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20/04/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0103.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2012, C.10.0103.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1611



NDEG C.10.0103.F

V. E. & P., anciennement denommee V., societe anonyme,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

1. J. H.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election

de domicile,

2. T. W.,

defendeur en cassation,

en presence de

1. A. L.,

2. T. V.,

parties appelees en declara...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1611

NDEG C.10.0103.F

V. E. & P., anciennement denommee V., societe anonyme,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

1. J. H.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

2. T. W.,

defendeur en cassation,

en presence de

1. A. L.,

2. T. V.,

parties appelees en declaration d'arret commun.

NDEG C.10.0612.F

S. F. d. V.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. G. Z.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

2. G.Z., societe privee à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à La Hulpe, chemin du Gros Tienne, 10,

defenderesse en cassation,

3. R. D.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

en presence de

1. A. L.,

2. T. V.,

3. J. H.,

4. V. E. & P., anciennement denommee V., societe anonyme,

5. T. W.,

6. H. P.,

7. SOGESCAM, societe privee à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Rixensart (Genval), avenue Albert 1er, 28,

8. B. D.,

parties appelees en declaration d'arret commun.

NDEG C.11.0205.F

G. Z.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

B. D.,

defendeur en cassation,

en presence de

1. A. L.,

2. T. V.,

3. J. H.,

4. V. E. & P., anciennement denommee V., societe anonyme,

5. T. W.,

6. H. P.,

7. SOGESCAM, societe privee à responsabilite limitee dont le siege socialest etabli à Rixensart (Genval), avenue Albert 1er, 28,

8. R. D.,

9. S. F. d. V.,

parties appelees en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 10septembre 2009 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 19 mars 2012, l'avocat general Thierry Werquin a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.10.0103.F,la demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 17 et 18 du Code judiciaire ;

- articles 1121, 1165 et 1615 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare irrecevable la demande en garantie de la demanderessecontre les defendeurs.

Il justifie cette decision par tous ses motifs reputes ici integralementreproduits et en particulier par les motifs suivants :

« Les [defendeurs], que la [demanderesse] a cites en intervention etgarantie, invoquent l'irrecevabilite de ces demandes en soulignant :

- que la [demanderesse] n'avait aucun interet personnel, ne et actuel àles citer en cette qualite (le 11 decembre 1992), alors qu'aucune demanden'avait ete formee contre elle, à l'epoque, par monsieur V.,

- et que, par ailleurs, la [demanderesse] a transmis à ce dernier tousles accessoires de la vente par application de l'article 1615 du Codecivil et n'a plus elle-meme qualite pour former un recours contre legeometre et l'architecte, ce droit d'action ayant ete transfere àmonsieur V.

La cour [d'appel] ne peut partager l'opinion [des defendeurs] sur lepremier point.

Dans un litige complexe mettant en cause tous les proprietaires voisins,ainsi que leurs vendeurs, leurs architectes, geometres et notaires, il nepeut etre reproche à la [demanderesse] d'etre intervenue volontairementet d'avoir attrait à la cause ses cocontractants, des lors que saresponsabilite (en tant que vendeur) et celles des professionnels auxquelselle avait fait appel dans l'oeuvre constructive ne manqueraient pasd'etre recherchees par son acquereur et ses voisins directs.

Elle avait donc interet tant pour intervenir volontairement que pour citer[les defendeurs] en intervention forcee.

Par contre, la seconde objection est fondee.

Des lors qu'elle a vendu le terrain et l'immeuble qui y est erige, la[demanderesse] a transmis à son acquereur, monsieur V., tous lesaccessoires de la vente, parmi lesquels figurent les recours contre lescocontractants de la [demanderesse], soit le geometre et l'architecte [icidefendeurs].

Elle avait donc perdu la qualite requise pour citer ceux-ci enintervention en vue de rechercher leur responsabilite sur une basecontractuelle.

Il resulte de ces motifs que la demande en intervention et garantie formeepar la [demanderesse] contre [les defendeurs] est irrecevable ».

Griefs

Premiere branche

Il resulte des articles 17 et 18 du Code judiciaire qu'une demande enjustice est recevable si son auteur demontre qu'il a l'interet et laqualite requis, au sens de ces dispositions, pour la formuler.

La qualite est, lorsque l'action est intentee par la personne qui pretendetre titulaire du droit substantiel, le titre juridique en vertu duquelcette personne agit en justice, c'est-à-dire le lien de droit existantentre elle et l'objet de sa demande, et etant le droit subjectif qu'elleallegue. L'existence du droit invoque par le demandeur n'est, par contre,pas une condition de recevabilite de son action mais une condition de sonfondement. Si le droit invoque n'existe pas, le juge declare, pour cemotif, l'action non fondee.

Il resulte de l'arret, d'une part, que la demanderesse avait interet, ausens de l'article 17 du Code judiciaire, à formuler une demande engarantie contre ses cocontractants des lors que, dans un litige complexemettant en cause tous les proprietaires voisins, ainsi que leurs vendeurs,leurs architectes, geometres et notaires, sa responsabilite, en tant quevendeur, et la responsabilite des professionnels auxquels elle avait faitappel dans l'oeuvre constructive, ne manqueraient pas d'etre rechercheespar son acquereur et ses voisins directs.

Il resulte de l'arret, d'autre part, que la demanderesse pretendait agircontre ses cocontractants, etant [les defendeurs], sur la base de laconvention conclue avec eux, afin de mettre en cause leur responsabilite,à la suite des fautes commises par eux, lesquelles fautes lui ont causeun dommage. En realite, la demanderesse pretendait etre titulaire d'undroit subjectif, de nature contractuelle, lui permettant d'etre indemniseedu dommage qu'elle invoquait.

Sa qualite de proprietaire anterieur, susceptible d'etre invoquee parl'acquereur et son voisin direct en raison de la construction effectueesur la propriete du voisin direct, justifiait en consequence l'interet dela demanderesse de former sa demande en garantie à l'egard de ceux quietaient mis en cause comme responsables de la construction effectuee,etant l'architecte et le geometre, conformement au contrat qui regissaitleurs relations.

L'arret declare cette demande en garantie irrecevable. Il considere que ledemandeur n'a pas qualite pour formuler sa demande, en vue de rechercherla responsabilite [des defendeurs] sur une base contractuelle, des lorsqu'il n'etait plus, depuis la vente du terrain et de l'immeuble qui y esterige, titulaire du droit qu'elle entend voir reconnu, des lors que, parce contrat de vente, elle a transmis à son acquereur, monsieur V., tousles accessoires de la vente, parmi lesquels figurent les recours contreles cocontractants de la [demanderesse], soit le geometre et l'architecte[ici defendeurs]. Il declare irrecevable la demande pour des motifs liesau fond de la pretention de la demanderesse. En realite, celui qui sepretend titulaire d'un droit subjectif, et dans le chef duquel le jugeconstate l'existence d'un interet à agir, a necessairement la qualiterequise pour formuler sa demande. La constatation qu'il seraiteffectivement titulaire de ce droit est une question de fond, independantede la question de la recevabilite de la demande formulee.

En consequence, l'arret, qui declare une demande irrecevable au motif quela demanderesse ne serait pas la titulaire du droit qu'elle invoque, violel'article 17 du Code judiciaire.

Deuxieme branche

L'article 1615 du Code civil dispose que l'obligation de delivrer la chosecomprend ses accessoires et tout ce qui a ete destine à son usageperpetuel. Les accessoires de la chose sont tous les elements materiels oujuridiques quelconques qu'il faut considerer comme indivisibles ouinseparables de la chose.

Un acheteur n'a d'autres droits, à l'encontre de toutes autres personnesque son vendeur, que des droits derives de son titre de propriete. Cetitre ne lui accorde, par lui-meme, aucune action contre le geometre oul'architecte qui ont implante de maniere erronee l'immeuble vendu.

L'accessoire dont il est question en l'espece est le recours dirige par lademanderesse contre ses cocontractants, etant les defendeurs, visant àmettre en cause leur responsabilite en raison de l'implantation erronee del'immeuble vendu.

Le droit de creance possede par la demanderesse à l'egard de sescocontractants, en raison de la faute que ceux-ci ont commise, n'est pasinherent au bien vendu mais resulte de la relation contractuelle entre cesparties. En consequence, un tel droit de creance n'est pas un accessoiretransmis par la vente.

Il ne resulte pas davantage du contrat de vente conclu entre lademanderesse et monsieur V., acheteur, qu'une telle action aurait eteexplicitement transmise à titre d'accessoire.

Enfin, meme si ce recours etait considere comme un accessoire transmis parla vente, encore faut-il admettre que le vendeur ne perd pas la faculted'exercer une telle action, des lors qu'elle presente pour lui un interetdirect et certain.

Il est en effet constant que le transfert des droits propter rem n'a lieuque pour autant que l'acquereur ait un interet à devenir creancier à laplace du vendeur et à la mesure de cet interet. Inversement, le vendeurconserve son droit dans la mesure ou il a interet à l'exercer.

La constatation de l'existence d'un tel interet resulte de l'arret, quideclare fonde un recours en garantie formule par l'acheteur V. contre levendeur, etant la demanderesse. Dans la mesure ou la responsabilite de lademanderesse, pour avoir vendu une maison construite pour partie sur leterrain d'autrui, est etablie, elle a manifestement interet à agir contrele geometre et l'architecte charges de l'implantation et de laconstruction pour obtenir à son tour leur garantie.

L'arret, apres avoir constate que la [demanderesse] à interet à citer[les defendeurs] « des lors que sa responsabilite (en tant que vendeur)et celle des professionnels auxquels elle avait fait appel dans l'oeuvreconstructive ne manqueraient pas d'etre recherchee par son acquereur etses voisins directs », et qu'un tel recours en responsabilite formule parl'acquereur est, en realite, fonde, decide que, « des lors qu'elle avendu le terrain et l'immeuble qui y est erige, la [demanderesse] atransmis à son acquereur, monsieur V., tous les accessoires de la vente,parmi lesquels figurent les recours contre les cocontractants de la[demanderesse], soit le geometre et l'architecte [ici defendeurs] ».

Ce faisant, l'arret, qui considere que, bien que la demanderesse disposed'un interet à formuler une telle demande en garantie contre sescocontractants, elle ne peut formuler cette demande des lors qu'elleaurait transmis son action à l'acquereur de son bien, à titred'accessoire de la chose vendue, alors qu'une telle action n'est pasinherente à l'objet vendu, qu'elle n'a pas ete explicitement transfereepar le contrat de vente et qu'elle presente un interet pour le vendeur,viole l'article 1615 du Code civil.

En effet, l'arret n'a pu, sans violer cette disposition, considerer enmeme temps que la demanderesse est tenue de garantir monsieur V. contreles consequences dommageables de l'implantation erronee de l'immeuble quia fait l'objet de la convention de vente intervenue entre eux et luicontester le droit d'exercer l'action lui permettant d'etre garantie parceux qui ont implante l'immeuble et qui sont, à son sens, responsables dece dommage.

Troisieme branche

L'article 1165 du Code civil dispose que les conventions n'ont d'effetqu'entre les parties contractantes, qu'elles ne nuisent point au tiers etqu'elles ne lui profitent que dans le cas prevu par l'article 1121, etantl'hypothese de la stipulation pour autrui. Conformement à cettedisposition, un tiers à une relation contractuelle ne peut se prevaloirdes effets internes d'un contrat. Il peut, par contre, se prevaloir del'existence de ce contrat.

Dans les circonstances de la cause, le defendeur en responsabilite,celle-ci etant relative à la construction d'un immeuble sur un terrainvoisin, n'a, en regle, pas le droit d'exciper du manque de qualite dudemandeur, que celui-ci soit le vendeur ou l'acquereur du terrain et del'immeuble. Il ne lui appartient pas davantage de deduire le manqued'interet du vendeur du fait qu'il ne serait plus le proprietaire du bien.

Ce faisant, il se prevaudrait, en violation de l'article 1165 du Codecivil, des effets d'un contrat entre le vendeur et l'acheteur, alors que,contrairement au fait de l'existence du contrat, ses consequences internesne le regardent pas. Seul un cocontractant peut s'en prevaloir.

En l'espece, l'arret accueille expressement une exception d'irrecevabilitesoulevee par des tiers au contrat de vente, etant [les defendeurs], etdeduite de ce contrat.

Ce faisant, l'arret viole l'article 1165 du Code civil.

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.10.0612.F,le demandeur presente trois moyens dans la requete jointe au present arreten copie certifiee conforme.

A l'appui du pourvoi inscrit au role general sous le numero C.11.0205.F,le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 544 et 1382 du Code civil

Decisions et motifs critiques

Apres avoir considere que les recours des parties appelees en declarationd'arret commun L. et V., du defendeur et du demandeur etaient fondes surla base de l'article 544 du Code civil et de la theorie des troubles devoisinage en raison de l'empietement de leurs fonds respectifs, l'arretdecide que ces empietements donnent lieu à reparation integrale au profitdes voisins leses, aux motifs que :

« Il n'est, en effet, pas contestable que les empietements successifsconstituent des voies de fait qui sont source d'importants troubles devoisinage, excedant tres largement la mesure admissible et donnant lieu auprofit des voisins leses à compensation.

Ce mode de reparation, s'il porte un nom specifique à cette matiere - quiparait a priori le distinguer de la reparation integrale dont la chargepese sur l'auteur fautif d'un dommage - n'implique cependant aucuneconsequence restrictive quant à l'indemnisation du proprietaire lese.

La juste compensation due au proprietaire victime d'un trouble devoisinage doit retablir celui-ci dans l'integralite de ses droits et deses interets leses.

A la difference des hypotheses de rupture excessive d'equilibre devant lescharges publiques imputables aux pouvoirs publics, il n'y a pas lieu,entre particuliers, d'amputer le droit à une reparation integrale duproprietaire victime du trouble pour le reduire à celle, partielle, duseul prejudice qui excederait les troubles admissibles en la matiere.

Entre particuliers, proprietaires voisins, des que le caractere excessifdu trouble est etabli, ce qui est bien le cas en l'espece, la totalite dudommage doit etre reparee ».

Sur le fondement de ces motifs, l'arret « dit l'appel (du defendeur)fonde dans la mesure ci-apres : declare sa demande originairepartiellement fondee à l'egard (du demandeur), en consequence, condamnecelui-ci à racheter (au defendeur), par l'entremise d'un notaire de leurchoix, la parcelle irregulierement annexee, au prix à convenir entre euxou, à defaut, au prix actuel d'un terrain à batir de ce lotissement,ainsi qu'à supporter tous les frais en resultant (vente et mises enconformite administrative et urbanistique), le condamne aux depens desdeux instances (du defendeur), liquide ceux-ci à 5.000 euros par instanceet 186 euros (requete d'appel) ».

Griefs

L'article 544 du Code civil reconnait à tout proprietaire le droit dejouir normalement de sa chose.

Le proprietaire d'un immeuble qui, par un fait, une omission ou uncomportement quelconque, rompt l'equilibre entre les proprietaires enimposant à un proprietaire voisin un trouble excedant la mesure desinconvenients ordinaires du voisinage, lui doit une juste et adequatecompensation, retablissant l'egalite rompue.

Cette juste compensation est destinee à retablir l'egalite rompue par untrouble non fautif et ne s'identifie pas avec la reparation integrale àlaquelle a droit la victime d'un comportement fautif, la qualite del'auteur du trouble etant à cet egard sans incidence.

L'arret considere que la juste et adequate compensation « n'impliquecependant aucune consequence restrictive quant à l'indemnisation duproprietaire lese », que « la juste compensation (...) doit retablircelui-ci dans l'integralite de ses droits et de ses interets leses » etqu' « entre particuliers, proprietaires voisins, des que le caractereexcessif du trouble est etabli (...), la totalite du dommage doit etrereparee ».

En decidant que la victime d'un trouble de voisinage a droit à lareparation integrale du prejudice subi et non du seul prejudice quiexcederait les troubles admissibles, l'arret n'est pas legalement justifie(violation de l'article 544 du Code civil et, pour autant que de besoin,de l'article 1382 du Code civil).

III. La decision de la Cour

Les pourvois etant diriges contre le meme arret, il y a lieu de lesjoindre.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.11.0205.F :

L'article 544 du Code civil reconnait à tout proprietaire le droit dejouir normalement de sa chose.

Le proprietaire d'un immeuble qui, par un fait, une omission ou uncomportement quelconque, rompt l'equilibre entre les proprietes enimposant à un proprietaire voisin un trouble excedant la mesure desinconvenients ordinaires du voisinage lui doit une juste et adequatecompensation, retablissant l'egalite rompue.

S'agissant de compenser une rupture d'equilibre, cette disposition legalene permet d'indemniser que ce qui excede la limite des inconvenientsnormaux.

Pour condamner le demandeur à acheter au defendeur la parcelleirregulierement annexee, l'arret considere que « la juste compensationdue au proprietaire victime d'un trouble de voisinage » n'implique« aucune consequence restrictive quant à l'indemnisation du proprietairelese », qu'elle « doit retablir celui-ci dans l'integralite de sesdroits et de ses interets leses, qu'à la difference des hypotheses derupture excessive d'equilibre devant les charges publiques imputable auxpouvoirs publics, il n'y pas lieu, entre particuliers, d'amputer le droità une reparation integrale du proprietaire victime du trouble pour lereduire à celle, partielle, du seul prejudice qui excederait les troublesadmissibles en la matiere et que, entre particuliers, proprietairesvoisins, des que le caractere excessif du trouble est etabli [...], latotalite du dommage doit etre reparee ».

Ainsi l'arret viole l'article 544 precite.

Le moyen est fonde.

Sur l'etendue de la cassation :

L'arret considere que « les terrains et immeubles que se sont appropriesles parties Z. [demandeur] (ou plutot F. d. V., [partie appelee endeclaration d'arret commun sub 9]), D. [defendeur] (P. et Sogescam,[parties appelees en declaration d'arret commun sub 6 et 7]), [et] V.(societe anonyme V.) [parties appelees en declaration d'arret commun sub 2et 4] ne correspondent pas aux indications figurant dans les actesnotaries etablis lors de l'acquisition des differents terrains ; qu'il enest de meme des references cadastrales et des prescriptions du lotissementdont les parcelles faisaient et font toujours partie ; qu'il y a lieu demettre la situation de fait, qui sera consacree en droit par la passationdes actes authentiques de vente des parcelles concernees, en concordanceavec les normes administratives et urbanistiques en vigueur et lesdocuments qui les constatent ».

L'arret en deduit qu' « il conviendra [...] d'etablir et de transcrire denouveaux actes de vente consacrant les transferts de propriete immobilierequi doivent intervenir, qu'un nouveau plan de lotissement devra egalementetre etabli et soumis à la commune, que des permis de regularisation adhoc devront etre obtenus et qu'il conviendra egalement de verifier que lebornage corresponde aux terrains nouvellement configures et de l'opererconformement aux limites nouvelles consacrees par les actes de vente àetablir et le permis de lotir rectifie ».

Il s'ensuit que le litige entre le demandeur, le defendeur et les partiesV. et L., appelees en declaration d'arret commun sub 1 et 2, presente uncaractere indivisible, en sorte que la cassation de la decision relativeà la demande dirigee contre le demandeur par le defendeur doit s'etendreaux decisions relatives aux demandes formees contre le defendeur par lapartie V. et contre cette derniere par la partie L.

La cassation s'etend, en outre, aux decisions relatives aux actionsincidentes et en garantie formees contre les parties appelees endeclaration d'arret commun sub 4, 6, 7 et 9, qui sont la suite despremieres decisions.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.10.0103.F :

Sur le premier moyen :

Quant à la deuxieme branche :

L'article 1615 du Code civil dispose que l'obligation de delivrer la chosecomprend ses accessoires et tout ce qui a ete destine à son usageperpetuel.

Des lors que la transmission des droits etroitement lies au bien vendus'opere en raison de l'interet qu'ils representent pour l'acheteur, cettedisposition n'exclut pas que le vendeur puisse exercer ces droits quandleur exercice conserve pour lui un interet.

L'arret constate que « la demande de monsieur V. [a pour objet] lagarantie contre toute condamnation [qu'il] doit subir au profit demonsieur L. ».

Il releve que « les [defendeurs], que la [demanderesse] a cites enintervention et garantie, invoquent l'irrecevabilite de ces demandes ensoulignant [...] que [...] la [demanderesse] a transmis à [monsieur V.]tous les accessoires de la vente par application de l'article 1615 du Codecivil et n'a plus elle-meme qualite pour former un recours contre legeometre et l'architecte, ce droit d'action ayant ete transfere àmonsieur V. ».

Alors qu'il decide que la demanderesse « avait [...] interet [...] pourciter [les defendeurs] en intervention » en vue de rechercher leurresponsabilite sur une base contractuelle, des lors que, « dans un litigecomplexe mettant en cause tous les proprietaires voisins, ainsi que leursvendeurs, leurs architectes, geometres et notaires, [...] [la]responsabilite de [la demanderesse] (en tant que vendeur) et celles desprofessionnels auxquels elle avait fait appel dans l'oeuvre constructivene manqueraient pas d'etre recherchees par son acquereur et ses voisinsdirects », l'arret, qui considere que, « des lors qu'elle a vendu leterrain et l'immeuble qui y est erige, la [demanderesse] a transmis à sonacquereur [...] tous les accessoires de la vente, parmi lesquels figurentles recours contre les cocontractrants de la [demanderesse], soit legeometre [...] et l'architecte », de sorte qu' « elle avait [...] perdula qualite requise pour citer ceux-ci en intervention en vue de rechercherleur responsabilite sur une base contractuelle », ne justifie paslegalement sa decision que « la demande en intervention et garantieformee par la [demanderesse] contre [le geometre] et [l'architecte] estirrecevable ».

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.

Sur le pourvoi inscrit au role general sous le numero C.10.0612.F :

Sur le troisieme moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par le troisieme defendeur etdeduite de ce qu'il est nouveau :

N'est en principe pas nouveau le moyen qui critique un motif que ladecision attaquee donne de sa decision.

Le moyen critique le motif de l'arret qui, pour dire non fondee la demandeen garantie du demandeur contre le troisieme defendeur, considere que« le seul grief qui pourrait [...] etre adresse [à ce defendeur] [...]ne peut pas etre legitimement formule par [le demandeur] ».

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

L'arret considere que « le seul grief qui pourrait [...] etre adresse au[troisieme defendeur est] de ne pas avoir attire l'attention [dudemandeur] sur la difference de contenance mentionnee dans le compromispar rapport à celle qui figurait dans l'acte authentique du 10 novembre1989 » et que « ce reproche ne peut pas etre legitimement formule par[le demandeur] qui etait parfaitement au courant de cette divergence ».

L'arret, qui, pour exclure que le troisieme defendeur ait commis unefaute, met celui-ci hors de cause pour des motifs deduits de ce que ledemandeur a lui-meme commis une faute, viole les articles 1382 et 1383 duCode civil.

Le moyen est fonde.

La cassation de la decision disant la demande en garantie non fondees'etend à celle par laquelle l'arret dit cette demande recevable et nonprescrite.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au role general sous les numeros C.10.0103.F,C.10.0612.F et C.11.0205.F ;

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il declare recevables les appelsprincipaux des parties L., H., P., societe Sogescam et D. et les appelsincidents des parties W. et V. et qu'il statue sur la demande en garantiede G. Z. contre R. D. et sur les depens de cette demande ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Sylviane Velu, Alain Simon et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique duvingt avril deux mille douze par le president Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| S. Velu | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

20 AVRIL 2012 C.10.0103.F

C.10.0612.F

C.11.0205.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0103.F
Date de la décision : 20/04/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-04-20;c.10.0103.f ?
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