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25/11/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0559.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 novembre 2011, C.10.0559.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

815



NDEG C.10.0559.F

1. Adobe Systems, societe de droit de l'Etat du Delaware (Etats-Unisd'Amerique) dont le siege est etabli à San Jose (Etats-Unis d'Amerique),Park Avenue, 345,

2. Autodesk, societe de droit de l'Etat du Delaware (Etats-Unisd'Amerique) dont le siege est etabli à San Rafael (Etats-Unisd'Amerique), Mc Innis Parkway, 111,

3. Microsoft CORPORATION, societe de droit de l'Etat de Washington(Etats-Unis d'Amerique) dont le siege est etabli à Washington (Etats-Unisd'Amerique), Microsoft Way, Redmo

nd, 1,

4. Siemens PRODUCT LIFECYCLE MANAGEMENT SOFTWARE, societe de droit del'Etat du Texas...

Cour de cassation de Belgique

Arret

815

NDEG C.10.0559.F

1. Adobe Systems, societe de droit de l'Etat du Delaware (Etats-Unisd'Amerique) dont le siege est etabli à San Jose (Etats-Unis d'Amerique),Park Avenue, 345,

2. Autodesk, societe de droit de l'Etat du Delaware (Etats-Unisd'Amerique) dont le siege est etabli à San Rafael (Etats-Unisd'Amerique), Mc Innis Parkway, 111,

3. Microsoft CORPORATION, societe de droit de l'Etat de Washington(Etats-Unis d'Amerique) dont le siege est etabli à Washington (Etats-Unisd'Amerique), Microsoft Way, Redmond, 1,

4. Siemens PRODUCT LIFECYCLE MANAGEMENT SOFTWARE, societe de droit del'Etat du Texas (Etats-Unis d'Amerique) dont le siege est etabli à Plano(Etats-Unis d'Amerique), Granite Parkway, 5800,

5. Quark, societe de droit de l'Etat du Colorado (Etats-Unis d'Amerique)dont le siege est etabli à Denver (Etats-Unis d'Amerique), Grant Street,1800,

6. Corel CORPORATION, societe de droit de l'Etat d'Ontario (Canada) dontle siege est etabli à Ottawa (Canada), Carling Avenue, 1600,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est faitelection de domicile,

contre

1. Taquin, societe anonyme dont le siege social est etabli à Frameries,rue du Grenadier, 26,

2. Dralco, societe anonyme dont le siege social est etabli à Frameries,rue du Grenadier, 26,

defenderesses en cassation,

representees par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 avril 2010par la cour d'appel de Mons.

Le 3 novembre 2011, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport et l'avocat generalJean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demanderesses presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- article 1369bis/1, S: 3, plus particulierement 2), et S: 5, plusparticulierement 2), du Code judiciaire, insere par la loi du 10 mai 2007,article 22.

Decisions et motifs critiques

L'arret :

- « Met à neant le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a rec,u latierce opposition de [la premiere defenderesse], et reformant ;

- Rec,oit la tierce opposition de la [seconde defenderesse] ;

- Dit la tierce opposition fondee ;

- Retracte en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 mars 2009par le president du tribunal de commerce de Mons ;

- Pour autant que de besoin, ordonne la mainlevee des saisies et scelleset la restitution du materiel appartenant à la [premiere defenderesse]et/ou à la [seconde defenderesse] et eventuellement enleve, le tout dansles 48 heures de la signification [de l'arret] ;

- Condamne in solidum [les demanderesses] aux depens des deux instancesdes [defenderesses] et delaisse [aux demanderesses] leurs propres depensdans les deux instances ».

L'arret est fonde sur les motifs suivants :

(...)

« Fondement de la tierce opposition

Les [defenderesses] rappellent à juste titre que la loi du 10 mai 2007 atranspose en droit interne les articles 7 et 9 de la directive 2004/48relative aux procedures en matiere de droit intellectuel. Elle estcaracterisee par la recherche d'un meilleur equilibre que precedemmententre, d'une part, les interets opposes du saisissant, qui a besoin d'uneprocedure rapide et unilaterale pour proteger ses droits, et, d'autrepart, ceux du saisi dont l'activite ne doit pas etre entravee de manieredisproportionnee et qui ne peut etre victime d'une decision prise de factoavant le debat judiciaire au fond.

Le legislateur a voulu baliser clairement la procedure, en imposant plusde rigueur et de precision au juge lors de l'examen de la requeteunilaterale ainsi que dans la determination de la mission confiee àl'expert en assurant au saisi une meilleure protection des documentsconfidentiels lors des investigations (Van Reepinghen B. et L., Les droitsintellectuels renforces : la contrefac,on en point de mire, J.T., 2008, p.149).

La mesure de saisie-description reste dans le nouveau contexte legalconditionnee par la verification de deux parametres : la validite primafacie des droits intellectuels de la partie requerante et l'existenced'indices permettant de conclure à l'existence d'une menace d'atteinte àces droits ou à leur atteinte effective. Il ne peut evidemment etre exigedu demandeur en saisie-description, à ce stade de la procedure, derapporter la preuve de la contrefac,on invoquee puisque, par definition,la saisie-description a pour objet de parfaire cette preuve (de Haan T.,Le pouvoir du juge sur les mesures de description dans le cadre de lasaisie en matiere de contrefac,on, R.D.C., 2009, p. 419).

En revanche, l'octroi de mesures complementaires telles que la saisieconservatoire de biens supposes contrefaits est dorenavant soumis à desconditions plus severes, l'article 1369bis/1 du Code judiciaire exigeantdu juge, outre la verification de la validite apparente des droitsintellectuels du requerant, d'examiner :

- si l'atteinte au droit de propriete intellectuelle en cause ne peut etreraisonnablement contestee,

- si, apres avoir fait une ponderation des interets en presence, dontl'interet general, les faits et, le cas echeant, les pieces sur lesquellesle requerant se fonde sont de nature à justifier raisonnablement lasaisie tendant à la protection du droit invoque.

Autrement dit, les conditions mises à l'octroi de mesures complementairesà la description vont au-delà du simple soupc,on de contrefac,on etrequierent un examen plus approfondi de la vraisemblance de l'atteintealleguee.

Il importe de souligner que le respect des exigences posees par la loi du10 mai 2007 ne peut s'apprecier sur la base des resultats de la mesureobtenue, sous peine de vider de son sens le controle, meme marginal,confie au juge saisi sur requete unilaterale ; le caractere intrusif desmesures visees par l'article 1369bis du Code judiciaire, particulierementen matiere informatique, ou n'est pas à negliger le risque de paralysieque pareilles mesures sont susceptibles de causer à une entreprise, doiten outre inciter à une particuliere circonspection dans la balance desinterets en presence (Cruquenaire A. et Henrotte J.-F., Lasaisie-description en matiere informatique : appel à une plus grandeponderation et à la juste mesure des magistrats, R.D.T.I., 2010, p. 13 etref. cit.).

Si les droits de propriete intellectuelle dont les [demanderesses] serevendiquent ne font pas l'objet de contestation, les [defenderesses]denient cependant l'existence d'indices justifiant tant la mesure dedescription que les mesures complementaires.

La requete originairement deposee par les [demanderesses] mentionnait,comme seul element de nature à justifier leurs soupc,ons de contrefac,on,une 'denonciation anonyme' de ce que [les defenderesses] s'etaient renduescoupables de contrefac,on pour avoir utilise des reproductions delogiciels sans l'autorisation de l'auteur.

Outre les pieces justifiant les droits intellectuels invoques, etaientjointes à cette requete deux decisions de jurisprudence, une `informationinfobase' et `l'instruction de madame L. V. C.'.

Ces deux dernieres pieces consistent en :

- un document extrait d'un site internet en langue anglaise, presente parles [demanderesses] comme la BSA, consortium representant les interets desindustriels du logiciel et mentionnant certains renseignements relatifs àla [premiere defenderesse] ;

- une 'confirmation de mission' par laquelle le conseil des[demanderesses] charge une dame V. C. - non autrement identifiee ouqualifiee - de 'l'assister dans les saisies en matiere de contrefac,on'qu'il sollicite à la requete des [demanderesses] en matiere de logicielsillegaux ;

Force est de constater que la ou les denonciations anonymes dont seprevalaient les [demanderesses] ne font l'objet d'aucun element concretd'appreciation soumis au president du tribunal de commerce de Mons àl'appui de la requete deposee le 11 mars 2009 : la pretendue denonciationqui aurait ete faite sur le site internet de BSA n'est pas deposee et ledocument tire du site de ce consortium ne permet pas, contrairement à ceque soutiennent les [demanderesses], de materialiser l'existence meme dela denonciation alleguee.

Ainsi, independamment de la question de savoir si une plainte anonymepourrait constituer l'indice de contrefac,on requis par l'article1369bis/1, S: 3, du Code judiciaire, il apparait en l'espece qu'aucunelement de nature à etayer les soupc,ons formules par les [demanderesses]ne fut depose en annexe à leur requete initiale.

Les conditions legales doivent etre reunies au jour ou l'ordonnanceautorisant cette saisie est rendue. Si la preuve de ce que tel etait lecas peut resulter aussi bien des elements soumis au president amene àstatuer sur la requete que des elements produits dans le cadre du debatcontradictoire provoque par la tierce opposition, il demeure qu'enl'espece, les [demanderesses] n'ont pas apporte aux debats d'autreselements probants que ceux tires de l'execution meme de la mesure dedescription et qu'il ne peut dans ces conditions etre considere que les[demanderesses] ont ainsi apporte le simple complement d'indicesjustifiant retroactivement leur demande.

Force est de constater en l'espece que les soupc,ons dont se prevalaientles [demanderesses] ne se fondaient, tant dans la requete initiale quedans le cadre de la tierce opposition, que sur un element non produit auxdebats et dont l'existence ne resultait que de la relation, indirecte,faite par les producteurs de logiciels eux-memes d'une denonciation rec,uepar un pretendu tiers s'identifiant en realite comme un organisme chargede la defense des interets de ces producteurs, à savoir BSA. Autrementdit, les soupc,ons de contrefac,on exprimes par les [demanderesses] ne sefondaient en definitive que sur leurs propres declarations, ce qui nesaurait etre admis sous peine d'oter toute signification aux exigencesposees par l'article 1369bis/1 du Code judiciaire.

Les [demanderesses] ne demontrent par ailleurs nullement que,techniquement parlant, les denonciations anonymes - à supposer qu'ellessoient admissibles - constitueraient de maniere generale le seul moyenleur permettant d'etre informees et de lutter contre l'utilisation decopies non autorisees de leurs logiciels.

La necessaire protection des droits des producteurs de logicielsinformatiques ne peut aboutir à les dispenser purement et simplement, aupretexte de la fonction probatoire de la mesure de description sollicitee,du respect des dispositions legales qui leur imposent de fournir au jugesaisi sur une requete unilaterale les indices materialisant leurssoupc,ons de contrefac,on. L'arret de la Cour de cassation du 26 novembre2009 (www.juridat.be, nDEG C.08.0206.N) ne contredit pas cette analyse etrenvoie à l'appreciation prima facie, qui se distingue de deux positionsexcessives et à bannir lors de l'examen de la requete ensaisie-description : exiger du saisissant la demonstration de lacontrefac,on ou autoriser les mesures intrusives comme lasaisie-description sans autre indice que les declarations unilaterales durequerant ou l'allegation d'une denonciation anonyme, à la supposeradmissible.

Des considerations qui precedent, il suit que la mesure desaisie-description sollicitee et, a fortiori, les mesures complementairesne pouvaient etre accordees, faute pour les [demanderesses] dematerialiser par un quelconque element d'appreciation les indices decontrefac,on dont elles se prevalaient.

L'appel doit en consequence etre declare fonde.

(...)

Les [demanderesses], parties succombantes, supporteront les depens desdeux instances des [defenderesses]. Les indemnites de procedure serontfixees, par instance et eu egard à la complexite de la cause donttemoigne l'ampleur des debats et des ecrits de procedure, à 7.500 eurospar instance ».

Griefs

Premiere branche

Avant d'aborder « en ordre subsidiaire » l'existence d'« indices »d'atteinte ou de menace d'atteinte aux droits de propriete intellectuelledes demanderesses, requis par l'article 1369bis/1 du Code judiciaire, lesdemanderesses faisaient valoir dans leurs « dernieres conclusions(d'appel) additionnelles et de synthese » que :

- « L'examen de la validite et/ou suffisance d'un indice n'est quesubsidiaire par rapport à la realite de l'atteinte en droit qui estprouvee ensuite de la description » ;

- « Comme il n'existe aucun doute qu'une copie faite sans autorisation del'auteur doit etre qualifiee comme une 'infraction', il ne doit etrerepondu à la question de savoir s'il y a des indications qu'une tellecopie a lieu ou a eu lieu, qu'en ordre subordonne » ;

- « Le fait meme de l'existence de copies à 100 p.c. suffit alors pourremplir la deuxieme exigence formulee par la loi et confirmee par lajurisprudence et la doctrine ;

Pour satisfaire à cette exigence, il n'est donc pas necessaire de prouverdes indications directes et concretes comme les [defenderesses] lepretendent ».

« En ordre principal », les demanderesses faisaient en effet valoir que:

« Le fait meme qu'il existe des copies faites sans autorisation del'auteur prouve necessairement une contrefac,on qui ne peut etreraisonnablement contestee » ;

« En cas d'une copie illegale d'un logiciel, il s'agit d'une copie à 100p.c. de l'original et, par consequent, il n'existe aucun doute qu'unetelle copie constitue une infraction aux droits intellectuels des[demanderesses]. Le but de la saisie-description etait precisement dedemontrer que de telles copies etaient presentes » ;

« Bien evidemment, le fait meme d'une copie realisee et utilisee sansautorisation de l'auteur est une indication suffisante et memeindiscutable de la contrefac,on. Il est clair qu'il n'est pas exige durequerant qu'il offre une preuve ou un debut de preuve qu'il s'agiraitd'une telle copie, puisque cette constatation est precisement l'objet dela saisie-description » ;

« Ceci ne vaut pas seulement pour la description mais aussi pour lesmesures de saisie (...). En fait, il faut constater que l'existence del'infraction ne peut plus etre raisonnablement contestee des lors quel'expert judiciaire a constate ces copies sans autorisation del'auteur ».

L'arret qui, sur la base des motifs precites decide que « la mesure desaisie-description sollicitee et, a fortiori, les mesures complementairesne pouvaient etre accordees, faute pour les [demanderesses] dematerialiser par un quelconque element d'appreciation les `indices' decontrefac,on dont elle se prevalaient », et se limite à un examen des« indices » de contrefac,on, omet de repondre aux moyens mentionnesci-dessus, invoques en conclusions tendant à souligner le caractere« subsidiaire » de la question des indices par rapport au point,presente « en ordre principal » de la contrefac,on incontestable commisepar les [defenderesses] en raison des copies faites du logiciel sansautorisation de leurs auteurs, [les demanderesses].

A defaut de repondre à ces moyens, l'arret n'est pas regulierement motiveet viole l'article 149 de la Constitution en vertu duquel le juge doitrepondre aux moyens regulierement invoques par les parties.

Deuxieme branche

Dans leurs conclusions d'appel, les demanderesses avaient fait valoir queles defenderesses avaient d'ailleurs « avoue » - à tout le moinspartiellement - « qu'elles etaient en possession des 'logiciels illegaux'et que le fait des 'copies illegales' etait ainsi egalement confirme parl'aveu des defenderesses qui reconnaiss[ai]ent explicitement leursinfractions aux droits d'auteur des [demanderesses] ».

Les demanderesses se referaient sur ce point à un passage de la requeted'appel des defenderesses confirmant que « [la premiere defenderesse]reconnait une partie des faits (en l'espece, elle explique qu'elleconteste le decompte, pas les infractions donc) ».

L'arret ne repond pas à ce moyen, fonde sur l'aveu de la contrefac,on parles defenderesses elles-memes.

A defaut de reponse à ce moyen invoque en conclusions, l'arret n'est pasregulierement motive et viole l'article 149 de la Constitution qui obligele juge à repondre aux moyens regulierement invoques devant lui.

Dans la mesure ou l'arret considere que les demanderesses « n'ont apporteaux debats d'autres elements probants que ceux tires de l'execution memede la mesure de description » et que « les soupc,ons de contrefac,onexprimes par [les demanderesses] ne se fondaient en definitive que surleurs propres declarations », il meconnait la foi due aux conclusions desdemanderesses, plus particulierement aux passages de ces conclusions citesci-dessus puisque les demanderesses y invoquaient expressement commepreuve de la contrefac,on l'aveu meme des defenderesses. L'arret a ainsiinterprete ces conclusions d'une fac,on inconciliable avec leurs termes.En meconnaissant ainsi la foi due à ces conclusions, plusparticulierement aux passages indiques, l'arret a viole les articles 1319,1320 et 1322 du Code civil interdisant au juge de meconnaitre la foi dueaux actes qui lui sont soumis en les interpretant d'une fac,oninconciliable avec leurs termes.

Troisieme branche

En ce qui concerne l'argumentation, invoquee « en ordre subsidiaire »relative aux « indices » d'une atteinte par les defenderesses aux droitsdes demanderesses, ces dernieres se fondaient dans leurs conclusionsd'appel expressement sur l'existence d'un document appele « leadinformation » (traduction libre : « information significative ») (piece13 de leur dossier), etabli par l'organisation BSA à la suited'informations etablissant des soupc,ons de piratage de logiciel.

L'arret qui considere que « les soupc,ons et indices dont se prevalaientles demanderesses ne se fondaient (...) que sur un element non produit auxdebats (...) », que « les soupc,ons de contrefac,on exprimes par lesdemanderesses ne se fondaient en definitive que sur leurs propresdeclarations » et que les indices de contrefac,on invoques n'etaientmaterialises par aucun element d'appreciation, d'une part, ne repond pasau moyen precite invoquant l'existence d'un document precis, produit commepiece nDEG 13, partant, viole l'article 149 de la Constitution qui obligele juge à repondre aux moyens regulierement invoques par les parties,d'autre part, en pretendant que les demanderesses pour justifierl'existence d'indices de contrefac,on ne produisaient aucun element auxdebats et ne se fondaient en definitive que sur leurs propresdeclarations, interprete les conclusions des demanderesses, plusparticulierement les passages cites à l'alinea precedent, d'une fac,oninconciliable avec leurs termes, les demanderesses y invoquant un documentprecis (piece nDEG 13) etablissant lesdits soupc,ons de contrefac,on.

L'arret a ainsi egalement meconnu la foi due à ces conclusions et, deslors, viole les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil qui obligent lejuge à respecter la foi due aux actes qui lui sont soumis en interdisantde les interpreter d'une fac,on inconciliable avec leurs termes.

Sur la base des considerations, critiquees ci-dessus, qu'il contient,l'arret ne pouvait pas legalement decider que « la mesure desaisie-description sollicitee, et, a fortiori (à plus forte raison), lesmesures complementaires ne pouvaient etre accordees, faute pour les[demanderesses] de materialiser par un quelconque element d'appreciationles indices de contrefac,on dont elles se prevalaient ».

N'ayant pas eu egard aux indices invoques, document concret à l'appui,l'arret a viole la notion d'indices au sens de l'article 1369bis/1, S: 3,2), et S: 5, 2), du Code judiciaire.

Quatrieme branche

En vertu de l'article 1369 bis/1, S: 3, 2), du Code judiciaire :

« Le president, statuant sur une requete visant à obtenir des mesures dedescription, examine :

(...)

2) s'il existe des indices selon lesquels il a ete porte atteinte au droitde propriete intellectuelle en cause ou qu'il existe une menace d'unetelle atteinte ».

En vertu de l'article 1369bis/1, S: 5, 2), du Code judiciaire :

« Le president, statuant sur une requete visant à obtenir, outre ladescription, des mesures de saisie, examine :

(...)

2) si l'atteinte au droit de propriete intellectuelle en cause ne peutetre raisonnablement contestee ».

Il resulte de ces dispositions legales que les « indices » requis (S: 3,2)) ou ce qui « ne peut etre raisonnablement conteste » (S: 5, 2)) serapportent à la notion d' « atteinte » au droit de proprieteintellectuelle en cause (voyez Cass., 26 novembre 2009, C.08.0206.N), soità la qualification des faits, et non pas à la question de la presenceeffective ou de la realite de faits incorporant une telle atteinte, larealite de tels « faits » devant precisement faire l'objet des mesuresdescriptives sollicitees.

Cette distinction fondamentale avait à juste titre ete proposee dans lesconclusions des demanderesses (voyez la premiere branche du moyen decassation).

Independamment de la critique de « defaut de reponse » formuleeci-dessus, l'arret est egalement entache d'une illegalite en ce qu'il estfonde sur l'application des exigences precitees des dispositions invoqueesnon pas à « l'atteinte » proprement dite, soit à la qualification desfaits, mais, à tort, à l'etablissement des faits eux-memes incorporantou impliquant une telle atteinte, ce qui constitue precisement l'objet demesures sollicitees dans le cadre d'une procedure de« saisie-description » au sens des dispositions legales precitees.

Fonde sur une telle application erronee des conditions imposees par lesdispositions legales invoquees, l'arret a viole les deux dispositionslegales invoquees en cette branche du moyen.

Independamment de la confusion critiquee ci-dessus entre la qualificationd'atteinte (aux droits de propriete intellectuelle) et l'existence defaits denotant une telle « atteinte » (ou menace d'atteinte), l'arretest sujet à critique au point de vue de sa legalite, dans la mesure ou ilrefuse de tenir compte d'« elements probants » tires de l'execution memede la mesure de description.

Ainsi que le premier juge (le tribunal de commerce de Mons, jugement du 31juillet 2009) l'a exactement souligne :

« La preuve de (l')apparence (d'atteinte aux droits intellectuelsproteges du requerant [les demanderesses] (...) peut resulter aussi biendes elements de preuve soumis au president du tribunal de commerce àl'appui de la requete que d'elements de preuve subsequents, produits dansle cadre de la tierce opposition ».

N'ayant pas eu egard aux elements de preuve invoques par lesdemanderesses, notamment le « constat d'huissier », les « constatationsde l'expert » et les « aveux » des defenderesses, l'arret aillegalement limite la nature des elements de preuve susceptibles, dans lecadre des dispositions legales invoquees, d'etablir la presence d'indicesd'une atteinte au droit de propriete intellectuelle ou qu'il existe unemenace d'une telle atteinte ou le caractere raisonnablement noncontestable d'une telle atteinte. De ce fait egalement, l'arret a violeces dispositions.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'arret considere que « le respect des exigences posees par la loi du 10mai 2007 ne peut s'apprecier sur la base des resultats de la mesureobtenue, sous peine de vider de son sens le controle, meme marginal,confie au juge saisi sur requete unilaterale », que « les conditionslegales doivent etre reunies au jour ou l'ordonnance autorisant [la]saisie est rendue », que « si la preuve de ce que tel etait le cas peutresulter [...] des elements produits dans le cadre du debat contradictoireprovoque par la tierce opposition, il demeure qu'en l'espece, les[demanderesses] n'ont pas apporte aux debats d'autres elements probantsque ceux tires de l'execution meme de la mesure de description » et que« la necessaire protection des droits de producteurs de logicielsinformatiques ne peut aboutir à les dispenser purement et simplement, aupretexte de la fonction probatoire de la mesure de description sollicitee,du respect des dispositions legales qui leur imposent de fournir au jugesaisi sur requete unilaterale les indices materialisant leurs soupc,ons decontrefac,on ».

L'arret repond ainsi aux conclusions des demanderesses qui faisaientvaloir que le seul fait que l'expert ait constate, lors de lasaisie-description, l'existence de copies des logiciels litigieuxeffectuees sans leur autorisation suffisait à les dispenser del'obligation d'etablir l'existence d'indices d'atteinte au droit depropriete intellectuelle au sens de l'article 1369bis/1, S: 5, du Codejudiciaire, justifiant cette saisie.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxieme branche :

L'arret considere qu'« aucun element de nature à etayer les soupc,onsformules par les [demanderesses] ne fut depose en annexe à leur requeteinitiale » et que « la mesure de saisie-description sollicitee et, afortiori, les mesures complementaires ne pouvaient etre accordees, fautepour les [demanderesses] de materialiser par un quelconque elementd'appreciation les indices de contrefac,on dont elles se prevalaient ».

Par ces considerations, et celles reproduites en reponse à la premierebranche du moyen, l'arret repond aux conclusions des demanderesses quifaisaient valoir que les defenderesses avaient reconnu devant la courd'appel, à la suite de l'execution de la mesure de description, unepartie des faits qui leur etaient reproches.

Par ailleurs, en enonc,ant, apres avoir examine les elements probantsproduits par les demanderesses, que celles-ci « n'ont pas apporte auxdebats d'autres elements probants que ceux tires de l'execution meme de lamesure de description » et que « les soupc,ons de contrefac,on exprimespar [les demanderesses] ne se fondaient en definitive que sur leurspropres declarations », l'arret ne donne pas des conclusions d'appel desdemanderesses une interpretation inconciliable avec leurs termes et,partant, ne viole pas la foi qui leur est due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Le moyen, en cette branche, reproche à l'arret de considerer que ledocument appele « lead information » emanant de BSA n'a pas ete produit,alors que le document vise par l'arret est la denonciation faite à BSA.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la quatrieme branche :

Il ressort de la reponse aux trois premieres branches du moyen que l'arretexamine s'il existe des indices selon lesquels il a ete porte atteinte audroit de propriete intellectuelle en cause ou qu'il existe une menaced'une telle atteinte, conformement au prescrit de l'article 1369bis/1, S:3, 2), du Code judiciaire.

Dans la mesure ou il soutient le contraire, le moyen, en cette branche,manque en fait.

Il ressort du texte de l'article 1369bis/1, S: 5, que la saisie ne peutetre accordee sans description prealable.

Lorsque la saisie est demandee en meme temps que la description, le jugeexamine, d'une part, en application de l'article 1369bis/1, S: 3, s'ilexiste des indices selon lesquels il a ete porte atteinte au droit depropriete intellectuelle en cause ou qu'il existe une menace d'une telleatteinte et, d'autre part, en application de l'article 1369bis/1, S: 5,2), si l'atteinte au droit de propriete intellectuelle en cause ne peutetre raisonnablement contestee.

Les indices d'atteinte au droit de propriete intellectuelle justifiant lamesure de description doivent etre constates au jour ou le premier jugestatue sur requete unilaterale et ne peuvent se deduire des elements tiresde l'execution meme de cette mesure.

L'arret attaque enonce qu'« aucun element de nature à etayer lessoupc,ons formules par les [demanderesses] ne fut depose en annexe à leurrequete initiale », que les demanderesses « n'ont pas apporte aux debatsd'autres elements que ceux tires de l'execution meme de la mesure dedescription » et qu'elles n'ont pas « ainsi apporte le simple complementd'indices justifiant retroactivement leur demande ».

L'arret justifie ainsi legalement sa decision que « la mesure desaisie-description sollicitee et, a fortiori, les mesures complementairesne pouvaient etre accordees, faute pour les [demanderesses] dematerialiser par un quelconque element d'appreciation les indices decontrefac,on dont elles se prevalaient ».

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demanderesses aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent quatorze euros trente et uncentimes envers les parties demanderesses et à la somme de cent douzeeuros septante et un centimes envers les parties defenderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononce enaudience publique du vingt-cinq novembre deux mille onze par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Jean MarieGenicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Regout | S. Velu |
|-----------------+------------+-------------|
| Chr. Matray | D. Batsele | A. Fettweis |
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25 NOVEMBRE 2011 C.10.0559.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.10.0559.F
Date de la décision : 25/11/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-11-25;c.10.0559.f ?
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