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08/05/2012 | BELGIQUE | N°P.11.1814.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 mai 2012, P.11.1814.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.11.1814.N

J.-M. de M.,

* partie civile,

* demandeur,

Me Alain De Jonge, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

A. L.,

accuse,

defendeur.

I. la procedure devant la Cour

III. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 25 octobre 2011 par lacour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.

IV. Le demandeur introduit une demande en recusation dans un memoireannexe au present arret, en copie certifiee conforme et invoque troismoyens.

V. Le conseiller

Paul Maffei a fait rapport.

VI. Le premier avocat general Marc De Swaef a conclu.

II. la decision de la Cour

Sur la demande en r...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.11.1814.N

J.-M. de M.,

* partie civile,

* demandeur,

Me Alain De Jonge, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

A. L.,

accuse,

defendeur.

I. la procedure devant la Cour

III. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 25 octobre 2011 par lacour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.

IV. Le demandeur introduit une demande en recusation dans un memoireannexe au present arret, en copie certifiee conforme et invoque troismoyens.

V. Le conseiller Paul Maffei a fait rapport.

VI. Le premier avocat general Marc De Swaef a conclu.

II. la decision de la Cour

Sur la demande en recusation :

1. La demande vise la recusation de « chaque magistrat qui etait presentdepuis le commencement du present proces aux divers Te Deum presentes aucours de la periode courant du 2 novembre 2010 jusqu'au jour duprononce » : les membres de la cour assistent au Te Deum annuel,ceremonie à laquelle ils sont rec,us par le defendeur à ses frais ouagreent de lui des presents ; il s'agit d'une cause de recusation telleque visee à l'article 828, 11DEG, du Code judiciaire pour laquelle lesjuges sont tenus, en application de l'article 831 dudit code, des'abstenir ; ainsi est nee une apparence objective de partialite contraireà l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales.

2. Par arret de ce jour, la Cour a rejete une demande ayant le meme objetadressee par le demandeur.

Par consequent, la demande n'a plus d'objet.

Sur le premier moyen :

3. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ainsi quedes articles 828, 11DEG, et 831 du Code judiciaire : les juges d'appel ontomis de s'abstenir ; le demandeur a neanmoins mis en doute par conclusionsl'impartialite et l'independance des juges de la chambre des mises enaccusation, des lors qu'ils assistent aux Te Deum annuels et revelentainsi un parti pris ou, à tout le moins, creent une apparence de manqued'independance et d'impartialite.

4. L'arret decide : « Si le [demandeur] trouve la [cour d'appel] partialeou à tout le moins que la [cour d'appel] revele ou a revele une apparencede partialite, il lui etait loisible in limine litis d'engager uneprocedure en recusation, ce qu'il n'a pas fait ». Ce motif que le moyenne critique pas, soutient la decision selon laquelle les juges d'appeln'avaient aucune raison de s'abstenir.

Le moyen, fut-il fonde, ne saurait entrainer une cassation et est, parconsequent, irrecevable.

Sur le deuxieme moyen :

5, Le moyen invoque la violation de l'article 63 du Code d'instructioncriminelle : l'arret decide, à tort, que le demandeur ne rend pasplausible le fait qu'il a subi un dommage et n'examine le dommage dudemandeur qu'en lien avec les articles 443 et 444 du Code penal, et non enfonction de l'article 21 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contrecertaines formes de discrimination ; dans sa plainte, le demandeur aclairement indique en quoi consiste son dommage personnel ; de lacirconstance que la situation juridique du demandeur est demeureeinchangee, qu'il est toujours marie avec le partenaire de son choix, queles decisions du defendeur n'ont pas entraine la degradation de ses droitscivils et qu'il n'est nullement indique qu'il aurait pu subir un prejudicemoral ou physique à la suite des declarations, l'arret ne peut legalementdeduire que le demandeur n'a pas subi de dommage ; par ses declarationshomophobes, le defendeur cree un climat hostile à la cause homosexuellequi s'oppose à l'acceptation de cette sexualite et dans lequel ledemandeur, homosexuel, est considere comme inferieur et problematique ; dece fait, le demandeur est expose au mepris public tel qu'il ressort,notamment, d'une lettre anonyme ; enfin, l'arret soumet egalement lesdeclarations du defendeur à la liberte d'expression, sans que ledemandeur ait eu l'occasion d'exprimer son point de vue à ce propos.

6. Le moyen ne precise pas les conditions legales de l'article 21 de laloi du 10 mai 2007 auxquelles la constitution de partie civile dudemandeur satisfait et que l'arret n'examine pas.

Dans cette mesure, le moyen, imprecis, est, partant, irrecevable.

7. Celui qui pretend etre lese par un crime ou un delit, peut seconstituer partie civile, tant devant le juge d'instruction que devant lajuridiction d'instruction, sans, à ce stade de la procedure, devoirprouver le dommage, ni son ampleur ni le lien de causalite avecl'infraction imputee à l'inculpe. Toutefois, pour que la constitutioncivile de la personne qui se pretend lesee soit recevable, celle-ci doitrendre plausible son allegation relative au dommage qu'elle a subi àcause de l'infraction.

8. La juridiction d'instruction decide de maniere souveraine si le dommageque la personne lesee pretend avoir subi est plausible, ce qu'elle peutdeduire de sa constatation que la pretendue personne lesee n'a pas subi oun'a pu subir de dommage des lors que le dommage invoque n'est ni reel nipersonnel. La Cour examine uniquement si la juridiction d'instruction netire pas des faits qu'elle a constates des consequences qui y sontetrangeres ou qui sont inconciliables avec la notion de dommage.

9. L'arret decide :

- en l'espece, le demandeur n'a jamais ete nommement cite ou designe dansles decisions du defendeur ;

- le demandeur n'a donne aucune indications concretes du dommage moral oumateriel reellement subi à titre personnel ni des consequences negativesconcretes qu'il aurait subies au quotidien en raison des propos generauxadoptes par l'inculpe au sujet de l'homosexualite ;

- le sentiment purement subjectif d'etre offense par les propos d'unepersonne ne suffit pas pour conclure au dommage moral ou materiel au senslegal du terme ou pour le rendre plausible.

10. Par ces motifs, l'arret ne tire pas de ses constatations desconsequences qui y sont etrangeres ou qui sont inconciliables avec lanotion de dommage. Il ne se borne pas à verifier les conditions legalesrequises aux articles 443 et 444 du Code penal. Par ces motifs, l'arret,au contraire, decide legalement que le demandeur ne rend pas plausible lefait d'avoir subi reellement et personnellement un prejudice à la suitedes declarations du defendeur.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

11. Les motifs susmentionnes soutiennent la decision de declarer laconstitution de partie civile irrecevable.

Dans la mesure ou il critique l'appreciation que « statuer autrement(...) saperait d'ailleurs la liberte d'expression », le moyen critique unmoyen surabondant et est irrecevable.

12. Pour le surplus, le moyen examine essentiellement les declarationsincriminees du defendeur et precise en quoi consiste le dommagepretendument subi par le demandeur afin d'en deduire que l'arret decide,à tort, qu'il ne rend pas ce dommage plausible.

Ainsi, le moyen critique l'appreciation souveraine en fait du contrairepar l'arret ou impose un examen des faits pour lequel la Cour est sanspouvoir.

Dans cette mesure, le moyen est tout autant irrecevable.

Sur le troisieme moyen :

13. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales,61quinquies, 235 et 235bis du Code d'instruction criminelle : l'arretdecide, à tort, qu'il n'est pas possible d'ordonner des actesd'instructions complementaires dans le cadre de la procedure prevue àl'article 235bis du Code d'instruction criminelle ; l'application de cetarticle et le dessaisissement du juge d'instruction ont prive le demandeurdu droit de consulter le dossier et de la possibilite, conformement àl'article 61quinquies du Code d'instruction criminelle, d'introduire unedemande en vue de la mise en oeuvre d'actes d'instruction, et ce, enmeconnaissance de ses droits de defense, à tout le moins de l'egalite desarmes entre les parties ; en outre, l'application de l'article 235bis duCode d'instruction criminelle n'exclut pas l'application de l'article 235dudit code.

14. L'arret (...) constate que la partie civile a entre-temps pu consulterle dossier.

Dans la mesure ou il allegue que l'application de l'article 235bis du Coded'instruction criminelle a pu priver le demandeur de ce droit deconsultation, le moyen critique cette constatation et est irrecevable.

15. L'arret decide que « des actes d'instruction complementaires (...) ne(peuvent) etre demandes dans le cadre de la procedure en l'espece ».Ainsi, l'arret donne la raison pour laquelle il n'accede pas à la demandedu demandeur que soient ordonnes des actes d'instruction complementaires.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

16. L'article 235bis du Code d'instruction criminelle confere à lachambre des mises en accusation le pouvoir, soit d'office, soit sur larequisition du ministere public ou à la requete des parties, de controlerla regularite de la procedure qui lui est soumise. Cette dispositionlegale ne confere pas à cette juridiction d'instruction le pouvoird'ordonner des mesures d'instruction complementaires dans le cadre decette procedure.

17. La circonstance qu'en application de l'article 235bis du Coded'instruction criminelle, le ministere public a demande à la chambre desmises en accusation de controler la recevabilite de la constitution departie civile, n'empechait pas le demandeur de demander au juged'instruction, en application de l'article 61quinquies du Coded'instruction criminelle, de poser des actes d'instructioncomplementaires. Tant que la chambre des mises en accusation ne s'etaitpas prononcee sur cette recevabilite, le juge d'instruction restait chargede l'affaire et etait, des lors, competent pour statuer sur une telledemande.

18. En outre, la decision de la chambre des mises en accusation dedeclarer la constitution de partie civile irrecevable a rendu sans objetune demande tendant à la mise en oeuvre d'actes d'instructioncomplementaires, à laquelle il n'y avait des lors pas lieu de donnersuite.

19. Il en resulte que l'arret qui decide, en application de l'article235bis du Code d'instruction criminelle, que des actes d'instructioncomplementaires ne peuvent etre demandes dans le cadre de cette procedure,ne meconnait ni les droits de la defense ni l'egalite des armes.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

20. L'arret ne decide pas que l'application de l'article 235bis du Coded'instruction criminelle exclut l'application de l'article 235 dudit code.

Dans la mesure ou il suppose le contraire, le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

* Condamne le demandeur aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president Etienne Goethals, les conseillers PaulMaffei, Geert Jocque, Filip Van Volsem et Alain Bloch et prononce enaudience publique du huit mai deux mille douze par le premier presidentEtienne Goethals, en presence du premier avocat general Marc De Swaef,avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du president de section Paul Maffei ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le president de section,

8 mai 2012 P.11.1814.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.11.1814.N
Date de la décision : 08/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-05-08;p.11.1814.n ?
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