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23/05/2012 | BELGIQUE | N°P.12.0268.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 mai 2012, P.12.0268.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5487



NDEG P.12.0268.F

I. B. G.

ayant pour conseil Maitre Charles-Olivier Ravache, avocat au barreau deLiege,

II. L. F.

ayant pour conseil Maitre Alexis Housiaux, avocat au barreau de Huy,

prevenus,

demandeurs en cassation,

contre

A J-L., fonctionnaire delegue de la direction de l'amenagement duterritoire et de l'urbanisme de la province de Luxembourg,

partie intervenue volontairement,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat

à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 10 janvier 2012 par lacour d...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5487

NDEG P.12.0268.F

I. B. G.

ayant pour conseil Maitre Charles-Olivier Ravache, avocat au barreau deLiege,

II. L. F.

ayant pour conseil Maitre Alexis Housiaux, avocat au barreau de Huy,

prevenus,

demandeurs en cassation,

contre

A J-L., fonctionnaire delegue de la direction de l'amenagement duterritoire et de l'urbanisme de la province de Luxembourg,

partie intervenue volontairement,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 10 janvier 2012 par lacour d'appel de Liege, chambre correctionnelle.

La demanderesse invoque cinq moyens et le demandeur en fait valoir deux,chacun dans un memoire annexe au present arret, en copie certifieeconforme.

Le conseiller Benoit Dejemeppe a fait rapport.

L'avocat general Raymond Loop a conclu.

II. la decision de la cour

A. Sur le pourvoi de G. B. :

1. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions qui, rendues surl'action publique exercee à charge de la demanderesse du chefd'infractions au Code wallon de l'amenagement du territoire, del'urbanisme, du patrimoine et de l'energie, statuent sur la culpabilite etsur la peine :

Sur le premier moyen :

Le moyen reproche à l'arret de sanctionner la demanderesse et sonconjoint de la meme maniere et « sans la moindre justification », alorsqu'elle avait soutenu que les faits etaient imputables à celui-ci, dontelle vivait separee, et qu'elle n'avait jamais eu de pouvoir de directionet de controle sur le terrain litigieux.

En vertu du principe general du droit relatif à la personnalite despeines, dont le demandeur invoque la violation, la peine ne peut atteindreune autre personne que l'auteur d'une infraction, de sorte que le juge quicondamne un prevenu doit expressement indiquer qu'il a commis le fait misà sa charge.

Les juges d'appel ont d'abord expose les raisons pour lesquelles ils sesont declares convaincus que, nonobstant sa situation matrimoniale, lademanderesse avait commis les faits qui lui etaient reproches. Ils ontainsi releve que, alleguant vivre separee de son conjoint, elle etaitneanmoins sur place lorsque l'inspecteur de l'urbanisme avait demanded'arreter les travaux, qu'elle avait fait ensuite une demarche aupres dubourgmestre et qu'en qualite de coproprietaire, elle n'avait pu ignorerles faits ni n'avait pris aucune initiative pour empecher son conjoint depoursuivre les travaux.

L'arret precise ensuite les motifs pour lesquels il estime qu'il n'y a paslieu d'accorder à la demanderesse la mesure de suspension du prononcequ'elle avait sollicitee.

Apres avoir caracterise la gravite des faits et motive le choix del'application d'une peine d'amende et son etendue, les juges d'appel l'ontassortie d'un sursis pour favoriser l'amendement de la demanderesse.

Pour le surplus, la reference aux comportements des deux prevenus nesaurait constituer un critere depourvu de l'individualisation requiselorsque ces comportements ne sont releves, comme en l'espece, qu'au pointde vue de la contribution que chacun des auteurs a apporteepersonnellement aux faits perpetres.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Contrairement à ce que la demanderesse soutient, lorsque la personneinterrogee n'est pas privee de liberte, il n'est pas requis, pour que leproces soit equitable, que les auditions effectuees par la police sederoulent avec l'assistance d'un avocat.

Il en resulte qu'un arret de condamnation ne meconnait pas l'article 6.1de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales du seul fait qu'il mentionne ou critique des declarationsrecueillies sans cette assistance à un moment quelconque de l'informationpreparatoire.

Le moyen manque en droit.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action publique exercee à charge de la demanderesse, statue sur laremise en etat poursuivie par le defendeur :

Sur le troisieme moyen :

La demanderesse fait grief à l'arret de considerer que, contrairement àce qu'elle soutenait devant la cour d'appel, le fonctionnaire delegue n'apas à apporter la preuve de sa delegation.

En tant qu'il invoque la violation des regles relatives à la charge de lapreuve, sans identifier ces regles ni indiquer en quoi l'absence de preuveecrite d'une delegation du defendeur violerait celles-ci, le moyen estirrecevable à defaut de precision.

Le defendeur exerce ses prerogatives en vertu de la loi. En effet, selonl'article 155 du Code wallon de l'amenagement du territoire, del'urbanisme, du patrimoine et de l'energie, le fonctionnaire delegue peutpoursuivre devant le tribunal correctionnel la remise en etat des lieux.

Aucune disposition legale n'imposant de conditions particulieres quant auxmodalites d'introduction de ladite demande, le defendeur ne devait pasjustifier davantage de sa delegation pour intervenir dans la procedure.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le quatrieme moyen :

La demanderesse fait valoir qu'ayant constate le depassement du delairaisonnable, la cour d'appel ne pouvait plus ordonner la remise des lieuxen etat telle qu'elle avait ete reclamee par le fonctionnaire delegue.

Apres avoir considere qu'une peine d'amende aurait ete insuffisante, lesjuges d'appel ont limite la condamnation de la demanderesse à cette seulepeine en raison dudit depassement. L'arret sanctionne donc, de manierereelle et mesurable, la duree excessive de la procedure.

Les juges d'appel n'etaient pas obliges, en outre, de debouter ledefendeur de sa demande.

La compensation due à l'auteur d'un delit continu juge avec retard nereside pas dans l'interdiction de mettre fin à la situation illegale quia pu se prolonger à la faveur du temps mis aux poursuites.

Il ne se deduit pas de la nature penale de la remise en etat, au sens del'article 6 de la Convention, que cette mesure de reparation ne puisseplus etre ordonnee par suite du depassement du delai raisonnable.

Un tel depassement ne saurait avoir pour effet de perenniser une situationcontraire au bon amenagement du territoire, en creant au profit ducontrevenant le droit d'en conserver definitivement le benefice.

Pour le surplus, le moyen invoque la violation de l'article 4.2 de laConvention, aux termes duquel nul ne peut etre astreint à accomplir untravail force ou obligatoire, et de l'article 3 de la loi du 10 juillet1996 portant abolition de la peine de mort et modifiant les peinescriminelles.

Les juges d'appel n'ayant pas condamne la demanderesse à effectuerelle-meme le travail requis pour l'execution de la mesure de reparationordonnee, ils n'ont pu violer les dispositions precitees.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le cinquieme moyen :

Invoquant la violation de l'article 155, S: 7, du Code wallon del'amenagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et del'energie, le moyen critique la consideration de l'arret enonc,ant que lademanderesse « ne motive pas la raison pour laquelle la cour d'appelpourrait prononcer l'annulation des titres de location et de vente du bienlitigieux ».

Cette disposition prevoit qu'à la demande des acquereurs ou deslocataires, le tribunal peut annuler leur titre d'acquisition ou delocation, sans prejudice du droit à l'indemnisation à charge ducoupable. Elle permet ainsi aux acquereurs ou locataires d'un bien amenageen violation de la legislation sur l'urbanisme d'agir en justice, mais nonau contrevenant.

La demanderesse ne saurait des lors pretendre etre titulaire du droitconfere par cet article.

Le moyen est irrecevable à defaut d'interet.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

B. Sur le pourvoi de F L :

1. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions qui, rendues surl'action publique exercee à charge du demandeur du chef d'infractions auCode wallon de l'amenagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoineet de l'energie, statuent sur la culpabilite et sur la peine :

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Le demandeur fait valoir que la cour d'appel n'a ni repondu adequatementà sa defense relative au depassement du delai raisonnable ni sanctionneun tel depassement qu'elle a constate.

En application de l'article 21ter du titre preliminaire du Code deprocedure penale, si un tel depassement est constate au prejudice duprevenu, le juge peut prononcer la condamnation par simple declaration deculpabilite ou prononcer une peine inferieure à la peine minimale prevuepar la loi.

L'arret expose d'abord que la longueur de la procedure n'a pas porte uneatteinte irremediable à l'exercice des droits de la defense et que leselements de preuve soumis à l'appreciation des juges d'appel resident,pour l'essentiel, dans les constatations qui figurent au dossier. Il enconclut qu'il n'y a pas lieu de declarer la poursuite irrecevable.

Apres avoir considere qu'une peine d'amende aurait ete insuffisante, lesjuges d'appel ont ensuite limite la condamnation du demandeur à cetteseule peine en raison dudit depassement. L'arret sanctionne donc, demaniere reelle et mesurable, la duree excessive de la procedure.

Par ces considerations, les juges d'appel ont regulierement motive etlegalement justifie leur decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

La sanction du depassement du delai raisonnable n'est pas seulementdeterminee par l'article 21ter precite.

En effet, contrairement à ce que le demandeur soutient, si le depassementdu delai raisonnable de la procedure a entraine une deperdition despreuves ou rendu impossible l'exercice normal des droits de la defense, lejuge peut declarer la poursuite irrecevable en application de l'article 6de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.

Le moyen manque en droit.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

Le moyen soutient que l'arret est entache d'un vice de contradiction.

Selon l'arret, la periode infractionnelle s'etend du 7 janvier 2004jusqu'au 17 juin 2005. Il n'est des lors pas contradictoire, d'une part,de considerer que les faits de placement d'une caravane sans permisprealable (prevention A.1.b) sont prescrits parce qu'ils ont du se situeren 1994 sans que l'epoque de ce placement soit determinee à suffisance enun temps non prescrit et, d'autre part, de decider que sont etablis lesfaits consistant dans le maintien de cette installation sans permisprealable (prevention A.4) et en zone agricole (prevention B.6), commispendant la periode infractionnelle retenue par les juges d'appel.

Le moyen manque en fait.

Quant à la deuxieme branche :

Le demandeur soutient que les juges d'appel n'ont pas motive ladeclaration de culpabilite du demandeur du chef d'avoir construit unchalet et place une citerne aerienne sans permis prealable (preventionsA.1.a et A.1.c).

La cour d'appel a considere qu'il n'etait pas contestable que le demandeuravait etabli ces constructions, les proces-verbaux et photographiesproduites demontrant notamment l'evolution de l'edification du chalet,tandis que la citerne servant à l'usage de l'habitation n'avait putrouver sa place qu'en raison de la construction de celui-ci.

Par ces motifs, l'arret motive regulierement sa decision.

Le moyen manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Le demandeur soutient que l'arret ne repond pas à ses conclusionsalleguant que le maintien des constructions et installations sans permisd'urbanisme (prevention A.4) et en zone agricole (prevention B.6) n'etaitpas punissable des lors qu'il etait autorise, en vertu de l'article 111 duCode wallon de l'amenagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoineet de l'energie, à reconstruire le chalet existant avant 1962.

L'arret considere qu'à l'emplacement litigieux, des constructions avaientete erigees « entre 1966 et 1967 », que le demandeur occupait unbatiment qui a ete incendie en 1994, que des deversements ont eteeffectues modifiant le relief du sol, et qu'il soutient quel'administration communale est au courant de sa situation et qu'il aobtenu un accord verbal de celle-ci sans toutefois en demontrer larealite.

En considerant ainsi que le demandeur s'etait vainement prevalu del'accord rec,u des autorites communales, les juges d'appel n'avaient pasà repondre davantage à ses conclusions qui devenaient sans pertinence,et ils ont regulierement motive leur decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la quatrieme branche :

Le moyen reproche à l'arret de declarer le demandeur coupable despreventions A.1 à A.3 et B.5 relatives à la construction d'un chalet, àdes depots de materiaux divers et à la modification sensible du relief dusol en zone agricole, sans constater qu'elles ont ete commises depuis le 7janvier 2004.

D'une part, le libelle des preventions que l'arret declare etabliesmentionne que les faits ont ete commis « depuis à tout le moins le 7janvier 2004 ».

D'autre part, pour justifier le caractere recent de ces faits, les jugesd'appel, apres avoir releve l'absence de date precise des travauxconstates en janvier 2004, n'ont pas seulement considere, comme ledemandeur le soutient, que la vegetation ne recouvrait pas les depots. Ilsse sont egalement referes aux photographies des lieux et à lacirconstance que le demandeur avait reconnu que des deversements avaienteu lieu ces dix dernieres annees.

Procedant d'une lecture incomplete de la decision, le moyen manque enfait.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action publique exercee à charge du demandeur, statue sur la remise enetat poursuivie par le defendeur :

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.

Lesdits frais taxes en totalite à la somme de cent trente eurosquatre-vingt-huit centimes dont I) sur le pourvoi de G B : soixante-cinqeuros quarante-trois centimes dus et II) sur le pourvoi de F L :soixante-cinq euros quarante-cinq centimes dus.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, PierreCornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen, conseillers, et prononceen audience publique du vingt-trois mai deux mille douze par FredericClose, president de section, en presence de Raymond Loop, avocat general,avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

+------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
|-------------+--------------+-------------|
| P. Cornelis | B. Dejemeppe | F. Close |
+------------------------------------------+

23 MAI 2012 P.12.0268.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.12.0268.F
Date de la décision : 23/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-05-23;p.12.0268.f ?
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