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24/02/2011 | BELGIQUE | N°C.10.0283.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 février 2011, C.10.0283.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

1582



NDEG C.10.0283.F

P. G.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

S. S.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 fevrier 2009par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat general

Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

1582

NDEG C.10.0283.F

P. G.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

S. S.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 fevrier 2009par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

Articles 1432 et 1435 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque « dit que (le demandeur) doit une recompense aupatrimoine commun relativement à son immeuble propre mais reserve àstatuer quant au montant de celle-ci et ordonne la reouverture des debatsà cet egard », tout en decidant dejà que, « selon l'article 1435, dansle cas present, il y a lieu de prendre en consideration la valeur du bienou la plus-value acquise » et qu' « il y a lieu de tenir compte de lavaleur du bien au jour de la requete en divorce », par tous ses motifsreputes ici integralement reproduits et, en particulier, par les motifsque

« Le droit à recompense se prouve par toutes voies de droit (article1436, alinea 1er, du Code civil). Pour etablir une recompense au profit dupatrimoine commun en raison de l'enrichissement d'un patrimoine propre,l'epoux doit seulement prouver que le patrimoine propre de son conjoints'est accru, les biens ayant procure l'enrichissement etant presumescommuns.

(Le demandeur) souscrit un pret hypothecaire de 1.288.440 francs le 3janvier 1978, soit avant son mariage, pour l'acquisition par lui pour leprix de 1.450.000 francs d'un immeuble qui est donc un bien qui lui estpropre et pour son amenagement. A partir de la deuxieme trimestrialite dupret, c'est la communaute qui en assure le remboursement. Les deux partiessouscriront un nouveau pret de 890.000 francs, le 21 octobre 1988, pourune periode de quinze ans aupres de la C.G.E.R. pour rembourser le premierpret. A la date du 26 octobre 1992, il restait du sur ce pret 733.401francs.

Le notaire commis estime qu'il y a lieu à recompense de ce chef, d'unepart, pour le remboursement du capital des prets - les interets du pretfaisant partie des charges du mariage - et, d'autre part, pour laplus-value acquise par l'immeuble.

(Le demandeur) estime qu'il n'y a pas eu d'appauvrissement du patrimoinecommun puisque la communaute a profite des loyers de l'immeuble, d'unepart, en l'occupant à titre de residence conjugale et, d'autre part, parla perception des loyers des appartements mis en location.

L'article 1432 du Code civil prevoit qu'une recompense est due par l'epouxdont le patrimoine propre a retire un profit personnel du patrimoinecommun. L'article 1435 fixe le mode de calcul de cette recompense : ellene peut etre inferieure à l'appauvrissement du patrimoine commun.Toutefois, si les sommes ont servi à acquerir, conserver ou ameliorer unbien, la recompense est egale à la valeur ou à la plus-value acquise parce bien.

(...) Il y a lieu d'examiner quel est le quantum de la recompense.

Il ne peut etre conteste, en vertu des principes exposes supra, que lemontant minimum de la recompense est equivalent à l'appauvrissement de lacommunaute et consiste dans le remboursement du capital des pretscontractes pour l'acquisition et l'amelioration de l'immeuble (dudemandeur). Selon les calculs du notaire - non contestes -, il s'agit de12.217,14 euros.

Toutefois, il ne s'agit que d'un minimum puisque, selon l'article 1435,dans le cas present, il y a lieu de prendre en consideration la valeur dubien ou la plus-value acquise.

En l'espece il y a lieu de tenir compte de la valeur du bien au jour de larequete en divorce puisque le patrimoine commun s'est appauvri pour sonacquisition et son amelioration, n'etant pas discute par les parties quel'on a installe une cuisine equipee, une nouvelle salle de bains, qu'on arenove les chassis et la toiture.

La devaluation monetaire fait partie de l'evaluation de l'immeuble car ilne peut etre discute que, si la communaute avait conserve ses economiesplutot que de les investir dans l'immeuble propre (du demandeur),celles-ci auraient aussi, en 1992, profite de cette devaluation.

Le calcul d'evaluation de l'immeuble en octobre 1992 doit tenir compte dece que (le demandeur) a investi comme fonds propres lors de l'acquisitionde l'immeuble (4.004,97 euros) et aussi de ce qu'il restait à rembourserau 26 octobre 1992, soit 733.401 francs (18.180,53 euros).

On ne peut toutefois additionner, et le remboursement du pret, et lavaleur de l'immeuble sous deduction de l'apport propre (du demandeur),mais [il faut] retenir la plus importante des deux sommes ».

Griefs

Aux termes de l'article 1432 du Code civil, il est du recompense parchaque epoux à concurrence des sommes qu'il a prises sur le patrimoinecommun pour acquitter une dette propre et generalement toutes les foisqu'il a tire un profit personnel du patrimoine commun.

En vertu de l'article 1435 du meme code, la recompense est en principenominale, en ce sens que son montant equivaut à l'appauvrissement dupatrimoine creancier. Par exception, la recompense peut etre egale à lavaleur ou à la plus-value acquise par un bien à la dissolution duregime, mais uniquement lorsque les sommes et fonds entres dans lepatrimoine debiteur ont servi à acquerir, conserver ou ameliorer ce bien.

Le remboursement, au cours du mariage, d'un emprunt hypothecaire propre àl'aide de fonds communs ne s'assimile pas à l'entree de fonds communsdans le patrimoine propre de l'un des epoux en vue d'acquerir, deconserver ou d'ameliorer un bien propre. Il equivaut au paiement d'unedette et non à l'acquisition d'un bien, des lors qu'il n'existe aucunlien direct entre l'appauvrissement et l'acquisition du bien ou lestravaux realises dans celui-ci au moyen du capital de l'emprunt. Il s'endeduit que la recompense due par le demandeur au patrimoine commun devaitetre fixee au montant nominal de l'appauvrissement de ce patrimoine.

Apres avoir constate que le demandeur a « souscrit un pret hypothecairede 1.288.440 francs le 3 janvier 1978, soit avant son mariage, pourl'acquisition par lui pour le prix de 1.450.000 francs d'un immeuble quiest donc un bien qui lui est propre et pour son amenagement, [qu'à]partir de la deuxieme trimestrialite du pret, c'est la communaute qui enassure le remboursement, [que] les deux parties souscriront un nouveaupret de 890.000 francs, le 21 octobre 1988, pour une periode de quinze ansaupres de la C.G.E.R. pour rembourser le premier pret » et que le notaireJ. a evalue à 12.217,14 euros « l'appauvrissement de la communaute (qui)consiste dans le remboursement du capital des prets contractes pourl'acquisition et l'amelioration de l'immeuble (du demandeur) », l'arretattaque, qui refuse de s'en tenir aux sommes prises par le demandeur surle patrimoine commun pour acquitter une dette propre, au sens de l'article1432 du Code civil, et decidequ'« il y a lieu de prendre en consideration la valeur du bien ou laplus-value acquise », appliquant la regle de reevaluation des recompensescontenue dans l'article 1435 du Code civil à une hypothese qu'il ne visepas, viole ces dispositions.

Second moyen

Dispositions legales violees

Articles 826, 827, 831, 832, 833, 890, 1445 et 1675 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque decide, s'agissant du mobilier, qu' « aucun partage ennature n'etant plus possible, chacune des parties faisant etat de ce qu'iln'existe plus de mobilier, le notaire aura egard aux meubles et à leurvaleur figurant à son propre acte du 24 fevrier 1993 » et que, « quantaux voitures, chacune des parties en a eu une en sa possession et leurvaleur doit etre calculee au jour de la requete en divorce sauf à compterune indemnite de jouissance jusqu'au partage, ce qui n'est pas evoque parles parties ».

Griefs

Il est de l'essence du partage que celui-ci s'effectue en nature et sur labase de la valeur residuelle des biens à l'epoque du partage. Ce principede primaute du partage en nature s'induit, outre des articles 826, 827,831, 832 et 833 du Code civil, de l'article 1445 de ce code, selon lequell'actif net subsistant lors de la dissolution du regime matrimonial separtage par moitie, et des articles 890 et 1675 du meme code, aux termesdesquels l'existence d'une lesion est determinee en estimant les objetspartages, ou l'immeuble vendu, suivant leur valeur à l'epoque du partage.

Dans son etat liquidatif, le notaire J. considerait que chacune desparties etait redevable au patrimoine commun de la valeur du vehiculerepris par l'un et l'autre epoux lors de la separation, soit, pour ledemandeur, un break Audi estime à 7.436,80 euros et, pour ladefenderesse, un vehicule Ford evalue à 1.239,46 euros.

Dans ses conclusions additionnelles d'appel, le demandeur faisait valoirqu' « en toute hypothese, ce n'est pas la valeur du vehicule en 1992 quipourrait etre retenue mais sa valeur au jour du partage presume » et qu'« en 2005, ce vehicule n'aurait plus eu aucune valeur marchande ».

L'arret attaque considere qu'il y a lieu de tenir compte de la valeurdesdits vehicules « au jour de la requete en divorce », soit le 26octobre 1992, et non au jour du partage. De meme, s'agissant des autresmeubles repris dans l'inventaire etabli par le notaire J. le 24 fevrier1993, il decide que ce dernier « aura egard (...) à leur valeur figurantà son propre acte du 24 fevrier 1993 ».

En tant qu'il decide que les meubles litigieux seront, dans le cadre dupartage, evalues au jour de la dissolution et non au jour du partage,l'arret attaque n'est pas legalement justifie (violation de toutes lesdispositions visees au moyen).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 1432 du Code civil, il est du recompense par chaqueepoux à concurrence des sommes qu'il a prises sur le patrimoine communpour acquitter une dette propre et generalement toutes les fois qu'il atire un profit personnel du patrimoine commun.

Conformement à l'article 1435 de ce code, la recompense ne peut etreinferieure à l'appauvrissement du patrimoine creancier ; toutefois, siles sommes et fonds entres dans le patrimoine debiteur ont servi àacquerir, conserver ou ameliorer un bien, la recompense sera egale à lavaleur ou à la plus-value acquise par ce bien à la dissolution duregime, s'il se trouve à ce moment dans le patrimoine debiteur.

Dans l'hypothese ou un emprunt a ete contracte en vue de l'acquisition, dela conservation ou de l'amelioration d'un immeuble propre, leremboursement de cet emprunt par le patrimoine commun, des lors qu'ilcontribue directement à cette acquisition, à cette conservation ou àcette amelioration, donne lieu à une recompense egale à la valeur ou àla plus-value acquise par le bien en application de l'article 1435precite.

L'arret attaque constate qu'un emprunt a ete contracte avant le mariagepar le demandeur en vue de l'acquisition et de l'amenagement d'un immeublepropre et rembourse par le patrimoine commun à partir de la deuxiemetrimestrialite, puis que les parties ont souscrit un nouvel emprunt pourrembourser le premier, ce qu'elles ont fait partiellement aussi au moyende fonds communs avant de divorcer.

En decidant que, pour determiner la recompense due par le demandeur, « ily a lieu de prendre en consideration la valeur du bien ou la plus-valueacquise » par l'immeuble, l'arret attaque ne viole pas les dispositionslegales precitees.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

A la suite de la dissolution d'un regime matrimonial de communaute debiens, il se cree entre les anciens epoux une indivision qui est, enregle, regie par le droit commun.

Suivant l'article 577-2, S:S: 2 et 8, du Code civil, les parts indivisessont presumees egales et le partage de la chose commune est regi par lesregles etablies au titre « Des successions ».

Conformement à l'article 890 du meme code, pour juger s'il y a eu lesion,on estime les biens indivis suivant leur valeur à l'epoque du partage.

Il s'ensuit que la valeur des objets, qui appartenaient à l'origine aupatrimoine commun et qui dependent au moment du partage de l'indivisionnee entre les anciens epoux ensuite de la dissolution du regime, doit etredeterminee au moment du partage.

En considerant que la valeur des vehicules ayant fait partie du patrimoinecommun doit, dans le cadre du partage, « etre calculee au jour de larequete en divorce », l'arret attaque viole l'article 890 du Code civil.

Le moyen est fonde.

Sur l'etendue de la cassation :

La cassation de l'arret attaque entraine l'annulation de l'arret du 30juin 2009 en tant qu'il renvoie la cause au notaire liquidateur et qu'ilstatue sur les depens, ce dernier arret etant, dans cette mesure, la suitedu premier.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il dit que la valeur des vehicules ayantfait partie du patrimoine commun doit etre calculee au jour de la requeteen divorce ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Annule l'arret du 30 juin 2009 en tant qu'il renvoie la cause au notaireliquidateur et qu'il statue sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse et de l'arret partiellement annule ;

Condamne le demandeur à la moitie des depens et reserve l'autre moitiepour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Les depens taxes à la somme de cinq cent vingt-neuf euros onze centimesenvers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Christine Matray, Sylviane Velu et Alain Simon, et prononce en audiencepublique du vingt-quatre fevrier deux mille onze par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | A. Simon | S. Velu |
|-----------------+------------+-------------|
| Chr. Matray | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

24 FEVRIER 2011 C.10.0283.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 24/02/2011
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.10.0283.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-02-24;c.10.0283.f ?
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