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17/02/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0742.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 février 2012, C.10.0742.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

7609



NDEG C.10.0742.F

P&V, caisse commune d'assurance contre les accidents du travail, dont lesiege est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 151,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

F. B.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etab

li à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en...

Cour de cassation de Belgique

Arret

7609

NDEG C.10.0742.F

P&V, caisse commune d'assurance contre les accidents du travail, dont lesiege est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 151,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

F. B.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 novembre2009 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 216ter du Code d'instruction criminelle ;

- articles 1317, 1319, 1320, 1322, 1382 et 1383 du Code civil ;

- article 398 du Code penal ;

- article 47 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ;

- article 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- principe general du droit dit principe dispositif, qui interdit au juged'elever une contestation, etrangere à l'ordre public, dont les partiesont exclu l'existence.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit non fonde l'appel de la demanderesse.

Par confirmation du jugement entrepris, l'arret declare non fondee lademande de la demanderesse contre le defendeur tendant à l'entendrecondamner à lui payer la somme provisionnelle de 77.189,84 euros, àmajorer des interets compensatoires depuis le 1er janvier 2001, desinterets judiciaires et des depens, du chef des decaissements que lademanderesse a effectues en sa qualite d'assureur-loi en faveur demonsieur V.

L'arret constate que « le litige a trait au recours que (la demanderesse)exerce, en qualite d'assureur-loi, contre (le defendeur) à la suite dufait que ce dernier aurait fautivement provoque un dommage en blessant unambulancier, J. V. ».

L'arret « se refere à l'expose, exact et complet, par le premier jugedes faits et circonstances de la cause et demandes des parties » etconstate ainsi :

« II. Les faits

Les faits utiles à la solution du litige peuvent etre resumes comme suit:

1. [Le defendeur] a vecu en couple avec madame I. S. de 1999 à 2001. [Il]a souffert de problemes d'alcool à partir du debut de l'annee 2000.

2. M. F. et J. V. sont ambulanciers au service àmbulance 100' de S. Le 29mai 2000 à 22 heures 15, ils ont ete appeles au domicile [du defendeur]par madame I. S. Ils sont arrives sur place à 22 heures 25. Ils ont tentede convaincre [le defendeur] de les accompagner jusqu'à l'hopital. [Ledefendeur] aurait pousse monsieur V. au moment ou celui-ci, aide demonsieur F., l'aidait à descendre les escaliers.

3. Le 29 mai 2000, M. F. et J. V. ont depose plainte contre [le defendeur]pour coups et blessures volontaires (PV NA.43.18.101054/00).

Les declarations des personnes presentes sont les suivantes :

Monsieur F., entendu le jour des faits, a expose ce qui suit :

`Vu que son etat necessitait une hospitalisation, nous avons discute tantbien que mal avec celui-ci, qui a accepte de nous suivre en ambulance.N'ayant pas de chaussures, nous lui avons conseille de se chausser. Pource faire, l'interesse s'est rendu à l'etage. Nous l'y avons suivi. Nepouvant se mouvoir plus, nous l'avons pris par les bras afin de letransporter vers l'ambulance en vue de nous rendre au CHR d'A.. Arrivesdans l'escalier, [le defendeur] a pousse mon collegue en avant. Emportepar son elan, [le defendeur] est tombe avec mon collegue. J'ai tente deles retenir tous les deux. J'ai ete à mon tour emporte par le mouvementet nous avons devale jusqu'au pied de l'escalier. Mon collegue est resteinconscient quelques instants. Apres avoir repris ses esprits, nous avonsemmene [le defendeur] dans l'ambulance et nous l'avons conduit au CHR d'A.A minuit cinq, celui-ci a refuse d'etre examine et a quitte l'hopital'.

Monsieur J. V., entendu le 5 juin 2000, n'a pas donne de precisionpersonnelle au sujet des faits : il s'est contente de confirmer en touspoints la declaration de son collegue F.

[Le defendeur], entendu le 9 juin 2000, a expose ce qui suit :

`J'ai ete hospitalise à l'hopital d'A. du 27 au 29 mai 2000. J'ai quittel'hopital vers midi. J'ai consomme du valium et j'ai bu une bouteilled'alcool. Vu que je ne me sentais pas bien, j'ai fait appel à mon frereet c'est mon pere qui est arrive. Mon pere m'a explique que je me suisvolontairement jete dans les escaliers, il m'a mis au lit apres. Quand I.S. est arrivee, elle a cru que j'avais ingurgite des medicaments et elle afait appel à l'ambulance. J'ai ete reveille par les ambulanciers et toutce dont je me souviens, c'est qu'un des ambulanciers s'est plaint d'avoirfort mal à l'epaule et que je lui ai dit : « Excusez-moi ». Je ne mesouviens pas du tout de ce qui s'est reellement passe. J'ai retrouve mesesprits le lendemain matin vers 8 heures. Ma copine m'a alors explique cequi s'etait passe la veille, que j'avais ete conduit à l'hopital et que,vu que je ne voulais pas m'y faire soigner, la gendarmerie m'avait rameneà mon domicile. C'est la premiere fois que c,a m'arrive. J'ai desproblemes d'alcool depuis trois mois. J'en ignore la raison. Je suis untraitement (...). Je tiens à ajouter que je regrette ce qui s'est passeet que ce n'etait pas volontaire de ma part'.

Madame I. S., entendue le 1er juillet 2000, a declare ce qui suit :

`Quand les ambulanciers ont transporte [le defendeur] dans les escaliers,il a remue et un des ambulanciers a degringole les escaliers et s'estblesse à l'epaule. Le second ambulancier etait ecorche au bras. [Ledefendeur] est alle à l'hopital d'A. mais n'a pas voulu y rester. Lagendarmerie l'a ramene à mon domicile ou il s'est endormi. Je lui ai parapres raconte ce qui s'est passe car il ne s'en souvenait pas'.

4. Selon le certificat medical produit en annexe au dossier repressif,date du 29 mai 2000, monsieur V. a subi des egratignures au bas du dos àdroite ; des contusions multiples au bas du dos, à l'epaule droite et aucoude droit (+ illisible), et une commotion cerebrale. Ce certificatannonce une incapacite de travail totale de deux semaines, prolongeable.L'incapacite de travail a ete prolongee du 6 au 13 juin 2000.

5. Selon le dossier repressif produit (classe sans suite), les relationsau sein du couple [de madame S. et du defendeur] se sont degradees àpartir de la fin de l'annee 1999 ou au debut 2000. Madame S. aurait decidede mettre un terme à la vie commune en raison d'une consommationexcessive d'alcool [du defendeur]. Il semble que le processus deseparation ait ete long (de juillet 2000 à septembre 2001, selon lesdifferents proces-verbaux contenus dans le dossier repressif) etparticulierement difficile à accepter pour [le defendeur]. Madame S. aporte plainte à plusieurs reprises contre [lui] pour coups et blessuresvolontaires, menaces verbales, degradations et menaces en tous genres.Tous ces faits sont posterieurs à ceux qui font l'objet de la presenteprocedure. Le dossier contient egalement une plainte pour coups etblessures deposee par monsieur L.

6. [La demanderesse] est intervenue en qualite d'assureur-loi del'employeur de monsieur V., soit l'administration communale de S. Ellereclame aujourd'hui ses debours [au defendeur] ».

L'arret fonde ensuite sa decision sur les motifs suivants :

« Que les ambulanciers M. F. et J. V. sont intervenus au domicile (dudefendeur) à la demande de sa compagne le 29 mai 2000 à 22 heures 15 ;que (le defendeur) avait absorbe une grande [quantite] d'alcool et prisdes medicaments ; qu'il etait au lit, ayant ete aide pour ce faire par sonpere ;

Que la procedure de mediation penale ne permet pas de tenir pour acquisque (le defendeur) a commis une faute et est responsable des dommagesencourus par l'ambulancier V. ;

Qu'il echet de verifier les declarations qui ont ete consignees dansl'information repressive ;

Que le premier juge a repris ces declarations dans toute la mesurenecessaire ;

Que ce qui est etabli, c'est que les deux ambulanciers ont demande (audefendeur) de descendre les escaliers aux fins de se rendre au CHR d'A. ;

Qu'etant donne l'etat (du defendeur), une chute s'est produite dans lesescaliers sans que la preuve soit administree, du moins avec le degre decertitude requis, que (le defendeur) a voulu bousculer les ambulanciers ;

Que, sans doute, monsieur F. declare qu'arrive dans l'escalier, (ledefendeur) a pousse son collegue, mais que, vu l'etat dans lequel setrouvait (le defendeur), il n'est nullement exclu qu'il s'agisse toutsimplement d'une perte d'equilibre ou d'une maladresse ; que l'ambulancierJ. V. ne fait que confirmer en tous points la declaration de soncollegue ; que les declarations de monsieur F., en raison de sa qualite decollegue de V., n'offrent pas assez de garantie d'objectivite ;

Qu'I. S., compagne (du defendeur), s'est bornee essentiellement àdeclarer que, lorsque `les ambulanciers [l']ont transporte dans lesescaliers, il a remue et qu'un des ambulanciers a degringole les escalierset s'est blesse à l'epaule ; que le second ambulancier etait ecorche aubras' ;

Que le premier juge a pertinemment releve que le dossier repressif necontenait aucun detail en ce qui concerne le modus operandi et enparticulier le degre de lucidite [du defendeur] au moment des faits et lecaractere intentionnel ou non de son acte ;

Que la cour [d'appel] approuve le premier juge d'avoir considere qu'enl'espece, emmener un patient ivre, chancelant et de surcroit peucollaborant dans un escalier est par nature dangereux et que les faitsfont partie des risques normaux associes à une telle intervention ;

Qu'il aurait ete judicieux que les ambulanciers se munissent le casecheant d'un brancard ou d'une civiere pour eviter les risques de chute ;

Qu'il n'est pas etabli avec certitude que (le defendeur) a commis unefaute qui a cause le dommage de l'ambulancier J. V. ; que, partant, lerecours de (la demanderesse) contre [le defendeur] n'est pas fonde àsuffisance ;

Qu'à bon droit le premier juge a declare la demande non fondee ».

Griefs

L'article 398 du Code penal dispose que quiconque auravolontairement fait des blessures ou porte des coups sera puni d'unemprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 26 à 100euros, ou d'une de ces peines seulement.

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, tout fait quelconque,negligence ou imprudence, de l'homme, qui cause à autrui un dommage,oblige celui par la faute duquel il est arrive à le reparer.

Celui qui cause volontairement des coups et blessures commet une faute ausens des articles 398 du Code penal et 1382 et 1383 du Code civil et estdes lors oblige de reparer le dommage en relation causale avec cettefaute. Il existe une relation causale entre le fait et le dommage s'il estetabli que le dommage, tel qu'il s'est produit, ne se serait pas realisesi la faute n'avait pas ete commise.

L'article 47 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travailprevoit que l'entreprise d'assurances peut exercer une action contre leresponsable de l'accident du travail jusqu'à concurrence des debourseffectues en vertu de l'article 46, S: 2, alinea 1er, des capitaux ycorrespondant, ainsi que des montants et capitaux vises aux articles51bis, 51ter et 51quinquies. Elle peut intenter cette action civile de lameme fac,on que la victime ou ses ayants droit et etre subrogee dans lesdroits que la victime ou ses ayants droit auraient pu exercer en vertu dudroit commun, en cas de non-indemnisation conformement à l'article 46, S:2, alinea 1er.

En vertu de l'article 216ter, S: 1er, du Code d'instruction criminelle, leprocureur du Roi peut, sans prejudice des pouvoirs que lui attribuel'article 216bis, convoquer l'auteur d'une infraction et, pour autant quele fait ne paraisse pas de nature à devoir etre puni d'un emprisonnementcorrectionnel principal de plus de deux ans ou d'une peine plus lourde,l'inviter à indemniser ou reparer le dommage cause par l'infraction et àlui en fournir la preuve. Le cas echeant, le procureur du Roi convoqueegalement la victime et organise une mediation sur l'indemnisation ainsique sur ses modalites.

L'article 216ter, S: 4, du Code d'instruction criminelle dispose quelorsque l'auteur de l'infraction a satisfait à toutes les conditionsacceptees par lui, l'action publique est eteinte. L'extinction de l'actionpublique ne porte pas prejudice aux droits des personnes subrogees dansles droits de la victime ou des victimes qui n'ont pas ete associees à laprocedure prevue au paragraphe 1er : à leur egard, la faute de l'auteurde l'infraction est presumee irrefragablement.

Ainsi, lorsque les faits de coups et blessures volontaires ont donne lieuà une procedure de mediation penale au sens de l'article 216ter du Coded'instruction criminelle et que, l'auteur de l'infraction ayant satisfaità toutes les conditions qu'il a acceptees, l'action publique est eteinte,l'assureur-loi qui n'a pas ete associe à la procedure de mediation maisqui est subroge dans les droits de la victime peut intenter une action enreparation de son dommage devant le juge civil contre l'auteur del'infraction.

Dans le cadre de cette procedure civile, la faute de l'auteur del'infraction est presumee irrefragablement.

Des lors, l'assureur-loi qui reclame reparation de son prejudice ne devraplus prouver que l'infraction de coups et blessures a ete commise.L'existence de la faute, c'est-à-dire de l'infraction qui a donne lieu àla procedure de mediation penale, est presumee irrefragablement.

L'assureur-loi devra des lors uniquement etablir que les montants dont ilreclame le remboursement sont en relation causale avec la faute commisepar le defendeur, c'est-à-dire que les decaissements de l'assureur-loiont ete effectues à la suite des coups et blessures commis par ledefendeur.

En vertu du principe general du droit dit principe dispositif et del'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire, le juge ne peut elever unecontestation etrangere à l'ordre public dont les parties ont exclul'existence.

Les articles 1317, 1319, 1320 et 1322 du Code civil interdisent au juge demeconnaitre la foi due aux actes sur lesquels il fonde sa decision. Lejuge meconnait la foi due à un acte s'il donne de cet acte uneinterpretation qui est inconciliable avec ses termes et sa portee. Tel estle cas si le juge decide que l'acte contient une affirmation qui ne s'ytrouve pas ou s'il refuse de lui attribuer une affirmation qui s'y trouve.

Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse exposait que, le 29 mai2000, les ambulanciers F. et V. ont ete appeles au domicile [dudefendeur], qui a accepte de les suivre en ambulance ; que, [le defendeur]ne pouvant se mouvoir, ils l'ont pris par le bras pour descendrel'escalier et que, là, [le defendeur] a pousse monsieur V. ; qu'à lasuite des faits litigieux, une plainte pour coups et blessures volontairesfut deposee par les sieurs F. et V. (NA.43.18.101054/00) ; qu'unemediation penale fut organisee, qu'un proces-verbal fut dresse le 17 avril2001, que les conditions de l'accord furent respectees et qu'unproces-verbal constatant l'extinction de l'action publique fut signe le 14juin 2001 ; que l'extinction de l'action publique ne porte pas prejudiceaux droits des personnes subrogees dans les droits de la victime ou desvictimes qui n'ont pas ete associees à la procedure ; qu'à leur egard,la faute de l'auteur est presumee irrefragablement ; que, ce faisant, elleetablissait à suffisance l'existence d'une faute du defendeur.

L'arret constate que les sieurs F. et V. ont porte plainte le 29 mai 2000contre [le defendeur] pour coups et blessures volontaires (PVNA.43.18.101054/00).

Ces faits ont donne lieu à une procedure de mediation penale. Lademanderesse soumit à la cour d'appel le proces-verbal de mediationpenale du 17 avril 2001, portant la reference NA.43.18.101054/00,mentionnant la comparution devant le procureur du Roi [du defendeur],ainsi que de madame S. et des sieurs F. et V. en qualite de prejudicies.

Il ressort de ce proces-verbal, qui a ete signe par le defendeur et parmonsieur V., que le defendeur a presente ses excuses et ses regrets auxdifferentes victimes presentes à l'audience et qu'il souhaite, simonsieur V. l'accepte, pouvoir effectuer à son profit certains travaux.

La demanderesse soutenait en ses conclusions d'appel, sans etre contreditepar le defendeur, que les conditions de la mediation penale furentrespectees et que l'action publique fut ainsi eteinte.

Le defendeur ne contesta en effet pas que, à la suite de la plaintedeposee par les sieurs F. et V. du chef de coups et blessuresvolontaires, une procedure de mediation penale fut menee et que cetteprocedure a entraine l'extinction de l'action publique. Il contestauniquement qu'il en resulte la preuve irrefragable de sa faute. Ilargumenta en effet comme suit dans ses conclusions additionnelles et desynthese :

« Qu'il resulte de ce qui precede que la participation du [defendeur] àune mediation penale, pas plus que les excuses qu'il a pu formuler dans cecontexte, ne peuvent constituer des preuves contre lui ; que, meme si unproces-verbal d'extinction de l'action publique a ete dresse et que le[defendeur] a reconnu les faits, ce n'est pas pour autant qu'il peut etreconsidere comme fautif ; que la reconnaissance des faits n'entraine pasnecessairement la reconnaissance d'une faute ; qu'en d'autres termes, sila procedure en mediation penale ne peut porter prejudice au tierssubroge, tel que [la demanderesse], dans les droits de la victime qui n'ya pas participe, elle ne peut cependant en aucun cas etre consideree commeetant une preuve irrefragable de la culpabilite et donc de la faute de lapersonne à l'egard de laquelle l'action publique a ete eteinte en raisonde cette procedure ».

Il ne fut ainsi point conteste que la plainte de monsieur V., assure de lademanderesse, du chef de coups et blessures volontaires commis par ledefendeur, donna lieu à une mediation penale qui entraina l'extinction del'action publique.

Des lors, à l'egard de la demanderesse, subrogee dans les droits de lavictime V., la faute du defendeur - c'est-à-dire le fait qu'il avolontairement porte des coups et blessures à monsieur V. - est, en vertude l'article 216ter,S: 4, du Code d'instruction criminelle, presumee irrefragablement.

En decidant que la procedure de mediation penale ne permet pas de tenirpour acquis que le defendeur a commis une faute et est responsable desdommages encourus par l'ambulancier V., l'arret viole l'article 216ter,S: 4, du Code d'instruction criminelle.

La decision selon laquelle il n'est pas etabli avec certitude que ledefendeur a commis une faute qui a cause le dommage à l'ambulancier V.,de sorte que le recours de la demanderesse, assureur-loi de monsieur V.,n'est pas fonde, viole partant egalement les articles 1382 et 1383 du Codecivil, 398 du Code penal et 47 de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail.

S'il devait etre admis qu'en decidant que la procedure de mediation penalene permet pas de tenir pour acquis que le defendeur a commis une faute etest responsable des dommages encourus par l'ambulancier V., l'arret decidequ'il n'est pas etabli que les faits reproches au defendeur ont donne lieuà une mediation penale et que, le defendeur ayant satisfait auxconditions, celle-ci a entraine l'extinction de l'action publique - quodnon -, l'arret n'est pas davantage legalement justifie.

L'arret releve ainsi, d'une part, une contestation dont les parties ontexclu l'existence dans leurs conclusions et, partant, meconnait leprincipe general du droit dit principe dispositif ainsi que l'article1138, 2DEG, du Code judiciaire. Le defendeur n'avait en effet pas contesteque les faits qui lui etaient reproches ont donne lieu à une mediationpenale et que celle-ci a entraine l'extinction de l'action publique.

L'arret donne ainsi, d'autre part, du proces-verbal de mediation penale du17 avril 2001, d'ou il ressort qu'un accord est intervenu entre ledefendeur et la victime V., concernant les faits du dossier avec lareference NA.43.18.101054/00, c'est-à-dire concernant les coups etblessures volontaires portes à monsieur V., une interpretation qui estinconciliable avec ses termes et sa portee. L'arret decide en effet que ceproces-verbal ne contient pas une affirmation (l'accord entre le defendeuret la victime V., concernant les faits du dossier avec la referenceNA.43.18.101054/00, c'est-à-dire concernant les coups et blessuresvolontaires portes à monsieur V.) qui y figure et meconnait partant lafoi due à ce proces-verbal (violation des articles 1317, 1319, 1320 et1322 du Code civil).

Au cas ou la Cour estimerait que la decision de la cour d'appel n'est pasuniquement fondee sur le motif que la demanderesse ne rapporte pas lapreuve d'une faute dans le chef du defendeur mais egalement sur le motifque la demanderesse n'etablit pas l'existence d'une relation causale entrecette faute et le dommage dont elle reclame reparation, l'arret n'est pasdavantage legalement justifie.

S'il resulte de la procedure de mediation penale la preuve irrefragable dela faute commise par le defendeur, c'est-à-dire la preuve qu'il avolontairement porte des coups et blessures à monsieur V., lademanderesse doit encore prouver que le dommage dont elle reclamereparation (les decaissements en faveur de son assure V.) est en relationcausale avec cette faute. Cette relation causale existe s'il est etablique, sans la faute du defendeur, ce dommage ne se serait pas realise telqu'il s'est produit.

L'arret constate qu'une chute s'est produite dans les escaliers sans quela preuve soit administree que le defendeur a voulu bousculer lesambulanciers ; que monsieur F. declare que le defendeur a pousse soncollegue mais que, vu l'etat dans lequel le defendeur se trouvait, iln'est nullement exclu qu'il s'agisse tout simplement d'une perted'equilibre ou d'une maladresse ; que les declarations de monsieur F.,collegue de monsieur V., n'offrent pas assez de garantie d'objectivite ;que madame S. s'est bornee à declarer que, `lorsque les ambulanciers onttransporte (le defendeur) dans les escaliers, il a remue et qu'un desambulanciers a degringole les escaliers et s'est blesse à l'epaule ; quele second ambulancier etait ecorche au bras' ; que le dossier repressif necontient aucun detail en ce qui concerne le modus operandi et enparticulier le degre de lucidite du defendeur au moment des faits et lecaractere intentionnel ou non de son acte ; qu'emmener un patient ivre,chancelant et de surcroit peu collaborant dans un escalier est par naturedangereux et que les faits font partie des risques normaux associes à unetelle intervention, et qu'il aurait ete judicieux que les ambulanciers semunissent le cas echeant d'un brancard ou d'une civiere pour eviter lesrisques de chute.

Sur la base de ces faits, l'arret n'a pu legalement decider qu'il n'existepas de relation causale entre la faute commise par le defendeur(c'est-à-dire avoir volontairement porte des coups et blessures àmonsieur V., faute dont la preuve resulte de la mediation penale), et ledommage de cet ambulancier et les decaissements de la demanderesse enfaveur de ce dernier. Il ne resulte en effet pas des faits constates parl'arret que, sans la faute du defendeur, ce dommage se serait egalementproduit tel qu'il s'est realise.

L'arret viole partant les articles 1382 et 1383 du Code civil et, pourautant que besoin, les articles 398 du Code penal et 47 de la loi du 10avril 1971 sur les accidents du travail.

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 216ter, S: 4, alinea 1er, du Code d'instructioncriminelle, lorsque l'auteur de l'infraction a satisfait à toutes lesconditions, acceptees par lui, l'action publique est eteinte.

Dans le cadre de la mediation penale, l'article 216ter, S: 4, alinea 2,dispose que l'extinction de l'action publique ne porte pas prejudice auxdroits des personnes subrogees dans les droits de la victime ou desvictimes qui n'ont pas ete associees à la procedure prevue au paragraphe1er et que, à leur egard, la faute de l'auteur de l'infraction estpresumee irrefragablement.

Il en resulte que la presomption instituee par cette disposition joue enfaveur de la personne subrogee dans les droits de la victime qui a eteassociee à la mediation penale.

L'arret constate que « le litige a trait au recours que [la demanderesse][...] exerce en qualite d'assureur-loi contre [le defendeur] [...] à lasuite du fait que ce dernier aurait fautivement provoque un dommage enblessant un ambulancier ».

L'arret constate, par appropriation des motifs du jugement dont appel,que, « le 29 mai 2000, [deux ambulanciers] ont depose plainte contre [ledefendeur] pour coups et blessures volontaires », que, « selon [lademanderesse], [...] une mediation penale est intervenue le 17 avril2001 », que « [la demanderesse] considere que la procedure de mediationpenale et l'extinction de l'action publique n'eut pu porter prejudice àses droits » et qu' « à son egard, la faute de l'auteur doit etrepresumee irrefragablement ».

L'arret qui, pour declarer la demande de la demanderesse non fondee,considere que « la procedure de mediation penale ne permet pas de tenirpour acquis que [le defendeur] a commis une faute », viole l'article216ter, S: 4, alinea 2, du Code d'instruction criminelle.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange etMichel Lemal, et prononce en audience publique du dix-sept fevrier deuxmille douze par le president Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

17 FEVRIER 2012 C.10.0742.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 17/02/2012
Date de l'import : 14/03/2012

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.10.0742.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-02-17;c.10.0742.f ?
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