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03/03/2011 | BELGIQUE | N°F.08.0082.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mars 2011, F.08.0082.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4866



NDEG F.08.0082.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

OXYGENE, societe anonyme dont le siege social est etabli à Auderghem, rueValduc, 314,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 22 juin2007 et 4 juin 2008 par la cour d'appel de Liege.

L...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4866

NDEG F.08.0082.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

OXYGENE, societe anonyme dont le siege social est etabli à Auderghem, rueValduc, 314,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 22 juin2007 et 4 juin 2008 par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 85, specialement S:S: 1er et 2, et 89 (dans sa redactionanterieure à sa modification par la loi du 15 mars 1999) de la loi du3 juillet 1969 creant le Code de la taxe sur la valeur ajoutee ;

* pour autant que de besoin, article 67 de la loi du 8 aout 1980relative aux propositions budgetaires 1979-1980 ;

- articles 33 et 149 de la Constitution ;

- articles 2, 632, 860, 861, 862, 867, 870, 1068, alinea 1er, et 1138,3DEG, du Code judiciaire ;

- articles 1315, 1316, 1319 et 1320 du Code civil ;

- principe general du droit administratif de la continuite des servicespublics ;

- articles 1er, S: 1er, 1DEG, et S: 2, 5DEG, et 3, S: 1er, de l'arreteroyal du6 juillet 1997 relatif à la simplification de la carriere de certainsagents du ministere des Finances appartenant aux niveaux 1 et 2+ ;

- article 9 de l'arrete royal du 8 aout 1983 relatif à l'exercice d'unefonction superieure dans les administrations, dans sa version initiale ;

- article 1er de l'arrete ministeriel du 28 fevrier 2001 ;

- article unique de l'arrete ministeriel du 2 septembre 2003.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 22 juin 2007 decide que, la contrainte litigieuse ayantete visee et rendue executoire par un directeur ad interim et non par ledirecteur regional, « il appartenait à l'administration de mettre lacour (d'appel) en mesure de verifier la regularite de (cette) contrainteaffectee, le cas echeant, d'un vice au niveau de la delegation » et deprouver que le fonctionnaire en question etait investi du pouvoir requis,aux motifs que, meme si les principes rappeles par l'administration àpropos des delegations etaient sans doute exacts, en sorte qu'il fallaitadmettre qu'une delegation en faveur d'un fonctionnaire qui n'est pasdirecteur regional etait possible, encore « la cour [d'appel](n'a-t-elle) pas ete en mesure de verifier si (ce) fonctionnaire etaitbien dument delegue ; (...) [que] ce n'est pas parce que la loi ne reglepas expressement la preuve de la designation que celle-ci doit etreconsideree ipso facto comme demontree, sous peine de permettre àn'importe quel fonctionnaire de verser dans l'arbitraire sans aucuncontrole judiciaire ; (...) [et que] l'administration n'a envisage que laproblematique des prescriptions formelles regissant une telle delegation(par exemple, il n'y a pas de formalites particulieres requises) sansdonner aucun element sur leur application legale et adequate concernant lefonctionnaire ici en cause », et, en consequence, ordonne la reouverturedes debats « afin d'inviter (le demandeur) à faire valoir tous elementsutiles en sa possession concernant la delegation du directeur a.i. L. D.relativement à la contrainte ici attaquee ».

Et l'arret attaque du 4 juin 2008 qui, en consequence, declare l'appel dela defenderesse fonde, met à neant la decision entreprise et, reformant,declare que « la contrainte litigieuse nDEG 300/0622/25303 est depourvued'effet et ne peut etre executee » et, partant, decide que « (ledemandeur) remboursera à (la defenderesse) toutes sommes qui auraient eteindument perc,ues du chef de la contrainte en cause avec les interetsmoratoires et condamne le demandeur, non seulement à supporter sespropres depens dans les deux instances, mais à payer à la defenderesseles sommes de 334,56 euros et de 2.500 euros, respectivement pour lesdepens d'instance et les depens d'appel, aux motifs que :

« L'article 85, S: 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee prevoitexpressement que la contrainte est rendue executoire `par le directeurregional de l'administration de la taxe sur la valeur ajoutee ... ou parun fonctionnaire designe par lui' ; (...) la circulaire T.V.A. nDEG 18 du12 novembre 1980 prevoit au point 4 que `la loi designe maintenantelle-meme le fonctionnaire competent, à savoir le directeur regional ouun fonctionnaire designe par lui. Le directeur regional est donc habiliteà deleguer sa competence en matiere de visa et d'execution descontraintes à un inspecteur ou au chef de l'office de controle de la taxesur la valeur ajoutee dont releve l'assujetti' ; cette circulaire, commeles instructions des 21 novembre 1980 et 1er juin 1986 (...), ne prevoitcependant qu'une faculte et il y a des lors lieu d'etablir dans chaque casd'espece l'existence d'une telle delegation ; (...) la designation peutetre faite de maniere generale en designant non pas un fonctionnaire maisune categorie de fonctionnaires ; il resulte ainsi des notes de servicesnDEG 23, 51, 64, 66, 67 et 75 (...) que les controleurs en chef titulaires(grade remplace par arrete royal du 6 juillet 1997 par celui d'inspecteurprincipal d'administration fiscale) et les agents designes pour assurerl'interim de l'office (point 30 de la note de service nDEG 23) ont, saufdans quelques domaines particuliers, le pouvoir de viser et de rendreexecutoires les contraintes ; (...) dans ces circonstances, la simplemention du grade du fonctionnaire et de sa designation peut permettre deverifier si celui-ci a effectivement qualite pour viser et rendreexecutoire une contrainte sans que soit systematiquement rappelee ladisposition administrative sur laquelle se fonde cette designation ;cependant, en l'espece, Monsieur L. D. a signe en qualite de `directeura.i. designe par le directeur regional de la taxe sur la valeur ajoutee,de l'enregistrement et des domaines' ; le grade reel de Monsieur L. D.n'est pas precise à la contrainte litigieuse puisque seules sontdesignees les fonctions qu'il exerce à titre interimaire, en l'espececelle de directeur »,

que :

« L'administration s'est contentee de deposer des documents relatifs àla delegation aux controleurs en chef/inspecteurs principaux mais n'adepose ni l'instruction B.75 en vigueur à la date du 1er juin 1986 dontelle fait etat dans ses conclusions additionnelles ni les documentsrelatifs à une eventuelle delegation au benefice des fonctionnaires ayantle grade de directeur ou exerc,ant, comme en l'espece, des fonctions dedirecteur ; aucun des documents deposes par l'administration n'etablitdonc une delegation generale de pouvoir du directeur regional de viser etde rendre executoire les contraintes au profit d'un fonctionnaire quiexerce temporairement les fonctions du directeur ; aucun de ces documentsn'etablit a fortiori l'existence d'une delegation particuliere de cepouvoir au profit de Monsieur L. D. »,

que :

« Le fait qu'une contrainte soit visee et rendue executoire par unfonctionnaire qui n'aurait pas ete designe à cette fin par le directeurregional en violation des dispositions de l'article 85 du Code de la taxesur la valeur ajoutee nuit aux interets de l'assujetti qui fait l'objetd'une telle contrainte »

et que :

« S'il ne lui appartient pas d'annuler la contrainte litigieuse à defautde disposition expresse prevoyant une telle sanction, la cour [d'appel] sedoit de constater qu'en l'absence de preuve de ce qu'elle a ete visee etrendue executoire par le directeur regional ou par un fonctionnaire dumentdesigne par lui, cette contrainte n'a pas de force executoire et neproduira pas d'effet ».

Griefs

L'article 85, S: 1er, alinea 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajouteedispose que :

« En cas de non-payement de la taxe, des interets, des amendes fiscaleset des accessoires, une contrainte est decernee par le fonctionnairecharge du recouvrement ; elle est visee et rendue executoire par ledirecteur regional de l'administration de la taxe sur la valeur ajoutee,de l'enregistrement et des domaines ou par un fonctionnaire designe parlui et, dans les cas determines par le Roi, par le directeur regional desdouanes et accises ou par un fonctionnaire designe par lui » ; leparagraphe 2 de cette disposition « permet au redevable de faireopposition à l'execution de la contrainte de la maniere prevue parl'article 89 ».

Celui-ci dispose que « sous reserve de ce qui a ete prevu par lesarticles 85, S:S: 1er et 2, et 85bis, l'execution de la contrainte a lieucompte tenu de la cinquieme partie, titre III, du Code judiciaire, relatifà l'execution forcee ».

Premiere branche

En vertu de l'article 85, S: 1er, 1DEG, du Code de la taxe sur la valeurajoutee, introduit par l'article 67 de la loi du 8 aout 1980 relative auxpropositions budgetaires 1979-1980, le directeur regional peut deleguer,en ce qui concerne la contrainte en matiere de taxe sur la valeur ajoutee,sa competence à un ou plusieurs fonctionnaires ou categories defonctionnaires ; il s'agit manifestement d'une delegation de pouvoirexpressement prevue par la loi, chaque directeur regional etant libre deproceder ou de ne pas proceder à pareille [delegation], pourvu qu'ilrespecte à cet egard la loi.

En outre, en vertu de l'article 33 de la Constitution, « tous lespouvoirs emanent de la Nation. Ils sont exerces de la maniere etablie parla Constitution » et par les lois et reglements. Lorsque la loi autoriseune autorite administrative à deleguer tout ou partie de ses pouvoirs,cette autorite ne peut pas se contenter de deleguer sa signature, maisdelegue au contraire son pouvoir en soi, c'est-à-dire le droit qu'elle ade prendre des decisions à caractere definitif et contraignant, cepouvoir etant opposable aux tiers.

Cette delegation de pouvoir, qui modifie l'ordonnancement originaire descompetences, implique seulement que l'autorite qui a delegue son pouvoiretait autorisee à le faire par la loi, expressement ou implicitement.

Or, l'article 67 de la loi du 8 aout 1980, integre à l'article 85 du Codede la taxe sur la valeur ajoutee, a autorise le directeur regional del'administration de la taxe sur la valeur ajoutee à deleguer sacompetence en matiere de visa et d'execution des contraintes au(x)fonctionnaire(s) qu'il entend designer, conformement à la legislation.

Par ailleurs, il suffit que le fonctionnaire, ainsi designe, fasse usagedu pouvoir qui lui est delegue et l'indique.

Car ni l'article 85, S: 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee niaucune autre disposition n'exigent une quelconque delegation speciale,ecrite et formelle en faveur d'un fonctionnaire determine revetant unequalite particuliere, telle que d'avoir ete nomme à titre definitif dansla fonction determinee, pas plus qu'il n'est exige que cette delegationrevete une forme particuliere, fasse l'objet d'un « ecrit », ni qu'ellesoit produite par l'administration ou fasse l'objet d'une quelconquepublication ; elle peut etre verbale et n'a pas à etre prouvee autrementque par l'affirmation, faite par le fonctionnaire qui a vise et delivre lacontrainte, qu'il beneficiait de la delegation, des lors que cefonctionnaire occupe, à titre temporaire ou definitif, la fonction luipermettant de la delivrer.

Et, au surplus, l'article 9 de l'arrete royal du 8 aout 1983 relatif àl'exercice d'une fonction superieure dans les administrations de l'Etatenonce que « l'agent charge d'une fonction superieure exerce toutes lesprerogatives attachees à cette fonction », peu important qu'il soitnomme à titre definitif ou designe temporairement. Des lors, lorsqu'unfonctionnaire a ete legalement designe pour exercer à titre provisoireles fonctions superieures de directeur d'administration fiscale dans unedirection regionale de la taxe sur la valeur ajoutee, à la date àlaquelle il a vise et rendu executoire une contrainte, il s'impose deconsiderer que le visa et l'executoire ont effectivement ete donnes parl'autorite administrative competente, ratione materiae, ratione loci etratione temporis, sans qu'il puisse etre exige de l'administration deproduire un document etablissant une delegation generale du pouvoir dudirecteur regional de viser et de rendre executoires les contraintes auprofit du fonctionnaire qui exerce, fut-ce à titre provisoire, lesfonctions superieures de directeur d'administration fiscale.

La mention sur la contrainte du grade occupe à titre temporaire ouinterimaire par le fonctionnaire designe par le directeur regional de lataxe sur la valeur ajoutee pour viser et rendre executoire la contrainte,à savoir celui de directeur, et la mention sur la contrainte de sadesignation suffisent à permettre de verifier si ce fonctionnaire aqualite pour viser et rendre executoire la contrainte, sans qu'il soitnecessaire de preciser sur la contrainte le grade reel du fonctionnaireainsi designe.

Et, en vertu des articles 1er, S: 1er, 1DEG, et S: 2, 5DEG, et 3, S: 1er,de l'arrete royal du 6 juillet 1997 relatif à la simplification de lacarriere de certains agents du ministere des Finances appartenant auxniveaux 1 et 2+, l'agent qui, au 1er juillet 1997, portait le grade decontroleur en chef a ete nomme d'office au grade d'inspecteur principal del'administration fiscale.

Mais encore, non seulement il resultait de l'arrete ministeriel du 28fevrier 2001 publie au Moniteur belge que le directeur ad interim L. D.avait ete designe des le 1er decembre 1997 en qualite d'inspecteurprincipal d'administration fiscale, chef de service, aupres de ladirection regionale de la taxe sur la valeur ajoutee à Namur et disposaitdu pouvoir de viser et de rendre executoires les contraintes ; en outre,en vertu de l'arrete ministeriel du 2 septembre 2003, ce fonctionnaireavait ete designe par le directeur regional de la taxe sur la valeurajoutee à Namur afin d'exercer les fonctions superieures de directeurd'administration fiscale, decision approuvee par le ministre des Financespour la periode du 5 avril 2000 au 20 decembre 2001, au cours de laquellela contrainte contestee a ete visee et rendue executoire par cefonctionnaire.

Il s'ensuit que l'arret attaque du 22 juin 2007, en decidant que, des lorsque la defenderesse invoquait, ce qui suffisait à justifier sonexception, que le fonctionnaire ayant vise et rendu executoire lacontrainte attaquee n'avait pas le grade de directeur regional de la taxesur la valeur ajoutee, [...] il incombait au demandeur de prouver que cefonctionnaire, directeur de l'administration ad interim, avait rec,ueffectivement delegation pour viser et rendre executoire laditecontrainte, et que l'arret attaque du 4 juin 2008, en decidant que cettepreuve n'etait pas rapportee, alors que non seulement le texte de lacontrainte indiquait que ledit fonctionnaire etait intervenu en qualite dedirecteur de l'administration fiscale ad interim, mais que l'arreteministeriel du 2 septembre 2003 soulignait qu'il occupait anterieurementles fonctions d'inspecteur principal d'administration, chef de service,grade equivalent à celui de controleur en chef titulaire qui, de l'aveude l'arret, conferait le pouvoir de viser et de rendre executoire unecontrainte en matiere de taxe sur la valeur ajoutee, violent, le premieret le second, les articles 85, S:S: 1er et 2, et 89 du Code de la taxe surla valeur ajoutee, 67 de la loi du 8 aout 1980 relative aux propositionsbudgetaires 1979-1980, 33 de la Constitution, 1315 et 1316 du Code civil,9 de l'arrete royal du 8 aout 1963 et, le second, les articles 1er, S:1er, 1DEG, et S: 2, 5DEG, et 3, S: 1er, de l'arrete royal du 6 juillet1997, les articles 1319 et 1320 du Code civil ainsi que l'arreteministeriel du 28 fevrier 2001 et l'article 1er de l'arrete ministeriel du2 septembre 2003.

Deuxieme branche

La contrainte, en matiere de taxe sur la valeur ajoutee, visee et rendueexecutoire conformement à l'article 85 du Code de la taxe sur la valeurajoutee, constitue le titre executoire que l'administration fiscale estautorisee à se delivrer, en vertu du principe du droit administratif du« prealable », et qui lui permet de poursuivre le recouvrement de lacreance fiscale qui y est affirmee, en vertu de l'autre principe du droitadministratif dit de « l'execution d'office ».

La contrainte n'est soumise par la loi à aucune forme particuliere, qu'ils'agisse du visa ou de l'executoire : il suffit que l'un et l'autre soientaccordes par l'autorite administrative competente ratione materiae etratione loci. Des qu'elle est legalement decernee, elle est reguliere pourpeu qu'elle-meme ou les pieces qui y sont jointes fassent connaitrel'objet et la cause de la demande de l'administration et permettent audestinataire de l'acte d'apprecier le fondement de la demande qui estdirigee contre lui et, partant, lui offrent la possibilite d'assumer, àl'encontre de ces pretentions, la defense de ses droits.

Il suffit que la contrainte comporte la mention relative à l'identite, augrade assume au moment ou elle est delivree et à la delegation decompetence conferee au fonctionnaire delegue requerant, de meme que lamention relative au directeur regional delegant, pour que le redevablepuisse proceder aux verifications necessaires et qu'il ne soit porteatteinte ni à ses droits de la defense ni à aucun autre de ses droits.

La contrainte qui, en matiere de taxe sur la valeur ajoutee, constitue lepremier acte de la procedure qui permet, d'une part, à l'administrationde poursuivre le recouvrement des taxes, amendes, interets et frais dontelle estime que l'assujetti est redevable et qui, d'autre part, autorisecelui-ci, et lui seul, à s'opposer à ces pretentions, constitue donc,incontestablement, ainsi que l'admet implicitement mais certainementl'arret attaque du 4 juin 2008, un acte de procedure, qui, à defaut deregles particulieres qu'imposerait à ce propos le Code de la taxe sur lavaleur ajoutee, ou une autre loi, est soumis entierement, en vertu del'article 2 du Code judiciaire, aux regles edictees par celui-ci en sesarticles 860 et suivants ; elle ne peut etre declaree nulle que sil'omission querellee porte atteinte aux interets de l'assujetti et luicause prejudice, ainsi que le portent les articles 860, 861 et 862 de cecode.

Or, à cet egard, l'arret se borne à affirmer que l'irregularite qu'iladmet en ce qui concerne les pouvoirs du fonctionnaire ayant delivre levisa et l'executoire causerait, en soi, un prejudice à la defenderesse,alors que celle-ci ne prouvait pas l'existence d'un tel dommage, nepretendait d'ailleurs meme pas qu'elle aurait ete empechee, de ce fait,d'assumer pleinement ses droits de defense ou que la taxation aurait etearbitraire et incontrolable, et que l'arret ne precise, au demeurant, pasen quoi ce dommage consisterait, ni les elements de fait qui luipermettraient de considerer que celui-ci est etabli.

De la sorte, l'arret attaque du 4 juin 2008 ne justifie pas legalement sadecision (violation des articles 85, S:S: 1er et 2, et 89 du Code de lataxe sur la valeur ajoutee, 1315, 1316 du Code civil, 2, 860, 861, 862 et867 du Code judiciaire) et ne motive pas regulierement sa decision(violation de l'article 149 de la Constitution), ne permettant pas à laCour d'exercer son controle de legalite, des lors qu'il n'indique, paraucune consideration, en quoi consisterait le dommage subi par ladefenderesse en raison de l'irregularite qu'il denonce en ce qui concernela delegation permettant au directeur ad interim de l'administrationfiscale de viser et de rendre executoire la contrainte litigieuse.

Troisieme branche

Il resulte de la combinaison des articles 85 et 89 du Code de la taxe surla valeur ajoutee que la notification de la contrainte a pour effet depermettre au redevable de faire opposition à cette contrainte par uneaction en justice qui saisit le juge de la contestation de la dettefiscale. Et l'appel saisit le juge du second degre de cette contestation.

Il s'en deduit que, decidant que la contrainte litigieuse ne pouvait etreexecutee et etait depourvue d'effet, les juges d'appel restaient saisis dela contestation relative, d'une part, aux irregularites dont etaitpretendument entache le proces-verbal et, d'autre part, à l'existence dela dette d'impot, à propos desquelles ils devaient se prononcer.

Il s'ensuit que l'arret attaque, qui se borne à dire que la contrainteest depourvue d'effet et ne peut etre executee, et qui condamne ledemandeur à rembourser à la defenderesse toute somme qu'il auraitperc,ue de la defenderesse en vertu de cette contrainte, mais neglige dese prononcer sur la contestation relative aux irregularites fiscales et àl'existence de la dette d'impot, omet de statuer sur un point litigieuxdont la cour d'appel etait regulierement saisie (violation des articles632, 1068, alinea 1er, et 1138, 3DEG, du Code judiciaire) et meconnait lesarticles 85 et 86 du Code de la taxe sur la valeur ajoutee.

Quatrieme branche

En matiere de taxe sur la valeur ajoutee, la dette fiscale existe de pleindroit, en vertu de la loi et independamment de la contrainte qui seradelivree. La taxe doit etre payee spontanement par le redevable.

Par application du privilege du prealable qui constitue une application duprincipe general du droit administratif relatif à la continuite duservice public, l'administration est autorisee à se delivrer, en cas denon-paiement de la taxe, à elle-meme un titre executoire, la contrainte,qui beneficie d'une presomption de legalite.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutee, la contrainte constitue nonseulement le titre de la taxation concretisant la dette fiscale à defautde paiement spontane et inconditionnel de la taxe due mais aussi l'actevalant titre executoire permettant le recouvrement de la dette fiscale.

Elle ne donne pas naissance à la dette d'impot mais constate simplementl'existence et l'etendue de cette dette preexistante, en sorte que lesirregularites qui l'affectent eventuellement restent etrangeres à lasubstance meme de ladite dette.

Il s'ensuit que l'arret attaque, qui declare que la contrainte ne peutsortir aucun effet, s'il doit etre interprete comme signifiant qu'enconsequence, il considere que la dette d'impot est inexistante, violel'article 85 du Code de la taxe sur la valeur ajoutee et que, à tout lemoins, en ne statuant pas sur son existence, il viole l'article 1138,3DEG, du Code judiciaire.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

En vertu de l'article 85, S: 1er, alinea 2, du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee, la contrainte est visee et rendue executoire par ledirecteur regional de l'administration de la taxe sur la valeur ajoutee,de l'enregistrement et des domaines ou par un fonctionnaire designe parlui et, dans les cas determines par le Roi, par le directeur regional desdouanes et accises ou par un fonctionnaire designe par lui.

Cette disposition, qui habilite le directeur regional à deleguer sonpouvoir de viser la contrainte et de la rendre executoire, ne dispense pasle demandeur d'etablir que la contrainte litigieuse a ete visee et rendueexecutoire par un fonctionnaire auquel ce pouvoir a ete delegue.

L'arret attaque du 4 juin 2008 constate :

- que « la circulaire T.V.A. nDEG 18 du 12 novembre 1980 prevoit au point4 que `le directeur regional est [...] habilite à deleguer sa competenceen matiere de visa et d'execution des contraintes à un inspecteur ou auchef de l'office de controle de la taxe sur la valeur ajoutee dont relevel'assujetti' » ;

- que la contrainte litigieuse a ete visee et rendue executoire par L. D.en qualite de « directeur a.i. designe par le directeur regional de lataxe sur la valeur ajoutee, de l'enregistrement et des domaines » ;

- que « le grade reel de M. L. D. n'est pas precise à la contraintelitigieuse » ;

- qu' « aucun des documents deposes par l'administration n'etablit [...]une delegation generale du pouvoir du directeur regional [...] au profitd'un fonctionnaire qui exerce temporairement les fonctions dedirecteur » ;

- qu' « aucun de ces documents n'etablit a fortiori l'existence d'unedelegation particuliere de ce pouvoir au profit de M. L. D. ».

D'une part, le moyen qui, en cette branche, soutient que le pouvoir deviser la contrainte et de la rendre executoire a ete delegue auxdirecteurs de l'administration de la taxe sur la valeur ajoutee, del'enregistrement et des domaines, n'indique pas l'acte qui contiendraitcette delegation.

D'autre part, la Cour ne peut avoir egard ni à l'attestation jointe aupourvoi pour etablir cette delegation ni à l'arrete ministeriel du 28fevrier 2001 dont il ressortirait que L. D. aurait ete « designe des le1er decembre 1997 en qualite d'inspecteur principal d'administrationfiscale, chef de service, aupres de la direction regionale de la taxe surla valeur ajoutee à Namur », grade ayant remplace celui de controleurd'administration fiscale en vertu des articles 1er, S: 1er, 1DEG, et S: 2,5DEG, et 3, S: 1er, de l'arrete royal du 6 juillet 1997 relatif à lasimplification de la carriere de certains agents du ministere des Financesappartenant aux niveaux 1 et 2+, des lors que ces pieces n'ont pas etesoumises à la cour d'appel, que le texte dudit arrete ministeriel n'estpas joint au pourvoi, que le numero et la date du Moniteur belge danslequel il aurait ete publie ne sont pas indiques dans le pourvoi et que nil'arret ni aucune autre piece à laquelle la Cour peut avoir egard n'enreproduit les termes.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

La contrainte visee et rendue executoire conformement à l'article 85 duCode de la taxe sur la valeur ajoutee est un acte administratif.

Le moyen qui, en cette branche, soutient qu'elle s'analyse en un acte deprocedure soumis aux articles 860 et suivants du Code judiciaire, manque,dans cette mesure, en droit.

Pour le surplus, l'arret, qui considere que « l'existence d'unedelegation dans le chef du signataire pour visa et execution de lacontrainte litigieuse [...] n'est pas demontree » et, ainsi, qu'il n'estpas etabli que cette contrainte a ete visee et rendue executoire par unfonctionnaire competent, motive regulierement et justifie legalement sadecision qu'elle ne peut produire aucun effet.

En tant qu'il est pris de la violation des dispositions legales autres quecelles du Code judiciaire qu'il vise, le moyen, en cette branche, ne peutetre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

En raison du caractere d'ordre public de l'impot, les juridictions del'ordre judiciaire doivent statuer elles-memes en fait et en droit dansles limites du litige dont elles sont saisies, quelle que soit la nullitedont est entachee la decision administrative intervenue.

L'arret considere que, « s'il ne lui appartient pas d'annuler lacontrainte litigieuse à defaut de disposition expresse prevoyant unetelle sanction, la cour [d'appel] se doit de constater qu'en l'absence depreuve de ce qu'elle a ete visee et rendue executoire par le directeurregional ou par un fonctionnaire dument designe par lui, cette contrainten'a pas de force executoire et ne peut donc produire aucun effet ».

L'arret, qui, pour ce motif, ne statue pas sur la contestation dont lacour d'appel etait saisie et qui portait sur l'existence de la detted'impot, ne justifie pas legalement sa decision de condamner le demandeurà rembourser à la defenderesse toute somme qu'il aurait perc,ue enexecution de ladite contrainte.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la quatrieme branche du moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il condamne le demandeur à rembourser àla defenderesse toutes sommes qui auraient ete indument perc,ues du chefde la contrainte litigieuse avec les interets moratoires et qu'il statuesur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Sylviane Velu, Martine Regout et Franc,oise Roggen, et prononce enaudience publique du trois mars deux mille onze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier PatriciaDe Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | F. Roggen | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| S. Velu | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

3 MARS 2011 F.08.0082.F/16


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.08.0082.F
Date de la décision : 03/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-03-03;f.08.0082.f ?
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