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26/04/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0143.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 avril 2012, C.11.0143.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0143.N

L. L.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. R. K.,

2. R. K.,

3. A. K.,

4. G. K.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 septembre2010 par la cour d'appel d'Anvers.

Le 1er fevrier 2012, l'avocat general Christian Vandewal a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport et l'avocat ge

neralChristian Vandewal a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0143.N

L. L.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. R. K.,

2. R. K.,

3. A. K.,

4. G. K.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 septembre2010 par la cour d'appel d'Anvers.

Le 1er fevrier 2012, l'avocat general Christian Vandewal a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport et l'avocat generalChristian Vandewal a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* article 870 du Code judiciaire ;

* articles 577-2, 815, 882, 1167, 1315, 1319, 1320, 1322, 1349, 1350,1352, 1353, 1382 et 2262bis, S: 1er, du Code civil ;

* article 2262 du Code civil, tel qu'il etait applicable avant lamodification par l'article 4 de la loi du 10 juin 1998 modifiantcertaines dispositions en matiere de prescription ;

* article 1er de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851 formant letitre XVIII du livre III du Code civil ;

* article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositionsen matiere de prescription ;

* principe general du droit « fraus omnia corrumpit » dont lesarticles 6, 1131, 1132, 1133, 1350, 1DEG, et 1167 du Code civilconstituent une application.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir rejete comme non fondes l'appel principal de la demanderesseet l'appel incident, l'arret attaque confirme le jugement dont appeldeclarant notamment non fondee l'action paulienne introduite au nom de lademanderesse du chef de prescription, rec,oit la demande de lademanderesse tendant à la condamnation du premier defendeur au paiementd'une indemnite provisionnelle de 259.916,36 euros et declare cettedemande non fondee, et condamne la demanderesse aux depens de son appel etce, sur la base des motifs suivants :

« 2.1. En degre d'appel, seule l'inopposabilite des actes juridiquessuivants est poursuivie par l'action paulienne :

- l'acte de donation passe devant le notaire Smits à Borgerhout le 28septembre 1992, transcrit au deuxieme bureau de la conservation deshypotheques à Anvers le 20 novembre 1992, volume 11613/10, numero B4.

Par cet acte, les parents K. donnent :

- à leur fils R. (deuxieme defendeur), la nue-propriete des appartementssitues aux premier, deuxieme et troisieme etages de l'immeuble sisTurnhoutsebaan, 22, à Borgerhout ;

- à leur fils A. (troisieme defendeur), la nue-propriete des appartements10 et 12 situes dans l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 69, à Borgerhout ;

- à leur fils G. (quatrieme defendeur), la nue-propriete des appartements6 et 8 situes dans l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 69, à Borgerhout.

Le premier defendeur est intervenu à l'acte et declare avec ses freresavoir connaissance des alienations effectuees et marquer son accord sansaucune reserve. Il est renonce à toute action en reduction ;

- l'acte de donation passe devant le notaire Smits à Borgerhout le 25novembre 1993, transcrit au deuxieme bureau de la conservation deshypotheques à Anvers le 24 decembre 1993, volume 12009/20, numero B3.

Par cet acte, les parents K. donnent :

- à leur fils A. (troisieme defendeur), l'usufruit des appartementssitues aux premier et troisieme etage de l'immeuble sis avenue CamilleHuysmans, 111, à Anvers ;

- à leur petit-fils A., la nue-propriete des appartements situes auxpremier et troisieme etages de l'immeuble sis avenue Camille Huyslmans,111, à Anvers ;

- à leur fils G. (quatrieme defendeur), l'usufruit des appartementssitues aux deuxieme et quatrieme etages de l'immeuble sis avenue CamilleHuysmans, 111, à Anvers ;

- à leurs petits-enfants C. et D. , la nue-propriete des appartementssitues aux deuxieme et troisieme etages de l'immeuble sis avenue CamilleHuysmans, 111, à Anvers ;

- à leur fils R. (deuxieme defendeur), l'usufruit du rez-de-chaussee del'immeuble sis Turnhoutsebaan, 27, à Borgerhout et du studio 1 situe aupremier etage de l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 168, à Borgerhout ;

- à leurs petits-enfants I . D. et P. la nue-propriete du rez-de-chausseede l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 27, à Borgerhout et du studio 1 situeau premier etage de l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 168, à Borgerhout.

Le premier defendeur est intervenu à l'acte et declare avec les autressuccessibles avoir connaissance des alienations effectuees et marquer sonaccord sans aucune reserve. Il est renonce à toute action en reduction ;

- l'acte de donation passe devant le notaire Smits à Borgerhout le 28avril 1995, transcrit au deuxieme bureau de la conservation deshypotheques à Anvers le 23 mai 1995, volume 310/12, numero B2.

Les parents K. donnent :

- à leur fils A. (troisieme defendeur), l'usufruit de l'appartement 7situe au troisieme etage de l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 69, àBorgerhout, ainsi que de l'etage en sous-sol et d'un appartement situe auxpremier et deuxieme etages d'un immeuble sis avenue Houba de Strooper,214, à Bruxelles ;

- à leur petit-fils A, la nue-propriete de l'appartement 7, situe autroisieme etage de l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 69, à Borgerhout, ainsique de l'etage en sous-sol et d'un appartement situe aux premier etdeuxieme etages d'un immeuble sis avenue Houba de Strooper, 214, àBruxelles ;

- à leur fils G. (quatrieme defendeur), la pleine propriete del'appartement situe au rez-de-chaussee d'un immeuble sis avenue Houba deStrooper, 214, à Bruxelles et l'usufruit des appartements situes auxtroisieme et quatrieme etages de ce meme immeuble ;

- à leur petit-fils C., la nue-propriete de l'appartement situe autroisieme etage de l'immeuble sis avenue Houba de Strooper, 214, àBruxelles ;

- à leur petite-fille D., la nue-propriete de l'appartement situe auquatrieme etage de l'immeuble sis avenue Houba de Strooper, 214, àBruxelles.

Les fils (premier et deuxieme defendeurs) sont intervenus à l'acte etdeclarent avec leurs freres avoir connaissance des alienations effectueeset marquer leur accord sans aucune reserve. Il est renonce à toute actionen reduction ;

- l'acte de renonciation passe devant le notaire Smits à Borgerhout le 4juillet 1997, transcrit au deuxieme bureau de la conservation deshypotheques à Anvers le 24 juillet 1997, volume 1038/24, numero B 1.

Par cet acte, les parents K. renoncent à leur usufruit sur :

- les appartements situes aux premier, deuxieme et troisieme etages del'immeuble sis Turnhoutsebaan, 27, à Borgerhout ;

- les appartements 6, 8, 10 et 12 de l'immeuble sis Turnhoutsebaan, 69, àBorgerhout.

2.2. L'action paulienne constitue une application de l'article 1382 duCode civil. Il s'agit, des lors, d'une action personnelle ayant un certaineffet reel mais qui ne constitue pas une action reelle ou mixte.

Des lors que l'action paulienne constitue une application de l'article1382 du Code civil, elle est soumise au double delai de prescription del'article 2262bis, alineas 2 et 3, du Code civil.

La demanderesse est censee avoir connaissance des actes juridiquescontestes des personnes impliquees et du caractere eventuellementfrauduleux et dommageable de ces actes en raison de leur transcriptionobligatoire conformement à l'article 1er de la loi hypothecaire, de sorteque le delai de prescription commence, en principe, à courir à la datede la transcription.

Les actions pauliennes de la demanderesse sont nees et les transcriptionsdes actes juridiques contestes ont ete faites anterieurement à l'entreeen vigueur de la loi du 10 juin 1998, de sorte qu'à titre transitoire,aux termes de l'article 10 de cette loi, le nouveau delai de prescriptionde cinq ans ne commence à courir qu'à partir de son entree en vigueur,le 27 juillet 1998.

Il n'existe aucun acte d'interruption ou de suspension de la prescription.

La prescription etait acquise le 28 juillet 2003 par l'ecoulement d'undelai de cinq ans. Les actions pauliennes de la demanderesse ont eteintroduites le 27 avril 2006 et plus tard, des lors, à un moment ou cesactions etaient dejà prescrites.

En outre, et de maniere surabondante, la demanderesse soutient qu'elleconteste un partage et qu'en vertu de l'article 882 du Code civil,l'action paulienne ne peut etre exercee à l'egard du partage des lors quela demanderesse n'a pas fait opposition prealablement et qu'elle nedemontre pas que le partage semble fictif ou a ete fait de manierefrauduleuse en vue de rendre l'opposition impossible.

2.3. La demanderesse ne demontre pas qu'il existe un motif juridique pourcondamner le premier defendeur à payer une indemnite provisionnelle de259.916,36 euros ».

Griefs

Premiere branche

1. Conformement à l'article 2262bis, S: 1er, du Code civil, toutes lesactions personnelles sont prescrites par dix ans (alinea 1er). Parderogation à l'alinea 1er, toute action en reparation d'un dommage fondeesur une responsabilite extracontractuelle se prescrit par cinq ans àpartir du jour qui suit celui ou la personne lesee a eu connaissance dudommage ou de son aggravation et de l'identite de la personne responsable(alinea 2). Les actions visees à l'alinea 2 se prescrivent en tout caspar vingt ans à partir du jour qui suit celui ou s'est produit le faitqui a provoque le dommage (alinea 3).

Aux termes de la disposition transitoire de l'article 10 de la loi du 10juin 1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescription,lorsque l'action a pris naissance avant l'entree en vigueur de cette loi,les nouveaux delais de prescription qu'elle institue ne commencent àcourir qu'à partir de son entree en vigueur. Toutefois, la duree totaledu delai de prescription ne peut depasser trente ans.

Aux termes de l'article 2262 du Code civil, tel qu'il etait applicableavant sa modification par l'article 4 de la loi du 10 juin 1998 modifiantcertaines dispositions en matiere de prescription, toutes les actions,tant reelles que personnelles, sont prescrites par trente ans.

2. En vertu de l'article 1167 du Code civil, les creanciers peuvent, enleur nom personnel, attaquer les actes faits par leur debiteur en fraudede leurs droits.

Sous l'empire de l'article 2262 du Code civil, tel qu'il etait applicableavant sa modification par la loi du 10 juin 1998, l'action paulienne etaitprescrite par trente ans.

Actuellement, en application de l'article 2262bis, S: 1er, alinea 1er, duCode civil, l'action paulienne, en tant qu'action personnelle, se prescritpar dix ans, comme la demanderesse l'a fait valoir à titre principal dansses conclusions d'appel.

Elle ne constitue, en effet, pas une action en reparation d'un dommagefondee sur une responsabilite extracontractuelle au sens de l'article2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil, mais une action fondee sur leprincipe general du droit « fraus omnia corrumpit » qui vise en premierlieu à rendre inopposable au creancier l'acte fait en fraude de sesdroits.

3. L'arret constate que, par l'action paulienne, la demanderesse visel'inopposabilite de divers actes juridiques datant de la periode de 1992à 1997.

Il decide que l'action paulienne constitue une application de l'article1382 du Code civil soumise en tant que telle au double delai deprescription de l'article 2262bis, S: 1er, alineas 2 et 3, du Code civil.

Apres avoir constate que les actes juridiques contestes sont anterieurs àla loi du 10 juin 1998 et que, conformement aux dispositions transitoiresde la loi du 10 juin 1998, le nouveau delai de prescription ne commence àcourir qu'à partir de l'entree en vigueur de la loi le 27 juillet 1998,il decide que les actions introduites le 27 avril 2006 et plus tard sontprescrites.

En decidant ainsi que l'action paulienne constitue une application del'article 1382 du Code civil et est soumise en tant que telle au doubledelai de prescription de l'article 2262bis, S: 1er, alineas 2 et 3, duCode civil, et non à la prescription decennale de l'article 2262bis, S:1er, alinea 1er, de ce code, l'arret viole les articles 1167, 1382 et2262bis, S: 1er, alineas 1er, 2 et 3, du Code civil, l'article 2262 duCode civil tel qu'il etait applicable avant sa modification par la loi du10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescriptionet l'article 10 de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositionsen matiere de prescription et meconnait le principe general du droit« fraus omnia corrumpit », et n'a des lors pu decider legalement que lesactions pauliennes etaient prescrites (violation des memes dispositionslegales et du meme principe general du droit).

Deuxieme branche

4. Meme s'il fallait admettre que, contrairement à ce qu'invoque lemoyen, en sa premiere branche, l'action paulienne de l'article 1167 duCode civil constitue bien « une action en reparation d'un dommage fondeesur une responsabilite extracontractuelle » au sens de l'article 2262bis,S: 1er, alinea 2, du Code civil, et est, des lors, soumise à laresponsabilite quinquennale, la decision que les actions pauliennes de lademanderesse sont prescrites n'est pas davantage legalement justifiee.

5. Conformement à l'article 2262bis, S: 1er, du Code civil, toutes lesactions personnelles sont prescrites par dix ans (alinea 1er). Parderogation à l'alinea 1er, toute action en reparation d'un dommage fondeesur une responsabilite extracontractuelle se prescrit par cinq ans àpartir du jour qui suit celui ou la personne lesee a eu connaissance dudommage ou de son aggravation et de l'identite de la personne responsable(alinea 2). Les actions visees à l'alinea 2 se prescrivent en tout caspar vingt ans à partir du jour qui suit celui ou s'est produit le faitqui a provoque le dommage (alinea 3).

Aux termes de la disposition transitoire de l'article 10 de la loi du 10juin 1998 modifiant certaines dispositions en matiere de prescription,lorsque l'action a pris naissance avant l'entree en vigueur de cette loi,les nouveaux delais de prescription qu'elle institue ne commencent àcourir qu'à partir de son entree en vigueur. Toutefois, la duree totaledu delai de prescription ne peut depasser trente ans.

Aux termes de l'article 2262 du Code civil, tel qu'il etait applicableavant sa modification par l'article 4 de la loi du 10 juin 1998 modifiantcertaines dispositions en matiere de prescription, toutes les actions,tant reelles que personnelles, sont prescrites par trente ans.

6. En vertu de l'article 1167 du Code civil les creanciers peuvent, enleur nom personnel, attaquer les actes faits par leur debiteur en fraudede leurs droits.

Sous l'empire de l'article 2262 du Code civil, tel qu'il etait applicableavant sa modification par la loi du 10 juin 1998, l'action paulienne etaitprescrite par trente ans.

Dans la mesure ou l'action paulienne est soumise au delai de prescriptionde l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil, le defendeur quisouleve la prescription doit apporter la preuve que le demandeurconnaissait depuis plus de cinq ans avant l'introduction de l'action «ledommage ou son aggravation et l'identite de la personne responsable »,qui constitue le point de depart de la prescription par l'article 2262bis,S: 1er, alinea 2, du Code civil et ce, conformement aux regles de lacharge de la preuve, contenues aux articles 1315 du Code civil et 870 duCode judiciaire.

La connaissance requise «du dommage ou de son aggravation et del'identite de la personne responsable » est une connaissance effectivequi doit etre appreciee concretement.

7. La publicite prescrite par l'article 1er de la loi hypothecaire reglel'opposabilite des droits reels immobiliers resultant des actes transcritsà des tiers qui ont contracte sans fraude et qui sont titulaires dedroits reels concurrents sur le meme bien.

Conformement à l'article 1er, alinea 1er, in fine, de la loihypothecaire, les actes soumis à transcription ne pourront etre opposesaux tiers « qui auraient contracte sans fraude » tant que latranscription n'a pas eu lieu. Il s'agit de tiers dont les droits reelssur les biens concernes pourraient etre leses par lesdits actes. Desqu'ils sont transcrits, les actes sont opposables à chaque personnedisposant d'un droit reel concurrent.

La transcription faite conformement à l'article 1er de la loihypothecaire ne signifie toutefois pas que « chaque personne » connaiteffectivement l'acte ou que « chaque personne » est censee connaitreeffectivement l'acte. L'article 1er de la loi hypothecaire ne contientnullement une presomption legale, au sens des articles 1349, 1350 et 1352du Code civil, de la connaissance de l'acte à compter de latranscription.

8. Lorsque, comme en l'espece, le defendeur invoque la prescription del'action paulienne qui vise l'inopposabilite d'un acte soumis àtranscription, le defendeur doit apporter la preuve que le demandeur avaiteffectivement connaissance depuis plus de cinq ans de l'acte litigieux si,comme en l'espece, le demandeur le conteste. Cette connaissance effectivene peut simplement se deduire de la transcription de l'acte des lorsqu'une presomption legale inexistante serait ainsi admise.

La connaissance effective ne peut pas davantage se deduire au moyen d'unepresomption de fait de la seule transcription des actes litigieux. Ilresulte, en effet, des articles 1349 et 1353 du Code civil que le juge nepeut tirer des faits constates des consequences qui sont sans rapport avecceux-ci ou qui ne peuvent etre legalement justifies sur cette base.

9. L'arret considere toutefois « que la demanderesse est censee avoirconnaissance des actes juridiques attaques, des personnes concernees parceux-ci et du caractere eventuellement frauduleux et dommageable de cesactes juridiques, en raison de leur transcription obligatoire,conformement à l'article 1er de la loi hypothecaire, de sorte que ledelai de prescription commence, en principe, à courir à la date de latranscription ».

En omettant d'examiner, pour apprecier le point de depart du delai deprescription de l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil, laconnaissance effective « des actes juridiques attaques, des personnesconcernees et du caractere eventuellement frauduleux et dommageable de cesactes juridiques », l'arret viole l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, duCode civil et viole la charge de la preuve de la connaissance effectivedes actes juridiques litigieux, des personnes concernees et du caracterefrauduleux et dommageable de ces actes, incombant aux defendeurs(violation des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire)

En conferant à la transcription une presomption legale que l'article 1erde la loi hypothecaire ne contient pas, l'arret viole l'article 1er de laLoi hypothecaire et les articles 1349, 1350 et 1352 du Code civil.

En deduisant à tout le moins de la seule constatation de fait que lesactes litigieux ont ete transcrits que la demanderesse « est censee avoirconnaissance des actes juridiques litigieux des personnes concernees et ducaractere eventuellement frauduleux et dommageable de ces actesjuridiques », l'arret deduit une consequence impossible à justifier etviole, des lors, la notion legale de presomption de fait (violation desarticles 1349 et 1353 du Code civil).

L'arret n'a des lors pu legalement decider qu'en l'espece, le delai deprescription quinquennal a pris cours à la date de la transcription desactes litigieux et que l'action paulienne de la demanderesse, introduitele 27 avril 2006 est prescrite en application de la dispositiontransitoire de la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions enmatiere de prescription, et de l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, duCode civil (violation des articles 1167, 2262bis, S: 1er, alinea 2, duCode civil, de l'article 2262 du Code civil, tel qu'il etait applicableavant sa modification par l'article 4 de la loi du 10 juin 1998 modifiantcertaines dispositions en matiere de prescription et de l'article 10 decette meme loi). (...)

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. La demande visee à l'article 1167 du Code civil tend à la reparationdu dommage cause au creancier par l'appauvrissement frauduleux dudebiteur. Cette action paulienne est soumise aux delais de prescription del'article 2262bis, S: 1er, alineas 2 et 3 du Code civil.

Le moyen qui, en cette branche, est fonde sur un soutenement juridiquedifferent, manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

2. Conformement à l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil, lesactions en reparation d'un dommage fondee sur une responsabiliteextracontractuelle se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suitcelui ou la personne lesee a eu effectivement connaissance du dommage.

Il ressort de la genese de cette disposition que le legislateur a fixe lepoint de depart de la prescription au jour ou la personne lesee a eueffectivement connaissance du dommage et non au jour ou elle doit etrepresumee en avoir eu connaissance.

3. En vertu de l'article 1er de la loi hypothecaire, les actes vises parcette disposition sont opposables aux tiers à partir de leurtranscription sur un registre à ce destine au bureau de la conservationdes hypotheques. Il resulte de la transcription que les tiers ayant undroit litigieux ne peuvent plus invoquer leur bonne foi à partir de cemoment-là.

4. Il ressort de ces dispositions qu'il ne resulte pas de la transcriptionde l'acte que quiconque a la connaissance requise par l'article 2262bis,S: 1er, alinea 2, du Code civil à partir du moment de la transcription.

5. Il resulte de ce qui precede que le delai de prescription d'une actionpaulienne exercee contre un acte qui a ete transcrit sur le registre dubureau de la conservation des hypotheques ne commence pas à courir par lesimple fait de la transcription de cet acte.

6. En considerant que la prescription de l'action paulienne de lademanderesse a pris cours à compter de la transcription des actesconformement à l'article 1er de la loi hypothecaire des lors que lademanderesse connaissait à partir de ce moment les actes juridiquesattaques, les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, les conseillers EricStassijns, Alain Smetryns, Koen Mestdagh et Geert Jocque, et prononce enaudience publique du vingt-six avril deux mille douze par le president desection Eric Dirix, en presence de l'avocat general Dirk Thijs, avecl'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president,

26 avril 2012 C.11.0143.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0143.N
Date de la décision : 26/04/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-04-26;c.11.0143.n ?
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