Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.11.0072.F
AXA BANK EUROPE, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, rue Brederode, 13, ou il est faitelection de domicile,
contre
1. V. B. et
2. D. S.,
ayant fait election de domicile en l'etude de l'huissier de justicePatrick Verhamme, etablie à Ixelles, avenue de la Couronne, 358,
defendeurs en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 24septembre 2010 par le tribunal de premiere instance de Namur, statuant endegre d'appel.
Par ordonnance du 17 aout 2011, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.
Le conseiller Alain Simon a fait rapport.
L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Disposition legale violee
Article 86 de la loi du 12 juin 1991 sur le credit à la consommation
Decisions et motifs critiques
Le jugement attaque declare l'appel principal de la demanderesse non fondeet confirme le jugement entrepris qui avait condamne les defendeurs àpayer une somme de 2.354,99 euros à la demanderesse, aux motifs que :
« Les antecedents des faits et de la procedure, ainsi que l'objet del'appel, ont ete exposes par le jugement prononce le 11 decembre 2009,auquel il est renvoye.
Ainsi que l'a dejà releve ce jugement, l'article 60bis de la loi du 12juin 1991, entre en vigueur le 1er janvier 2004, s'applique aux contratsen cours à cette date.
Le contrat de credit liant les parties, conclu le 19 juin 1999, etaittoujours en cours à la date du 1er janvier 2004, en maniere telle quel'article 60bis precite doit s'appliquer.
Le jugement prononce le 11 decembre 2009 releve egalement que lesprelevements non autorises effectues par [les defendeurs] sont anterieursà l'entree en vigueur de l'article 60bis de la loi du 12 juin 1991 (ledernier prelevement a ete effectue le 5 aout 2002). Il ne peut enconsequence etre reproche à la [demanderesse], qui en avait alors -contractuellement - la possibilite mais non l'obligation, de ne pas etreintervenue dans le delai de 45 jours à partir de la constatation del'existence d'un depassement, delai qui n'a ete impose que par l'article60bis precite.
La [demanderesse] admet neanmoins qu'elle devait, des le 1er janvier2004 :
- suspendre les prelevements,
- exiger le remboursement du depassement dans un delai maximum de 45 joursà dater du depassement,
- reclamer les interets de retard calcules sur le depassement et les fraisexpressement convenus et autorises par le Roi (le montant du creditautorise restant soumis à l'application des interets conventionnels),
- en cas de non-regularisation dans le delai de 45 jours, mettre fin aucontrat conformement à l'article 29, 3DEG, de la loi du 12 juin 1991, enenvoyant aux debiteurs une lettre recommandee de mise en demeure avec unpreavis d'un mois, et exiger le remboursement des montants dus enprincipal, interets et frais.
Il est manifeste qu'aucune de ces obligations n'a ete accomplie par la[demanderesse] dans le delai legalement impose, puisque le premiercourrier adresse aux debiteurs apres l'entree en vigueur de l'article60bis de la loi du 12 juin 1991 est date du 5 octobre 2004.
C'est à juste titre en consequence que le jugement entrepris constatequ'à defaut pour la [demanderesse] d'avoir respecte les obligationslegalement à sa charge, il y a lieu de faire application de l'article 86de la loi du 12 juin 1991, qui prevoit que, si le preteur ne respecte pas,notamment, les dispositions de l'article 60bis concernant le depassementdu montant du credit, le juge peut annuler le contrat ou reduire lesobligations du consommateur au maximum jusqu'au prix du montant emprunte.
A l'instar du premier juge et pour les judicieux motifs qu'il retient, letribunal constate que la carence averee de la [demanderesse] a plonge sesdebiteurs dans une situation dont ils sont certes en partie responsablesmais dont la loi a estime devoir les proteger, sans faire de distinctionentre les emprunteurs de bonne ou de mauvaise foi.
Meme si la [demanderesse] n'en avait pas legalement l'obligation avantl'entree en vigueur de l'article 60bis de la loi du 12 juin 1991, elles'etait reserve contractuellement la possibilite de suspendrel'autorisation de prelevements à defaut pour les emprunteurs de respecterleurs obligations. Il n'est pas conteste qu'en l'espece, c'est en raisonde dysfonctionnements internes à la [demanderesse], dont elle doitassumer la responsabilite, qu'un depassement de credit sans aucune communemesure avec le montant initialement convenu a ete possible.
Dans de telles circonstances, il etait justifie de limiter la condamnation[des defendeurs] au paiement de leurs engagements lors de l'ouverture decredit en 1999, soit un montant en principal de 2.354,99 euros, augmentesdes interets au taux de 13,21 p.c. et d'une indemnite de 235,49 euros(article 27bis, S:S: 1er et 3, de la loi du 12 juin 1991) ».
Griefs
L'alinea 1er de l'article 86 de la loi du 12 juin 1991 sur le credit à laconsommation permet au juge d'annuler le contrat ou de reduire lesobligations du consommateur « au maximum jusqu'au prix comptant ou aumontant emprunte » lorsque le preteur ne respecte pas les dispositionscontenues dans les articles 14, 41, 49, 56 et 58 concernant les mentionsdu contrat de credit ainsi que dans les articles 60bis et 60ter concernantle depassement du montant du credit.
Cette disposition legale ne permet pas au juge de relever les defendeursde tout ou partie des prelevements en capital effectues dans le cadre del'ouverture de credit qui leur a ete consentie ; elle lui permet seulementde reduire tous les couts du credit qui depassent les montants dus enprincipal.
Le montant emprunte au sens de l'article 86 de la loi du 12 juillet 1991s'entend donc de l'ensemble des montants preleves dans le cadre del'ouverture de credit octroyee.
En decidant de limiter la condamnation des defendeurs au remboursement dumontant initial de leur engagement dans le cadre de l'ouverture de credit,et en liberant ainsi ces derniers du paiement des montants preleves encours d'execution du contrat, l'arret viole l'article 86 de la loi du 12juin 1991.
III. La decision de la Cour
Aux termes de l'article 86, alinea 1er, de la loi du 12 juin 1991 sur lecredit à la consommation, dans sa version applicable aux faits, sansprejudice des sanctions de droit commun, le juge annule le contrat oureduit les obligations du consommateur au maximum jusqu'au prix aucomptant ou au montant emprunte, lorsque le preteur ne respecte pas lesdispositions contenues dans les articles 14, 41, 49, 56 et 58 concernantles mentions du contrat de credit ainsi que dans les articles 60bis et60ter concernant le depassement du montant du credit.
Le montant emprunte, au sens de cette disposition, designe l'ensemble desmontants preleves dans le cadre de l'ouverture de credit.
Le jugement attaque, qui decide de limiter la condamnation des defendeursau remboursement du montant initial de leur engagement dans le cadre del'ouverture de credit, viole l'article 86, alinea 1er, de la loi du 12juin 1991.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Dinant,siegeant en degre d'appel.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Sylviane Velu,Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce en audiencepublique du vingt-six septembre deux mille onze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general delegue Michel Palumbo, avecl'assistance du greffier Chantal Vandenput.
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| C. Vandenput | M. Delange | A. Simon |
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| M. Regout | S. Velu | Chr. Storck |
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26 SEPTEMBRE 2011 C.11.0072.F/1