Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.10.2021.N
I
1. J. S.,
2. K. S.,
prevenus,
demandeurs,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME,
partie civile,
defendeur.
II
G. S.,
prevenu,
demandeur,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME,
partie civile,
defendeur.
I. La procedure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 17 novembre2010 par la cour d'appel d'Anvers.
Les demandeurs I presentent trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le conseiller Paul Maffei a fait rapport.
L'avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. La decision devant la Cour
(...)
Sur le troisieme moyen des demandeurs I.1 et I.2 et le moyen du demandeurII :
Quant à la premiere branche :
9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 149 de laConstitution, 42, 1DEG, et 505 du Code penal : l'arret fonde le constat dela provenance illegale des fonds faisant l'objet des actes de blanchimentdeclares etablis sur la constatation que ces fonds, d'une part, sont tiresd'un trafic d'etres humains et, d'autre part, constituent les "revenusillegaux d'Indiens residant en Belgique" ; à cet egard, l'arret considereque les fonds faisant l'objet de la prevention de blanchiment declareeetablie dans le chef des demandeurs sont des avantages patrimoniauxillegaux, etant donne qu'il s'agit de revenus illegaux tires d'uneoccupation illegale ; l'arret suppose erronement que tous les revenustires d'une occupation illegale sont ipso facto des avantages patrimoniauxillegaux ; les motifs de l'arret attaque ne permettent pas de verifierdans quelle mesure les juges d'appel ont considere les fonds faisantl'objet des infractions de blanchiment declarees etablies soit comme desavantages patrimoniaux illegaux tires du trafic d'etres humains, soitcomme des avantages patrimoniaux illegaux tires d'une occupation illegale.
10. Les infractions de blanchiment visees à l'article 505, alinea 1er,3DEG et 4DEG, du Code penal concernent les biens vises à l'article 42,3DEG, du meme code, à savoir les avantages patrimoniaux tires directementde l'infraction, les biens et valeurs qui leur ont ete substitues et auxrevenus de ces avantages investis.
11. Pour declarer une personne coupable du chef d'infraction à l'article505, alinea 1er, 3DEG et 4DEG, du Code penal, il faut que la provenance oul'origine illegale des choses soit etablie. Il n'est pas requis que lejuge connaisse l'infraction precise, à la condition que, sur la base desdonnees de fait, il puisse exclure toute provenance ou origine legale.
12. Les revenus obtenus par un travailleur residant illegalement dans lepays et provenant d'une occupation illegale ne constituent pasnecessairement des avantages patrimoniaux illegaux. Les revenus tires decet emploi ne sont, des lors, pas necessairement des avantagespatrimoniaux tires directement d'une infraction.
13. L'arret declare les demandeurs coupables du chef des faits qualifiessous la prevention II.a), deuxieme et troisieme tirets, en la causeportant le numero de notice 55.F1.1797/07 (infraction visee à l'article505, alinea 1er, 3DEG et 4DEG, du Code penal), sur la base de laconstatation "que l'argent transfere de Belgique en Inde via le systemeHawala sont des revenus illegaux d'Indiens residant illegalement enBelgique et des produits du trafic d'etres humains". Il conclut àl'illegalite des revenus precites au motif "que les revenus en questiontires d'une occupation illegale (...) concernent des avantagespatrimoniaux tires directement d'une infraction, meme si cette infractionn'est punissable que dans le chef de l'employeur. De plus, lestravailleurs concernes resident illegalement dans le pays".
14. Ces motifs ne permettent pas de determiner dans quelle mesure l'arretconsidere que les fonds faisant l'objet des infractions de blanchimentdeclarees etablies sont tires du trafic punissable d'etres humains oud'une occupation illegale. Ainsi, la declaration de culpabilite du chef dela prevention II.a), deuxieme et troisieme tirets, en la cause portant lenumero de notice 55.F1.1797/07, n'est pas regulierement motivee.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
(...)
Par ces motifs
La Cour
Casse l'arret attaque en tant qu'il:
- declare les demandeurs coupables du chef des preventions II.a), deuxiemeet troisieme tirets, en la cause portant le numero de notice55.F1.1797/07 ;
- les condamne à une peine et au paiement d'une somme à titre decontribution ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne les demandeurs à la moitie des frais et laisse l'autre moitie àcharge de l'Etat.
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Gand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Etienne Goethals, les conseillers PaulMaffei, Geert Jocque, Filip Van Volsem et Antoine Lievens, et prononce enaudience publique du trois avril deux mille douze par le president desection Etienne Goethals, en presence de l'avocat general PatrickDuinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Paul Maffei ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
3 avril 2012 P.10.2021.N/5