La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2012 | BELGIQUE | N°P.11.1750.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 mars 2012, P.11.1750.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.11.1750.N

C. S.,

* prevenue et partie civile,

* demanderesse,

* Me Raf Verstraeten, Me Patrick Hofstro:ssler et Me Benjamin Gillard,avocats au barreau de Bruxelles,

contre

1. P. B.,

2. M. S.,

prevenus,

defendeurs.

I. la procedure devant la Cour

IV. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 14 septembre 2011 parla cour d'appel de Gand, premiere chambre, statuant en matierecorrectionnelle.

V. La demanderesse invoque trois moyens dans un memoire annexe a

u presentarret, en copie certifiee conforme.

VI. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

VII. L'avocat general Marc Timper...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.11.1750.N

C. S.,

* prevenue et partie civile,

* demanderesse,

* Me Raf Verstraeten, Me Patrick Hofstro:ssler et Me Benjamin Gillard,avocats au barreau de Bruxelles,

contre

1. P. B.,

2. M. S.,

prevenus,

defendeurs.

I. la procedure devant la Cour

IV. Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 14 septembre 2011 parla cour d'appel de Gand, premiere chambre, statuant en matierecorrectionnelle.

V. La demanderesse invoque trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

VI. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

VII. L'avocat general Marc Timperman a conclu.

II. la decision de la Cour

Sur l'exception fondee sur les principes generaux du droit relatifs àl'independance et à l'impartialite du juge :

1. La demanderesse allegue que, dans le cadre de la procedure presenteedevant la Cour, elle n'a pas la garantie qu'il puisse etre statue en sacause par une instance independante et impartiale. Pour la demanderesse etl'opinion publique, il existe une apparence objective de parti pris et departialite empechant la poursuite de l'instruction de la cause par laCour. A l'appui de cette affirmation, la demanderesse soutient qu'avanttoute decision sur le fond et donc egalement avant l'instruction de lacause par la Cour, elle a ete, à diverses reprises et publiquement,designee coupable par son premier president Ghislain Londers, du chefd'une pretendue violation du secret professionnel et de la meconnaissancede la presomption d'innocence.

Des lors qu'aucun membre de la Cour ne peut statuer sur une eventuelledemande de recusation et que les dispositions relatives à la procedure derenvoi d'un tribunal à un autre ne sont pas applicables à la Cour,celle-ci ne peut, par definition, pas reparer la violation de l'article 6de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales et la meconnaissance du principe de l'impartialiteobjective. La demanderesse demande ainsi à la Cour de constaterl'impossibilite dans laquelle elle se trouve de statuer en la cause avecl'impartialite et l'independance requises et, conformement à l'article 6de la Convention, et de transmettre la cause au parquet general afind'agir comme de droit.

Si la Cour ne devait pas acceder à sa demande de renoncer àl'instruction de la cause, la demanderesse invite la Cour à poser à laCour constitutionnelle la question prejudicielle suivante : « Lesarticles 542 à 552 du Code d'instruction criminelle, lus en combinaisonavec l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales et avec le principe general du droit relatif audroit à un proces equitable, violent-ils les articles 10 et 11 de laConstitution, en ce que, dans une procedure penale, en cas de suspicionlegitime à l'egard de la Cour de cassation, le prevenu se trouve dansl'impossibilite d'engager la procedure de renvoi d'un tribunal à un autrevisee aux articles 542 à 552 du Code d'instruction criminelle ou uneprocedure similaire, alors que la procedure de renvoi d'un tribunal à unautre est neanmoins possible en cas d'une suspicion legitime à l'egardd'une cour d'assises, d'une cour d'appel, d'un tribunal correctionnel etd'un tribunal de police ? »

2. L'article 6.1 de la Convention dispose que toute personne a droit à ceque sa cause soit entendue par un tribunal independant et impartial quidecidera du bien-fonde de toute accusation en matiere penale dirigeecontre elle.

Les conditions d'independance et d'impartialite du juge sont intimementliees. Pour apprecier l'impartialite objective du juge, les garanties deson independance individuelle peuvent entrer en ligne de compte.

3. Jusqu'à preuve du contraire, le juge est presume statuer de maniereimpartiale, independante et sans prejuge.

4. Pour apprecier s'il existe des raisons legales de douter del'impartialite objective d'une juridiction ou de ses membres, laconviction qu'une partie dit avoir sur ce point peut etre prise enconsideration. Cette conviction ne constitue cependant pas un critereexclusif. Il est determinant à cet egard que la crainte d'un examenpartial de la cause soit justifiee objectivement.

5. En vertu de l'article 151, S: 1er, de la Constitution, le juge estindependant dans l'exercice de ses competences juridictionnelles.

Les magistrats d'une juridiction ne sont donc pas soumis, dans l'exercicede leurs competences juridictionnelles, à l'autorite hierarchique de leurchef de corps, mais statuent en toute independance.

6. La circonstance que le premier president de la Cour alors en fonctionait pu viole la presomption d'innocence de la demanderesse par le biaisd'une lettre adressee au president de la Chambre des representants et pardes declarations faites en commission d'enquete parlementaire et qu'il sesoit en outre pose en representant du pouvoir judiciaire et de la Cour,n'implique donc pas qu'aupres de la demanderesse, elle-meme magistrate, etde l'opinion publique soit creee objectivement l'apparence que les membresde la chambre de la Cour appeles à statuer sur son pourvoi, ne puissentplus se prononcer de maniere impartiale et independante.

L'exception soulevee par la demanderesse est rejetee.

7. La question prejudicielle est deduite de la premisse inexacte que laCour n'est apparemment pas en mesure de se prononcer de maniere impartialeen la cause.

Par consequent, la question n'est pas posee.

Sur le premier moyen :

8. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 14 duPacte international relatif aux droits civils et politiques et 149 de laConstitution, ainsi que la meconnaissance des principes generaux du droitrelatif au respect des droits de la defense, du droit à l'examen de lacause par un tribunal independant et impartial et de la presomptiond'innocence en considerant que :

- la demanderesse n'a pas fait usage des procedures de recusation prevuespar la loi ;

- elle n'a pas invoque que la cour d'appel a viole la presomptiond'innocence ;

- d'eventuelles violations de la presomption d'innocence peuvent donnerdroit à des dommages et interets ;

- une eventuelle violation de la presomption d'innocence par des tiersautres que la cour d'appel ne doit pas, en principe, entrainerl'irrecevabilite de l'action publique ;

- tel serait uniquement le cas si la violation avait eu une influenceintolerable sur la cour d'appel, celle-ci n'ayant pu conclure, lors sonappreciation des faits mis à charge, qu'à une declaration deculpabilite ;

- la cour d'appel ne s'estime nullement tenue par les declarations et lesecrits du premier president de la Cour à la suite de l'affaire diteFortis ;

- en principe, les magistrats doivent etre consideres comme etantimpermeables aux idees vehiculees par les declarations publiques desparties, de tiers concernes, de simples tiers ou des medias,

l'arret viole la signification et la portee du principe de l'impartialiteobjective ; compte tenu des circonstances concretes de la cause, il nepeut, dans le chef du juge penal, exister la moindre apparence departialite objective (premiere branche) ; l'arret ne repond pas à ladefense invoquee dans les conclusions de la demanderesse concernant laviolation de l'impartialite objective, mais se borne à refuter lescriteres propres au principe de l'impartialite subjective (secondebranche).

9. Pour apprecier s'il existe des raisons legitimes de douter del'impartialite objective d'une juridiction et de ses membres, laconviction qu'une partie dit avoir sur ce point peut etre prise enconsideration. Cette conviction ne constitue cependant pas un critereexclusif. Il est determinant à cet egard que la crainte d'un examenpartial de la cause soit justifiee objectivement.

Lors de l'examen de la justification objective de l'apparence departialite invoquee, il peut etre tenu compte de l'impact qu'ont eu lescirconstances dont est deduite cette apparence, sur le deroulement de laprocedure penale.

10. Par les motifs :

- que la violation de la presomption d'innocence invoquee par lademanderesse n'a pas eu une influence intolerable sur la cour d'appel ;

- que la cour n'est nullement tenue par les declarations et les ecrits dupremier president de la Cour de cassation ;

- que les magistrats doivent, en principe, etre impermeables auxdeclarations publiques faites en cette cause par les parties, et les tiersconcernes ou non, ou aux idees vehiculees par les medias ;

- qu'une violation de la presomption d'innocence de la demanderesse pardes tiers autres que la cour d'appel, n'empeche pas la tenue d'un procesequitable devant cette juridiction,

en declarant que l'apparence de partialite dans le chef des juges d'appeln'existe pas, l'arret ne viole ni la signification ni la portee duprincipe de l'impartialite objective et il repond à la defense de lademanderesse sur ce point.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

11. Pour le surplus, le moyen est dirige contre des motifs surabondants etest, par consequent, irrecevable.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

12. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 6.1 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la meconnaissance du principe general du droitrelatif au respect des droits de la defense : l'arret fonde la declarationde culpabilite de la demanderesse à tout le moins de maniere determinantesur les declarations qu'elle a faites sans qu'elle ait ete informee de sondroit au silence des le debut des auditions concernees ; l'information queles declarations peuvent etre utilisees comme preuve legale ne constituepas une information suffisante relative à son droit au silence.

13. L'arret ne decide pas seulement que la reference à l'article 47bis duCode d'instruction criminelle implique un devoir d'information, maisconstate egalement qu'au cours de l'audition, aucune pression n'a eteexercee sur les suspects, que, compte tenu de leurs libres allees etvenues, ils avaient eu en fait le droit de consulter un avocat et ajoutequ'un co-prevenu a declare savoir qu'il pouvait se taire.

Ainsi, la cour d'appel a pu decider, compte tenu de la communication viseeà l'article 47bis precite et des autres elements avances, que les droitsde defense de la demanderesse n'avaient pas ete violes.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

14. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1 et6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la violation des droits de la defense : l'arretfonde la declaration de culpabilite de la demanderesse, exclusivement, ouà tout le moins de maniere determinante, sur ses propres declarationsfaites en l'absence et sans l'assistance d'un avocat et alors qu'elle setrouvait en position vulnerable.

15. Il ne ressort ni de l'arret ni du moyen, en cette branche, que lademanderesse a ete reconnue coupable sur la base des declarations faitesau cours d'une periode de privation de liberte.

16. Dans la mesure ou il oblige la Cour à verifier les circonstances danslesquelles les declarations ont ete faites, le moyen, en cette branche,requiert un examen des faits pour lequel elle est sans pouvoir.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

17. Dans la mesure ou il est deduit de la conception juridique erroneequ'il ne peut y avoir d'audition au cours de l'information sansl'assistance d'un avocat, le moyen, en cette branche, manque en droit.

Sur le troisieme moyen :

Quant aux premiere et deuxieme branches :

18. Le moyen, en ces branches, invoque la violation des articles 149 de laConstitution et 458 du Code penal : l'arret decide, à tort, que le faitde transmettre un projet de texte d'une partie de l'arret en vue d'unerevision linguistique à un magistrat emerite releve, par nature, dusecret professionnel de la demanderesse ; ainsi, l'arret viole la porteedu secret professionnel protege penalement ; un projet de texte d'un arretnon signe ni prononce par des juges ne represente pas plus qu'un documentde travail informel et prive, denue de toute pertinence (premierebranche) ; l'arret decide, à tort, que le fait de transmettre un projetde texte d'une partie d'un arret à un magistrat emerite, ce dernier ayantainsi pu prendre connaissance du point de vue personnel concernant lacause à examiner, releve, par nature, du secret professionnel de lademanderesse ; ainsi, l'arret viole la portee du secret professionnelprotege penalement ; ce secret professionnel ne s'etend qu'aux secretsconfies au depositaire de ce secret, mais ne vise pas le point de vuepersonnel du juge en cours de delibere (deuxieme branche).

19. L'article 458 du Code penal punit les personnes depositaires, par etatou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas ou ilssont appeles à rendre temoignage en justice ou devant une commissiond'enquete parlementaire et celui ou la loi les oblige à faire connaitreces secrets, les auront reveles.

Hormis les exceptions legalement prevues, les juges doivent conserver lesecret du delibere auquel ils ont pris part. L'inobservation de ce devoirde confidentialite est sanctionnee par l'article 458 du Code penal.

Les projets de decision rediges et les points de vue adoptes par les jugesconcernant la decision à prendre relevent du secret du delibere, memes'ils n'ont pas encore ete collegialement tenus en delibere.

Le moyen, en ces branches, qui est deduit d'une autre conceptionjuridique, manque, dans cette mesure, en droit.

20. En considerant que le fait de transmettre à un magistrat emerite unprojet de texte d'une partie d'un arret redige par la demanderesse en vued'une revision linguistique et de faire part à ce magistrat du point devue personnel adopte par la demanderesse en cours de delibere, releve deson secret professionnel, l'arret justifie legalement sa decision.

Dans cette mesure, le moyen, en ces branches, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

21. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 149 dela Constitution et 458 du Code penal : l'arret decide, à tort, que latransmission par la demanderesse d'elements de l'affaire Fortis à unmagistrat emerite n'etait pas necessaire à l'exercice d'une missionconfidentielle et que la communication du projet de texte impliquait uneviolation du secret professionnel ; l'intervention de tiers ne doit pasetre necessaire ; il suffit que cette intervention soit uniquement denature à contribuer à atteindre l'objectif, à savoir le prononce d'unarret ; ainsi, l'arret viole les notions de secret professionnel et desecret professionnel partage.

22. Quiconque est tenu au secret professionnel n'enfreint pas l'article458 du Code penal s'il communique des informations relevant du secretprofessionnel à des tiers mus par le meme objectif et pour le compte dumeme mandant et si cette communication est par ailleurs necessaire etpertinente dans le cadre de la mission du depositaire du secret.

23. Le juge apprecie souverainement si la communication d'informationsrelevant du secret professionnel est necessaire et pertinente dans lecadre de la mission du depositaire du secret.

La Cour verifie uniquement si le juge ne tire pas de ses constatations desconsequences sans lien avec elles ou qu'elles ne peuvent justifier.

24. Dans la mesure ou il critique l'appreciation en fait par la courd'appel du caractere necessaire de la communication à un tiers ourequiert de la Cour une appreciation en fait, le moyen, en cette branche,est irrecevable.

25. En considerant qu'il ne peut s'agir d'un secret professionnel ditpartage ou confie parce que la transmission d'elements de l'affaire Fortispar la demanderesse n'etait absolument pas necessaire pour exercer samission confidentielle, à savoir l'examen, le delibere et l'elaborationd'un projet de decision, l'arret justifie legalement sa decision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Le controle d'office

26. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

* Condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiler Pierre Cornelis, faisant fonction de president, lepresident de section Frederic Close, les conseillers Filip Van Volsem,Alain Bloch et Peter Hoet et prononce en audience publique du treize marsdeux mille douze par le conseiller Pierre Cornelis, en presence del'avocat general Marc Timperman, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

13 mars 2012 P.11.1750.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.11.1750.N
Date de la décision : 13/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-03-13;p.11.1750.n ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award