Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG D.10.0012.N
E. M.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ORDRE DES MEDECINS.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre la decision rendue le 3 mai 2010par le conseil d'appel d'expression neerlandaise de l'Ordre des medecins.
Le president de section Edward Forrier a fait rapport.
L'avocat general Guy Dubrulle a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 6, 12 et 16 de l'arrete royal nDEG 79 du 10 novembre 1967relatif à l'Ordre des medecins ;
- principe general du droit relatif au caractere personnel de la peine.
Decision et motifs critiques
La decision attaque « enonce que la prevention demeure etablie dans lamesure ou elle concerne le defaut de discretion dans la publicite etinflige de ce chef une reprimande au demandeur », sur la base des motifsfigurant à la page 3 :
« L'element concernant la discretion requise est etabli : les articles depresse n'ont, en effet, pas uniquement pour but de porter à laconnaissance des clients que le demandeur a transfere son cabinet, maiscontiennent aussi des indications qui ne sont pas acceptables, comme lareference à un regroupement de cabinets medicaux (et ses avantageseventuels) et la reference à 'son nom et à sa reputation'. En outre, lestitres voyants et composes en tres grands caracteres suscitentl'impression qu'il s'agit d'une publicite commerciale. Et le fait qu'unephoto du demandeur, dans son cabinet d'auscultation, a ete jointe auxarticles demontre qu'il etait d'accord pour que ces articles soientdiffuses ».
Griefs
1. L'article 12 du Code de deontologie medicale dispose, depuis samodification le 21 septembre 2002, ce qui suit concernant la publicite :
« Dans le respect des dispositions du present chapitre, les medecinspeuvent porter leur activite medicale à la connaissance du public.
S: 1er. L'information donnee doit etre conforme à la realite, objective,pertinente, verifiable, discrete et claire (...) ».
La deontologie medicale ne s'oppose des lors pas à ce qu'un medecin porteson activite medicale à la connaissance du public en faisant de lapublicite, pour autant que les informations qu'il divulgue repondent àces conditions.
2. Ces conditions ne s'appliquent pas au reportage effectue par desjournalistes de la presse ecrite concernant l'activite medicale d'unmedecin des lors que ceux-ci jouissent de la liberte de la presse et nesont pas subordonnes à la discipline qui est soumise au controle del'Ordre des medecins.
3. L'autorite disciplinaire ne peut ainsi sanctionner disciplinairement unmedecin en vertu des articles 6, 2DEG, 12 et 16 de l'arrete royal nDEG 79du 10 novembre 1967 que du chef d'une faute disciplinaire commise parcelui-ci dans l'information qu'il porte lui-meme à la connaissance dupublic.
Le reportage concernant l'activite medicale d'un medecin effectue par lapresse ecrite, et non par le medecin qui n'a pas presente cetteinformation comme une annonce publicitaire, mais qui ne contient que desaffirmations unilaterales du journaliste à propos du medecin sous uneforme qui n'est pas soumise à son assentiment, ne peut constituer lefondement d'une sanction disciplinaire valable en raison du principegeneral du droit relatif au caractere personnel d'une sanction.
Le simple fait qu'une photo du medecin dans son cabinet d'auscultation aete jointe à un article de presse peut indiquer que le medecin a consentià ce qu'un article soit repris dans la presse, mais est insuffisant pourfaire etat avec la certitude requise d'une publicite faite par le medecinlui-meme, auquel cas ce ne serait pas le journaliste mais bien lui-memequi aurait porte l'information à la connaissance du public.
4. Il s'ensuit que la decision attaquee inflige illegalement unereprimande au demandeur du chef de defaut de discretion dans la publicitealors que le demandeur n'a fait aucune publicite mais qu'il existeuniquement un reportage effectue par des journalistes dans les articles depresse des 6 et 7 janvier 2009 relatifs aux activites medicales dudemandeur (violation des articles 6, 2DEG, 12 et 16 de l'arrete royal nDEG79 du 10 novembre 1967), sans que la photo jointe permette de decider avecla certitude requise que le demandeur, qui n'a pu donner son avis sur lecontenu et la mise en page definitifs des articles de presse, a commislui-meme une faute disciplinaire (violation du principe general du droitrelatif au caractere personnel de la peine).
III. La decision de la Cour
1. Un medecin peut porter son activite à la connaissance du public. Ilest tenu, pour ce faire, de respecter certaines directives. L'informationcommuniquee doit etre conforme à la verite, objective, pertinente,verifiable, discrete et claire. La publicite ne peut inciter à pratiquerdes examens ou des traitements superflus. Le rabattage des patients estinterdit.
2. Contrairement à ce qu'invoque le moyen, ces conditions s'appliquentaussi au reportage dans les medias lorsqu'un journaliste contacte lemedecin et que celui-ci accepte l'entretien. Au cours de ces contacts etde ces entretiens, le medecin doit continuer à respecter la condition dediscretion imposee par la deontologie quant à ses activites medicales.
Les juges d'appel ont, sur la base des faits qu'ils ont constates, pulegalement decider que, dans son entretien, le demandeur n'a pas respectela condition de discretion dans la publicite.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux depens.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers EricDirix, Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Geert Jocque, et prononce enaudience publique du premier avril deux mille onze par le president desection Edward Forrier, en presence de l'avocat general Guy Dubrulle, avecl'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le president,
1er avril 2011 D.10.0012.N/1