Paradiso TV :

1. (...)

2. Tous les droits d'auteur, droits voisins et droits contractuels lies aupersonnage/dessin de Musti, bien connu des parties, aux personnagessecondaires, aux histoires et aux derives, y compris l'autorisation deprolonger tous les contrats en cours, de les resilier ou de lesrenouveler, independamment de toutes les licences exclusives accordees auxtiers.

3. Tous les droits d'edition sur les oeuvres musicales dont la listefigure à l'annexe 1.

4. Tous les droits d'edition sur les phonogrammes dont la liste figure àl'annexe 2.

La demanderesse est, des lors, seulement titulaire et proprietaireexclusifs de tous ces droits pour toute la duree des droits d'auteur. »

Les juges d'appel ont aussi constate, à la page 15, qu'en vertu de cecontrat la demanderesse est devenue « seulement titulaire etproprietaire » de tous les droits qui lui ont ete transferes en vertu ducontrat pour toute la duree des droits d'auteur

Un tel transfert des droits de propriete sur les droits d'auteur, lesdroits voisins et les droits contractuels par lequel la demanderesse estdevenue seulement titulaire et proprietaire, entraine, contrairement à cequ'ont decide les juges d'appel, une modification de la qualitenecessitant une reprise d'instance conformement à l'article 815 du Codejudiciaire, celle-ci devant etre obligatoirement notifiee conformement àl'article 816 de ce meme code. Il n'y est pas deroge par le fait que lasociete qui vend et qui transfere, la sprl Hot Town Music - Paradiso, n'apas disparu en tant que personne morale. Il resulte de ce qui precede que,des lors que les juges d'appel ont constate qu'à la suite du contrat du1er janvier 2006 la demanderesse est devenue seulement titulaire etproprietaire de tous les droits qui lui ont ete transferes en vertu ducontrat, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decision quela demanderesse n'avait pas la qualite requise pour reprendre l'instancedont la sprl Hot Town Music - Paradiso avait saisi le premier juge et quela reprise d'instance et les actions exercees par elle devant le premierjuge etaient irrecevables. (violtion des articles 17, 815 et 816 du Codejudiciaire).

Dans la mesure ou les juges d'appel ont decide que, nonobstant le fait quela demanderesse soit seulement titulaire et proprietaire desdits droitsd'auteur qui lui ont ete transferes par le contrat, elle n'a pas laqualite pour exercer ces droits ni celle de reprendre l'instance dont lapremiere demanderesse, la sprl Hot Town Music - Paradiso, avait saisi lepremier juge, ils ont interprete les clauses du contrat du 1er janvier2006, telles que expressement mentionnees dans l'arret attaque etstipulant notamment que sont transferes à la demanderesse tous les droitsd'auteur, les droits voisins et les droits contractuels lies aupersonnage/dessin de Musti, tous les droits d'edition sur les oeuvresmusicales, tous les droits d'edition sur les phonogrammes et que, deslors, la demanderesse est devenue seulement titulaire et proprietaire detous ces droits pour toute la duree des droits d'auteur, d'une maniere quiest inconciliable avec leurs termes et ont ainsi viole la foi qui leur estdue (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil). Enn'attribuant pas davantage à ce contrat les consequences juridiques qu'ila valablement entre les parties au contrat, ils ont aussi viole sa forceobligatoire (violation de l'article 1134 du code civil).

En outre, il est contradictoire, de decider, d'une part, que lademanderesse est devenue seulement titulaire et proprietaire de tous lesdroits qui lui ont ete transferes en vertu du contrat mais de decider,d'autre part, qu'elle n'a pas succede aux droits et obligations de la sprlHot Town Music et qu'elle n'a pas la qualite pour reprendre l'instancedont la sprl Hot Town Music - Paradiso a saisi le premier juge. L'arretqui contient de telles decisions contradictoires viole l'article 1138,4DEG, du Code judiciaire. En se fondant sur une motivation contradictoire,il viole aussi l'article 149 de la Constitution.

III. La decision de la Cour

1. En vertu de l'article 815 du Code judiciaire, dans les causes ou lacloture des debats n'a pas ete prononcee, le deces d'une partie, sonchangement d'etat ou la modification de la qualite en laquelle elle a agi,demeurent sans effet tant que la notification n'en a pas ete faite.

En vertu de l'article 17 du Code judiciaire l'action ne peut etre admisesi le demandeur n'a pas qualite et interet pour la former.

2. Ces dispositions autorisent la reprise d'instance en cas de successionà titre particulier en matiere d'actions qui presentent un lien tellementetroit avec le droit transfere que la modification de qualite prive lapartie à l'instance de tout interet à poursuivre l'instance et que seull'ayant-cause à titre particulier y a interet en tant que nouveautitulaire.

3. Les juges d'appel ont constate que :

- la sprl Hot Town Music - Paradiso, qui avait introduit l'action encessation contre les deux premieres defenderesses, a transfere à lademanderesse, par un contrat du 1er janvier 2006, tous les droitsd'auteur, droits voisins et droits contractuels lies au personnage/dessinde Musti;

- la sprl Hot Town Music - Paradiso n'a pas disparu en tant que personnemorale.

Ils ont decide que :

- en vertu de ce contrat, la sprl Hot Town Music - Paradiso a perdu « laqualite requise (à savoir la qualite pour agir en droit) et l'interetpour exercer ses actions contre les defenderesses, au cours de laprocedure devant le premier juge » ;

- en vertu de ce contrat, la demanderesse n'a pas succede aux droits etobligations de la sprl Hot Town Music - Paradiso mais est devenue« seulement titulaire et proprietaire » de tous les droits qui lui ontete transferes en vertu du contrat, pour toute la duree des droitsd'auteur ;

- la demanderesse, qui n'etait pas l'ayant-cause de la sprl Hot Town Music- Paradiso n'avait pas la qualite requise pour reprendre l'instance ;

4. En statuant ainsi les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leurdecision.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers EricStassijns, Alain Smetryns, Koen Mestdagh et Geert Jocque, et prononce enaudience publique du trente-et-un mai deux mille douze par le president desection Edward Forrier, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,

31 mai 2012 C.11.0343.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0343.N
Date de la décision : 31/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-05-31;c.11.0343.n ?
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