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24/04/2012 | BELGIQUE | N°P.12.0064.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 avril 2012, P.12.0064.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.12.0064.N

J.-P. D.,

inculpe,

demandeur,

Me Dirk Bu:tzler, avocat au barreau de Bruxelles et Me Fernand Moeykens,avocat au barreau de Bruges.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 6 decembre 2011 par la courd'appel de Gand, chambre des mises en accusation.

Le demandeur presente deux moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller Luc Van hoogenbemt a fait rapport.

Le premier avocat general Marc D

e Swaef a conclu.

II. La decision de la Cour

Sur le premier moyen

3. Le moyen invoque la violation des article...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.12.0064.N

J.-P. D.,

inculpe,

demandeur,

Me Dirk Bu:tzler, avocat au barreau de Bruxelles et Me Fernand Moeykens,avocat au barreau de Bruges.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 6 decembre 2011 par la courd'appel de Gand, chambre des mises en accusation.

Le demandeur presente deux moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller Luc Van hoogenbemt a fait rapport.

Le premier avocat general Marc De Swaef a conclu.

II. La decision de la Cour

Sur le premier moyen

3. Le moyen invoque la violation des articles 8 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 15 et 29de la Constitution, ainsi que la meconnaissance des principes generaux dudroit relatif au respect des droits de la defense et du droit à un procesequitable : la requisition complementaire du procureur du Roi d'Ypres du30 juin 2010 tendait à ordonner « une instruction complementaire en cequi concerne le role [du demandeur] et à effectuer à cette fin tous lesactes d'instruction necessaires à la decouverte des circonstances reellesdes faits, notamment : delivrer un mandat de perquisition à l'adresse [dudemandeur] » ; « le role [du demandeur] » n'est pas precise, nidavantage ce qu'il y a lieu d'entendre par « l'adresse [dudemandeur] » ; cependant, le demandeur a son domicile officiel et soncabinet d'avocat à une seule et meme adresse, mais dans des piecesseparees ; un mandat aussi vague et general, sur la base duquel le juged'instruction a procede à une perquisition le 8 juillet 2010, n'a pasrespecte le principe de proportionnalite ; l'avis du batonnier, qui decidedes pieces couvertes par le secret professionnel qui sont ou non àsaisir, n'a ete demande qu'apres la perquisition proprement dite ; le juged'instruction qui a saisi l'ensemble des pieces n'a pas tenu compte del'avis negatif du batonnier et n'a pas motive la raison pour laquelle il apourtant procede à la saisie ; de nouveau, le principe deproportionnalite n'a ainsi pas ete respecte et les juges d'appel n'ont paslegalement justifie leur decision de ne pas ecarter et de ne pas restituerles pieces illegalement saisies lors de la perquisition.

4. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales dispose que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privee et familiale, deson domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingerence d'une autorite publique dans l'exercice(de ce droit) que pour autant que cette ingerence est prevue par la loi etqu'elle constitue une mesure qui, dans une societe democratique, estnecessaire à la securite nationale, à la surete publique, au bien-etreeconomique du pays, à la defense de l'ordre et à la prevention desinfractions penales, à la protection de la sante ou de la morale, ou àla protection des droits et libertes d'autrui. »

L'article 15 de la Constitution dispose que le domicile est inviolable ;aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prevus parla loi et dans la forme qu'elle prescrit.

En vertu de l'article 29 de la Constitution, le secret des lettres estinviolable.

5. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales requiert que toute ingerence des autorites dans ledroit au respect de la vie privee et la vie familiale, notamment uneperquisition, soit prevue par une disposition legale suffisamment precise,qu'elle corresponde à une necessite sociale imperative et qu'elle soitproportionnee à l'objectif legal poursuivi.

L'exigence de previsibilite à laquelle doit satisfaire la loi pour etreconforme à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales implique que sa formulation soitsuffisamment precise pour que, dans les circonstances donnees, toutindividu puisse prevoir, dans une mesure raisonnable, les consequencesd'un acte determine.

6. L'intervention du juge d'instruction, qui est un magistrat impartial etindependant, constitue une garantie du respect des conditions auxquellesest soumise une atteinte à l'inviolabilite du domicile, qui est garantiepar les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales et 15 de la Constitution.

L'article 87 du Code d'instruction criminelle dispose que le juged'instruction se transportera, s'il en est requis, et pourra meme setransporter d'office dans le domicile de l'inculpe, pour y faire laperquisition des papiers, effets, et generalement de tous les objets quiseront juges utiles à la manifestation de la verite.

Suivant l'article 88 de ce code, le juge d'instruction pourra pareillementse transporter dans les autres lieux ou il presumerait qu'on aurait cacheles objets dont il est parle dans l'article 87 precite.

L'obligation speciale de motivation, prevue à l'article 89bis, alinea 2,du Code d'instruction criminelle, ne concerne que la delegation du pouvoird'effectuer une perquisition.

Pour le surplus, une ordonnance de perquisition est regulierement motiveelorsque les mentions qu'elle contient fournissent à celui chez qui laperquisition est effectuee suffisamment d'elements sur les poursuites àl'origine de l'operation, de maniere à ce qu'il puisse en verifier lalegalite. Une perquisition qui est effectuee par un juge d'instruction enpersonne est reguliere, lorsque celui chez qui la perquisition esteffectuee est suffisamment informe, meme oralement, des poursuites àl'origine de la perquisition. Le moyen ne presente pas de critique à cetegard.

7. La regularite d'une perquisition ne depend pas du fait de savoir sielle a ou non ete requise par le ministere public et, le cas echeant, dela maniere dont cette requisition a ete definie. Pour que le juged'instruction puisse effectuer ou faire effectuer une perquisition, ilsuffit qu'il ait ete saisi de la cause et qu'il suppose qu'à l'endroitqu'il designe, l'on puisse trouver des elements utiles à la manifestationde la verite.

En tant qu'il soutient que la perquisition effectuee serait irregulierepour manque de precision à cet egard dans la requisition complementairedu 30 juin 2010 tendant à ordonner une instruction complementaire, lemoyen ne peut etre accueilli.

8. Le secret professionnel auquel l'article 458 du Code penal soumetl'avocat repose sur la necessite d'assurer une securite totale à ceux quilui confient leurs secrets, mais ni ledit article, ni l'article 8 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales n'interdisent la saisie et l'utilisation par un juged'instruction de pieces qui concernent les activites suspectes de l'avocatet qui perdent ainsi le caractere confidentiel qu'elles pourraient, le casecheant, revetir.

9. La presence du batonnier ou d'un membre du Conseil de l'ordre qu'il adesigne, lors d'une perquisition dans le cabinet d'un avocat, constitue unusage constant.

Le batonnier ou la personne designee par celui-ci doit veiller à ce quel'instruction et la saisie eventuelle ne concernent pas des piecesauxquelles s'applique le secret professionnel. Il prendra connaissance despieces que le juge d'instruction souhaite examiner ou saisir et donnerason avis sur ce qui releve ou non du secret professionnel. Le juged'instruction n'est pas lie par le point du vue du batonnier et decide enderniere instance si un document est saisi ou non.

En tant qu'il se fonde sur une autre conception juridique, le moyen manqueen droit.

10. Les juges d'appel ont souverainement constate et considere que

* une instruction complementaire à charge du demandeur, qui est avocat,a ete requise le 30 juin 2010 ;

* la perquisition a ete effectuee chez le demandeur le 8 juillet 2010par le juge d'instruction, en personne en presence du batonnier ;

* le demandeur est un inculpe ;

* du fait que l'avocat meme est suspecte d'une infraction, les pieces etdocuments susceptibles d'etre pris en consideration comme moyen depreuve de ladite infraction perdent leur caractere confidentiel etpeuvent faire l'objet d'une saisie ;

* le secret professionnel ne s'etend pas aux faits qui, en raison deleur illegalite, sont directement contraires à l'exercice de laprofession d'avocat et à ses objectifs legitimes ;

* il ressort du proces-verbal de la perquisition que le demandeurallegue, à tort, que le juge d'instruction n'a pas pris de decisionen ce qui concerne les pieces que le batonnier avait considerees commecouvertes par le secret professionnel.

Par ces motifs, les juges d'appel ont legalement justifie leur decision.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

(...)

Sur l'examen d'office de la decision :

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Etienne Goethals, les conseillers LucVan hoogenbemt, Filip Van Volsem, Alain Bloch et Antoine Lievens, etprononce en audience publique du vingt-quatre avril deux mille douze parle president de section Etienne Goethals, en presence du premier avocatgeneral Marc De Swaef, avec l'assistance du greffier Kristel VandenBossche.

Traduction etablie sous le controle du president de section Frederic Closeet transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le president de section,

24 avril 2012 P.12.0064.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.12.0064.N
Date de la décision : 24/04/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-04-24;p.12.0064.n ?
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