Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.11.0894.N
1. C. C.,
* 2. F. D.,
* 3. F. G.,
* accuses,
* demandeurs,
* Me Michel Maux, avocat au barreau de Bruges.
I. La procedure devant la Cour
VI. Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 5 avril 2011 parla cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
VII. Le premier avocat general Marc De Swaef a depose au greffe desconclusions ecrites.
VIII. Les demandeurs invoquent trois moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
IX. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport à l'audience du 3janvier 2012 et le premier avocat general precite a conclu.
II. La decision de la Cour
(...)
Sur les deuxieme et troisieme moyens :
11. Le deuxieme moyen, en sa premiere branche, invoque la violation del'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, en combinaison avec les articles 444 du Code desimpots sur les revenus 1992 et 70 du Code de la taxe sur la valeurajoutee : l'arret decide, à tort, que le caractere penal d'une sanction,au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales, est apprecie selon la gravite del'accroissement d'impots et de l'amende et qu'il y a lieu, en outre, detenir compte de la gravite de l'infraction et des elements concrets, ainsique du contexte de sa commission ; la nature et la gravite de la sanctiondoivent effectivement etre appreciees de maniere abstraite et à lalumiere de la sanction maximale ; de plus, la gravite de l'infraction, leselements concrets et le contexte de sa commission sont sans pertinencepour apprecier le caractere penal d'une sanction.
Le deuxieme moyen, en sa seconde branche, invoque la violation del'article 6 de la Convention, en combinaison avec les articles 444 du Codedes impots sur les revenus 1992 et 70 du Code de la taxe sur la valeurajoutee : l'arret decide, à tort, que le caractere penal d'une sanction,au sens de l'article 6 de la Convention, depend de la sanction infligeedans une cause determinee et doit donc etre apprecie au cas par cas. Cetteappreciation ne revet pas un caractere individuel et in concreto, maisdoit etre faite à la lumiere de la norme legale à la base de lasanction ; c'est la norme de punissabilite qui determine le caractere dela sanction et non la sanction en une cause determinee.
Le troisieme moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention et14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques :l'arret decide, à tort, que les sanctions administratives fiscales sontcumulables aux sanctions penales fiscales ; il y a effectivementmeconnaissance du principe non bis in idem si, dans le chef d'une memepersonne, des sanctions reconnues de droit penal se succedent et si lesdeux sanctions punissent les memes faits ou substantiellement les memesfaits.
12. En vertu de principe general du droit non bis in idem et de l'article14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, nulne peut etre poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle ila dejà ete acquitte ou condamne par un jugement definitif conformement àla loi et à la procedure penale de l'Etat.
Cette interdiction d'un second jugement ou d'une seconde sanction supposeque les deux jugements ou sanctions concernent la meme personne et que lepremier jugement ou la premiere sanction a ete prononce de manieredefinitive conformement à la loi et à la procedure de l'Etat au momentdu second jugement ou de la seconde sanction.
13. En adoptant le requisitoire du ministere public (p. 14, nDEG 6),l'arret decide (p. 17, avant dernier alinea) notamment que l'applicationdu principe non bis in idem requiert qu'il faille verifier si lespersonnes auxquelles une amende administrative ou accroissement d'impots aete infligee sont les memes que celles poursuivies devant le juge penal(condition de l'identite des personnes) et, par consequent, que lasanction administrative ou accroissement d'impots en matiere d'impot dessocietes ou de TVA infligee à l'asbl Coast-Adventure ne fait pas obstacleaux poursuites des demandeurs du chef de correite aux infractions fiscalesen matiere d'impots des societes et de TVA, etant donne qu'aucune sanctionpenale ne leur a encore ete infligee du chef de ces infractions.
Par ces motifs distincts, l'arret rejette la demande des demandeurs visantà ce que soit declaree irrecevable l'action publique exercee du chef despreventions A1 à A6 (non-depot de declarations TVA concernant l'asblCoast-Adventure) et B1 à B6 (non-depot de declarations en matiere d'impotdes societes concernant l'asbl Coast-Adventure).
Les second et troisieme moyens qui critiquent cette decision sont dirigescontre des motifs surabondants et sont, dans cette mesure, irrecevables.
14. L'exigence que le premier jugement ou la premiere sanction au momentdu second jugement ou de la seconde sanction soit definitif conformementà la loi et à la procedure penale de l'Etat implique, en ce qui concerneles sanctions prononcees par les autorites fiscales en matiere d'impotsdes personnes physiques, que ces sanctions ne puissent plus etrecontestees par une reclamation aupres des autorites fiscales ni davantageau moyen d'un recours ordinaire devant le juge.
15. En adoptant le requisitoire du ministere public (p. 12, nDEG 2 et 4),l'arret considere notamment (p. 17, avant dernier alinea), d'une part, queles sanctions administratives prononcees à titre definitif peuvent, parleur caractere penal, eteindre l'action publique et, d'autre part, que depossibles impots et sanctions complementaires effectifs ont ete enroles etverses et que les demandeurs peuvent encore contester cette impositiondevant les tribunaux civils en matiere fiscale, de sorte que, sur la basede ces pieces, il ne peut etre decide si une sanction administrative a eteprononcee à titre definitif.
Par ces motifs distincts, l'arret rejette la demande des demandeurs visantà ce que soit declaree irrecevable l'action publique exercee du chef despreventions C1 à C4 (non-declaration en matiere d'impots des personnesphysiques concernant le premier demandeur), C5 à C8 (non-declaration enmatiere d'impots des personnes physiques concernant le deuxiemedemandeur), C9 à C12 (non-declaration en matiere d'impots des personnesphysiques concernant le troisieme demandeur).
Les deuxieme et troisieme moyens qui critiquent cette decision, sontdiriges contre des motifs surabondants et sont, dans cette mesure,irrecevables.
Questions prejudicielles
16. Les demandeurs demandent à la Cour de poser à la Courconstitutionnelle les questions prejudicielles suivantes :
1. « L'article 449 du Code des impots sur les revenus 1992 viole-t-il leprincipe de l'egalite et les articles 10 et 11 de la Constitution, lusconjointement avec le principe general du droit non bis in idem et avecl'article 14, 7DEG, du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, en ce qu'il permet que des personnes auxquelles unaccroissement d'impot de 50% a ete inflige en application de l'article 444du Code des impots sur les revenus 1992 et qui ont paye cet accroissementd'impot, peuvent encore etre poursuivies au penal par la suite? »
2. L'article 73 du Code de la taxe sur la valeur ajoutee viole-t-il leprincipe de l'egalite et les articles 10 et 11 de la Constitution, lusconjointement avec le principe general du droit non bis in idem et avecl'article 14, 7DEG, du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, en ce qu'il permet que des personnes auxquelles une amendeadministrative de 50% a ete infligee en application de l'article 70 duCode de la taxe sur la valeur ajoutee et qui ont paye cette amendeadministrative, peuvent encore etre poursuivies au penal par la suite? »
17. Des lors que les moyens qui soulevent les questions prejudiciellessont irrecevables pour des motifs etrangers aux dispositions legales quiconstituent l'objet de ces questions, la Cour n'est pas tenue de lesposer.
Le controle d'office
18. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette les pourvois ;
* Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi ;
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Etienne Goethals, les conseillers KoenMestdagh, Filip Van Volsem, Alain Bloch et Peter Hoet et prononce enaudience publique du trois janvier deux mille douze par le president desection Etienne Goethals, en presence du premier avocat general Marc DeSwaef, avec l'assistance du greffier delegue Veronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
3 janvier 2012 P.11.0894.N/6