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06/01/2012 | BELGIQUE | N°C.10.0384.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 janvier 2012, C.10.0384.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5419



NDEG C.10.0384.F

M. G.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

VILLE DE ROCHEFORT, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Rochefort, place Albert 1er, en l'hotel de ville,

defenderesse en cassation,

en presence de

COMMUNAUTE FRANC,AISE, representee par son gouvernement,

en la personne deson ministre-president, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, placeSurlet de Chokier, 15-17,

partie ap...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5419

NDEG C.10.0384.F

M. G.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

VILLE DE ROCHEFORT, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Rochefort, place Albert 1er, en l'hotel de ville,

defenderesse en cassation,

en presence de

COMMUNAUTE FRANC,AISE, representee par son gouvernement, en la personne deson ministre-president, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, placeSurlet de Chokier, 15-17,

partie appelee en declaration d'arret commun,

representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 septembre2007 par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 84, S: 2, de la loi communale du 30 mars 1836, avant sacoordination par l'arrete royal du 24 juin 1988 portant codification de laloi communale sous l'intitule Nouvelle loi communale et ratifie par la loidu 26 mai 1989.

Decisions et motifs critiques

L'arret deboute la demanderesse de sa demande de dommages et interets etla condamne aux depens des deux instances, liquides à 925,63 euros, auxmotifs

« Qu'il ressort des pieces deposees que la seule nomination dont abeneficie (la demanderesse) date du 27 aout 1971 ;

Que cette nomination à titre definitif portait que `le nombre d'heures deprestations de chacun sera fixe lors de l'horaire à etablir en septembre1971', soit en realite 16 heures de cours de techniques et pratiquesprofessionnelles dans l'enseignement secondaire inferieur à partir du 1erseptembre 1971 (...) ;

Que le fait que, dans la suite, (la demanderesse) ait ete appelee àdonner plus d'heures de cours, pour arriver meme à un horaire complet de24 heures, est sans incidence sur le nombre d'heures visees à sanomination, meme si elles ont ete remunerees au meme tarif que lesautres ;

Que (la defenderesse) produit actuellement un document emanant del'administration generale des personnels de l'enseignement de laCommunaute franc,aise date du 4 decembre 2003 d'ou il apparait que, durantl'annee 1982-1983, [la demanderesse] a donne 24 heures de cours dont 5 àtitre temporaire (soit 19 à titre definitif), en 1983-1984, 24 heuresdont 5 à titre temporaire (soit 19 à titre definitif), en 1984-1985, 24heures dont 4 à titre temporaire (soit 20 à titre definitif) et, qu'en1985-1986, si elle a conserve 4 heures à titre temporaire, elle asollicite un conge pour prestations reduites pour convenances personnellesqui visait en fait les heures prestees à titre definitif ;

Qu'il s'en deduit qu'une mise en disponibilite pour des heures depassantcelles visees par la nomination definitive aurait ete sans incidence surune subvention-traitement d'attente reclamee actuellement ;

Que (la demanderesse) ne demontre ni dans le chef de (la defenderesse) nimoins encore dans celui de (la partie appelee en declaration d'arretcommun) une faute ayant entraine un dommage dans son chef ».

Griefs

En vertu de l'article 84, S: 2, de la loi communale du 30 mars 1836, leconseil communal nomme les agents dont la loi ne regle pas la nomination.

Dans ses conclusions, la demanderesse soutenait qu'il est « constant que,tout au long de (sa carriere), (la defenderesse) a declare au pouvoirsubsidiant l'ensemble des prestations de (la demanderesse) (une chargecomplete, soit 24 periodes) comme accompli au titre d'un engagementdefinitif. Ceci n'a jamais fait l'objet d'une contestation quelconque :telle est la situation, reguliere, de (la demanderesse) à partir deseptembre 1976 jusqu'à la rentree scolaire 1982. Il est de jurisprudenceconstante, alors (c'est-à-dire avant que des dispositions decretales neviennent preciser la matiere), que, lorsqu'un enseignant est nomme àtitre definitif sans que soit precisee la hauteur de sa charge, desattributions ulterieures complementaires faites sans reserves ni autresprecisions - ce qui est le cas de (la demanderesse) - impliquent que `lapartie adverse (la ville) a necessairement etendu les attributions de larequerante à titre definitif' (C.E., nDEG 26.309 du 26 mars 1986). Lachose est d'autant plus certaine lorsque, comme ici, les prestations ontete ainsi formellement decrites comme definitives à l'intention dupouvoir subsidiant. Tant le principe de stabilite des emplois communauxque l'application, par analogie, des principes de base du statut desenseignants de la Communaute, alors deposes dans les dispositions del'arrete royal du 22 mars 1969, commandent qu'il en aille ainsi ».

Avant l'entree en vigueur du decret du 6 juin 1994 fixant le statut desmembres du personnel subsidie de l'enseignement officiel subventionne,aucune disposition ne reglait formellement la nomination et les conditionsauxquelles les membres temporaires de l'enseignement secondaire organisepar les communes pouvaient etre nommes à titre definitif. Le conseilcommunal de la defenderesse etait, des lors, en vertu de la loi communaledu 30 mars 1836, habilite à nommer la demanderesse et, le cas echeant, àmodifier l'horaire pour lequel elle etait nommee à titre definitif. Apresune nomination initiale à titre definitif, l'extension ulterieure, sansreserve, par le conseil communal, de l'horaire fixe dans cette nominationinitiale constitue une nomination au sens de cet article 84, S: 2, de laloi communale.

Il s'en deduit que, lorsque le pouvoir organisateur etend sans reserve lenombre d'heures de cours d'un enseignant, sa nomination à titre definitifest implicitement mais necessairement completee par le nombre d'heures decours attribue.

L'arret constate que, « durant l'annee 1982-1983, (la demanderesse) adonne 24 heures de cours dont 5 à titre temporaire (soit 19 heures àtitre definitif), en 1983-1984, 24 heures dont 5 à titre temporaire (soit19 heures à titre definitif), en 1984-1985, 24 heures dont 4 à titretemporaire (soit 20 à titre definitif) et qu'en 1985-1986, si elle aconserve 4 heures à titre temporaire, elle a sollicite un conge pourprestations reduites pour convenances personnelles, qui visait en fait lesheures prestees à titre definitif ». L'arret reconnait ainsi l'existencede plusieurs extensions de charge portant l'horaire à titre definitif à19 heures pour les annees scolaires 1982-1983 et 1983-1984 et à 20 heuresà partir de l'annee scolaire 1984-1985.

En decidant qu'« il ressort des pieces deposees que la seule nominationdont a beneficie (la demanderesse) date du 27 aout 1971 » et que « (la)nomination à titre definitif de (de la demanderesse) portait que `lenombre d'heures de prestations de chacun sera fixe lors de l'horaire àetablir en septembre 1971', soit en realite 16 heures de cours detechniques et pratiques professionnelles dans l'enseignement secondaireinferieur à partir du 1er septembre 1971 », l'arret decide implicitementmais necessairement qu'une extension de charge sans reserve par l'autoritecompetente n'equivaut pas à une nomination à titre definitif. Il viole,partant, l'article 84, S: 2, de la loi communale du 30 mars 1836. A toutle moins, les motifs de l'arret ne permettent pas de determiner si la courd'appel a entendu decider que seul un acte formel de nomination pouvaitavoir pour effet d'etendre les attributions de la demanderesse à titredefinitif. Ses motifs sont des lors entaches d'ambiguite en violation del'obligation de motivation (violation de l'article 149 de la Constitution)et ne permettent pas à la Cour d'exercer son controle sur la legalite dela decision au regard de l'article 84, S: 2, de la loi communale du 30mars 1836 (violation de l'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Sur la premiere fin de non-recevoir opposee au moyen par la partie appeleeen declaration d'arret commun et deduite de ce que la seule violation del'article 84, S: 2, de la loi communale du 30 mars 1836 ne sauraitentrainer la cassation :

Satisfait à l'article 1080 du Code judiciaire en tant que celui-ciprescrit l'indication, dans la requete, des dispositions legales dont laviolation est invoquee, le moyen indiquant une disposition legale qui aete violee, pourvu que cette violation puisse entrainer la cassation dudispositif attaque.

L'arret considere que l'absence de mise en disponibilite pour des heuresdepassant celles qui sont visees par la nomination definitive de lademanderesse ne constitue pas une faute de la defenderesse au motif que« le fait que, [suite à la seule nomination à titre definitif, laquelleportait sur 16 heures de cours], [la demanderesse] ait ete appelee àdonner plus d'heures de cours pour arriver meme à un horaire complet estsans incidence sur le nombre d'heures visees à sa nomination ».

La violation de l'article 84, S: 2, de la loi communale du 30 mars 1836,que le moyen invoque pour critiquer ce motif, suffirait, si ce moyen etaitfonde, à entrainer la cassation de la decision de debouter lademanderesse de sa demande en indemnisation.

Sur la seconde fin-de non recevoir opposee au moyen par la partie appeleeen declaration d'arret commun et deduite du defaut d'interet :

Par l'enonciation qu' « une mise en disponibilite pour des heuresdepassant celles qui sont visees par la nomination definitive aurait etesans incidence sur une subvention-traitement d'attente reclamee par [lademanderesse] », l'arret ne constate pas, contrairement à ce quesoutient la partie appelee en declaration d'arret commun, l'absence delien de causalite entre la faute, consistant en l'absence de mise endisponibilite pour des heures depassant en 1985-1986 celles qui sontvisees par la nomination definitive de la demanderesse, et le dommageallegues par celle-ci au motif qu'elle a « sollicite un conge pourprestations reduites pour convenances personnelles, qui visait en fait lesheures prestees à titre definitif ».

Les fins de non-recevoir ne peuvent etre accueillies.

Sur le fondement du moyen :

En vertu de l'article 84, S: 2, de la loi communale du 30 mars 1836, leconseil communal nomme les agents dont la loi ne regle pas la nomination.

Le conseil communal est habilite à nommer à titre definitif un membre dupersonnel enseignant de la commune.

Lorsqu'un enseignant est nomme à titre definitif avec un certain horaire,le conseil communal qui lui attribue ulterieurement, sans reserves,d'autres heures de cours, etend necessairement ses attributions à titredefinitif.

L'arret releve que « la demande porte sur l'indemnisation du prejudicequ'aurait subi [la demanderesse] à la suite de la faute qu'aurait commise[la defenderesse] à l'occasion de la determination des prestations del'annee scolaire 1982-1983 », que « [la demanderesse] expose que, nommeeà titre definitif le 27 aout 1971, elle a assure, des 1976-1977, unhoraire complet jusqu'en 1982-1983, moment ou elle a donne plusieursheures à titre temporaire et ce, jusqu'en 1985-1986 », qu' « elleaffirme qu'il appartenait [à la defenderesse] de proceder au prealable àune mise en disponibilite par defaut partiel d'emploi », qu' « elleexplique que, mise en disponibilite, elle aurait continue à beneficier dela subvention-traitement d'attente pour son horaire complet en cas desuppression partielle ou totale d'emploi, alors qu'à defaut de ce faire,les heures prestees à titre temporaire n'ont pas ete prises en compte »,et qu' « elle y voit une faute de [la defenderesse] qui justifie sacondamnation à reparer le dommage dont elle fait etat ».

L'arret enonce que « la seule nomination dont a beneficie [lademanderesse] date du 27 aout 1971 », que « cette nomination à titredefinitif portait [que] `le nombre d'heures de prestations [serait fixe]lors de l'horaire à etablir en septembre 1971', soit, en realite, 16heures de cours de techniques et pratiques professionnelles dansl'enseignement secondaire inferieur à partir du 1er septembre 1971 ».

Il constate que, « durant l'annee 1982-1983, [la demanderesse] a donne 24heures de cours dont 5 à titre temporaire, soit 19 à titre definitif, en1983-1984, 24 heures dont 5 à titre temporaire, soit 19 à titredefinitif, en 1984-1985, 24 heures dont 4 à titre temporaire, soit 20 àtitre definitif ».

L'arret, qui considere que « le fait que, [apres le 1er septembre 1971],[la demanderesse] ait ete appelee à donner plus d'heures de cours, pourarriver meme à un horaire complet de 24 heures, est sans incidence sur lenombre d'heures visees à sa nomination », pour en deduire que « [lademanderesse] ne demontre [pas] dans le chef de [la defenderesse] [...]une faute ayant entraine un dommage dans son chef », viole l'article 84,S: 2, de la loi communale du 30 mars 1836.

Le moyen est fonde.

Et la demanderesse a interet à ce que l'arret soit declare commun à lapartie appelee à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Declare le present arret commun à la Communaute franc,aise ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Sylviane Velu, Alain Simon et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du six janvier deux mille douze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistancedu greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| S. Velu | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

6 JANVIER 2012 C.10.0384.F.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0384.F
Date de la décision : 06/01/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2012-01-06;c.10.0384.f ?
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