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02/03/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0685.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mars 2012, C.10.0685.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1068



NDEG C.10.0685.F

1. J. H. et

2. S. L.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

P. K.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

en presence de


D. J., avocat, agissant en qualite de tuteur ad hoc de B. H.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devan...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1068

NDEG C.10.0685.F

1. J. H. et

2. S. L.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

P. K.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

en presence de

D. J., avocat, agissant en qualite de tuteur ad hoc de B. H.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 juin 2010 parla cour d'appel de Liege.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 318, S: 1er, tel qu'il a ete remplace par la loi du 1er juillet2006, et S: 2, tel qu'il a ete modifie par la loi du 27 decembre 2006 ettel que son alinea 2 existait avant son abrogation par la loi du 27decembre 2006, 331nonies et 2229 du Code civil ;

- article 25, S: 1er, de la loi du 1er juillet 2006 modifiant desdispositions du Code civil relatives à l'etablissement de la filiation etaux effets de celle-ci ;

- principe general du droit selon lequel les effets de la personnalite nepeuvent remonter à la conception de l'enfant que dans l'interet decelui-ci ;

- articles 725, 1DEG, et 906 du Code civil faisant application duditprincipe.

Decisions et motifs critiques

L'arret « dit l'action introduite par la citation du 27 juillet 2007recevable et fondee ; dit l'action en contestation de paternite basee surle nouvel article 318 du Code civil fondee ; dit que [le demandeur] n'estpas le pere biologique de l'enfant B., S., P., de sexe masculin, ne à ...le 24 janvier 2004 (acte de naissance de cette ville nDEG 7), et qu'il y alieu d'y substituer la paternite [du defendeur], ne à Liege le 7 aout1970 ; dit qu'en consequence, cet enfant mineur d'age ne pourra porter lenom [du demandeur], à la famille duquel il ne peut appartenir ; dit qu'enapplication de l'article 333 du Code civil, le dispositif du present arretsera transcrit, lorsqu'il sera passe en force de chose jugee, dans lesregistres de l'etat civil du premier district de Bruxelles et que mentionen sera faite en marge de l'acte de naissance de l'enfant, et condamne les(demandeurs) aux depens des deux instances non liquides dans le chef [dudefendeur] ».

L'arret fonde ces decisions, en ce qui concerne la recevabilite del'action, sur les motifs suivants :

« Fin de non-recevoir tiree de la possession d'etat

[Le defendeur] n'est pas recevable à agir si l'enfant a la possessiond'etat à l'egard du mari de la mere.

Les [demandeurs] soutiennent que l'enfant B. beneficie à l'egard [dudemandeur] d'une possession d'etat continue et depourvue de caractereequivoque, de sorte que l'action n'est pas recevable.

La possession d'etat est le fait pour un individu de porter le nom decelui dont on le dit issu, le fait pour un parent de traiter une personnecomme son enfant et le fait d'etre considere dans la societe comme leparent d'une personne determinee. Selon l'article 331nonies du Code civil,elle doit etre continue. De surcroit, selon une doctrine et unejurisprudence constantes, elle doit egalement etre non equivoque (Liege,16 mars 1999, J.L.M.B., 1999, 1529 et les ref. citees).

Dans le cas d'espece, il apparait des elements de la cause et des piecesdeposees que [le demandeur] s'est dans les faits comporte comme le pere deB. des lors qu'il a accompagne la mere dans les derniers mois de lagrossesse et qu'il eleve l'enfant depuis sa naissance avec amour etattention.

Cependant, il convient d'examiner si cette possession d'etat n'est pasequivoque.

Le caractere non equivoque ne signifie ni une conformite à la veritegenetique de l'apparence de filiation ni meme une croyance en la realitede l'etat ; l'absence d'equivocite signifie plutot que ceux qui traitentl'enfant comme le leur doivent le faire en tant que parents et non pourd'autres motifs tels que l'affection, le sens du devoir, la charite, lapromesse faite aux parents, le desir d'accueillir l'enfant du conjointdans une perspective de reconciliation ..., sans que l'apparence creee nepuisse recevoir des interpretations differentes. Il faut donc que lestiers ne puissent avoir aucun doute, aucune suspicion sur la qualite enlaquelle l'auteur presume agit.

En l'espece, l'examen du dossier revele les elements suivants :

- lorsque [la demanderesse] revele sa grossesse [au demandeur], ce dernierfut `dans un premier temps surpris et choque' et precise qu'il`n'envisagea pas immediatement, lorsqu'il apprit la grossesse, que cetenfant deviendrait le sien' ;

- en page 23 des conclusions de synthese des [demandeurs], il est precisequ'apres avoir longuement reflechi, [le demandeur] a accueilli l'enfant enacceptant d'en devenir le pere ;

- il n'est pas conteste que l'enfant B. n'a pas ete conc,u dans le cadred'un projet de creation d'une famille par les [demandeurs] ;

- [le defendeur] a, quelques jours apres la naissance, soit le 30 janvier2004, adresse un courrier aux [demandeurs] en les invitant à dialoguersur les modalites de sa presence aupres de l'enfant ;

- il a ensuite depose requete devant le tribunal de la jeunesse le24 fevrier 2004 afin de se voir reconnaitre un droit aux relationspersonnelles avec B. ; par citation du 6 avril 2004, il a saisi le jugedes referes de Verviers sollicitant dans l'urgence un droit aux relationspersonnelles ; deboute, il a saisi la cour d'appel qui a confirmel'ordonnance par arret du 15 juillet 2004 ; par citation du 7 octobre2004, il a saisi le juge des referes de Verviers afin d'entendre designerun expert en vue de determiner s'il est de l'interet de l'enfant decontinuer à entretenir le secret sur sa filiation ;

- de tres nombreuses declarations produites par les deux parties attestentque l'origine biologique de B. est connue dans l'entourage elargi des[demandeurs]. Ces personnes excedent la famille proche et ont eteinformees notamment par les [demandeurs], qui ne cachent pas l'originebiologique de B. Les attestations produites pour demontrer que ce faitserait largement ignore sont contredites par le nombre d'attestationsproduites ;

- les declarations de certains amis du couple et notamment :

* D. W. atteste qu'en septembre 2003, il a eu un entretien avec [ledemandeur] qui lui a declare que ce qui comptait d'abord à ses yeux,c'etait de voir s'il y avait une chance de sauver son couple. Il a preciseque plus tard, il lui avait `fait mention que sa position vis-à-vis del'enfant n'etait pas claire, qu'il ne voulait pas se mouiller pour le bebecar il disait que, s'il le reconnaissait et que son histoire avec [lademanderesse] ne pouvait se poursuivre, il ne voulait pas devoir assumerfinancierement l'enfant d'un autre en devant payer une pensionalimentaire'. Le fait que cette attestation contienne eventuellement uneerreur quant au moment de l'intentement de la procedure ne remet pas encause sa credibilite et au contraire exclut toute contamination par [ledefendeur] ;

* V. et O. p. attestent qu'ils connaissent B. depuis la periode de lagrossesse de sa maman et que, `immediatement, [les demandeurs] nous ontmis au courant de la situation « speciale » de cette grossesse et reveleque [le demandeur] n'etait pas le pere biologique de l'enfant. Mais nousavons pu constater que le couple [des demandeurs] etait plus soude quejamais et pret à accueillir et elever leur enfant' ;

* F. M. atteste le 18 fevrier 2004 que, lors d'une discussion avec [ledemandeur], celui-ci lui a dit etre conscient que [le defendeur] avaitpoursuivi une relation avec son epouse et qu'il etait le pere de l'enfantqu'elle portait, precisant qu'il ne pouvait lui-meme en etre le pere, nepouvant avoir d'enfant. Dans une attestation du 26 mai 2004, il ajouteque, lors de sa rencontre d'aout 2003 avec [le demandeur], celui-cihesitait à revivre en couple avec sa femme apres sa relation avec [ledefendeur] et qu'il n'etait pas du tout certain d'accepter l'enfant quiallait naitre et dont [le defendeur] etait le pere. Le fait que F. M. aitajoute à sa premiere attestation des souhaits quant à l'issue de laprocedure ne nuit pas à la credibilite de ses attestationscirconstanciees ;

- les [demandeurs] ne peuvent jeter la suspicion sur l'ensemble desdeclarations produites par [le defendeur] au motif que leurs auteursauraient eu de nombreuses conversations avec [le defendeur] et auraientete influences par celui-ci alors qu'ils ne critiquent pas concretement lecontenu de ces attestations au regard de ce qui a ete retenu ci-dessus,qui concerne exclusivement des faits ;

- l'attestation du pedopsychiatre F.-D. etablit qu' `il me sembleimportant de souligner que le geniteur de B. est present dans le discours[des demandeurs] et qu'il n'y a aucun deni de leur part à propos de lafiliation biologique de l'enfant ...' ;

- les [demandeurs] ont à plusieurs reprises evoque leur souhaitd'informer B. des conditions biologiques de sa naissance et de luipermettre ulterieurement d'avoir reponse à ses questions ;

- madame B., psychologue, releve dans sa lettre du 10 novembre 2004 : `Ilest important que des mots vrais, simples et justes viennent dire laparticularite de ses origines biologiques. Vous en etiez convaincus et jen'ai constate aucun deni de votre part ni aucune volonte de tenir secretesses origines biologiques. B. est en un sens dejà bien au courant de sonhistoire qui lui sera reexpliquee au fur et à mesure qu'il grandira'.

Il resulte des lors de l'ensemble des elements qui precedent que, si le[demandeur] traite l'enfant de maniere paternelle depuis plusieurs annees,la possession d'etat est equivoque des lors qu'il n'a pas des l'abordaccepte son role de pere, qu'il a situe cette acceptation dans le cadre dela poursuite de la vie conjugale, soit de la reconciliation des epoux, quel'origine biologique de l'enfant a ete revelee à celui-ci avec des motssimples mais que les [demandeurs] ont precise qu'elle ne lui sera pascachee et que de nombreuses personnes excedant largement le cadre de lafamille proche et des amis du couple ont connaissance de cette origine.

Ce caractere equivoque est renforce par les nombreuses proceduresintentees par [le defendeur] afin de se voir reconnaitre un statut ou ledroit aux relations personnelles avec B., procedures connues treslargement dans l'entourage du couple.

S'il est vrai que la notion de possession d'etat ne requiert pasnecessairement, pour pouvoir etre qualifiee de non equivoque, que celuiqui se comporte comme un pere à l'egard de l'enfant le fasse dans lacroyance qu'il est reellement le pere, il n'en reste pas moins que lamultiplication de ces procedures et leur publicite rendent equivoque letraitement de B. comme son enfant.

Il ne peut etre fait grief aux [demandeurs] de s'etre opposes auxrevendications [du defendeur] alors que la loi ne reconnaissait àl'epoque de la naissance aucun droit à celui-ci mais cette situationdemontre le caractere trouble de la possession d'etat.

Les [demandeurs] s'etendent longuement sur la qualite de l'attachement [dudefendeur] à l'egard de l'enfant, invoquant notamment une volonte depousser [la demanderesse] à l'avortement, le defaut de validite desprocedures intentees sur la base de l'ancienne loi, qui ne pourraient deslors avoir aucun effet utile, et le rapport dresse par monsieur K.

Il ne s'agit cependant pas ici d'etablir une possession d'etat dans lechef [du defendeur], qui n'est pas une condition de la recevabilite de sonaction.

De meme, les [demandeurs] invoquent la duree de la possession d'etat pourconsiderer qu'il ne serait plus possible [au defendeur] de contestercelle-ci. Cette position est contraire aux dispositions transitoires misesen place par le legislateur qui a ouvert l'action en contestation à lapersonne qui revendique la paternite de l'enfant pendant un delai d'un anprenant cours à l'entree en vigueur de la loi, quand bien meme il seserait ecoule plus d'un an depuis la naissance ou la decouverte de lanaissance de l'enfant, sans prevoir de dispositions relatives à lapossession d'etat plus strictes pour ces actions.

Les [demandeurs] font egalement grand cas de la doctrine qui voudraitprivilegier la relation socio-affective par rapport à la filiationpurement biologique mais la relation socio-affective ne peut primer quand,comme en l'espece, elle est viciee par son caractere equivoque.

En outre, les references citees sont relatives à des situations ou laverite biologique ne correspond à aucun engagement parental, ce qui n'estpas le cas en l'espece (voir notamment N. Gallus, Le droit de lafiliation, role de la verite socio-affective de la volonte en droit belge,p. 222).

Enfin, comme le fait remarquer [le defendeur], il ne faut pas confondre lavolonte de maintenir la paix des familles, qui est rencontree lorsque laverite legale correspond à la verite biologique et ne peut etre remise encause, et la volonte de maintenir la paix de la famille des [demandeurs] ;le legislateur ayant depasse cette notion de paix des familles en ouvrantl'action en contestation de la presomption de paternite du mari.

Il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler qu'en l'espece, [le demandeur]avait fait connaitre ses doutes quant à sa volonte de supporter lesconsequences de la paternite dans l'hypothese d'une rupture du couple.

Il apparait ainsi que [le demandeur] ne peut se prevaloir d'une possessiond'etat non equivoque à l'egard de B. et que, partant, l'action [dudefendeur] est recevable ».

Griefs

L'arret admet que sont reunis tous les elements d'une possession d'etat del'enfant B. à l'egard du demandeur, tels qu'ils sont enumeres parl'article 331nonies du Code civil, mais rejette la fin de non-recevoirdeduite de cette possession d'etat au motif que celle-ci serait equivoque.

Premiere branche

Si l'article 331nonies du Code civil dispose que la possession d'etat doitetre continue, il n'exige aucunement qu'elle soit non equivoque.

Cette exigence n'est formulee que par l'article 2229 du Code civil,lequel, n'envisageant la possession que comme un socle de la prescriptionmais non comme un concept à part entiere, ne saurait etre applique à lapossession d'etat visee aux articles 318, S: 1er, et 331nonies du Codecivil.

Il suit de là que l'arret, en decidant que la possession d'etat doit etrede surcroit non equivoque et en ecartant la possession d'etat de l'enfantB. à l'egard du demandeur au motif qu'elle serait equivoque, 1DEG fondesa decision sur une condition de non-equivocite que les articles 318, S:1er, et 331nonies du Code civil vises au moyen ne formulent pas et,partant, viole ces articles ; 2DEG viole l'article 2229 du Code civil enimposant la condition de non-equivocite qu'il requiert dans une matiere àlaquelle il n'est pas applicable.

Deuxieme branche

Put-on meme considerer - quod non - que la possession d'etat visee par lesarticles 318, S: 1er, et 331nonies du Code civil vises au moyen nepourrait etre admise que si elle etait non equivoque, encore l'arretaurait-il viole lesdits articles 318, S: 1er, et 331nonies en deduisant lecaractere equivoque de la possession d'etat de l'enfant B. de la regle,qu'il affirme en termes generaux alors qu'elle est inexistante, selonlaquelle la possession d'etat serait equivoque des lors que l'enfant duconjoint serait accueilli dans une perspective de reconciliation ou que lemari de la mere aurait situe l'acceptation de son role de pere « dans lecadre de la poursuite de la vie conjugale, soit de la reconciliation desepoux ».

Au surplus, la possession d'etat dut-elle meme etre non equivoque - quodnon -, ce ne serait pas au sens ou la loi en ferait une conditionsupplementaire s'ajoutant aux elements constitutifs de la possessiond'etat mais au sens ou, lorsqu'il s'agit d'une possession d'etat entre unpere et son enfant, le pere de l'enfant doit s'etre comporte en tant quepere et avoir traite l'enfant comme son enfant.

Il suit de là que l'arret n'a pu à la fois considerer qu'il apparaissaitdes elements de la cause que le demandeur s'etait, dans les faits,comporte comme le pere de B. mais que ladite possession d'etat etaitequivoque parce qu'il se serait comporte comme le pere de l'enfant dans lecadre de la poursuite de la vie conjugale (violation des articles 318,S: 1er, et 331nonies du Code civil).

Troisieme branche

L'arret rejette la fin de non-recevoir deduite de la possession d'etat del'enfant B. en se fondant sur un ensemble de motifs reproduits au moyen.

Parmi ces motifs ayant contribue à former la conviction des juges d'appelfigure celui, qui ne peut etre dissocie des autres motifs, aux termesduquel, « de meme, les [demandeurs] invoquent la duree de la possessiond'etat pour considerer qu'il ne serait plus possible [au defendeur] decontester celle-ci. Cette position est contraire aux dispositionstransitoires mises en place par le legislateur qui a ouvert l'action encontestation à la personne qui revendique la paternite de l'enfantpendant un delai d'un an prenant cours à l'entree en vigueur de la loi,quand bien meme il se serait ecoule plus d'un an depuis la naissance ou ladecouverte de la naissance de l'enfant, sans prevoir de dispositionsrelatives à la possession d'etat plus strictes pour ces actions ».

Dans son texte etabli par la loi du 1er juillet 2006, l'article 318, S:1er, du Code civil disposait que :

« A moins que l'enfant ait la possession d'etat à l'egard du mari, lapresomption de paternite peut etre contestee par la mere, l'enfant,l'homme à l'egard duquel la filiation est etablie et par la personne quirevendique la paternite de l'enfant.

L'action visee à l'alinea 1er doit etre intentee dans l'annee de ladecouverte de la naissance ».

Ce texte subordonnait ainsi la recevabilite de l'action du pere biologiqueà deux conditions :

1. l'absence de possession d'etat de l'enfant à l'egard du mari de samere (alinea 1er) ;

2. l'intentement de l'action dans l'annee de la decouverte de la naissance(alinea 2).

Aux termes de la disposition transitoire de l'article 25, S: 1er, de laloi du 1er juillet 2006 vise au moyen, « par derogation à l'article 330,S: 1er, alinea 4, tel qu'il a ete modifie par la presente loi, et àl'article 318, S: 1er, alinea 2, tel qu'il est insere par la presente loi,la reconnaissance et la presomption de paternite du mari pourront etrecontestees par la personne qui revendique la maternite ou la paternite del'enfant pendant un delai d'un an prenant cours à l'entree en vigueur dela presente loi, quand bien meme il se serait ecoule plus d'un an depuisla naissance ou la decouverte de la naissance de l'enfant ».

Cette disposition transitoire avait pour seul objet de deroger aux delaisde forclusion d'un an etablis par l'article 318, S: 1er, alinea 2, du Codecivil (avant son abrogation par la loi du 27 decembre 2006) et parl'article 330,S: 1er, alinea 4, du Code civil (dans son texte etabli par la loi du 1erjuillet 2006) mais n'affectait en rien la regle, qui reste enoncee parl'article 318, S: 1er, du Code civil, selon laquelle l'action encontestation de la paternite du mari de la mere par le pere biologiquen'est pas recevable lorsque, au moment ou elle est introduite, l'enfant ala possession d'etat à l'egard du mari de sa mere.

Au contraire, le legislateur n'a ouvert au pere biologique un delaispecial d'un an apres l'entree en vigueur de la loi, par derogation à laregle selon laquelle la paternite du mari de la mere de l'enfant ne peutplus etre contestee à l'expiration du delai d'un an vise à l'article 318du Code civil, que parce que, dans le meme temps, il avait institue unefin de non-recevoir à pareille action en contestation de paternite tireede l'existence d'une possession d'etat continue et qu'il estimait, parvoie de consequence, qu'un pere biologique ne pourrait pas invoquer ledelai special prevu par l'article 25 des dispositions transitoires de laloi du 1er juillet 2006 lorsque l'enfant concerne avait dejà unepossession d'etat continue à l'egard de son pere legal.

Il suit de là que, en refusant d'avoir egard à la possession d'etat del'enfant B. entre le 24 janvier 2004 (date de sa naissance) et le 25juillet 2007 (date d'intentement de l'action), l'arret :

1. viole l'article 25, S: 1er, de la loi du 1er juillet 2006 vise au moyenen lui attribuant une portee derogatoire qu'il n'a pas ;

2. viole l'article 318, S: 1er, du Code civil vise au moyen en refusantd'avoir egard à l'irrecevabilite qu'il edicte d'une action introduite parle pere biologique de l'enfant à un moment ou ce dernier a la possessiond'etat à l'egard du mari de sa mere (violation des articles 318, S: 1er,et, pour autant que de besoin, 331nonies du Code civil).

Quatrieme branche

La possession d'etat s'etablit par des faits qui, ensemble ou separement,indiquent le rapport de filiation (article 331nonies, alinea 2, du Codecivil).

Il s'agit d'une notion legale de sorte que, si le juge du fond constatesouverainement les faits dont il deduit l'inexistence d'une possessiond'etat, il appartient à la Cour de verifier si, de ses constatations, ila pu legalement deduire cette inexistence.

L'arret, en relevant que, « dans le cas d'espece, il apparait deselements de la cause et des pieces deposees que [le demandeur] s'est dansles faits comporte comme le pere de B. des lors qu'il a accompagne la meredans les derniers mois de la grossesse et qu'il eleve l'enfant depuis sanaissance avec amour et attention », et que le demandeur « traitel'enfant de maniere paternelle depuis plusieurs annees », constatel'existence d'une possession d'etat de l'enfant B. à l'egard du demandeurau sens de l'article 331nonies du Code civil.

L'arret ecarte neanmoins cette possession d'etat au motif qu'elle seraitequivoque.

Put-on meme admettre la condition de non-equivocite - quod non -, encorel'equivocite de la possession d'etat ne pourrait-elle etre deduite que defaits survenus durant celle-ci.

La possession d'etat de l'enfant B. n'a pu exister que du jour de sanaissance, le 24 janvier 2004.

Or, l'arret deduit l'equivocite de cette possession d'etat d'un ensemblede faits indissociables, dont le fait que l'enfant aurait ete accueillides avant sa naissance « dans une perspective de reconciliation », lefait « que l'enfant B. n'a pas ete conc,u dans le cadre d'un projet d'unecreation d'une famille par » les demandeurs, un entretien de M. W. avecle demandeur en septembre 2003, une attestation de M. M. relative auxhesitations du demandeur exprimees en aout 2003, les doutes exprimes parle demandeur avant la naissance de l'enfant.

Or, si les effets de la personnalite peuvent remonter à l'epoque de laconception de l'enfant, ce ne peut etre que dans son interet, pour luifaire acquerir des droits (principe general du droit vise au moyen etarticles 725, 1DEG, et 906 du Code civil, qui en constituent desapplications).

Les faits anterieurs à la naissance de l'enfant ne sauraient des lorsaffecter les effets de la possession d'etat parfaite dont il a joui des sanaissance et l'arret n'a pu decider le contraire qu'en violant le principegeneral du droit vise au moyen ainsi que les articles 725, 1DEG, et 906 duCode civil, qui en constituent des applications.

De meme, cette possession d'etat ne saurait etre affectee par lesprocedures intentees par le defendeur et que l'arret releve. Des lors quel'article 318, S: 1er, du Code civil dispose que l'action du defendeurn'est recevable que si l'enfant dont il revendique la paternite n'a pas lapossession d'etat à l'egard du mari de sa mere, l'intentement deprocedures ne peut affecter les effets d'une possession d'etat qui lesrend non recevables.

Enfin, ces effets ne sauraient etre affectes par le motif que l'arretdeduit des dispositions transitoires de la loi du 1er juillet 2006 et dontl'illegalite est denoncee par la troisieme branche du moyen, ici tenuepour reproduite.

Il suit de là que les constatations et considerations de l'arretreproduites au moyen ne justifient pas legalement sa decision d'ecarter lapossession d'etat de l'enfant B. (violation des articles 318, S: 1er, et331nonies du Code civil).

Second moyen

Dispositions legales violees

- articles 315, 318, S:S: 1er et 5, tels qu'ils ont ete remplaces par laloi du 1er juillet 2006, et 332quinquies du Code civil, tel qu'il a eteinsere par la loi du 1er juillet 2006 et modifie par la loi du 27 decembre2006 ;

- article 24.2 et 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Unioneuropeenne du 12 decembre 2007 ;

- article 6.1 du Traite sur l'Union europeenne du 7 fevrier 1992 dans saversion consolidee publiee au Journal officiel du 9 mai 2008 ;

- article 3.1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptee àNew York le 20 novembre 1989, approuvee par la loi du 25 novembre 1991,par le decret du Conseil de la Communaute franc,aise du 3 juillet 1991,par le decret du Conseil de la Communaute germanophone du 25 juin 1991 etpar le decret du Conseil flamand du 15 mai 1991 ;

- articles 22bis, alinea 4, et 142, specialement alinea 2, 3DEG, de laConstitution ;

- principe general du droit de la primaute sur les dispositions de droitnational des dispositions de droit international, y compris le droitcommunautaire, ayant un effet direct ;

- article 26, specialement S: 1er, 3DEG, de la loi speciale sur la Courconstitutionnelle du 6 janvier 1989 ;

- principe general du droit selon lequel le juge ne peut appliquer unenorme qui viole une disposition superieure.

Dispositions et motifs critiques

L'arret « dit l'action introduite par la citation du 27 juillet 2007recevable et fondee ; dit l'action en contestation de paternite basee surle nouvel article 318 du Code civil fondee ; dit que [le demandeur] n'estpas le pere biologique de l'enfant B., S., P., de sexe masculin, ne à ...le 24 janvier 2004 (acte de naissance de cette ville nDEG 7), et qu'il y alieu d'y substituer la paternite [du defendeur], ne à Liege le 7 aout1970 ; dit qu'en consequence, cet enfant mineur d'age ne pourra porter lenom [du demandeur], à la famille duquel il ne peut appartenir ; dit qu'enapplication de l'article 333 du Code civil, le dispositif du present arretsera transcrit, lorsqu'il sera passe en force de chose jugee, dans lesregistres de l'etat civil du premier district de Bruxelles, et que mentionen sera faite en marge de l'acte de naissance de l'enfant, et condamne les(demandeurs) aux depens des deux instances, non liquides dans le chef [dudefendeur] ».

L'arret fonde ces decisions, en ce qui concerne le fondement de l'action,sur les motifs suivants :

« Quant au fondement de l'action en contestation de paternite

a) La presomption de paternite est mise à neant soit par preuve directe(preuve par toutes voies de droit que l'interesse n'est pas le pere del'enfant), soit par simple denegation dans les hypotheses visees parl'article 316bis du Code civil notamment (article 318, S: 3, Code civil).

b) L'article 318, S: 5, du Code civil formule une exigence de preuvecomplementaire lorsque le demandeur à l'action est le pere biologique ;il exige en effet, pour que l'action en contestation de la paternite dumari soit declaree fondee lorsqu'elle est intentee par ce titulairenouveau, que sa propre paternite soit etablie (J. Sosson, `Le droit de lafiliation nouveau est arrive', J.T., 2007, p. 395, nDEG 33).

La loi du 1er juillet 2006 generalise le mecanisme du `deux en un' quipermet de substituer directement la paternite du demandeur en contestationà celle du mari evince par la preuve de sa non-paternite (N. Massager,Droit des familles, CUP, vol. 92, p. 67).

En l'espece, les parties reconnaissent à la fois que [le demandeur] n'estpas le pere biologique de b. et que c'est [le defendeur] qui en est lepere biologique, tant en termes de conclusions, ce qui constitue un aveujudiciaire, que dans le cadre du rapport K. et dans leurs declarations àde nombreux tiers, ce qui exclut toute possibilite de collusion, laquelleest egalement exclue au vu du climat existant entre parties.

L'opinion radicale selon laquelle l'aveu de la partie adverse estirrecevable en matiere de divorce et d'etat des personnes doit etrenuance ; dans ce domaine, le danger resulte de la collusion des parties ;moyennant verification prealable de l'absence de collusion, l'aveuconstitue une preuve admissible (R. Mougenot, La preuve, Rep. not., t. IV,livre II, p. 206, nDEG 282, et les ref. citees).

La decision faisant droit à l'action en contestation de la paternite parla personne qui se pretend le pere biologique emporte de plein droit, envertu de l'article 318, S: 5, l'etablissement de la filiation dudemandeur, le tribunal devant toutefois verifier si les conditions del'article 332quinquies sont reunies.

En effet, lorsque l'opposition à l'action emane de l'auteur de l'enfantà l'egard duquel la filiation est etablie - soit dans ce cas la mere -,le tribunal ne rejette la demande que si elle concerne un enfant age d'unan au moins au moment de l'introduction de la demande et sil'etablissement de la filiation est manifestement contraire à l'interetde l'enfant.

Il s'agit d'un controle en opportunite devant rester marginal(J. Sosson, `Le droit de la filiation nouveau est arrive', J.T., 2007, p.398,

nDEG 41) ; la question de l'interet de l'enfant doit ici etre envisagee enfonction de l'objet de l'action, qui est en l'espece de reconnaitre àl'enfant un etat juridique qui correspond au lien de filiation biologique,et non en fonction de l'exercice de droits derives de la filiation(exercice de l'autorite parentale, droit d'hebergement).

L'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant du20 novembre 1989 prevoit que, dans la mesure du possible, l'enfant a ledroit de connaitre ses parents et d'etre eleve par eux.

Il est de l'interet de l'enfant de connaitre son pere biologique, afortiori si celui-ci desire etablir un lien de filiation avec lui ; unetransparence quant à la verite biologique parait necessaire àl'epanouissement de l'enfant ; cette verite biologique, au cas ou elleetablirait la filiation avec [le defendeur], n'empecherait pas l'enfant devivre une relation harmonieuse avec le mari de sa mere.

S'il est vrai que, plus la decision sur la filiation tarde, plus lesconsequences psychologiques pour l'enfant seront nefastes, les difficultesrelationnelles evoquees à ce propos tant par les [demandeurs] que par lesdifferents intervenants scientifiques qu'ils citent pourront le casecheant etre soulevees devant le tribunal de la jeunesse competent, unefois le lien de filiation etabli. Ces difficultes seront par ailleurscompensees par l'etablissement de liens familiaux plus conformes à larealite tant biologique que sociologique si l'on considere que des àpresent la situation de l'enfant est largement connue.

Il appartient à [la demanderesse] de prouver que l'etablissement de lafiliation de B. à l'egard [du defendeur] est manifestement contraire àl'interet de l'enfant. Il n'incombe par contre pas [au defendeur] deprouver qu'il est de l'interet de B. que sa filiation soit etablie.

C'est à tort que les [demandeurs] concluent que la seule question est desavoir s'il n'est pas manifestement contraire à l'interet de B. de luienlever aujourd'hui subitement son pere et de le faire disparaitre de savie en tant que pere alors que l'article 332quinquies ne vise pas lacontestation de paternite mais bien la recherche de celle-ci.

La question qui se pose est donc celle du lien entre B. et [le defendeur].

Les [demandeurs] invoquent le rapport etabli par monsieur K. suite à lamission qui lui avait ete confiee par le tribunal de la jeunesse parjugement du 1er mars 2005.

Il convient cependant de relever que cette mission lui a ete confiee dansle cadre de la possibilite d'un droit aux relations personnelles. La cour[d'appel] releve egalement qu'il s'agit, selon le jugement du 1er mars2005, d'une mission `sui generis' qui ne repond pas aux regles del'expertise, qui semble se rapprocher de la mediation si l'on considerel'intitule que lui donne lui-meme monsieur K. alors qu'une mission demediateur implique un devoir de confidentialite et, enfin, que lesqualifications scientifiques de monsieur K. sont ignorees.

Le tribunal de la jeunesse de Verviers, dans son jugement du 30 octobre2007, rappelle qu'une telle liberte de procedure n'est valable que pourles juridictions de la jeunesse. Ce jugement rappelle egalement en page 6in fine : `quant au « postulat ideologique » de l'auteur del' « avis » denonce comme aboutissant à l'exclusion du pere biologiqueau profit de l'epoux de la mere, qui a accepte l'enfant comme le sien, lanotion de pere telle que vue par cet auteur - soit monsieur K. - nedecoule pas d'une theorie saugrenue susceptible de surprendre le demandeurmais d'une notion largement repandue dans diverses ecoles de pensee etmeme dans l'ancien Code civil. Cette vision n'est ni moins ni plusrespectable sur le plan de « l'analyse » que celle qui fait prevaloir lelien de la paternite biologique et elle n'a pas pour pretention deremettre en question les choix du legislateur, notamment quant auxconsequences que la nouvelle loi attache à la filiation biologique'.L'eclairage que donne ainsi le tribunal de la jeunesse du rapport impliqueque celui-ci ne s'est pas preoccupe de la loi sur la filiation dont lapresente procedure entend faire application.

Il resulte des developpements qui precedent que l'on ne peut retenir lerapport de monsieur K. comme preuve dans le cadre de ce dossier.

Ce jugement du 30 octobre 2007 ne peut par ailleurs etre invoque dans lecadre de la question de l'interet de l'enfant alors qu'il a evoque cettequestion dans le cadre du droit aux relations personnelles et que, frapped'appel, il a ete annule par arret du 24 septembre 2009.

Les [demandeurs] invoquent egalement le rapport redige par le professeurG. le 13 juillet 2004. Ce rapport, etabli sans aucun entretien avec [ledefendeur], porte sur les relations entre l'enfant, sa mere, le mari decelle-ci et le geniteur, et la possibilite pour l'enfant de passerregulierement des nuits en dehors du foyer familial auquel il est habitue.Il se conclut en constatant qu'il s'agit d'un probleme plus juridique quescientifique et que l'avis qu'il donne l'est à titre d'avis scientifiqueet general. Il rappelle cependant qu'il faut eviter autant que possibletoute forme de conflictualite. Rien dans ce rapport ne met en causel'etablissement de la paternite [du defendeur]. Les [demandeurs] releventque monsieur G. precise qu'il est psychologiquement impossible d'avoirdeux papas. On notera que tel n'est pas le souhait [du defendeur] qui veutprendre sa place de pere et non la partager avec [le demandeur], ainsiqu'il l'a formule à plusieurs reprises.

De meme, le rapport de madame B., etabli sans aucun entretien avec [ledefendeur], conclut que la decision appartient à la justice qui estappelee à trancher par rapport à un probleme qui est civil et nonpsychologique. Elle ajoute qu'en ce sens, une expertise psychologique n'aen aucune fac,on sa place, ne s'agissant pas de la sante mentale des unset des autres mais des regles qu'une societe se donne à l'interieur de laproblematique de la filiation.

Ces rapports, tant dans la forme, puisque dresses sans entretien prealableavec [le defendeur], que dans leur contenu, ne permettent pas de rapporterla preuve d'une contrariete manifeste à l'interet de l'enfant del'etablissement de sa filiation.

Il en est de meme du rapport dresse par monsieur M. qui est redige sansrencontre prealable avec [le defendeur] et qui se contente de conclurequ'on ne peut partager la paternite, ce qui n'est pas l'objet du debatpuisqu'il s'agit de determiner si l'etablissement de la filiation àl'egard [du defendeur] est contraire à l'interet de l'enfant, lafiliation [du demandeur] ayant ete valablement contestee.

Enfin, pour la premiere fois, en termes de conclusions en reponse àl'avis du ministere public, les [demandeurs] invoquent l'article 24 de laCharte des droits fondamentaux entree en vigueur depuis le 1er decembre2009 et soutiennent qu'en vertu de cette disposition, il convient deprendre en consideration l'interet superieur de l'enfant de maniereprimordiale.

Ils ne peuvent cependant etre suivis lorsqu'ils pretendent que l'interetde l'enfant pourrait etre gravement affecte si la filiation paternelle ausein de la famille ou il vit etait remplacee par un nouveau lien defiliation en dehors de celle-ci alors qu'en l'espece, la situation del'enfant au sein de la famille est affectee d'equivocite ainsi qu'il a etedit ci-dessus.

Enfin, les [demandeurs] invoquent l'article 8.1 de la Convention relativeaux droits de l'enfant (dont on notera au passage que, lorsqu'elle estinvoquee par [le defendeur], ils estiment qu'elle n'exprime pas une regleclaire, precise et inconditionnelle directement applicable) prevoyant queles Etats s'engagent à respecter le droit de l'enfant de preserver sonnom, ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sansingerence illegale.

En l'espece, l'etablissement de la filiation à l'egard [du defendeur]etablirait un lien reconnu par la loi et la circonstance que celle-ci aitete modifiee importe peu.

Par ailleurs, il n'est pas question de separer l'enfant de ses parentsmais de reconnaitre le droit de paternite du pere biologique, qui auracertes pour effet que l'enfant ait des parents separes, mais pas de lepriver de ses parents.

A titre surabondant, on releve que les capacites educatives [du defendeur]n'ont jamais ete mises en cause et qu'il n'a jamais ete pretendu qu'ilconstituerait un mauvais pere. Par ailleurs, il convient de rappeler que[le defendeur] a fait connaitre par ecrit sa volonte de jouer un role dansla vie de B. des le 30 janvier 2004, soit quelques jours apres sanaissance.

[La demanderesse] reste ainsi en defaut de rapporter la preuve quel'etablissement de la filiation à l'egard [du defendeur] seraitmanifestement contraire à l'interet de l'enfant et, notamment, que leretard apporte à faire etablir ce lien entrainerait une situationgravement prejudiciable à l'interet de l'enfant.

L'action [du defendeur] doit ainsi etre declaree fondee.

Depens

Les [demandeurs] seront condamnes aux depens des deux instances ».

Griefs

Par les motifs reproduits au moyen, l'arret considere que l'interet del'enfant devait etre apprecie au seul regard de l'etablissement de lafiliation revendiquee par le defendeur et non au regard de la contestationde la filiation paternelle du demandeur, que cette appreciation ne pouvaitporter sur les effets du lien de filiation etabli sur pied de l'article315 du Code civil et qu'elle ne pouvait etre que marginale.

Premiere branche

L'arret, en decidant que « c'est à tort que les [demandeurs] concluentque la seule question est de savoir s'il n'est pas manifestement contraireà l'interet de B. de lui enlever aujourd'hui subitement son pere et de lefaire disparaitre de sa vie en tant que pere alors que l'article332quinquies ne vise pas la contestation de paternite mais bien larecherche de celle-ci ; que la question qui se pose est donc celle du lienentre B. et [le defendeur] », considere qu'il peut seulement verifier si,à l'egard du defendeur, il n'est pas manifestement contraire à l'interetde l'enfant que son lien de filiation avec ledit defendeur soit etabli etqu'il ne pourrait verifier si la substitution de cette filiation à lafiliation paternelle de l'enfant, prononcee en vertu de l'article 315 duCode civil, ne serait pas contraire à l'interet dudit enfant.

En decidant que « la question de l'interet de l'enfant doit ici etreenvisagee en fonction de l'objet de l'action, qui est en l'espece dereconnaitre à l'enfant un etat juridique qui correspond au lien defiliation biologique, et non en fonction de l'exercice de droits derivesde la filiation (exercice de l'autorite parentale, droitd'hebergement) », l'arret considere que, dans le controle de l'interet del'enfant, il ne peut avoir egard aux consequences pour celui-ci, de laperte de sa filiation paternelle acquise et des effets de cette filiation,tels que son nom et l'exercice à son egard de toutes les prerogatives del'autorite parentale, comme l'hebergement et le droit à l'education.

Ces considerations sont illegales.

Aux termes de l'article 318, S: 5, du Code civil, vise au moyen, « lademande en contestation introduite par la personne qui se pretend le perebiologique de l'enfant n'est fondee que si sa paternite est etablie. Ladecision faisant droit à cette action en contestation entraine de pleindroit l'etablissement de la filiation du demandeur. Le tribunal verifieque les conditions de l'article 332quinquies sont respectees. A defaut,l'action est rejetee ».

Cette disposition instaure une forme d'action « deux en un » en ce sensque la decision judiciaire accueillant l'action fondee sur cettedisposition a pour effet, d'une part, de mettre à neant la presomption depaternite du mari etablie par l'article 315 du Code civil et, d'autrepart, de substituer à ce lien de filiation mis à neant un lien juridiquede filiation entre l'enfant et son pere biologique.

Il suit de là que les articles 318, S: 5, et 332quinquies du Code civildoivent etre combines et que l'interet de l'enfant doit etre apprecie demaniere globale, au regard de ses liens tant avec son pere designe par laloi qu'avec son pere biologique et donc en ayant egard aux consequencespour l'enfant de la perte eventuelle de sa filiation indiquee par la loiet des effets de celle-ci.

Si ledit article 332quinquies, S: 2, vise l'appreciation de l'interet del'enfant au regard de l'etablissement de sa filiation, c'est parce que,pris isolement, ce texte n'est relatif qu'à une action en recherche depaternite tendant à etablir la filiation paternelle d'un enfant qui n'apas de pere.

En revanche, combine avec l'article 318, S: 5, du Code civil, qui visel'hypothese distincte ou celui qui se pretend le pere biologique del'enfant introduit une action visant à la fois la contestation de lapaternite du mari de la mere de l'enfant et l'etablissement de sa proprepaternite, l'interet de l'enfant doit etre apprecie globalement au regardtant de la suppression eventuelle de sa filiation paternelle indiquee parla loi et des consequences de cette suppression que de la substitution àcette filiation indiquee par la loi d'une nouvelle filiation paternelle àl'egard de son pere biologique.

Une telle appreciation globale est commandee non seulement par lacombinaison des articles 318, S: 5, et 332quinquies du Code civil, maisaussi par l'article 22bis, alinea 4, de la Constitution et par lesdispositions de droit supranational visees au moyen (articles 24.2 et 3 dela Charte des droits fondamentaux de l'Union europeenne du 12 decembre2007, laquelle a la meme valeur que les traites en vertu de l'article 6.9du Traite sur l'Union europeenne vise au moyen, et article 3.1 de laConvention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989) selon lesquels« l'interet superieur de l'enfant doit etre une considerationprimordiale » et dont les demandeurs s'etaient expressement prevalus dansleurs conclusions en reponse à l'avis ecrit du ministere public.

Il suit de là que l'arret ne justifie pas legalement ses decisions que lejuge peut seulement verifier s'il n'est pas manifestement contraire àl'interet de l'enfant que son lien de filiation avec le defendeur soitetabli et qu'il ne pourrait verifier si la substitution de cette filiationà la filiation paternelle de l'enfant indiquee par la loi et la perte deseffets de cette filiation ne sont pas contraires à l'interet de cetenfant (violation de toutes les dispositions visees au moyen etspecialement des articles 318, S: 5, et 332quinquies du Code civil et desarticles 24, points 2 et 3, de la Charte des droits fondamentaux del'Union europeenne du 12 decembre 2007 et 3.1 de la Convention sur lesdroits de l'enfant du 20 novembre 1989).

Deuxieme branche

L'arret considere que le controle de l'interet de l'enfant doit restermarginal, le juge devant seulement verifier si l'etablissement de lafiliation avec le pere biologique est manifestement contraire à l'interetde l'enfant ou affecterait gravement cet interet.

Ces considerations sont illegales.

Sans doute l'article 332quinquies, S: 2, se refere-t-il à unetablissement de la filiation manifestement contraire à l'interet del'enfant.

En vertu des principes generaux du droit vises au moyen, le juge ne peuttoutefois appliquer cette condition qui viole les dispositions de droitinternational (article 3.1 de la Convention du 20 novembre 1989 relativeaux droits de l'enfant) et de droit communautaire (article 24, points 2 et3, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union europeenne du 12decembre 2007, ayant la meme valeur que les traites en vertu de l'article6 du Traite sur l'Union europeenne vise au moyen), qui imposent au juged'accorder une consideration primordiale à l'interet superieur del'enfant, ce qui exclut que le controle de cet interet puisse n'etre quemarginal et que le juge ne puisse avoir egard qu'à des circonstancesmanifestement contraires à l'interet de l'enfant ou qui affecteraientgravement cet interet.

Il suit de là que, abstraction meme etant faite des illegalites denonceespar la premiere branche du moyen, l'arret n'est pas legalement justifie ence qu'il fonde sa decision sur une condition contraire à des dispositionsde droit international et de droit communautaire auxquelles il etait tenude donner la primaute (violation des articles 318, S:S: 1er et 5, et332quinquies, S: 2, du Code civil, 24, points 2 et 3, de la Charte desdroits fondamentaux du 12 decembre 2007, 6.1 du Traite sur l'Unioneuropeenne et 3.1 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droitsde l'enfant vises au moyen ainsi que des principes generaux du droit visesau moyen).

Troisieme branche

1. L'article 22bis, alinea 4, de la Constitution, qui consacre le principedefini dans les dispositions de droit international et europeen vise entitre du moyen, enonce que, « dans toute decision qui le concerne,l'interet de l'enfant est pris en consideration de maniere primordiale ».

Aux termes de l'article 318, S: 5, du Code civil, la demande encontestation introduite par la personne qui se pretend le pere biologiquede l'enfant n'est fondee que si sa paternite est etablie. La decisionfaisant droit à cette action en contestation entraine de plein droitl'etablissement de la filiation du demandeur. Le tribunal verifie que lesconditions de l'article 332quinquies sont respectees. A defaut, l'actionest rejetee ».

L'article 332quinquies, alinea 1er, du Code civil enonce que, « sil'opposition à l'action emane d'un enfant mineur non emancipe qui a douzeans accomplis, ou de celui des auteurs de l'enfant à l'egard duquel lafiliation est etablie, le tribunal ne rejette la demande, sans prejudicedu paragraphe 3, que si elle concerne un enfant age d'au moins un an aumoment de l'introduction de la demande et si l'etablissement de lafiliation est manifestement contraire à l'interet de l'enfant ».

Ce texte doit toutefois etre interprete conformement à l'article 22bis,alinea 4, de la Constitution, qui impose au juge de tenir compte demaniere primordiale de l'interet de l'enfant, et non de maniere marginale,en ecartant seulement les mesures manifestement contraires à l'interet del'enfant.

En considerant que le controle de l'interet de l'enfant doit restermarginal, le juge devant seulement verifier si l'etablissement de lafiliation avec le pere biologique est manifestement contraire à l'interetde l'enfant ou affecterait gravement cet interet, l'arret, qui considereque l'interet de l'enfant doit etre pris en compte de maniere marginale etnon pas primordiale, viole les articles 318, S: 5, et 332quinquies, alinea1er, du Code civil et l'article 22bis, alinea 4, de la Constitution, ainsique les autres dispositions et principes generaux vises au moyen.

2. Dut-on interpreter l'article 332quinquies, S: 2, alinea 1er, du Codecivil comme imposant seulement une prise en compte marginale de l'interetde l'enfant, encore ne pourrait-il etre applique en ce qu'il seraitcontraire à l'article 22bis, alinea 4, de la Constitution.

Il s'ensuit qu'en faisant application de cette disposition legale dans uneinterpretation contraire à l'article 22bis, alinea 4, de la Constitution,l'arret viole l'article 22bis, alinea 4, de la Constitution (violationdudit article 22bis de la Constitution, du principe general du droitinterdisant au juge d'appliquer une norme contraire à une normesuperieure et, pour autant que de besoin, de l'article 142, specialementalinea 2, 3DEG, de la Constitution et de l'article 26,S: 1er, 3DEG, de la loi speciale sur la Cour constitutionnelle du 6janvier 1989).

Les demandeurs invitent des lors la Cour, à titre subsidiaire, à poserà la Cour constitutionnelle la question prejudicielle suivanteconformement à l'article 2, S: 1er, 3DEG, de la loi speciale sur la Courconstitutionnelle :

« Interprete litteralement en ce sens que le tribunal ne peut rejeter lademande qu'il vise que `si l'etablissement de la filiation estmanifestement contraire à l'interet de l'enfant' (ce qui implique uneapplication marginale de cet interet), l'article 332quinquies, alinea 1er,du Code civil est-il contraire à l'article 22bis, alinea 4, de laConstitution qui impose que, `dans toute decision qui le concerne,l'interet de l'enfant' soit `pris en consideration de maniereprimordiale' » ?

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret ne fonde pas sa decision sur l'article 2229 du Code civil.

Suivant l'article 318, S: 1er, du Code civil, tel qu'il a ete modifie parla loi du 1er juillet 2006, à moins que l'enfant n'ait la possessiond'etat à l'egard du mari, la presomption de paternite peut etre contesteepar la personne qui revendique la paternite de l'enfant.

En vertu de l'article 331nonies du meme code, la possession d'etat, quidoit etre continue, s'etablit par des faits qui, ensemble ou separement,indiquent le rapport de filiation. Ces faits sont entre autres :

- que celui dont l'enfant est dit issu a traite ce dernier comme sonenfant ;

- que l'enfant l'a traite comme son pere ou sa mere ;

- qu'il est reconnu comme son enfant par la famille et dans la societe ;

- que l'autorite publique le considere comme tel.

Il ressort des travaux preparatoires de la loi du 1er juillet 2006 que lelegislateur a entendu proteger autant que possible la cellule familiale del'enfant en maintenant la possession d'etat qui correspond à la situationd'un enfant considere par tous comme etant veritablement l'enfant de sesparents, meme si cela ne correspond pas à la filiation biologique.

Il suit des considerations qui precedent que la possession d'etat qui faitobstacle à l'action en contestation de paternite ne peut etre equivoque.

Le moyen qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

L'arret considere que l'absence d'equivocite de la possession d'etatimplique que « ceux qui traitent l'enfant comme le leur doivent le faireen tant que parents et non pour d'autres motifs tels que l'affection, lesens du devoir, la charite, la promesse faite aux parents, le desird'accueillir l'enfant du conjoint dans une perspective de reconciliation..., sans que l'apparence creee ne puisse recevoir des interpretationsdifferentes ».

Analysant les elements soumis à l'appreciation de la cour d'appel,l'arret en deduit que « si [le demandeur] traite l'enfant de manierepaternelle depuis plusieurs annees, la possession d'etat est equivoque deslors qu'il n'a pas des l'abord accepte son role de pere, qu'il a situecette acceptation dans le cadre de la poursuite de la vie conjugale, soitde la reconciliation des epoux », et que l'origine de l'enfant etaitconnue « de nombreuses personnes excedant largement le cadre de lafamille proche et des amis du couple ».

L'arret, qui n'erige pas en regle que la possession d'etat est equivoquedes que l'enfant du conjoint est accueilli dans la perspective desauvegarder l'union conjugale, a pu, sans violer les articles 318, S: 1er,et 331nonies du Code civil, deduire de cette appreciation qui git en faitque la possession d'etat etait equivoque quoique le demandeur se fut dansles faits comporte comme le pere de l'enfant pendant plusieurs annees.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

Aux termes de l'article 25, S: 1er, de la loi du 1er juillet 2006 modifiant des dispositions du Code civil relatives à l'etablissement dela filiation et aux effets de celle-ci, par derogation à l'article 330,S: 1er, alinea 4, du Code civil, modifie par cette loi, et à l'article318, S: 1er, alinea 2, de ce code, insere par la meme loi, lareconnaissance et la presomption de paternite du mari pourront etrecontestees par la personne qui revendique la maternite ou la paternite del'enfant pendant un delai d'un an prenant cours à l'entree en vigueur deladite loi, quand bien meme il se serait ecoule plus d'un an depuis lanaissance ou la decouverte de la naissance de l'enfant.

Cette disposition n'exclut pas l'application du delai speciald'intentement de l'action qu'elle institue lorsque l'enfant avait dejà,au moment de son entree en vigueur, une possession d'etat continue àl'egard de son pere legal.

Le moyen qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la quatrieme branche :

Il n'existe pas de principe general du droit selon lequel les effets de lapersonnalite ne peuvent remonter à la conception de l'enfant que dansl'interet de celui-ci. Par ailleurs, les articles 725, 1DEG, et 906 duCode civil sont etrangers à la contestation de paternite.

Dans la mesure ou il invoque la meconnaissance de ces dispositions, lemoyen est irrecevable.

Le juge a pu former sa conviction en se fondant sur les « nombreusesprocedures intentees par [le defendeur] afin de se voir reconnaitre unstatut ou le droit aux relations personnelles avec [l'enfant] » et« d'entendre designer un expert en vue de determiner s'il est del'interet de l'enfant de continuer à entretenir le secret sur safiliation », « procedures connues tres largement dans l'entourage ducouple ».

L'arret ne considere pas que les effets de la possession d'etat seraientaffectes par l'ouverture du delai special d'intentement de l'action prevueà l'article 25, S: 1er, de la loi du 1er juillet 2006.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret considere qu'« il est de l'interet de l'enfant de connaitre sonpere biologique, a fortiori si celui-ci desire etablir un lien defiliation avec lui », que « cette verite biologique, au cas ou elleetablirait la filiation avec [le defendeur], n'empecherait pas l'enfant devivre une relation harmonieuse avec le mari de sa mere », que lesdifficultes relationnelles seront « compensees par l'etablissement deliens familiaux plus conformes à la realite tant biologique quesociologique si l'on considere que des à present la situation de l'enfantest largement connue », que les demandeurs « ne peuvent [...] etresuivis lorsqu'ils pretendent que l'interet de l'enfant pourrait etregravement affecte si la filiation paternelle au sein de la famille ou ilvit etait remplacee par un nouveau lien de filiation en dehors de celle-cialors qu'en l'espece, la situation de l'enfant au sein de la famille estaffectee d'equivocite ainsi qu'il a ete ditci-dessus » et qu'« il n'est pas question de separer l'enfant de sesparents mais de reconnaitre le droit de paternite du pere biologique quiaura certes pour effet que l'enfant ait des parents separes mais pas de lepriver de ses parents ».

L'arret apprecie ainsi en fait l'interet de l'enfant au regard de lasuppression de sa filiation paternelle à l'egard du demandeur et desconsequences de cette suppression.

Ces considerations rendent surabondants les motifs de droit critiques parle moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, est irrecevable à defaut d'interet.

Quant à la deuxieme branche :

En vertu de l'article 332quinquies, S: 2, alinea 1er, du Code civil, sil'opposition à l'action en contestation de paternite emane de celui desauteurs de l'enfant à l'egard duquel la filiation est etablie, letribunal ne rejette la demande que si l'etablissement de la filiation estmanifestement contraire à l'interet de l'enfant.

Le moyen soutient que cet article est contraire, d'une part, à l'article3.1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droitsde l'enfant et, d'autre part, aux articles 24.2 et 3 de la Charte desdroits fondamentaux de l'Union europeenne du 12 decembre 2007.

Pour beneficier de l'effet direct, la norme d'une conventioninternationale doit etre suffisamment precise et complete.

Aux termes de l'article 3.1 de la Convention relative aux droits del'enfant, dans toutes les decisions qui concernent les enfants, qu'ellessoient le fait des institutions publiques ou privees de protectionsociale, des tribunaux, des autorites administratives ou des organeslegislatifs, l'interet superieur de l'enfant doit etre une considerationprimordiale.

L'article 3 de la Charte des droits fondamentaux consacre le droit àl'integrite de la personne, l'article 24.2 enonce que, dans tous les actesrelatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorites publiquesou des institutions privees, l'interet superieur de l'enfant doit etre uneconsideration primordiale et l'article 24.3 dispose que tout enfant a ledroit d'entretenir regulierement des relations personnelles et descontacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à soninteret.

Aucune de ces dispositions n'est, en soi, suffisamment precise et completepour avoir un effet direct des lors qu'elles laissent à l'Etat plusieurspossibilites de satisfaire aux exigences de l'interet de l'enfant. Ellesne peuvent servir de source de droits subjectifs et d'obligations dans lechef des particuliers. Elles permettent notamment à l'Etat et auxautorites contractantes de determiner au mieux les interets de l'enfantdans le cadre des modalites d'etablissement de la filiation biologique.Les articles 318, 331nonies et 332 du Code civil contiennent unereglementation qui protege les interets de l'enfant.

Il n'appartient pas au juge d'ecarter la protection des interets del'enfant imposee par le legislateur au profit d'une appreciationpersonnelle qu'il considere comme plus appropriee.

En outre, conformement à l'article 51 de la Charte des droitsfondamentaux precitee, les dispositions de celle-ci ne s'adressent auxEtats membres que lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union.L'article 332quinquies du Code civil ne met pas ce droit en oeuvre.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

Quant à la troisieme branche :

En vertu de l'article 318, S: 5, du Code civil, la demande en contestationintroduite par la personne qui se pretend le pere biologique de l'enfantn'est fondee que si sa paternite est etablie. La decision faisant droit àcette action en contestation entraine de plein droit l'etablissement de lafiliation du demandeur. Le tribunal verifie que les conditions del'article 332quinquies sont respectees. à defaut, l'action est rejetee.

En vertu de l'article 332quinquies, S: 2, alinea 1er, du Code civil, sil'opposition à l'action en contestation de paternite emane de celui desauteurs de l'enfant à l'egard duquel la filiation est etablie, letribunal ne rejette la demande que si l'etablissement de la filiation estmanifestement contraire à l'interet de l'enfant.

L'arret considere qu'examiner « si l'etablissement de la filiation estmanifestement contraire à l'interet de l'enfant » suppose « un controleen opportunite devant rester marginal », qu' « il appartient [audemandeur] de prouver que l'etablissement de la filiation à l'egard [dudefendeur] est manifestement contraire à l'interet de [l'enfant] » etque « les rapports [...] ne permettent pas de rapporter la preuve d'unecontrariete manifeste à l'interet de l'enfant de l'etablissement de safiliation ».

L'article 22bis, alinea 4, de la Constitution dispose que, dans toutedecision qui le concerne, l'interet de l'enfant est pris en considerationde maniere primordiale.

Le moyen, en cette branche, souleve la question de savoir si l'article332quinquies, S: 2, alinea 1er, du Code civil, interprete comme imposantseulement une prise en compte marginale de l'interet de l'enfant, ne violepas l'article 22bis de la Constitution.

Conformement à l'article 26, S: 1er, 3DEG, de la loi speciale du 6janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, cette cour statue, à titreprejudiciel, par voie d'arret, sur les questions relatives à la violationpar une loi des articles du titre II, « Des Belges et de leurs droits »,de la Constitution.

En vertu de l'article 26, S: 2, de la meme loi, la Cour est tenue de poserà la Cour constitutionnelle la question enoncee au dispositif du presentarret.

Par ces motifs,

La Cour

Sursoit à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait reponduà la question prejudicielle suivante :

Interprete comme imposant seulement une prise en compte marginale del'interet de l'enfant, l'article 332quinquies, S: 2, alinea 1er, du Codecivil viole-t-il l'article 22bis, alinea 4, de la Constitution ?

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Alain Simon et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du deux mars deux mille douze par le president Christian Storck,en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier PatriciaDe Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

2 MARS 2012 C.10.0685.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0685.F
Date de la décision : 02/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-03-02;c.10.0685.f ?
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