Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.10.0521.N
I
H. T. L.,
* Me Luc Vanheeswijck, avocat au barreau de Bruxelles.
* II
* 1. C. M.,
* 2. M. S.,
Me Vincent Coigniez, avocat au barreau de Louvain,
prevenus,
demandeurs,
* * les pourvois contre
* * ETAT BELGE, Finances,
defendeur,
Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation.
I. la procedure devant la Cour
X. Les pourvois sont diriges contre l'arret rendu le 23 fevrier 2010 parla cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
XI. Le demandeur I presente quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
XII. Les demandeurs II presentent deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
XIII. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
XIV. L'avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la Cour
Sur le premier moyen du demandeur I :
1. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 149 dela Constitution, ainsi que la meconnaissance des droits de la defense etdu principe de l'egalite des armes : l'arret ne repond pas ou pas àsuffisance aux griefs selon lesquels la comptabilite de la societe anonymeDatatrading fait defaut (premiere branche) et que cette comptabilite n'apas ete examinee (deuxieme branche) ; l'exercice des droits de la defenseet le principe de l'egalite des armes requierent que l'integralite dudossier TVA soit presente et que le demandeur puisse prendre connaissanceau greffe de l'integralite de la comptabilite afin de pouvoir ainsicontester l'exigibilite et le montant de la taxe reclamee par le defendeur(troisieme branche).
(...)
Quant à la troisieme branche :
4. Le juge decide en fait et, par consequent, souverainement si une mesured'instruction complementaire est necessaire, opportune ou adaptee afin deformer sa conviction. Les droits de la defense ou le principe de l'egalitedes armes ne sont pas meconnus par la seule circonstance que le juge n'apas estime necessaire une mesure d'instruction demandee.
5. Les juges d'appel ont constate qu'il n'est pas necessaire de demanderau ministere public de joindre le dossier TVA de la sa Datatrading ou toutautre dossier relatif à la TVA et que le dossier repressif estsuffisamment complet et precis pour statuer (...).
La meconnaissance des droits de la defense ou du principe de l'egalite desarmes ne saurait etre deduite du rejet ainsi motive de la demande d'unemesure d'instruction complementaire.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
6. Les juges d'appel ont constate, en ce qui concerne le droit dudemandeur I de contester l'exigibilite et le montant de la taxe reclamee,qu'il est habilite à contredire la nature, le bien-fonde et l'ampleur dela dette initiale relative à la TVA (...).
Dans la mesure ou il invoque que l'arret decide que le demandeur I nebeneficie pas de ce droit, le moyen, en cette branche, manque en fait.
7. Le moyen, en cette branche, est deduit de l'hypothese que l'exercice dece droit requiert que le demandeur I puisse prendre connaissance del'integralite de la comptabilite deposee au greffe de l'entreprise dont lacreance en matiere d'impot lui est imputee.
L'exercice du droit du demandeur de contester l'exigibilite et le montantde la taxe reclamee ne requiert pas le depot au greffe de cettecomptabilite.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre conception juridique, lemoyen, en cette branche, manque en droit.
8. Il ressort de la reponse apportee au moyen, en sa deuxieme branche, queles juges d'appel ont constate que la comptabilite etait accessible audemandeur.
Dans la mesure ou il se fonde sur l'hypothese contraire, le moyen, encette branche, critique l'appreciation souveraine du juge et estirrecevable.
(...)
Sur le quatrieme moyen du demandeur I :
(...)
Quant à la troisieme branche :
25. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 149 de la Constitution, 1382 du Code civil et 73sexies duCode de la taxe sur la valeur ajoutee, ainsi que la meconnaissance desdroits de la defense : l'arret ne repond pas, à tout le moins pas àsuffisance, à la defense du demandeur relative à l'irrecevabilite del'action publique : soit le demandeur I est, en cas de condamnation fondeesur l'article 73sexies du Code de la taxe sur la valeur ajoutee,solidairement responsable pour la taxe sur la valeur ajoutee eludee, soitle defendeur a omis de creer un titre executoire à charge du redevablelegal de la taxe sur la valeur ajoutee.
26. Dans la mesure ou il invoque la violation de l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales et la meconnaissance des droits de la defense, sans precisercomment et en quoi l'arret viole cette disposition et meconnait cesdroits, le moyen, en cette branche, est irrecevable à defaut deprecision.
27. Il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard quele demandeur I a invoque devant les juges d'appel que l'article 73sexiesdu Code de la taxe sur la valeur ajoutee empeche le defendeur de seconstituer partie civile devant les juridictions penales.
Par consequent, l'arret n'etait pas tenu de repondre à la defense viseedans le moyen, en cette branche.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
28. Dans la mesure ou il invoque devant la Cour la violation de l'article73sexies du Code de la taxe sur la valeur ajoutee, le moyen, en cettebranche, est nouveau et, par consequent, irrecevable.
29. Lorsque la commission d'une infraction a pour consequence que la taxesur la valeur ajoutee est eludee, la taxe eludee en raison de l'infractionpeut aussi constituer un dommage qui peut etre recouvre par laconstitution de partie civile du defendeur. La circonstance que l'article85, S: 1er, alinea 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee confereau defendeur la competence de recouvrer la taxe, les interets, les amendesadministratives et les accessoires au moyen d'une contrainte, ne le privepas de l'acces au juge au moyen d'une procedure ordinaire.
Par les motifs qu'il enonce (...), l'arret decide que la taxe sur lavaleur ajoutee eludee, pour autant qu'elle reste impayee, constitue ledommage, objet des preventions declarees etablies à charge du demandeurI. Ainsi, l'arret repond à la defense du demandeur et justifie legalementsa decision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
(...)
Sur le second moyen des demandeurs II :
37. Le moyen invoque la violation des articles 39bis, 53 et 73 du Code dela taxe sur la valeur ajoutee : l'arret decide, en violation de l'article39bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutee, que la sa Datatrading esttenue de demontrer les acquisitions intracommunautaires par ses acquereursetrangers.
38. L'article 39bis, alinea 1er, 1DEG, du Code de la taxe sur la valeurajoutee dispose : « Sont exemptees de la taxe : 1DEG les livraisons debiens expedies ou transportes par le vendeur autre qu'un assujettibeneficiant du regime prevu à l'article 56, S: 2, par l'acquereur ou pourleur compte en dehors de la Belgique mais à l'interieur de la Communaute,effectuees pour un autre assujetti ou pour une personne morale nonassujettie, agissant en tant que tels dans un autre Etat membre et quisont tenus d'y soumettre à la taxe leurs acquisitions intracommunautairesde biens (...) ». Selon l'alinea 2, le Roi fixe les limites et lesconditions d'application de cette exemption.
Les articles 1er et 2 de l'arrete royal nDEG 52 du 29 decembre 1992,concernant les exemptions relatives aux livraisons intracommunautaires debiens et aux operations y assimilees, ainsi qu'aux acquisitionsintracommunautaires de biens, en matiere de taxe sur la valeur ajoutee,disposent que cette exemption est subordonnee à la preuve que les biensont ete expedies ou transportes en dehors de la Belgique mais àl'interieur de la Communaute et, en outre, à la preuve que la livraisonest effectuee pour un assujetti ou une personne morale non assujettie,identifie à la taxe sur la valeur ajoutee dans un autre Etat membre.
Le redevable qui invoque l'exemption prevue par l'article 39bis, alinea1er, 1DEG, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee, est tenu de prouverque les conditions de l'exemption sont remplies.
39. L'arret decide, non seulement comme l'expose le moyen, mais egalementpar adoption des motifs du jugement dont appel (...) et sur la base d'unensemble de motifs propres (...), qu'il n'etait pas question de veritableslivraisons intracommunautaires mais bien de livraisons dans le cadre d'uncarrousel à la TVA. Ainsi, l'arret a pu legalement decider que ce n'estpas de bonne foi mais avec le dol special requis que les demandeurs IIn'ont pas comptabilise de TVA sur ces livraisons et cette decision estlegalement justifiee.
Le moyen ne peut etre accueilli.
(...)
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette les pourvois ;
* Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Etienne Goethals, les conseillers LucVan hoogenbemt, Koen Mestdagh, Filip Van Volsem et Alain Bloch, etprononce en audience publique du premier mars deux mille onze par lepresident de section Etienne Goethals, en presence de l'avocat generalPatrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier delegue VeroniqueKosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
1ER MARS 2011 P.10.0521.N/1