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10/10/2011 | BELGIQUE | N°S.10.0088.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 octobre 2011, S.10.0088.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.10.0088.F

OFFICE NATIONAL D'ALLOCATIONS FAMILIALES POUR TRAVAILLEURS SALARIES,etablissement public dont le siege est etabli à Bruxelles, rue de Treves,70,



demandeur en cassation,

represente par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Driekoningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

N. N.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 1

9 mai 2010 parla cour du travail de Bruxelles.

Le 23 septembre 2011, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose d...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.10.0088.F

OFFICE NATIONAL D'ALLOCATIONS FAMILIALES POUR TRAVAILLEURS SALARIES,etablissement public dont le siege est etabli à Bruxelles, rue de Treves,70,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Driekoningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

N. N.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 mai 2010 parla cour du travail de Bruxelles.

Le 23 septembre 2011, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat generalJean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense ;

- articles 10 et 11 de la Constitution ;

- article 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- articles 1er, alinea 1er, et 3, dans la version applicable avant samodification par la loi du 22 decembre 2008 et par la loi du 28 avril2010, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familialesgaranties ;

- article 6 de l'arrete royal du 25 octobre 1971 portant execution de laloi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties.

Decisions et motifs critiques

L'arret rec,oit l'appel mais le declare non fonde et confirme le jugemententrepris qui condamne le demandeur à payer au defendeur les prestationsfamiliales garanties pour les mois de juillet, aout et septembre 2006ainsi que pour les mois de juillet et aout 2007. L'arret justifie cettedecision par tous ses motifs reputes ici integralement reproduits et enparticulier par les considerations suivantes :

« 4. Discussion

1. Demeure en discussion dans le present litige l'octroi des prestationsfamiliales garanties pour les mois de juillet, aout et septembre 2006ainsi que pour les mois de juillet et aout 2007.

En vertu de l'article 3 de la loi du 20 juillet 1971 instituant lesprestations familiales garanties, tel qu'il etait applicable à l'epoquedes faits,

`Les prestations familiales sont accordees apres une enquete sur lesressources.

[...] Toutes les ressources, quelle qu'en soit la nature ou l'origine,dont dispose la personne qui a la charge de l'enfant, son conjoint nonsepare de fait ou de corps et de biens, ou la personne avec laquelle elleest etablie en menage, sont prises en consideration [...].

Le Roi fixe le montant des ressources au-delà duquel les prestationsfamiliales ne sont pas dues et determine les revenus dont il n'est pastenu compte pour l'evaluation des ressources'.

L'article 6, alinea 3, de l'arrete royal du 25 octobre 1971, tel qu'iletait applicable à l'epoque des faits, enonce : `pour l'octroi desallocations familiales, les ressources qui sont prises en considerationsont celles dont disposent la personne qui a la charge de l'enfant, sonconjoint non separe de fait, de corps ou de biens ou la personne aveclaquelle elle est etablie en menage, pendant le trimestre civil danslequel s'inscrit le mois à partir duquel ces allocations peuvent etreoctroyees en vertu de la loi ou du present arrete'.

2. Pour le troisieme trimestre de l'annee 2006, le plafond des ressourcess'elevait à 3.467,64 euros.

L'epouse [du defendeur] a perc,u des revenus pour un montant de 692,40euros, soit 27.931 francs, en septembre.

[Le defendeur] a rec,u sur son compte la somme de 6.000 euros en septembre2006. Des elements du dossier, il apparait que ce montant fut mis à ladisposition [du defendeur] par une association allemande dans le cadre detravaux d'etudes. Le courrier de l'association reprend : `Nous sommesheureux de vous annoncer que nous mettons à votre disposition une sommede 500 euros par mois pour vos etudes à Louvain concernant la situationdes populations pygmees face à la deforestation. Ce soutien, qui a unebase annuelle, est renouvelable pour une duree de quatre annees de vosetudes doctorales'. [Le demandeur] considere que la somme de 6.000 eurosdoit etre attachee au mois de septembre 2006, mois ou cette somme futrec,ue par [le demandeur], et qu'il en resulte que le plafond deressources est depasse pour le troisieme trimestre 2006.

[...] L'association allemande precise bien qu'elle met à la disposition[du defendeur] une somme de 500 euros par mois, ce qui signifie bien que[le defendeur] dispose de 500 euros par mois pour effectuer ses travaux etpas un euro de plus. Quant à ce, les ressources sont bien de 500 eurospar mois. La cour [du travail] considere des lors qu'il ne convient pas detenir compte de la somme de 6.000 euros en tant que ressources pour lemois de septembre 2006, somme qui represente le total de la somme mise[à] la disposition[du demandeur] pour les douze mois d'une annee prenant cours en septembre2006.

Raisonner autrement ne serait pas conforme à la convention conclue avecl'association, [le defendeur] n'etant pas en droit de disposer de la sommede 6.000 euros pour le seul mois de septembre.

La cour [du travail] releve aussi que tenir compte des ressources enfonction de la date de reception des montants sans s'interesser à leuraffectation et destination creerait une discrimination evidente entre lesassures sociaux ; discrimination deraisonnable, non voulue par lelegislateur et contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Eneffet, en cas de retard de paiement de sommes tres importantes pourquelque raison que ce soit et de quelques mois, des salaires, honorairesou indemnites diverses, par exemple, un assure social aurait droit auxprestations garanties sauf pour les trimestres au cours desquels cessommes auraient ete versees alors qu'un assure social disposant deressources modiques regulieres, mais superieures au plafond legal, ne peutpretendre aux prestations familiales garanties. Il en irait de meme au casou le paiement de prestations importantes et bien remunerees s'effectue enune fois et non par des versements echelonnes. Ce qu'il importe deverifier ce sont les ressources dont peut disposer en fait et en droit unassure social durant un trimestre.

Il n'est pas conteste que [le defendeur] a debute une activite pour lecompte de l'universite vers le 18 septembre 2006. Toutefois lesremunerations acquises pour ces prestations, cumulees à ses ressources età celles de son epouse, ne depassent certainement pas le plafond legal.

Les prestations garanties sont dues pour ce trimestre.

3. Pour le troisieme trimestre 2007, le menage [du defendeur] a beneficiedes salaires de l'epouse, soit la somme de 1.534,70 euros, auxquels ilconvient d'ajouter le benefice de la somme de 500 euros par mois, soit1.500 euros, mis à la disposition [du defendeur] pour ses travauxd'etudes. En effet, par courrier du 28 aout 2007, l'association allemandea ecrit [au defendeur] : `Nous sommes heureux de vous annoncer que nousallons continuer à mettre à votre disposition une somme de 500 euros parmois pour vos etudes à Louvain, concernant la situation des populationspygmees face à la deforestation'. Comme pour le passe, la cour [dutravail] constate que [le defendeur] dispose de 500 euros par mois, et pasplus, à titre de ressources pour ses travaux et ce, quelle que soit ladate du versement de ces mensualites.

Les ressources du menage sont donc inferieures au plafond de3.536,92 euros et les prestations familiales garanties sont dues.

Au vu de ces considerations le jugement dont appel doit etre confirme ».

Griefs

Premiere branche

1. Selon l'article 1er, alinea 1er, de la loi du 20 juillet 1971instituant des prestations familiales garanties, les prestationsfamiliales sont accordees, dans les conditions fixees par ou en vertu decette loi, en faveur de l'enfant qui est exclusivement ou principalementà la charge d'une personne physique qui reside en Belgique.

L'article 3, alinea 1er, de la loi du 20 juillet 1971 prevoit que lesprestations familiales sont accordees apres une enquete sur lesressources.

Le deuxieme alinea du meme article enonce que, sans prejudice del'application des dispositions du troisieme alinea, toutes les ressources,quelle qu'en soit la nature ou l'origine, dont disposent la personne qui ala charge de l'enfant, son conjoint non separe de fait ou de corps et debiens, ou la personne avec laquelle elle est etablie en menage, sontprises en consideration.

Conformement à l'article 3, alinea 3, de la loi du 20 juillet 1971, leRoi a fixe le montant des ressources au-delà duquel les prestationsfamiliales ne sont pas dues et a determine les revenus dont il n'est pastenu compte pour l'evaluation de ces ressources.

D'apres l'article 6, alinea 1er, de l'arrete royal du 25 octobre 1971portant execution de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestationsfamiliales garanties, les prestations familiales sont accordees àcondition que les ressources visees à l'article 3, alinea 2, de la loi du20 juillet 1971 ne depassent pas un certain montant par trimestre.

L'article 6, alinea 3, de l'arrete royal du 25 octobre 1971 precise que,pour l'octroi des allocations familiales, les ressources qui sont prisesen consideration sont celles dont disposent la personne qui a la charge del'enfant, son conjoint non separe de fait ou de corps et de biens ou lapersonne avec laquelle elle est etablie en menage, pendant le trimestrecivil dans lequel s'inscrit le mois à partir duquel ces allocationspeuvent etre octroyees en vertu de la loi du 20 juillet 1971 et del'arrete royal du 25 octobre 1971.

Des articles mentionnes ci-dessus, il se deduit que l'enquete sur lesressources se fait imperativement trimestre par trimestre et que, pourjustifier l'intervention du regime residuaire des prestations familialesgaranties, l'enquete sur les ressources envisage toute ressource dontdispose, c'est-à-dire que detient en fait, le menage pendant un trimestredonne, nonobstant le fait que certaines ressources se rapportent aussi àune periode anterieure ou posterieure au trimestre vise. Les dispositionslegales mentionnees ci-dessus ne permettent pas de tenir compte del'affectation ou de la destination des ressources ; il faut et il suffitque le beneficiaire ait en fait acces à une ressource pendant untrimestre donne pour qu'elle doive etre rattachee à ce trimestre.

Le regime des prestations familiales garanties et en particulier lesarticles 3 de la loi du 20 juillet 1971 et 6 de l'arrete royal du 25octobre 1971 sont d'ordre public, de sorte que toute convention, qui apour objet ou pour effet d'y deroger, est sans valeur.

2. Aucune des parties n'a jamais conteste que le plafond des ressourcesvise par les articles 3 de la loi du 20 juillet 1971 et 6 de l'arreteroyal du 25 octobre 1971 etait de 3.467,64 euros pour le troisiemetrimestre de l'annee 2006.

Concernant le troisieme trimestre de l'annee 2006, l'arret constateque l'epouse du defendeur a perc,u des revenus pour un montant de692,40 euros en septembre ; le defendeur a rec,u sur son compte la sommede 6.000 euros en septembre 2006 ; il apparait des elements du dossier quele montant de 6.000 euros fut mis à la disposition du defendeur par uneassociation allemande dans le cadre de travaux d'etudes ; le courrier del'association reprend qu'elle met à la disposition du defendeur la sommede 500 euros par mois pour ses etudes à Louvain concernant la situationdes populations pygmees face à la deforestation, que ce soutien a unebase annuelle et est renouvelable pour une duree de quatre annees de sesetudes doctorales.

L'arret releve que l'association allemande a precise qu'elle mettait à ladisposition du defendeur une somme de 500 euros par mois. Selon l'arret,cela signifie que le defendeur dispose de 500 euros par mois poureffectuer ses travaux et pas un euro de plus.

L'arret decide pour ces motifs que les ressources du defendeur pour lemois de septembre 2006 sont bien de 500 euros et qu'il ne convient pas detenir compte de la somme de 6.000 euros en tant que ressources pour lemois de septembre 2006, car cette somme represente le total de la sommemise à la disposition du defendeur pour les douze mois d'une anneeprenant cours en septembre 2006. L'arret tient compte de la conventionconclue entre le defendeur et l'association allemande qui lui a verse lasomme de 6.000 euros, et decide que le defendeur n'etait pas en droit dedisposer de la somme de 6.000 euros pour le seul mois de septembre. Selonl'arret, il importe de verifier les ressources dont peut disposer en faitet en droit un assure social durant un trimestre.

En decidant, apres avoir constate qu'au mois de septembre 2006 ledefendeur avait rec,u sur son compte la somme de 6.000 euros, que sesressources pour ce mois-là etaient de 500 euros au motif que la somme de6.000 euros lui avait ete transmise pour douze mois, l'arret viole lesarticles 3, alinea 2, de la loi du 20 juillet 1971 et 6, alinea 3, del'arrete royal du 25 octobre 1971.

En decidant que, pour le troisieme trimestre de l'annee 2006, lesremunerations acquises par le defendeur, cumulees à ses ressources et àcelles de son epouse, ne depassent pas le plafond legal et que, des lors,les prestations familiales garanties pour ce trimestre sont dues, l'arretviole les articles 1er, alinea 1er, et 3, alineas 1er à 3, de la loi du20 juillet 1971 et l'article 6, alineas 2 et 3, de l'arrete royal du 25octobre 1971.

3. Aucune des parties n'a jamais conteste que le plafond des ressourcesvise par les articles 3 de la loi du 20 juillet 1971 et 6 de l'arreteroyal du 25 octobre 1971 etait de 3.536,92 euros pour le troisiemetrimestre de l'annee 2007.

Des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard, il ressort qu'il n'etaitpas conteste que, comme pour l'annee 2006, le defendeur avait rec,u lasomme de 6.000 euros sur son compte pendant le troisieme trimestre del'annee 2007.

Concernant le troisieme trimestre de l'annee 2007, l'arret constate que lemenage du defendeur a beneficie des salaires de son epouse, soit la sommede 1.534,70 euros.

L'arret observe qu'il convient d'y ajouter la somme de 500 euros par mois,soit 1.500 euros, mis à la disposition du defendeur pour ses travauxd'etudes. L'arret se refere à un courrier de l'association allemande du28 aout 2007, lequel reprend qu'une somme de 500 euros par mois est miseà la disposition du defendeur pour ses etudes à Louvain concernant lasituation des populations pygmees face à la deforestation. L'arretobserve que, comme pour le passe, le defendeur dispose de 500 euros parmois, et pas plus, au titre de ressources pour ses travaux, et ce, quelleque soit la date du versement de ces mensualites.

Pour ces motifs, l'arret decide que les ressources du menage sontinferieures au plafond de 3.536,92 euros et que les prestations familialesgaranties sont dues pour les mois de juillet et aout 2007.

Comme il n'etait pas conteste que le defendeur a rec,u un paiement de6.000 euros sur son compte pendant le troisieme trimestre de l'annee 2007,l'arret, sur la base des motifs precites, ne decide pas legalement queseule la somme de 500 euros par mois, soit 1.500 euros, doit etre prise encompte pour determiner les ressources du menage du defendeur pendant letroisieme trimestre de l'annee 2007. L'arret viole ainsi les articles 3,alinea 2, de la loi du 20 juillet 1971 et 6, alinea 3, de l'arrete royaldu 25 octobre 1971.

En decidant que, pour le troisieme trimestre de l'annee 2007, lesressources du menage du defendeur etaient inferieures au plafond de3.536,92 euros et que, des lors, les prestations familiales garanties pource trimestre sont dues, l'arret viole les articles 1er, alinea 1er, et 3,alineas 1er à 3, de la loi du 20 juillet 1971 et l'article 6, alineas 2et 3, de l'arrete royal du 25 octobre 1971.

L'arret ne decide pas legalement que les prestations familiales garantiessont dues pour les mois de juillet, aout et septembre 2006 ainsi quejuillet et aout 2007. Des lors, l'arret ne declare pas legalement l'appeldu demandeur non fonde (violation des articles 1er, alinea 1er, et 3, dansla version applicable avant sa modification par la loi du 22 decembre2008 et la loi du 28 avril 2010, de la loi du 20 juillet 1971 instituantdes prestations familiales garanties et de l'article 6 de l'arrete royaldu 25 octobre 1971 portant execution de la loi du 20 juillet 1971instituant des prestations familiales garanties).

Seconde branche

1. L'arret releve que tenir compte des ressources en fonction de la datede reception des montants sans s'interesser à leur affectation etdestination creerait une discrimination evidente entre les assuressociaux ; discrimination deraisonnable, non voulue par le legislateur etcontraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Selon l'arret, en casde retard de paiement de sommes tres importantes pour quelque raison quece soit et de quelques mois, des salaires, honoraires ou indemnitesdiverses, par exemple, un assure social aurait droit aux prestationsgaranties sauf pour les trimestres au cours desquels ces sommes auraientete versees alors qu'un assure social disposant de ressources modiquesregulieres, mais superieures au plafond legal, ne peut pretendre auxprestations familiales garanties. L'arret ajoute qu'il en irait de meme aucas ou le paiement de prestations importantes et bien remunereess'effectue en une fois et non par des versements echelonnes. L'arret endeduit que ce qu'il importe de verifier, ce sont les ressources dont peutdisposer en fait et en droit un assure social durant un trimestre.

2. En vertu du principe general du droit relatif à l'autonomie desparties au proces civil (le principe dispositif), consacre par l'article1138, 2DEG, du Code judiciaire, et du principe general du droit relatif aurespect des droits de la defense, il est interdit au juge de fonder sadecision sur un moyen qui n'a pas ete soumis à la contradiction desparties.

Le juge du fond peut suppleer d'office aux motifs invoques par lesparties, des lors qu'il n'eleve aucune contestation dont celles-ci ontexclu l'existence, qu'il se fonde uniquement sur des faits regulierementsoumis à son appreciation et qu'il ne modifie pas l'objet de la demande.Il doit, ce faisant, respecter les droits de la defense.

Il ressort des pieces de la procedure auxquelles la Cour peut avoir egardque les parties n'ont pas debattu devant la cour du travail de la questionsi tenir compte des ressources en fonction de la date de reception desmontants sans s'interesser à leur affectation et destination cree ou necree pas une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de laConstitution entre les assures sociaux.

En retenant d'office à l'appui de sa decision l'existence d'unediscrimination deraisonnable et contraire aux articles 10 et 11 de laConstitution, sans soumettre ce moyen à la contradiction des parties,l'arret viole l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire et meconnait leprincipe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

3. Aux termes de l'article 10 de la Constitution, les Belges sont egauxdevant la loi. L'article 11 de la Constitution assure aux Belges lajouissance sans discrimination des droits et libertes. Ces dispositionsimpliquent que tous ceux qui se trouvent dans la meme situation doiventetre traites de la meme maniere, mais n'interdisent pas l'instaurationd'une distinction entre differentes categories de personnes pour autantque le critere de distinction se justifie d'une maniere objective etraisonnable, appreciee en fonction du but et des effets de la mesureconcernee.

L'arret releve que tenir compte des ressources en fonction de la date dereception des montants sans s'interesser à leur affectation creerait unediscrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution encomparant les categories des assures sociaux suivantes :

- d'une part, les assures sociaux qui ont subi du retard dans le paiementde sommes tres importantes pour quelque raison que ce soit et de quelquesmois, des salaires, honoraires ou indemnites diverses, par exemple, et quiauront droit aux prestations garanties sauf pour les trimestres au coursdesquels ces sommes auraient ete versees,

- d'autre part, les assures sociaux disposant de ressources modiquesregulieres, mais superieures au plafond legal, qui ne peuvent pretendreaux prestations familiales garanties.

Ces deux categories ne se trouvent pas dans la meme situation. Dansl'hypothese d'octroi des prestations familiales garanties, aucun salaireou honoraire ne peut etre du aux membres du menage du beneficiaire. Desqu'un salaire ou honoraire est du, un droit prioritaire aux allocationsfamiliales s'ouvre dans un regime professionnel d'allocations familiales.

En plus, les regles constitutionnelles de l'egalite et de lanon-discrimination n'excluent pas qu'une difference de traitement soitetablie entre des categories de personnes, pour autant qu'elle repose surun critere objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiee. L'existenced'une telle justification doit s'apprecier en tenant compte du but et deseffets de la mesure critiquee ainsi que de la nature des principes encause. Le principe d'egalite est viole lorsqu'il est etabli qu'il n'existepas de rapport raisonnable de proportionnalite entre les moyens employeset le but vise.

L'arret n'examine et ne constate ni que la difference alleguee ne reposepas sur un critere objectif ni qu'elle n'est pas raisonnablementjustifiee. L'arret ne conclut, des lors, pas legalement à unediscrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Le regime des prestations familiales garanties est un regime residuaire.Ces avantages sont accordes purement et simplement aux frais de l'Etat, cequi justifie non seulement que les ressources des beneficiaires ont uneincidence sur l'octroi des prestations, mais aussi que l'enquete sur lesressources envisage toute ressource dont dispose, c'est-à-dire quedetient en fait, le menage pendant un trimestre. Ce critere de distinctionest susceptible de justification objective et raisonnable.

De ce qui precede, il se deduit que l'arret n'a pu legalement decider quetenir compte des ressources en fonction de la date de reception desmontants sans s'interesser à leur affectation et destination creerait unediscrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution entreles assures sociaux (violation des articles 10 et 11 de la Constitution).

L'arret ne declare pas legalement l'appel non fonde au motif que lesarticles 3 de la loi du 20 juillet 1971 et 6 de l'arrete royal du 25octobre 1971 creent une discrimination contraire aux articles 10 et 11 dela Constitution dans l'interpretation selon laquelle il faut tenir comptedes ressources en fonction de la date de reception des montants sanss'interesser à leur affectation et destination (violation de l'article1138, 2DEG, du Code judiciaire, du principe general du droit relatif aurespect des droits de la defense et des articles 10 et 11 de laConstitution).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'article 3, alinea 1er, de la loi du 20 juillet 1971 instituant lesprestations familiales garanties prevoit que les prestations familialessont accordees apres une enquete sur les ressources. L'article 3, alinea4, charge le Roi de fixer le montant des ressources au-delà duquel lesprestations ne sont pas dues. L'article 6, alinea 1er, de l'arrete royaldu 25 octobre 1971 portant execution de la loi du 20 juillet 1971instituant des prestations familiales garanties fixe ce montant partrimestre.

Suivant l'article 3, alinea 2, de la loi, toutes les ressources, quellequ'en soit la nature ou l'origine, dont dispose la personne qui a lacharge de l'enfant sont prises en consideration. L'article 6, alinea 3, del'arrete royal precise que les ressources prises en consideration sontcelles dont la personne qui a la charge de l'enfant dispose pendant letrimestre civil dans lequel s'inscrit le mois à partir duquel lesallocations familiales peuvent etre octroyees.

Il ressort de l'arret et du jugement entrepris que le defendeur demandaitles allocations familiales garanties pour le troisieme trimestre dechacune des annees 2006 et 2007, au cours duquel il avait la charge de safille ; que, par des lettres du 27 juillet 2006 puis du 28 aout 2007, uneassociation lui avait annonce mettre « à sa disposition une somme de 500euros par mois pour ses etudes » ; que, suivant la lettre de 2006, « cesoutien [avait] une base annuelle » et « [etait] renouvelable pour [la]duree des quatre ans d'etudes » du demandeur et, enfin, qu'en septembre2006 puis au cours du troisieme trimestre 2007 l'association lui avaitpaye chaque fois 6.000 euros.

L'arret considere, sans etre critique, que l'association avait la volontede mettre à la disposition du defendeur 500 euros par mois, ou 6.000euros pour douze mois.

Il en deduit que le defendeur disposait des 6.000 euros pour la periode dedouze mois à laquelle l'association les avait affectes, et non pour leseul trimestre au cours duquel elle les avait payes.

Il decide, par consequent, de prendre ces ressources en considerationjusqu'à concurrence de 500 euros par mois ou de 1.500 euros partrimestre, et non de 6.000 euros pour chacun des trimestres litigieux.

En statuant de la sorte, l'arret ne viole aucune des dispositions viseesau moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

Les motifs de l'arret vainement critiques par la premiere branche du moyensuffisent à justifier la decision de l'arret de condamner le demandeur aupaiement des prestations familiales garanties litigieuses.

Le moyen qui, en cette branche, ne saurait entrainer la cassation, estdenue d'interet et, partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent dix-neuf euros neuf centimes enversla partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersChristine Matray, Sylviane Velu, Alain Simon et Mireille Delange, etprononce en audience publique du dix octobre deux mille onze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

+-------------------------------------------+
| M.-J. Massart | M. Delange | A. Simon |
|---------------+-------------+-------------|
| S. Velu | Chr. Matray | A. Fettweis |
+-------------------------------------------+

10 OCTOBRE 2011 S.10.0088.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.10.0088.F
Date de la décision : 10/10/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-10-10;s.10.0088.f ?
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