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08/03/2012 | BELGIQUE | N°C.11.0124.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 mars 2012, C.11.0124.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0124.N

CITY MOTORS GROUP sa,

Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,

contre

CITROEN BELUX sa,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 novembre2010 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 8 fevrier 2012, l'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport et l'avocat general GuyDubrulle a ete entendu en se

s conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0124.N

CITY MOTORS GROUP sa,

Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,

contre

CITROEN BELUX sa,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 novembre2010 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 8 fevrier 2012, l'avocat general Guy Dubrulle a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport et l'avocat general GuyDubrulle a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 19, 23 à 28, 584 et 1039 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir, comme en premiere instance, declare le contrat de concessionresilie au prejudice de la demanderesse, l'arret attaque rejette lademande de dommages-interets introduite par la demanderesse contre ladefenderesse, y compris les dommages-interets resultant de la manierefautive dont la defenderesse a poursuivi l'execution provisoire du contratsur ordre du juge des referes, et ce aux motifs suivants :

37. C'est des lors à juste titre et valablement que la defenderesse aresilie le contrat de concession existant entre les parties en applicationde l'article XVIII du contrat du 13 mai 2003.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que le premier juge a rejete lesdemandes de la demanderesse en paiement d'indemnites fondees sur lesarticles 2 et 3 de la loi du 27 juillet 1961.

Des lors que la cour decide au fond que la defenderesse a valablement misfin à la concession le 1er juin 2004, cette derniere ne peut pasdavantage etre condamnee à l'indemnisation du dommage que la demanderessepretend avoir subi en raison de la fac,on dont l'execution de laconcession s'est poursuivie apres cette date, sur ordre du president dutribunal statuant en refere.

La poursuite de l'execution du contrat a ete expressement demandee par lademanderesse et contestee par la defenderesse, de sorte que lademanderesse ne peut pretendre qu'elle y a ete forcee.

La defenderesse n'a en tout cas commis aucune faute qui justifieraitl'attribution d'une quelconque indemnite.

(...) »

Griefs

Premiere branche

1. L'article 584 du Code judiciaire confere au president statuant enrefere la competence de statuer au provisoire dans les cas dont ilreconnait l'urgence. Conformement à l'article 1039 du meme code, lesordonnances sur refere ne portent pas prejudice au principal et elles sontexecutoires par provision.

Les ordonnances du juge des referes, destinees à regler la situation desparties dans l'attente d'une decision sur le fond, beneficient pour cetteperiode et dans les limites de la mesure imposee, d'une certaine autoritede chose jugee et passent en force de chose jugee lorsqu'elles ne sontplus susceptibles d'opposition ou d'appel (articles 19 et 23 à 28 du Codejudiciaire).

La circonstance que les ordonnances sur refere ne se prononcent pas surles droits materiels contestes entre les parties ne porte, en effet, pasprejudice à l'existence de la mesure provisoire imposee et donc àl'obligation d'executer cette mesure durant la periode pour laquelle ellea ete prise.

Si la decision sur le fond de la cause est de nature à mettre fin auxmesures qui reglaient provisoirement la situation, elle ne peut pasannuler retroactivement l'existence de l'ordonnance sur refere pour laperiode pour laquelle elle etait rendue.

Il s'ensuit que si l'ordonnance sur refere donne l'ordre à une partie auproces de poser un acte determine et que celle-ci n'a pas execute cetacte, causant ainsi un dommage à la partie adverse, cette derniere peutinvoquer l'existence de l'ordonnance sur refere pour obtenir uneindemnisation du dommage qu'elle a subi du chef de l'inexecution.

2. En l'espece, il est incontestablement etabli que, par ordonnance du 24juin 2004, le president du tribunal a ordonne la poursuite du contrat deconcession dans l'attente d'une decision rendue par le juge du fond sur lavalidite du preavis porte à la connaissance de la demanderesse par ladefenderesse le 1er juin 2004.

La defenderesse devait correctement executer cette ordonnance. Lacirconstance que les juges d'appel ont finalement decide sur le fond quela defenderesse avait valablement resilie le contrat le 1er juin 2004 neporte pas atteinte à cette obligation.

C'est, des lors, à tort que l'arret attaque considere que « ladefenderesse ne peut pas davantage etre condamnee à indemniser le dommageque la demanderesse pretend avoir subi en raison de la fac,on dontl'execution de la concession s'est poursuivie apres cette date, sur ordredu president du tribunal statuant en refere ».

3. L'arret attaque meconnait ainsi l'autorite (limitee) et la force dechose juge de l'ordonnance sur refere du 24 juin 2004 et viole, des lors,les articles 19, 23 à 28, 584 et 1039 du Code judiciaire.

(...)

Second moyen

Dispositions legales violees

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 19, 23 à 28, 584 et 1039 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir, comme en premiere instance, declare le contrat de concessionresilie au prejudice de la demanderesse, l'arret attaque accueille engrande partie la demande reconventionnelle de la defenderesse encondamnant la demanderesse au remboursement des sommes que la defenderesselui avait payees sur la base des ordonnances de refere, fixees à unmontant total de 1.861.648,53 euros, majore des interets depuis le 7 juin2010, et ce aux motifs suivants :

« En ce qui concerne la demande reconventionnelle de la defenderesse,c'est à juste titre que le premier juge a dit pour droit que le contratde concession du 13 mai 2003 a ete valablement resilie le 1er juin 2004aux torts de la demanderesse et qu'il a pris fin le 1er juin 2004, desorte qu'il ne doit plus etre poursuivi par la defenderesse.

La defenderesse demande aussi le remboursement des provisions qu'elle a dupayer en vertu des ordonnances de refere precitees. Dans la procedure enrefere, il a, en effet, ete expressement decide qu'il s'agissait deprovisions sur ce que le juge du fond accorderait et que rien n'empechaitque la demande de la demanderesse soit rejetee sur le fond, avec laconsequence que les provisions accordees devraient etre restituees (...).

En tout cas, ensuite de sa decision actuelle sur le fond, la cour d'appeldoit faire cesser l'effet de la mesure ordonnee en refere et restaurer lasituation anterieure.

Les provisions payees representent un montant total en principal de450.000 euros plus 1.411.648,53 euros, ce qui n'est pas conteste par lademanderesse.

(...). »

Griefs

(...)

Seconde branche

1. En l'espece, il est incontestable que, par ordonnance du 24 juin 2004,le president du tribunal a ordonne la poursuite de l'execution du contratde concession dans l'attente d'une decision du juge du fond sur lavalidite du conge porte à la connaissance de la demanderesse par ladefenderesse le 1er juin 2004.

Dans une procedure de refere consecutive, ayant abouti à un arret de lacour d'appel de Bruxelles du 30 aout 2006, un montant provisionnel de450.000 euros a ete accorde à la demanderesse, et un expert a ete designeen vue de la determination d'une eventuelle indemnite provisionnellemensuelle. D'autres ordonnances sur refere ont suivi qui ont accorde desprovisions supplementaires à la demanderesse.

Il est vrai que, par une serie de considerations, l'arret du 30 aout 2006affirme que « l'accueil de la demande de la demanderesse s'impose afind'ecarter tout risque pour sa societe et que la satisfaction de cettedemande ne porte pas prejudice à la cause meme », que « l'allocationd'un montant ne vaut qu'à titre de provision et que, meme si l'intentionen est qu'ulterieurement le juge du fond n'accorde pas moins que le jugedes referes, rien n'empeche que ce dernier rejette la demande, avec laconsequence que la provision accordee doive etre restituee ».

Ces motifs sont suivis de considerations sur le litige proprement dit aufond, à savoir la question si la resiliation du contrat par ladefenderesse le 1er juin 2004 etait valable ou non. L'arret termine samotivation en considerant que « dans ce raisonnement, il n'y a pas lieude supposer que la demanderesse n'obtiendra pas d'indemnite en raison duconge qui lui a ete signifie le 1er juin 2004 ».

Toutefois, l'arret rendu en refere constate, en outre, que « lademanderesse invoque aussi que la defenderesse n'a pas donne suite demaniere correcte à l'ordre du juge des referes de poursuivre lesrelations, ce qui a entraine sa situation penible ».

Apres avoir repete que la defenderesse n'a, en effet, pas respecte l'ordredonne en refere et apres avoir affirme que « la meconnaissance d'un ordrejudiciaire est egalement fautive et constitue un fondementd'indemnisation », l'arret considere que « la demanderesse a, des lors,etendu sa demande à l'indemnisation du dommage subi en raison de lacontinuation de l'exploitation à perte de la concession ».

C'est donc sur la base d'une double serie de motifs, d'une part des motifsrelatifs à une indemnite pour cause de resiliation illegale du contrat deconcession et, d'autre part, des motifs relatifs à une indemnisation dudommage resultant d'une execution foutive de l'ordre de continuationprovisoire des relations commerciales, que l'arret rendu en refere decided'accorder une provision de 450.000 euros à la demanderesse et dedesigner un expert en vue de determiner des indemnites provisoiressupplementaires, qui ont finalement ete accordees par des ordonnancesconsecutives.

2. Il suit de l'autorite - il est vrai limitee - et de la force de chosejugee des ordonnances de refere que seule la partie des provisionsrelative à l'indemnite pour cause de resiliation du contrat de concessiondoit etre remboursee par la demanderesse.

La partie des provisions qui a trait à des dommages-interets pour causede meconnaissance de l'ordre donne en refere de continuer provisoirementle contrat demeure, par contre, acquise à la demanderesse. En deciderautrement reviendrait à annuler retroactivement l'ordonnance de refere etdonc à meconnaitre son autorite (limitee) et sa force de chose jugee.

3. En l'espece, l'arret attaque decide que la demanderesse doit rembourserà la defenderesse la somme totale des provisions obtenues en refere.

L'arret fonde cette decision sur la consideration que « dans la procedureen refere il a, en effet, ete expressement decide qu'il s'agissait deprovisions sur ce qu'accorderait le juge du fond et que rien n'empechaitque la demande de la demanderesse soit rejetee sur le fond, avec laconsequence que les provisions accordees devraient etre restituees(...) ».

Dans la mesure ou l'arret attaque considere, ainsi, que l'arret rendu enrefere le 30 aout 2006 n'accordait des provisions que sur l'indemnite pourcause de resiliation illegale du contrat, ce qui relevait du litige aufond proprement dit, l'arret attaque se fonde sur une lecture incompletede l'arret rendu en refere.

Il ressort, en effet, de l'analyse precitee de l'arret rendu en refere queles provisions accordees ont egalement trait à une indemnite pour caused'inexecution par la defenderesse de la mesure de poursuite provisoire desrelations commerciales ordonnee en refere.

4. En omettant de lire cet aspect des provisions accordees en refere dansl'arret du 30 aout 2006, l'arret attaque viole la foi due à l'arret renduen refere et viole, des lors, les articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

1. En vertu de l'article 24 du Code judiciaire, toute decision definitivea, des son prononce, autorite de chose jugee.

En vertu de l'article 26 du Code judiciaire, l'autorite de la chose jugeesubsiste tant que la decision n'a pas ete infirmee.

2. En vertu de l'article 584, alinea 1er, du Code judiciaire, le presidentdu tribunal de premiere instance statue au provisoire dans les cas dont ilreconnait l'urgence, en toutes matieres, sauf celles que la loi soustraitau pouvoir judiciaire.

En vertu de l'article 1039, alinea 1er, du Code judiciaire, lesordonnances sur refere ne portent pas prejudice au principal.

3. Il ressort des dispositions precitees que, des que le juge du fond arendu une decision contraire relative aux droits contestes, la decision derefere perd de plein droit son effet.

La decision du juge des referes produit, ainsi, son effet jusqu'à ladecision contraire du juge du fond et sans que cette derniere decision aitun effet retroactif sur la decision de refere.

Le non-respect de la decision de refere jusqu'à la decision contraire dujuge du fond peut donner lieu à des dommages-interets, dans la mesure oule dommage est la consequence specifique de l'inexecution de la decisionjudiciaire de refere en tant que telle et pas du non-respect des droitsallegues par le demandeur en refere, dont les pretentions ont etedeclarees non fondees par le juge du fond.

4. Les juges d'appel ont considere que la defenderesse avait valablementresilie la concession le 1er juin 2004 et qu'elle ne pouvait etrecondamnee pour ce motif à indemniser le dommage que la demanderessepretendait avoir subi en raison de la fac,on dont l'execution de laconcession s'etait poursuivie apres cette date, sur ordre du president dutribunal statuant en refere.

Ils ont ainsi considere que le dommage allegue par la demanderessen'entrait pas en ligne de compte pour des dommages-interets au motif qu'iletait la consequence du mode d'execution de la concession apres la date àlaquelle elle avait ete valablement resiliee et non de l'inexecution de ladecision de refere en tant que telle.

5. Par ces considerations, les juges d'appel n'ont meconnu ni l'autoritede chose jugee de la decision de refere ni sa force de chose jugee.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

(...)

Sur le second moyen :

(...)

Quant à la seconde branche :

10. Les juges d'appel n'ont pas considere que l'arret du 30 aout 2006accordait des provisions en raison de la resiliation illegale du contratde concession exclusive et non à cause du non-respect de l'ordre donnepar le president du tribunal de poursuivre le contrat de concession.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, president, le president desection Albert Fettweis, les conseillers Alain Smetryns, Koen Mestdagh etGeert Jocque, et prononce en audience publique du huit mars deux milledouze par le president de section Eric Dirix, en presence de l'avocatgeneral Guy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,

8 mars 2012 C.11.0124.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0124.N
Date de la décision : 08/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-03-08;c.11.0124.n ?
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