Cour de cassation de Belgique
Arret
1691
NDEG C.10.0135.F
ETAT BELGE, represente par le ministre de la Defense nationale, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue Lambermont, 8,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,
contre
ENTREPRISE A. L., societe anonyme dont le siege social est etabli àWaimes, rue du Fayais, 4,
defenderesse en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 septembre2009 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 15 decembre 2011, le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a deposedes conclusions au greffe.
Le conseiller Didier Batsele a fait rapport et le procureur generalJean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur presente deux moyens dont le second est libelle dans lestermes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 1184, 1234, 1235 et 1798 du Code civil ;
- articles 1445, 1451 et 1540 du Code judiciaire ;
- articles 7, 8 et 9 de la loi du 16 decembre 1851, dite loi hypothecaire,inserant dans le Code civil un livre III, titre XVIII, « Des privilegeset hypotheques » ;
- article 85bis de la loi du 3 juillet 1969 creant le Code de la taxe surla valeur ajoutee.
Decisions et motifs critiques
L'arret condamne le demandeur à payer à la defenderesse la somme de29.873,80 euros, majoree de la taxe sur la valeur ajoutee, la somme de2.987,38 euros, les interets au taux conventionnel de 12 p.c. l'an depuisla date d'echeance de chacune des deux factures jusqu'au 12 avril 2007, etles depens, par tous ses motifs reputes integralement reproduits etspecialement par les motifs suivants :
« [Le demandeur] fait etat de la saisie-arret pratiquee par le SPFFinances, le 30 septembre 2005, entre les mains du departement del'infrastructure de la Defense, à charge de la societe anonyme Walcon,sur la base de l'article 85bis, S: 1er, du Code de la taxe sur la valeurajoutee (piece nDEG 1 du dossier [du demandeur]) ;
[...] L'action directe du sous-traitant n'est pas entravee par unesaisie-arret anterieure à l'intentement de l'action des lors que la dettedu maitre de l'ouvrage envers le debiteur saisi n'est pas eteinte parl'effet de cette saisie, sous reserve de l'indisponibilite qui enresulte ; la saisie-arret pratiquee le 30 septembre 2005 à la requete duSPF Finances est sans pertinence quant à l'appreciation du fondement dela demande de (la defenderesse) ».
Griefs
L'article 1798, specialement alinea 1er, dispose que les sous-traitantsqui ont ete employes à la construction d'un batiment ou d'autres ouvragesfaits à l'entreprise ont une action directe contre le maitre de l'ouvragejusqu'à concurrence de ce dont celui-ci se trouve debiteur enversl'entrepreneur au moment ou leur action est intentee.
En vertu des articles 7, 8 et 9 de la loi hypothecaire, le debiteur esttenu de remplir ses obligations sur l'ensemble de son patrimoine. Sesbiens sont le gage commun des creanciers et le prix s'en distribue entreeux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les creanciers descauses legitimes de preference.
L'article 85bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutee dispose :
« S: 1er. Apres la notification ou la signification visee à l'article85, le fonctionnaire charge du recouvrement peut faire proceder, par plirecommande à la poste, à la saisie-arret-execution entre les mains d'untiers sur les sommes et effets dus ou appartenant au redevable. Lasaisie-arret doit egalement etre denoncee au redevable par pli recommandeà la poste. Cette saisie sortit ses effets à compter de la remise de lapiece au destinataire. Elle donne lieu à l'etablissement et à l'envoi,par le fonctionnaire charge du recouvrement, d'un avis de saisie commeprevu à l'article 1390 du Code judiciaire.
S: 2. Sous reserve de ce qui est prevu au paragraphe 1er, les dispositionsdes articles 1539, 1540, 1542, alineas 1er et 2, et 1543 du Codejudiciaire sont applicables à cette saisie, etant entendu que la remisedu montant de la saisie se fait entre les mains du fonctionnaire charge durecouvrement ».
En vertu des articles 1451 et 1540 du Code judiciaire, des la reception del'acte contenant une saisie-arret, le tiers saisi ne peut plus sedessaisir des sommes ou effets qui font l'objet de la saisie, à peine depouvoir etre declare debiteur pur et simple des causes de la saisie ; letiers saisi ne peut, des lors, plus payer à son creancier ni à unquelconque beneficiaire de la creance concernee ; la creance devientindisponible à la suite et par l'effet de la saisie.
En l'espece, les juges d'appel ont constate qu'une saisie-arret avait etepratiquee entre les mains du demandeur par le SPF Finances, anterieurementà l'introduction de l'action directe par la defenderesse.
[La defenderesse] ne pouvait des lors, à la suite de l'effet de lasaisie-arret, intenter de fac,on reguliere en droit une action directeopposable à l'egard du demandeur.
En decidant d'admettre l'action directe de la defenderesse, par les motifsselon lesquels « l'action directe du sous-traitant n'est pas entravee parune saisie-arret anterieure à l'intentement de l'action des lors que ladette du maitre de l'ouvrage envers le debiteur saisi n'est pas eteintepar l'effet de cette saisie, sous reserve de l'indisponibilite qui enresulte » et que « la saisie-arret pratiquee le 30 septembre 2005 à larequete du SPF Finances est sans pertinence quant à l'appreciation dufondement de la demande de (la defenderesse) », les juges d'appel ontviole les effets de la saisie-arret et meconnu, partant, l'ensemble desdispositions legales visees au moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le second moyen :
En vertu de l'article 1798, alinea 1er, du Code civil, les sous-traitantsqui ont ete employes à la construction d'un batiment ou d'autres ouvragesfaits à l'entreprise ont une action directe contre le maitre de l'ouvragejusqu'à concurrence de ce dont celui-ci se trouve debiteur enversl'entrepreneur au moment ou leur action est intentee.
Aux termes de l'article 8 de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851, lesbiens du debiteur sont le gage commun de ses creanciers et le prix s'endistribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre lescreanciers des causes legitimes de preference.
L'article 85bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutee permet àl'administration de proceder, dans les conditions qu'il indique, à unesaisie-arret execution soumise, sous reserve de ce qu'il prevoit, auxdispositions des articles 1539, 1540, 1542, alineas 1er et 2, et 1543 duCode judiciaire.
En vertu des articles 1451 et 1540 du Code judiciaire, des la reception del'acte contenant une saisie-arret, le tiers saisi ne peut plus sedessaisir des sommes ou effets qui font l'objet de la saisie, à peine depouvoir etre declare debiteur pur et simple des causes de la saisie.
Il s'ensuit qu'une saisie-arret pratiquee par un creancier del'entrepreneur entre les mains du maitre de l'ouvrage emportel'indisponibilite de la creance de l'entrepreneur sur le maitre del'ouvrage. Cette indisponibilite fait obstacle à l'introduction par unsous-traitant de l'action directe visee à l'article 1798 du Code civil.
L'arret constate, d'une part, qu'une saisie-arret a ete pratiquee le 30septembre 2005 entre les mains du demandeur sur la base de l'article85bis,S: 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee et, d'autre part, que ladefenderesse a cite directement le demandeur sur la base de l'article 1798du Code civil le 10 janvier 2006.
L'arret, qui considere que « l'action directe du sous-traitant n'est pasentravee par une saisie-arret anterieure à l'intentement de l'action deslors que la dette du maitre de l'ouvrage envers le debiteur saisi n'estpas eteinte par l'effet de cette saisie, sous reserve de l'indisponibilitequi en resulte » et que« la saisie-arret pratiquee le 30 septembre 2005 [...] est sanspertinence quant à l'appreciation du fondement de la demande de ladefenderesse », viole les dispositions legales visees au moyen.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liege.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Sylviane Velu etMichel Lemal, et prononce en audience publique du vingt janvier deux milledouze par le president Christian Storck, en presence du procureur generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.
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| P. De Wadripont | M. Lemal | S. Velu |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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20 JANVIER 2012 C.10.0135.F/1