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14/03/2011 | BELGIQUE | N°C.09.0422.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 mars 2011, C.09.0422.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.09.0422.F

SERVICE DES PENSIONS DU SECTEUR PUBLIC, organisme public représenté parson administrateur général, dont le siège est établi à Saint-Gilles, placeVictor Horta, 40,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,où il est fait élection de domicile,

contre

1. D. J.-M.,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat

à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11,où il est fait élection de domicile,

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Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.09.0422.F

SERVICE DES PENSIONS DU SECTEUR PUBLIC, organisme public représenté parson administrateur général, dont le siège est établi à Saint-Gilles, placeVictor Horta, 40,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,où il est fait élection de domicile,

contre

1. D. J.-M.,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11,où il est fait élection de domicile,

2. COMMUNAUTÉ FRANÇAISE, représentée par son gouvernement, en la personnede son ministre-président, dont le cabinet est établi à Bruxelles, placeSurlet de Chokier, 15-17,

défenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelée endéclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2009par la cour d'appel de Liège.

Par ordonnance du 15 février 2011, le premier président a renvoyé la causedevant la troisième chambre.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 80 de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositionssociales et diverses, inséré par la loi du 3 février 2003 ;

- article 5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958 portant statut pécuniairedu personnel enseignant, scientifique et assimilé du ministère del'Instruction publique, avant sa modification par l'article 1^er del'arrêté du gouvernement de la Communauté française du 2 juin 1995 et parl'article 1^er de l'arrêté du gouvernement de la Communauté française du24 octobre 1996 ;

- article 1^er de l'arrêté du gouvernement de la Communauté française du 2juin 1995 réglant la situation pécuniaire des membres du personnel del'enseignement de la Communauté française qui exercent un mandatpolitique, modifiant l'article 5, alinéa 3, de l'arrêté royal du 15 avril1958 ;

- article 1^er de l'arrêté du gouvernement de la Communauté française du24 octobre 1996 modifiant la situation pécuniaire des membres du personnelde l'enseignement de la Communauté française, modifiant l'article 5,alinéa 3, de l'arrêté royal du 15 avril 1958 ;

- article 7 du Code judiciaire ;

- article 84 de la Constitution.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt reçoit l'appel du défendeur et le dit fondé. Réformant le jugementdont appel, il dit la demande du défendeur recevable et fondée, condamnele demandeur à régulariser la situation du défendeur en matière de pensionde retraite en tenant compte des vingt années de carrière durantlesquelles il a presté ses fonctions à titre principal au sein del'enseignement et ce, à dater du 1^er novembre 2004.

Après avoir relevé que

« La demande (du défendeur) vise à obtenir que soient prises en compte,pour le calcul de sa pension de retraite d'enseignant, les `vingt annéesde carrière durant lesquelles il a presté ses fonctions à titre principaldans l'enseignement' (...). Il résulte ainsi de cette demande, de l'exposédes faits et des explications complémentaires données dans les conclusions(du défendeur) que la période litigieuse qu'il y a lieu d'examiner est lapériode située entre le 1^er janvier 1977 et le 1^er janvier 1997, àsavoir la période qui :

- démarre au moment où (le défendeur) est devenu pour la première foiséchevin de la ville de Verviers ;

- se termine au moment où lui est appliqué l'arrêté du gouvernement de laCommunauté française du 24 octobre 1996, entré en vigueur le13 décembre 1996, qui modifie fondamentalement les règles qui existaientprécédemment »,

l'arrêt énonce, quant à la réglementation applicable, les élémentssuivants :

« Il n'est pas contesté que la disposition qui est applicable estl'article 5, dans son littera c), de l'arrêté royal du 15 avril 1958portant statut pécuniaire du personnel enseignant, scientifique etassimilé du ministère de l'Instruction publique ;

Il n'est pas non plus contesté que la version à retenir pour le début dela période litigieuse mentionnait seulement que : `Pour l'application duprésent arrêté : l'expression " fonction accessoire " désigne la fonction,qu'elle soit ou non à prestations complètes, qu'exerce dans une ouplusieurs écoles ou institutions régies par le présent statut, l'agent :[…] c) qui bénéficie, du chef de toute autre occupation ou du chef de lajouissance d'une pension à charge du Trésor public, de revenus bruts dontle montant est supérieur à celui de la rétribution brute qui luireviendrait s'il exerçait sa fonction à titre principal' ;

À suivre ensuite les écrits de la [défenderesse] dans ses conclusions desynthèse (...), ladite disposition a été :

1. modifiée par l'article 1^er d'un arrêté royal du 15 décembre 1978 ;

2. remplacée et complétée par l'article 4 de l'arrêté royal n° 63 du20 juillet 1982 ;

3. reprise dans l'article 44 d'une loi du 1^er août 1985 après quel'article 4 susvisé eut été annulé par le Conseil d'État dans un arrêt du4 mars 1985 ;

4. complété par l'article 1^er d'un arrêté du gouvernement de laCommunauté française du 2 juin 1995, entré en vigueur le 23 octobre 1995.

La modification de 1978 ajoutait que, `pour l'application des alinéasprécédents, il n'est tenu compte ni des revenus provenant d'indemnitésd'expertises judiciaires en matière pénale, sur ordre des autoritésjudiciaires, ni de la durée des prestations qui y sont consacrées' ;

Le remplacement de 1982, repris en 1985, modifiait la finale du littera c)susmentionné et ajoutait : `par " autre occupation " citée au c), il fautentendre une autre occupation que : 1. la profession indépendante ; 2. desprestations dans l'enseignement de plein exercice ou dans l'enseignementde promotion sociale ou à horaire réduit, pour lesquelles une rémunérationà charge du Trésor public est accordée' ;

L'ajout de 1995 complétait la disposition existante : `pour l'applicationdes alinéas précédents, il n'est tenu compte ni des revenus provenantd'indemnités d'expertises judiciaires en matière pénale, sur ordre desautorités judiciaires, ni de la durée des prestations qui y sontconsacrées', en y ajoutant `ni des revenus provenant de l'exercice desfonctions de bourgmestre dans une commune dont la population n'excède pas15.000 habitants, d'échevin ou de président d'un centre public d'aidesociale dans une commune dont la population n'excède pas 30.000 habitants'».

Quant à l'interprétation qui a été donnée par les autoritésadministratives de cette disposition, l'arrêt énonce les éléments suivants:

«  Le premier document déposé par les parties est une lettre du ministrede l'Éducation nationale du 12 septembre 1986 au directeur général del'enseignement préscolaire et de l'enseignement primaire (...) danslaquelle ce dernier dit qu'il a eu son attention attirée par la situationd'un M. Fayen auquel une somme de 683.937 francs est réclamée enremboursement au motif qu'il était en fonction accessoire depuis le 1^erjanvier 1983 ;

Dans cette lettre, ce ministre mentionne expressément : `Je vous rappelleque les mandats de bourgmestre et d'échevin ne constatent pas une" autre occupation " au sens de l'article 5, c), de l'arrêté royal du 15avril 1958', `cette décision, qui a toujours été appliquée par tous lesservices de traitement du département, n'a jamais été contestée par laCour des comptes et il n'entre nullement dans mes intentions de lamodifier', et demande audit directeur d'annuler la demande deremboursement faite à M. F. et decontinuer à appliquer les dispositions de l'article 5, c), dans le sensindiqué ci-dessus ;

C'est seulement après cette lettre que la Cour des comptes, ayant puconstater que des mandataires politiques exerçant simultanément unefonction dans l'enseignement subventionné étaient rétribués selon le modede rémunération prévu pour l'exercice d'une fonction principale, va écrireau ministre le 6 mai 1987 que, selon elle, les dispositions de l'article5, c), en cause n'excluent pas de leur champ d'application les titulairesd'un mandat politique et lui demander d'examiner les mesures à prendrepour une application correcte du texte aux personnes concernées (...) ;

Ce courrier sera rappelé dans une nouvelle lettre de la Cour des comptesdu 24 juin 1987 (...) ;

Il est utile de déjà signaler à ce stade que, dans les deux courrierssusvisés, la Cour des comptes base son appréciation sur le texte del'article 5, c), tel qu'il existait à ce moment, soit avec la modificationde 1978 et avec le remplacement de 1982, annulé puis repris en 1985 (...);

Certes, le 14 juillet 1989, le ministre de l'Éducation nationale del'époque adopte l'interprétation de la Cour des comptes et donne lesinstructions pour que les indus soient réclamés (...) et, ensuite, unecirculaire de la direction générale du 29 août 1989 va être établie dansce sens (...) ; néanmoins, dès le début du mois suivant, le même ministre,interpellé sur le sujet, va revoir sa position et signale, dans une lettredu 14 septembre 1989, qu'il avait donné des instructions à ses services de`ne plus appliquer l'article 5 c) [...] aux mandats de bourgmestre etd'échevin' ;

Il est intéressant de préciser ici que la lettre du 14 septembre 1989 estenvoyée à J.-M. R., premier échevin de la ville de Verviers, soit la villedans laquelle (le défendeur) exerçait ses fonctions d'échevin, et quecette lettre mentionne qu'elle fait `suite à notre entretien du 2septembre 1989' ;

Dans les pièces déposées par (le défendeur) figurent encore un extrait descommentaires du secrétariat général de l'enseignement catholique quimentionnent expressément que : `par décision ministérielle, les titulairesd'un mandat politique (échevins, bourgmestres ...) qui exercent en mêmetemps des fonctions dans l'enseignement ne sont pas soumis auxdispositions du littera c) de l'article 5', commentaires dont il estmentionné qu'ils sont mis à jour au1^er janvier 1993 (…) ;

Par ailleurs, (le défendeur) fait état d'un extrait du rapport fait le 28juillet 1986 au nom de la commission de l'Intérieur, des Affairesgénérales et de la Fonction publique, dans le cadre d'un projet de loiinstituant le congé politique pour les membres du personnel des servicespublics, rapport qui contient plusieurs considérations intéressantes dansle cadre du présent litige ».

Quant à l'interprétation qu'il y a lieu de donner pendant la périodelitigieuse de la disposition en cause, l'arrêt, après avoir synthétisé laposition des parties, à savoir que :

« (Le demandeur et la défenderesse) se rangent derrière l'interprétationde la Cour des comptes et estiment que, la disposition litigieuse n'ayantpas expressément exclu les mandats de bourgmestre et d'échevin, il enrésulte que ces mandats devaient être pris en compte pour voir sil'activité d'enseignant était exercée à titre principal ou accessoire ;

(Le défendeur) défend que lesdits mandats n'étaient pas, à l'origine,considérés comme `une autre occupation' au sens de la disposition en cause; que cette interprétation a été confortée par les pratiques suiviesultérieurement et que les modifications intervenues en 1996 doivent êtreretenues pour interpréter cette disposition dans ce sens »,

fait sienne la position du défendeur.

Il fonde sa décision sur les considérations suivantes :

« Il résulte à suffisance de la lettre du ministère de l'Éducationnationale du 12 septembre 1986 et même des termes de la lettre du 6 mai1987 de la Cour des comptes qu'avant 1986, la disposition litigieuse encause avait été interprétée par tous les services administratifs comme neconcernant pas les mandats de bourgmestre et d'échevin ;

L'interprétation donnée par la Cour des comptes est faite, non sur la basede la disposition en cause telle qu'elle était applicable à l'origine dela période litigieuse pour (le défendeur), mais sur la base de cettedisposition déjà modifiée, complétée et remplacée (...) ;

L'interprétation donnée par la Cour des comptes a certes été avalisée parle ministre de l'Éducation nationale le 14 juillet 1989 mais ce ministreest revenu très rapidement sur sa décision et a donné des instructionsdans ce dernier sens en demandant à ses services, au début du mois deseptembre 1989, que ne soit pas appliquée sur ce point la circulaire quivenait juste de sortir, étant datée du 28 août de cette année ;

La position prise par ce ministre en septembre 1989 est reprise dans lescommentaires qui ont été donnés ultérieurement aux établissementsd'enseignement ;

[Le demandeur et la défenderesse] ne déposent aucun document qui viendraitattester qu'après septembre 1989 et jusqu'au nouveau système mis en placeen 1996, le ministre ou l'administration auraient à nouveau changé deposition en adoptant l'interprétation donnée par la Cour des comptes en1987 ;

Certes, durant l'année scolaire 1995-1996, est théoriquement entrée envigueur une nouvelle modification de la disposition en cause, modificationqui visait pour la première fois expressément les mandats de bourgmestreet d'échevins, mais aucun élément de la cause ne permet de démontrer quecette disposition a réellement été appliquée alors que, très peu de tempsaprès, soit en 1996, le système était totalement modifié par plusieursmodifications ;

Le système mis en place en 1996 n'est nullement un système de couperet,tel celui de passer d'une fonction principale à celui d'une fonctionaccessoire, mais un système nuancé avec un congé politique qui a desconséquences beaucoup moins importantes sur la carrière de la personneconcernée ».

L'arrêt ajoutera encore que

« La disposition litigieuse datant d'une période antérieure à la fusiondes communes, il est d'autant plus compréhensible que les mandats debourgmestre et d'échevin n'aient pas été considérés comme une àutreoccupation' dans la mesure où il existait alors de très nombreuses petitescommunes dans lesquelles les fonctions de bourgmestre et d'échevinn'engendraient pas une charge de travail sensible ;

Lorsque s'est posée la question des revenus provenant de missionsjudiciaires, le texte a été modifié pour exclure ces revenus pourl'application de la disposition litigieuse ;

De même, lorsque s'est posée la question des mandats communaux pour lesenseignants, le ministre compétent, après consultation de sonadministration, a aussi voulu modifier la disposition en cause ; il aainsi précisé, dans sa lettre susmentionnée du 14 septembre 1989, qu'ilentrait dans ses intentions de déposer un projet de décret et quel'instruction de ne plus appliquer aux mandats de bourgmestre et d'échevinla disposition en cause était donnée `en attendant le vote sur ce texte'(...) ;

Certes, les modifications légales annoncées en 1989 ne sont arrivées qu'en1996 ; néanmoins, cet élément ne permet pas de changer d'appréciationquant à l'interprétation qu'il y a lieu de donner des versions antérieuresde la disposition en cause ;

La question de l'admissibilité des cumuls entre des mandats politiques etdes fonctions d'agent statutaire n'a commencé à se poser qu'au milieu desannées 1980 et a été très difficile et longue à résoudre en raison de ladiversité considérable de statuts qui existaient dans la fonction publique».

Griefs

En vertu de l'article 80 de la loi du 20 juillet 1991 portant desdispositions sociales et diverses, inséré par la loi du 3 février 2003 :

« Les services prestés avant le 1^er janvier 2003 dans une fonctionaccessoire de l'enseignement libre secondaire de plein exercice ou del'enseignement libre supérieur non universitaire de plein exercice ne sontpas pris en considération pour le calcul de la pension visée à l'article78. (...) Pour l'application du présent paragraphe, sont considérés commeservices prestés dans une fonction accessoire, les services qui, sur labase du statut pécuniaire applicable, ont été rémunérés comme fonctionaccessoire ».

En vertu de l'article 5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958 portant statutpécuniaire du personnel enseignant, scientifique et assimilé du ministèrede l'Instruction publique, après sa modification par l'arrêté royal du 15décembre 1978 et par la loi du 1^er août 1985 :

« Pour l'application du présent arrêté, l'expression `fonction accessoire'désigne la fonction, qu'elle soit ou non à prestations complètes,qu'exerce dans une ou plusieurs écoles ou institutions régies par leprésent statut, l'agent :

c) qui bénéficie, du chef de toute autre occupation ou du chef de lajouissance d'une pension à charge du Trésor public, de revenus bruts dontle montant est supérieur à celui de la rémunération brute qu'ilobtiendrait s'il exerçait sa fonction comme fonction principale àprestations complètes, mais calculée sur la base du minimum de l'échellede traitement.

Par àutre occupation', il faut entendre une occupation autre que :

1° une profession indépendante ;

2° des prestations dans l'enseignement de plein exercice ou dansl'enseignement de promotion sociale ou à horaire réduit, pour lesquellesune rémunération à charge du Trésor public est accordée.

Pour l'application des alinéas précédents, il n'est tenu compte ni desrevenus provenant d'indemnités d'expertises judiciaires en matière pénale,sur ordre des autorités judiciaires, ni de la durée des prestations qui ysont consacrées ».

L'alinéa 3 de l'article 5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958 a étécomplété comme il suit par l'article 1^er de l'arrêté du gouvernement dela Communauté française du 2 juin 1995 réglant la situation pécuniaire desmembres du personnel de l'enseignement de la Communauté française quiexercent un mandat politique :

« Pour l'application des alinéas précédents, il n'est tenu compte, ni desrevenus provenant d'indemnités d'expertises judiciaires en matière pénale,sur ordre des autorités judiciaires, ni de la durée des prestations qui ysont consacrées, ni des revenus provenant de l'exercice des fonctions debourgmestre dans une commune dont la population n'excède pas 15.000habitants, d'échevin ou de président d'un centre public d'aide socialedans une commune dont la population n'excède pas 30.000 habitants ».

L'alinéa 3 de l'article 5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958 a ensuite étémodifié comme il suit par l'article 1^er de l'arrêté du gouvernement de laCommunauté française du 24 octobre 1996 modifiant la situation pécuniairedes membres du personnel de l'enseignement de la Communauté française,entré en vigueur le 13 décembre 1996 :

« Pour l'application des alinéas précédents, il n'est tenu compte, ni desrevenus provenant d'indemnités d'expertises judiciaires en matière pénale,sur ordre des autorités judiciaires, ni de la durée des prestations qui ysont consacrées, ni des revenus provenant de l'exercice des fonctions debourgmestre, d'échevin, de conseiller communal, de président ou de membred'un conseil de l'aide sociale et de conseiller provincial ».

La loi interprétative fait corps avec la loi interprétée. En cas de loiinterprétative, la loi interprétée est réputée avoir eu dès l'origine lesens défini par la loi interprétative et doit donc être appliquée commetelle par les cours et tribunaux. Est, de sa nature, interprétative la loiqui, sur un point de droit incertain ou controversé, consacre une solutionqui aurait pu être adoptée par la jurisprudence.

L'article 5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958, après sa modification parl'arrêté royal du 15 décembre 1978, excluait uniquement les revenusprovenant d'indemnités d'expertises pour déterminer le caractèreaccessoire ou principal de la fonction exercée par le membre du personneldans l'enseignement de la Communauté française. L'article 1^er de l'arrêtédu gouvernement de la Communauté française du 2 juin 1995 réglant lasituation pécuniaire des membres du personnel de l'enseignement de laCommunauté française qui exercent un mandat politique a élargi lesexclusions aux revenus provenant de l'exercice des fonctions debourgmestre dans une commune dont la population n'excède pas 15.000habitants, d'échevin ou de président d'un centre public d'aide socialedans une commune dont la population n'excède pas 30.000 habitants.L'article 1^er de l'arrêté du gouvernement de la Communauté française du24 octobre 1996 a ensuite élargi les exclusions à tous les revenusprovenant de l'exercice des fonctions de bourgmestre et d'échevin, quelleque soit l'importance de la population.

La jurisprudence n'aurait pu adopter un tel élargissement des exclusions.Dès lors, l'article 1^er de l'arrêté du gouvernement de la Communautéfrançaise du 24 octobre 1996 modifiant la situation pécuniaire des membresdu personnel de l'enseignement de la Communauté française ne constitue pasune disposition interprétative et n'a pas d'effet rétroactif.

À l'origine, les revenus provenant de l'exercice des fonctions debourgmestre et d'échevin n'étaient pas exclus par l'article 5 de l'arrêtéroyal du 15 avril 1958 pour déterminer le caractère accessoire ouprincipal de la fonction exercée. Ces revenus n'ont été totalement exclusqu'à partir de l'entrée en vigueur de l'article 1^er de l'arrêté dugouvernement de la Communauté française du 24 octobre 1996 modifiant lasituation pécuniaire des membres du personnel de l'enseignement de laCommunauté française, soit à partir du13 décembre 1996.

L'arrêt n'a dès lors pu légalement décider que la disposition de l'article5 de l'arrêté royal du 15 avril 1958, telle qu'elle était applicable àl'origine de la période litigieuse située entre le 1^er janvier 1977 et le1^er janvier 1997, doit être interprétée comme excluant tous les revenusprovenant de l'exercice de mandats politiques pour déterminer le caractèreaccessoire ou principal de la fonction exercée par le membre du personneldans l'enseignement de la Communauté française (violation de l'ensembledes dispositions légales citées en tête du moyen).

III. La décision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite dudéfaut d'intérêt :

L'arrêt ne se fonde sur les décisions ministérielles auxquelles il seréfère que pour dégager l'interprétation qu'il adopte de l'article 5,alinéa 1^er, c), de l'arrêté royal du 15 avril 1958 portant statutpécuniaire du personnel enseignant, scientifique et assimilé du ministèrede l'Instruction publique.

Le moyen ne fait pas grief à l'arrêt d'appliquer un arrêté ou un règlementnon conforme à la loi mais critique son interprétation de l'article 5,alinéa 1^er, c), de l'arrêté royal du 15 avril 1958.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen :

En vertu de l'article 5, alinéa 1^er, c), de l'arrêté royal du 15 avril1958, dans sa version applicable aux faits, l'expression fonctionaccessoire désigne la fonction, qu'elle soit ou non à prestationscomplètes, qu'exerce, dans une ou plusieurs écoles ou institutions régiespar ce statut, l'agent qui bénéficie, du chef de toute autre occupation,de revenus bruts dont le montant est supérieur à celui de la rétributionbrute qui lui reviendrait s'il exerçait sa fonction à titre principal ;par autre occupation, il faut entendre une occupation autre qu'uneprofession indépendante, ou des prestations dans l'enseignement de pleinexercice, de promotion sociale ou à horaire réduit, pour lesquelles unerémunération à charge du Trésor public est accordée. Suivant l'article 5,alinéa 3, dans sa version applicable aux faits, il n'est tenu compte, pourl'application des alinéas précédents, ni des revenus provenantd'indemnités d'expertises judiciaires en matière pénale, sur ordre desautorités judiciaires, ni de la durée des prestations qui y sontconsacrées.

Pour déterminer le caractère accessoire de la fonction exercée par lemembre du personnel dans l'enseignement de la Communauté française,l'article 5, alinéa 1^er, c), précité n'exclut pas les revenus quiproviennent de l'exercice d'un mandat d'échevin.

L'arrêt qui, pour décider que le défendeur a exercé sa fonction à titreprincipal au sein de l'enseignement, considère que le mandat d'échevinn'était pas considéré comme une autre occupation, viole l'article 5,alinéa 1^er, c), de l'arrêté royal du 15 avril 1958, précité.

Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiègeaient le président de section Paul Mathieu, les conseillers ChristineMatray, Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange, et prononcé enaudience publique du quatorze mars deux mille onze par le président desection Paul Mathieu, en présence du procureur général Jean-FrançoisLeclercq, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

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| M-J. Massart | M. Delange | A. Simon |
|------------------------+------------------------+----------------------|
| M. Regout | Chr. Matray | P. Mathieu |
+------------------------------------------------------------------------+

14 MARS 2011 C.09.0422.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.09.0422.F
Date de la décision : 14/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-03-14;c.09.0422.f ?
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