Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.11.1936.N
K. D.,
accuse,
demandeur,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
AZ SINT-AUGUSTINUS RPR ANTWERPEN asbl,
partie civile,
defenderesse.
I. la procedure devant la Cour
II. Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 20 octobre 2011 par lacour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
III. Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
IV. Le premier avocat general Marc De Swaef a depose des conclusionsrec,ues au greffe le 20 avril 2012.
V. Le conseiller Paul Maffei a fait rapport.
VI. Le premier avocat general Marc De Swaef a conclu.
II. la decision de la Cour
Sur la recevabilite du pourvoi :
1. L'arret declare l'appel forme contre l'ordonnance de la chambre duconseil irrecevable, en tant qu'elle se prononce sur l'existence decharges et renvoie le demandeur au tribunal correctionnel. Ainsi, lachambre des mises en accusation ne rend pas de decision definitive et nese prononce pas dans l'un des cas vises à l'article 416, alinea 2, duCode d'instruction criminelle.
Dans la mesure ou il est dirige contre ces decisions, le pourvoi estirrecevable.
Sur le moyen :
Quant à la premiere branche :
2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 458 duCode penal : l'arret decide, à tort, que le secret professionnel tant dumedecin de famille du patient que du medecin en chef de l'hopital aveclequel ce medecin de famille s'est entretenu des faits, n'est pas viole ;il constate que ces medecins ont revele les faits à des non-praticiens,à savoir des membres de la direction de l'hopital ; la regle selonlaquelle l'interdiction de reveler des secrets visee à l'article 458 duCode penal, ne peut etre etendue aux faits dont serait victime le patientdu depositaire du secret, est une exception à l'obligation de conserverle secret qui doit etre strictement interpretee ; cette regle n'estapplicable qu'à l'obligation de faire connaitre de tels faits auministere public.
3. Le moyen, en cette branche, fut-il fonde, ne peut entrainer lacassation, des lors que la decision critiquee par ce moyen, en cettebranche, selon laquelle il n'y a pas violation du secret professionnel estegalement justifiee par le motif distinct vainement critique par le moyen,en sa septieme branche, selon lequel les medecins invoquent, à bon droit,l'etat de necessite dans lequel ils se sont trouves.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable à defaut d'interet.
Quant à la deuxieme branche :
4. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 149 de laConstitution, 131, 135 et 235bis du Code d'instruction criminelle :l'arret decide, d'une part, que l'obligation de conserver le secretprofessionnel ne serait pas valable des lors qu'il s'agit de faits dont lepatient serait victime, et, d'autre, part, que les medecins invoquent, àbon droit, l'etat de necessite des lors qu'il n'y avait d'autrealternative pour preserver les autres patients d'une situation urgente degrave danger imminent ; ainsi, la motivation de l'arret estcontradictoire.
5. L'article 149 de la Constitution n'est pas applicable à la juridictiond'instruction qui, tel qu'en l'espece, ne se prononce pas sur lebien-fonde de l'action publique.
Dans la mesure ou il invoque la violation de cette dispositionconstitutionnelle, le moyen, en cette branche, manque en droit.
6. Il n'est pas contradictoire de decider que le secret professionnel nes'applique pas aux faits dont le patient a ete victime et que, desurcroit, les medecins ont, à bon droit invoque l'etat de necessite.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la troisieme branche :
7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 458 duCode penal : l'arret decide, à tort, que le medecin auquel le medecin defamille a revele les faits et qui, à son tour, a fait connaitre ces faitsà la direction de la defenderesse, n'a pas viole le secretprofessionnel ; la regle selon laquelle l'interdiction de reveler dessecrets visee à l'article 458 du Code penal ne peut etre etendue auxfaits dont le patient serait victime, signifie uniquement que ces faitspeuvent etre reveles aux autorites judiciaires.
8. Le moyen, en cette branche, a la meme portee que le moyen, en sapremiere branche, et est irrecevable par le motif enonce en reponse aumoyen, en sa premiere branche.
Quant à la quatrieme branche :
9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 235bis duCode d'instruction criminelle : bien qu'invite à le faire, l'arretn'examine pas si le medecin en chef de l'hopital auquel le medecin defamille du patient a revele les faits sous le couvert du secretprofessionnel, a viole ce secret professionnel lors de son audition parles services de police auxquels il a devoile le nom des patients ainsi quedes informations de sante ; de telles declarations ne constituent pas untemoignage depose devant le tribunal, comme le prevoit l'article 458 duCode penal.
10. L'arret decide que :
- le secret professionnel ne peut etre etendu aux faits dont le patient aete la victime ;
- les medecins ont, de surcroit, invoque, à bon droit, l'etat denecessite ;
- il n'y avait aucune relation medecin-patients entre le docteur V. L. etles patients qui se sont librement plaints devant lui, de sorte qu'iln'etait pas tenu par le moindre secret professionnel ;
- en admettant l'existence du secret professionnel, ce qui n'est pas lecas, ces patients en ont dispense le docteur V. L. qui a agi face à unetat de necessite.
11. Ainsi, l'arret verifie si le docteur V. L. a viole le secretprofessionnel lorsqu'il a revele lors de son audition par la police lesnoms des patients qui s'etaient plaints des agissements du demandeur, etexamine la regularite de la preuve ainsi obtenue.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la cinquieme branche :
12. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 458 duCode penal et 7 de la loi du 8 decembre 1992 relative à la protection dela vie privee à l'egard des traitements de donnees à caracterepersonnel : l'arret decide, à tort, que le medecin en chef V. L., auquelles patients se sont librement adresses, n'etait pas tenu par le moindresecret professionnel des lors qu'il n'avait pas etabli de relation deconfiance avec ces patients ; l'absence de relation de confiance ne deliepas le medecin du secret professionnel ; ainsi, ce medecin a traite desdonnees à caractere personnel, comme le prevoit la loi du 8 decembre1992.
13. L'arret decide que le secret professionnel ne peut etre etendu auxfaits dont le patient aurait ete victime et que le docteur V. L. a agiface à un etat de necessite. Ces motifs etayent la decision selonlaquelle il n'y a pas violation du secret professionnel.
Dans la mesure ou il invoque que l'arret a deduit, à tort, de l'absencede relation de confiance la levee du secret professionnel, le moyen, encette branche, critique un moyen surabondant et n'est pas recevable.
14. Il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard quele demandeur a invoque devant la chambre des mises en accusation laviolation de l'article 7 de la loi du 8 decembre 1992.
Dans la mesure ou il est nouveau, le moyen, en cette branche, n'est pasdavantage recevable.
Quant à la sixieme branche :
15. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 458 duCode penal : l'arret decide que, meme tenu au secret professionnel, lespersonnes concernees en ont dispense le docteur V. L. qui a agi face à unetat de necessite ; ainsi, l'arret est deduit de la premisse que lepatient peut delier son medecin du secret professionnel, sans y associerde condition ; pourtant, un patient ne peut toutefois dispenser sonmedecin de son secret professionnel.
16. L'arret decide que le secret professionnel ne peut etre etendu auxfaits dont le patient serait victime et que le docteur V. L. a agi face àun etat de necessite. Ces motifs soutiennent la decision selon laquelle lesecret professionnel n'est pas viole.
Le moyen, en cette branche, critique un motif surabondant et estirrecevable.
Quant à la septieme branche :
17. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de la notion legaled' « etat de necessite » : l'arret decide, à tort, que les medecinspouvaient invoquer l'etat de necessite, à savoir la protection des autrespatients et que ce droit constituait un interet majeur ; l'arret neverifie cependant pas si d'autres moyens auraient permis de preserver lesautres patients de la situation urgente de grave danger, comme notammentla denonciation aux autorites judiciaires ; ainsi ont-ils viole la notiond' « etat de necessite » ; le seul moyen pour prevenir la menace dudanger etait de porter les faits à la connaissance des autoritesjudiciaires.
18. L'arret decide : « Les docteurs B. et V. L. ont, de surcroit, invoquel'etat de necessite dans lequel ils se trouvaient. Ils n'avaient d'autrechoix pour preserver les autres patients face à l'urgence d'un gravedanger imminent, ce qui constituait un interet majeur, que de briser lesecret professionnel individuel ». Ainsi, l'arret examine la possibilited'autres moyens pour faire face à la menace du danger, dont ladenonciation aux autorites judiciaires, pour en conclure que les medecinsconcernes n'avaient d'autres moyens que celui pour lequel ils ont opte.
Le moyen, en cette branche, se fonde sur une lecture erronee de l'arret etmanque, par consequent, en fait.
Le controle d'office
19. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, lesconseillers Luc Van hoogenbemt, Alain Bloch, Peter Hoet et AntoineLievens, et prononce en audience publique du vingt-deux mai deux milledouze par le conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, enpresence du premier avocat general Marc De Swaef, avec l'assistance dugreffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du president de section chevalier Jeande Codt et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le president de section,
22 mai 2012 P.11.1936.N/1