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20/01/2012 | BELGIQUE | N°C.09.0353.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 janvier 2012, C.09.0353.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

7828



NDEG C.09.0353.F

S.N.C.B. HOLDING, societe anonyme de droit public dont le siege social estetabli à Saint-Gilles, rue de France, 85,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

ETHIAS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Liege, rue desCroisiers, 24,

defenderesse en cassation,

representee pa

r Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontai...

Cour de cassation de Belgique

Arret

7828

NDEG C.09.0353.F

S.N.C.B. HOLDING, societe anonyme de droit public dont le siege social estetabli à Saint-Gilles, rue de France, 85,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

ETHIAS, societe anonyme dont le siege social est etabli à Liege, rue desCroisiers, 24,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 21 novembre2008 par le tribunal de premiere instance de Namur, statuant en degred'appel.

Le 28 septembre 2011, le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq adepose des conclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et le procureur generalJean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens dont le premier est libelle dans lestermes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assuranceobligatoire de la responsabilite en matiere de vehicules automoteurs, telqu'il etait applicable à la date de l'accident, le 4 juillet 1995, parl'effet de la loi du 30 mars 1994, avant sa modification par la loi du 19janvier 2001.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque decide que « la [demanderesse] ne peut se prevaloirpersonnellement et directement de l'article 29bis ».

Il justifie cette decision par tous ses motifs, reputes ici integralementreproduits, et notamment par les motifs selon lesquels aucune dispositionlegale ou reglementaire n'autorise expressement la [demanderesse] à seprevaloir de l'article 29bis ; celle-ci n'a pas ete elle-meme victime d'unaccident de la circulation, et elle ne peut se prevaloir de l'article29bis en tant qu'ayant droit de la victime, puisqu'elle n'est pas unproche de celle-ci et qu'elle n'a pas subi un prejudice personnel ne deslesions ou du deces du proche.

Griefs

Premiere branche

L'article 29bis, S: 1er, de la loi du 21 novembre 1989, applicable apresl'entree en vigueur de la loi du 30 mars 1994 jusqu'à l'entree en vigueurde la loi du 19 janvier 2001, l'accident s'etant produit le 4 juillet1995, disposait, dans sa version applicable du 1er juillet 1995 au 3 mars2001, que, « à l'exception des degats materiels, tous les dommagesresultant de lesions corporelles ou du deces, causes à toute victime d'unaccident de la circulation ou à ses ayants droit, dans lequel estimplique un vehicule automoteur, sont indemnises par l'assureur qui couvrela responsabilite du proprietaire, du conducteur ou du detenteur de cevehicule automoteur conformement à cette loi.

Il resulte de la formulation generale de cette disposition qu'elle ne faitaucune distinction entre le prejudice economique ou moral subi par lesproches de la victime et le prejudice economique subi par la societe quiemploie la victime protegee par cette disposition.

A defaut pour le droit belge d'attacher un regime particulier à lareparation des prejudices economiques, ceux-ci sont reparables pour autantqu'ils entretiennent un lien de causalite necessaire avec le prejudiceinitial subi par la victime de l'accident de la circulation.

La qualite de proche de la victime ne fait pas partie de la definitionlegale, donnee par le jugement attaque, «des ayants droit au sens del'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 ».

La decision qui denie à une partie la qualite d'ayant droit sur la basede la constatation que cette partie ne dispose pas d'une caracteristiquequ'elle precise mais qui ne fait pas partie de la definition legaled'ayant droit au sens de l'article 29bis viole cette disposition legale.

Tel est le cas du jugement attaque, qui ecarte du benefice de l'article29bis certaines personnes juridiques pour des motifs qui sont etrangers àses conditions d'application, en l'espece l'absence d'une caracteristiqueque cet article ne prevoit pas.

En outre, le jugement attaque definit « les ayants droit au sens del'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 » comme etant « tous ceuxauxquels le dommage corporel eprouve par un usager faible fait subir unprejudice par ricochet ».

Le jugement attaque considere ensuite notamment que « la [demanderesse]n'est pas un ayant droit de la victime puisqu 'elle n 'est pas un prochede celle-ci ».

A tout le moins est-il entache d'une contradiction contraire à l'article149 de la Constitution, qu'il viole.

Deuxieme branche

Le jugement attaque constate que la [demanderesse] invoque lajurisprudence relative au recours direct de l'employeur public, developpeepar la Cour de cassation depuis les arrets du 19 et du 20 fevrier 2001, «pour alleguer qu'elle a subi un dommage propre resultant de l'accidentlitigieux ».

Il est exact que la [demanderesse] enonc,ait, dans ses conclusionsd'appel, qu'elle avait subi, conformement à la jurisprudence de la Courde cassation, un dommage propre à la suite de l'accident litigieux.

Le jugement attaque considere qu'il ne peut etre tire aucun enseignementde cette jurisprudence « des l'instant ou il n'y a en l'occurrence nifaute d'un tiers responsable ni application possible [au] profit de [lademanderesse] de l'article 1382 du Code civil ».

Ce motif est contradictoire avec le motif par lequel le tribunal declarenon fondee l'action directe de la [demanderesse] basee sur l'article 29bisde la loi du 21 novembre 1989, motif selon lequel « il sied aussi derappeler ici l'enseignement de l'arret de la Cour de cassation du 9janvier 2006 ».

Dans cet arret, la Cour de cassation excluait l'existence d'un dommagereparable au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, des lors nonrecuperable aupres du tiers responsable.

L'on ne peut, sans contradiction, considerer simultanement qu'unejurisprudence definie de la Cour de cassation n'est pas susceptible des'appliquer en l'espece, notamment sur la question du dommage reparable,en raison de l'absence de tiers responsable ou de recours fonde surl'article 1382 du Code civil et, ensuite, exclure l'existence d'un dommagereparable sur la base de la jurisprudence que la Cour de cassation adeveloppee en ce qui concerne le dommage reparable de l'employeur public,sur la base de l'article 1382 du Code civil, aupres du tiers responsable.

Ce faisant, le jugement attaque viole l'article 149 de la Constitution.

Troisieme branche

L'article 29bis, S: 1er, de la loi du 21 novembre 1989, applicable à ladate de l'accident litigieux, vise, au titre de dommages reparables, tousles dommages resultant des lesions corporelles ou du deces, à l'exceptiondes degats materiels. Sous la seule reserve des dommages causes aux biens,la victime peut pretendre à la reparation de toutes les consequencespatrimoniales ou extrapatrimoniales des lesions corporelles ou du deces.Pour etre reparables, il faut que ces dommages repondent aux conditions dudroit commun : le dommage doit etre certain, personnel et porter atteinteà un interet legitime. Sous cette reserve, tout ce qui est reparable endroit commun l'est aussi au titre de l'article 29bis, conformement auparagraphe 5 de cet article qui disposait, dans sa version applicable aumoment de l'accident, que « les regles de la responsabilite civilerestent d'application pour tout ce qui n'est pas regi expressement par[ledit] article ».

Le jugement attaque considere que « la [demanderesse] n'a pas subi unprejudice personnel ne des lesions ou du deces de ce proche » que doitetre la victime. Ce faisant, le jugement attaque exclut ainsi que soitconstitutif d'un dommage reparable, au sens de l'article 29bis, lesdecaissements operes par la [demanderesse] en faveur de son agent, etantles frais medicaux, le salaire verse durant la periode d'incapacitetemporaire et le capital constitutif de la rente pour l'invaliditepermanente.

Il est constant que constituent un dommage reparable au sens de l'article1382 du Code civil les frais medicaux supportes par l'employeur à lasuite de l'accident dont son agent a ete victime.

Il est egalement constant que constituent un dommage reparable au sens del'article 1382 du Code civil les remunerations payees à un travailleursans que celui-ci fournisse de prestations de travail en contrepartie, àla suite de l'incapacite de travail temporaire qui a ete causee par unaccident du travail ou sur le chemin du travail.

Il est enfin constant que la rente payee par l'employeur en casd'incapacite permanente n'est pas versee au travailleur en contrepartie deprestations de travail supplementaires de ce dernier. Dans cette mesure,cette rente est payee au travailleur sans que celui-ci fournisse deprestations de travail en contrepartie. Il est egalement constant, ainsique le constate le jugement attaque, que le fascicule 572, qui est unedisposition regissant le statut des agents de la [demanderesse], prevoitla subrogation de cette derniere, notamment pour les « avancesrecuperables à charge des tiers responsables de l'accident ». Lejugement attaque refuse certes de deduire du constat qu'il y a subrogationque celle-ci porte sur l'action en indemnisation fondee sur l'article29bis precite. Il subsiste qu'il se deduit de cette subrogation,conformement aux criteres consacres par la jurisprudence de la Cour decassation, que ces depenses ne doivent pas rester definitivement à chargede celui qui les a exposees.

Aussi ces rentes constituent-elles un dommage reparable dans le chef del'employeur, conformement aux criteres etablis par la jurisprudence de laCour.

Des lors que ces dommages au sens de l'article 1382 du Code civilconstituent egalement des dommages reparables sur la base de l'article29bis de la loi du 21 novembre 1989, ils doivent etre pris en charge parl'assureur qui couvre la responsabilite du proprietaire, du conducteur oudu detenteur du vehicule automoteur implique dans l'accident litigieux.

Le jugement attaque, qui rejette l'action directe de la [demanderesse]fondee sur l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989, au motif erronequ'elle n'a pas subi de prejudice ne des lesions de la victime, alorsqu'il constate que la [demanderesse] a effectivement indemnise la victimepour les depenses visees à ce moyen, viole cette disposition.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Sur la fin de non-recevoir opposee par la defenderesse au moyen, en cettebranche, et deduite de ce qu'il invoque la violation d'une dispositionlegale non applicable aux faits :

Le moyen, en cette branche, soutient que le jugement viole l'article 29bisde la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de laresponsabilite en matiere de vehicules automoteurs « dans sa versionapplicable du 1er juillet 1995 au 3 mars 2001, l'accident s'etant produitle 4 juillet 1995 », c'est-à-dire la loi precitee dans sa versionposterieure à la loi du 30 mars 1994 et, donc, à l'entree en vigueur, le1er juillet 1995, de la loi du 13 avril 1995.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

Aux termes de l'article 29bis, S: ler, alinea 1er, de la loi du 21novembre 1989 dans sa version applicable au litige, à l'exception desdegats materiels, tous les dommages resultant de lesions corporelles ou dudeces, causes à toute victime d'un accident de la circulation ou à sesayants droit, dans lequel est implique un vehicule automoteur, sontindemnises par l'assureur qui couvre la responsabilite du proprietaire, duconducteur ou du detenteur de ce vehicule automoteur conformement à cetteloi.

Le jugement attaque, qui considere que seuls les proches de la victimesont les ayants droit vises par cette disposition legale, viole celle-ci.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Dinant,siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le conseiller Didier Batsele, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Sylviane Velu etMichel Lemal, et prononce en audience publique du vingt janvier deux milledouze par le president Christian Storck, en presence du procureur generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | S. Velu |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

20 JANVIER 2012 C.09.0353.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 20/01/2012
Date de l'import : 15/02/2012

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.09.0353.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-01-20;c.09.0353.f ?
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