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03/03/2011 | BELGIQUE | N°F.10.0061.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mars 2011, F.10.0061.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

612



NDEG F.10.0061.F

MEUBELEN ASTRID, societe anonyme dont le siege social est etabli àIngelmunster, Weststraat, 75,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseil Maitre Johan Speecke, avocat au barreau de Courtrai,dont le cabinet est etabli à Courtrai, President Kennedypark, 8A/0001, ouil est fait election de domicile,

contre

COMMUNE DE BOUSSU, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Boussu, rue Franc,ois Dorzee, 3,

defenderesse en cassation,

ayant

pour conseil Maitre Dominique Lambot, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilai...

Cour de cassation de Belgique

Arret

612

NDEG F.10.0061.F

MEUBELEN ASTRID, societe anonyme dont le siege social est etabli àIngelmunster, Weststraat, 75,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseil Maitre Johan Speecke, avocat au barreau de Courtrai,dont le cabinet est etabli à Courtrai, President Kennedypark, 8A/0001, ouil est fait election de domicile,

contre

COMMUNE DE BOUSSU, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Boussu, rue Franc,ois Dorzee, 3,

defenderesse en cassation,

ayant pour conseil Maitre Dominique Lambot, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Ixelles, rue Vilain XIIII, 17, ouil est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 juin 2009par la cour d'appel de Mons sous le numero 2005/955 du role general.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 10, 11, 159 et 172 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

L'arret decide qu'il n'y a pas lieu de refuser, conformement à l'article159 de la Constitution, l'application du reglement-taxe litigieux àdefaut de preuve de sa non-conformite à la loi et ce, sur la base desconsiderations suivantes :

« Qu'en vertu de l'article 1er du reglement-taxe, ne sont imposes que lesecrits publicitaires `toutes boites' ne contenant pas au moins 30 p.c. detextes redactionnels ;

Que [la demanderesse] considere que cette difference de traitement estcontraire aux principes consacres par les articles 10, 11 et 172 de laConstitution, car les ecrits publicitaires sont aussi polluants que ceuxqui sont vises par l'article 3 precite et cette disposition est des lorsen contradiction avec le but de la taxe, savoir diminuer le volume depapier à collecter et enrayer la pollution de la voie publique par lepapier ;

Que la regle de l'egalite des Belges devant la loi contenue dans l'article10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissancedes droits et libertes reconnus aux Belges contenue dans l'article 11 dela Constitution ainsi que celle de l'egalite des Belges devant l'impotimpliquent que tous ceux qui se trouvent dans la meme situation soienttraites de la meme maniere mais n'excluent pas qu'une distinction soitfaite entre differentes categories de personnes, pour autant que lecritere de distinction soit susceptible de justification objective etraisonnable ;

Que l'existence d'une telle justification doit s'apprecier par rapport aubut et aux effets de la mesure prise ou de l'impot instaure ;

Que le principe d'egalite est viole lorsqu'il est etabli qu'il n'existepas de rapport raisonnable de proportionnalite entre les moyens employeset le but vise (Cass., 30 avril 1992, Pas., 1992, I, 767) ;

Que, lorsqu'une norme etablissant un impot vise des contribuables dont lessituations sont diverses, elle doit necessairement apprehender cettediversite avec un certain degre d'approximation (voir Cass., 28 juin 2001,J.L.M.B., 2002, 1657) ;

Que les regles de l'egalite et de la non-discrimination n'exigent pas quela norme module l'imposition en fonction des particularites de chaquecas ;

Qu'en l'espece, la difference de traitement entre, d'une part, lespersonnes distribuant des ecrits publicitaires comportant 30 p.c. ou moinsde textes redactionnels non publicitaires et, d'autre part, cellesdistribuant des ecrits publicitaires comportant plus de 30 p.c. sejustifie par le fait que ces derniers ecrits sont de nature à apporter àla population des informations utiles non commerciales ;

Que cette fonction d'interet general autorise donc l'exoneration de laseconde categorie de personnes sans violation des dispositionsconstitutionnelles en cause ».

Griefs

Les ecrits « toutes boites » qui contiennent plus de 30 p.c. de textesredactionnels non publicitaires sont exoneres de l'impot tandis que lesecrits qui contiennent moins de 30 p.c. de textes redactionnels nonpublicitaires ne le sont pas et tombent sous le champ d'application de lataxe, alors que le but de cette taxe est ecologique et tend à ladiminution du volume du papier à collecter et à enrayer la pollution dela voie publique par le papier, et que la distinction selon que les ecritscontiennent plus ou moins de 30 p.c. de textes redactionnels nonpublicitaires est totalement etrangere au but de la taxe.

La Cour a dejà, dans le passe, impose aux cours et tribunaux d'apprecierla taxe par rapport à son but et à ses effets et par rapport au lien deproportionnalite raisonnable entre les moyens utilises et le butpoursuivi, et decide que, de la seule circonstance que tous les citoyensqui se trouvent dans la meme situation sont egalement imposes, il nepourrait se deduire que le principe relatif à l'egalite n'est pas viole.

La question est des lors de verifier si la cour d'appel, pour aboutir àsa conclusion, a bien apprecie la taxe litigieuse ainsi que l'exonerationpar rapport à leur but et à leurs effets et par rapport au lien deproportionnalite raisonnable entre les moyens utilises et le butpoursuivi.

Or, il est à ce propos important de constater que l'arret trouve unejustification, pour la distinction entre les ecrits contenant, d'un cote,30 p.c. ou moins de textes redactionnels non publicitaires et, de l'autre,plus de 30 p.c. de textes redactionnels non publicitaires, notamment dansle fait que ces derniers sont de nature à fournir à la population del'information utile non commerciale (utilite publique), mais il neconstate nulle part que les documents contiennent cette raison d'utilitepublique pour justifier l'exoneration.

Les cours et tribunaux à qui il est demande d'apprecier des dispositionslegales et reglementaires au regard des principes de l'egalite et de lanon-discrimination ne peuvent examiner la distinction creee par lelegislateur (communal) entre les diverses categories de contribuablesqu'à la lumiere de la justification de la taxe qui a ete fournie par lelegislateur (communal) lui-meme.

Ainsi, en l'absence de constatation par la cour d'appel dans lereglement-taxe ou dans le dossier administratif de la commune du but etdes effets de la taxe, la cour d'appel n'a pu decider legalement quel'exoneration de la categorie d'ecrits contenant plus de 30 p.c. de textesredactionnels non publicitaires est justifiee à la lumiere du but et deseffets de la taxe et au rapport de proportionnalite raisonnable entre lesmoyens utilises et le but poursuivi, et donc que le reglement-taxelitigieux ne viole pas les articles 10, 11, 159 et 172 de la Constitution.

III. La decision de la Cour

L'arret considere que le reglement-taxe litigieux sur les ecritspublicitaires non adresses « toutes boites » n'est pas contraire auxarticles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il etablit une taxe surles ecrits ne contenant pas au moins 30 p.c. de textes redactionnels, aumotif que la non-imposition des autres ecrits se justifie par le fait queceux-ci « sont de nature à apporter à la population des informationsutiles non commerciales » et remplissent ainsi une « fonction d'interetgeneral ».

Le moyen reproche à l'arret de ne pas justifier legalement sa decision àdefaut de constater qu'il apparait de ce reglement-taxe ou du dossieradministratif de la commune defenderesse que l'exoneration prevue par lereglement-taxe aurait repose sur ce motif.

Le moyen fait ainsi grief à l'arret de ne pas contenir les constatationsde fait qui doivent permettre à la Cour d'exercer le controle delegalite qui lui est confie.

Ce grief est etranger à celui qui est fonde sur la violation desdispositions constitutionnelles visees par le moyen.

Le moyen, qui n'invoque pas la violation de l'article 149 de laConstitution, est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent euros vingt-neuf centimes envers lapartie demanderesse et à la somme de trois cent huit euros trente-cinqcentimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Sylviane Velu, Martine Regout et Gustave Steffens, et prononce en audiencepublique du trois mars deux mille onze par le president Christian Storck,en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier PatriciaDe Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | G. Steffens | M. Regout |
|-----------------+-------------+-------------|
| S. Velu | D. Batsele | Chr. Storck |
+---------------------------------------------+

3 MARS 2011 F.10.0061.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.10.0061.F
Date de la décision : 03/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-03-03;f.10.0061.f ?
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