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24/02/2011 | BELGIQUE | N°C.09.0553.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 février 2011, C.09.0553.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

5485



NDEG C.09.0553.F

1. F. D.,

2. F. C.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

T. M.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure d

evant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 mai 2009 parla cour d'appel de Liege.

Le conseiller...

Cour de cassation de Belgique

Arret

5485

NDEG C.09.0553.F

1. F. D.,

2. F. C.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

T. M.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 mai 2009 parla cour d'appel de Liege.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 89 du Code wallon de l'amenagement du territoire, del'urbanisme, du patrimoine et de l'energie, dans sa redaction resultant dudecret du 18 juillet 2002 et avant sa modification par le decret du 3fevrier 2005 ;

- articles 93, 94 et 95 du Code wallon de l'amenagement du territoire, del'urbanisme, du patrimoine et de l'energie, dans leur redaction resultantdu decret du 18 juillet 2002 et avant leur modification par le decret du30 avril 2009 ;

- articles 1134, 1168 et 1181 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que le compromis litigieux est nul et, par voie deconsequence, dit l'appel fonde, reforme le jugement dont appel, dit nonfondee la demande originaire, en deboute les demandeurs et decharge ladefenderesse de toutes les condamnations portees contre elle.

Cette decision s'appuie sur les considerations

« Que le Code wallon de l'amenagement du territoire tel qu'il etait envigueur au moment de la conclusion du compromis litigieux commandaitqu'une division de terrain pour la construction fasse l'objet d'un permisde batir [lire : lotir]et interdisait la vente d'une parcelle pourlaquelle un permis de lotir n'avait pas ete obtenu prealablement ;

Que le decret wallon du 3 fevrier 2005, entre en vigueur le 11 mars 2005,dispense de cette obligation du permis de lotir prealable `les divisionsde biens [...] pour autant que chaque lot resultant de la division soitsitue à front d'une voirie suffisamment equipee en eau, electricite,pourvue d'un revetement solide et d'une largeur suffisante' ;

Que cette dispense de permis de lotir a pour champ d'application la vented'une parcelle à rue repondant à toutes les conditions d'un terrain àbatir et notamment une fac,ade à rue accessible sans creation de voirie ;

Qu'au jour de la conclusion du compromis litigieux, la vente de laparcelle etait subordonnee à l'obtention d'un permis de lotir prealable ;

Que toute vente d'une parcelle soumise à permis de lotir, conclue avantla delivrance du permis de lotir, est nulle ;

Que cette nullite est d'ordre public ;

Que la nullite d'un contrat s'apprecie à la date de sa conclusion ;

Qu'un contrat nul est un contrat qui est repute n'avoir jamais existe ;

Que l'adjonction d'une clause suspensive de realisation posterieure del'obligation d'obtention d'un permis de lotir ne peut rendre valide uncontrat de vente nul à defaut de delivrance d'un permis de batir [lire :lotir] prealable à la conclusion du contrat de vente ;

Que le legislateur a expressement voulu interdire toute commercialisationd'un bien avant que celle-ci ne soit declaree conforme à l'interetgeneral par la delivrance d'un permis de lotir ;

Qu'une modification legale ulterieure entrainant une suppression de lacause de nullite ne s'applique immediatement qu'aux contrats qui seconcluent à compter de sa date d'entree en vigueur ;

Qu'elle (...) ne peut avoir d'effet retroactif ; qu'une modificationlegislative posterieure ne regit pas les accords convenus à des datesanterieures et ne peut `faire renaitre' un contrat nul et inexistant ;

Que les parties au contrat nul en raison des dispositions legales envigueur qui le regissaient au jour de sa conclusion ne peuvent donnereffet et application aux dispositions nouvelles que par la conclusion d'unnouveau contrat conforme aux - et regis par les - dispositions modifiees ;

Que cette nullite du compromis sur pied duquel les (demandeurs) agissentrend sans objet l'examen de l'imputabilite de la non-realisation de lacondition suspensive ».

Griefs

Les dispositions du Code wallon de l'amenagement du territoire, del'urbanisme, du patrimoine et de l'energie, dans leur redaction applicableà l'epoque de la redaction du compromis litigieux, relatives àl'obtention d'un permis de lotir en cas de division d'une parcelle, sontles articles 89 et 93 à 95.

Aux termes de l'article 89, S: 1er, figurant dans la section « Des actessoumis à permis de lotir » :

« Nul ne peut, sans un permis prealable, ecrit et expres du college desbourgmestre et echevins, lotir un terrain, y compris la promotion ou lapublicite y afferente.

Par `lotir', on entend le fait de diviser un bien en creant au moins deuxlots, des que, sur l'un des lots procedant de la division, il n'y a pas :

1DEG soit de construction erigee regulierement pouvant etre utilisee pourl'habitation ;

2DEG soit une installation fixe placee regulierement, pouvant etreutilisee pour l'habitation.

(...) La division n'est visee que lorsque au moins un des lots issus de ladivision est destine à la construction d'une habitation ou au placementd'une installation fixe ou mobile pouvant etre utilisee pourl'habitation ».

Les articles 93 à 95, figurant dans la section « Des effets du permis delotir », disposent :

Article 93. « Prealablement à tout acte declaratif, translatif ouconstitutif d'un droit reel (...) portant sur un lot vise par un permis delotir, il doit etre dresse acte devant notaire, à la requete du ou desproprietaires des terrains, de la division de ces terrains et des chargesdu lotissement.

Le permis de lotir et le plan de division sont annexes à cet acte pouretre transcrits avec lui, à la conservation des hypotheques dansl'arrondissement duquel les biens sont situes, à la diligence du notairequi a rec,u l'acte, dans les deux mois de la reception de cet acte(...) ».

Article 94. « Le notaire donne connaissance aux parties de l'acte dedivision, du cahier des charges du lotissement, des dispositions du permisde lotir ainsi que des dispositions modificatives. Il en fait mention dansl'acte, lequel precise egalement la date du permis.

Le notaire mentionne aussi dans l'acte l'information :

1DEG qu'il n'existe aucune possibilite d'effectuer sur le bien aucun destravaux et actes vises à l'article 84, S:S: 1er et 2, à defaut d'avoirobtenu un permis d'urbanisme ;

2DEG qu'il existe des regles relatives à la peremption des permisd'urbanisme ;

3DEG que l'existence d'un certificat d'urbanisme ne dispense pas dedemander et d'obtenir le permis d'urbanisme.

Les actes sous seing prive ainsi que les actes authentiques qui constatentces operations contiennent les memes mentions ».

Article 95. « Nul ne peut proceder à la division autorisee par le permisde lotir ou une phase de celui-ci impliquant des charges d'urbanisme oul'ouverture de nouvelles voies de communication, la modification du tracede voies de communication communales existantes, l'elargissement ou lasuppression de celles-ci, avant que le titulaire du permis ait, soitexecute les travaux et charges imposes, soit fourni les garantiesfinancieres necessaires à leur execution.

L'accomplissement de cette formalite est constate dans un certificatdelivre par le college des bourgmestre et echevins (...).

(...) Le cas echeant, le permis de lotir determine ceux des lots vises àl'article 89, S: 3, alinea 1er, qui peuvent etre cedes sans que letitulaire ait execute les travaux et charges imposes ou fourni lesgaranties financieres necessaires à leur execution ».

Il s'en deduit qu'il etait interdit de diviser un bien en creant deux lotset d'en transferer la propriete sans un permis de lotir prealable et sansque les mentions et informations enumerees à l'article 94 soientcontenues dans l'acte translatif de propriete.

Il ne se deduit toutefois ni des dispositions precitees ni d'aucune autredisposition du Code wallon de l'amenagement du territoire, de l'urbanismeet du patrimoine et de l'energie, dans sa version applicable au litige,que la convention sous seing prive conclue avant la delivrance du permisde lotir, par laquelle une partie s'engage à vendre l'un des deux lotsobtenus par la division de son bien, sous la condition suspensived'obtention du permis de lotir requis, serait entachee de nullite, deslors qu'en vertu des articles 1168 et 1181 du Code civil, le transfert depropriete est subordonne à la realisation de cette condition et, partant,au respect de la loi.

L'arret, qui decide - sans se referer precisement à aucune disposition ducode precite - « que toute vente d'une parcelle soumise à permis delotir, conclue avant la delivrance du permis de lotir, est nulle »,« que cette nullite est d'ordre public » et « que l'adjonction d'uneclause suspensive de realisation posterieure de l'obligation d'obtentiond'un permis de lotir ne peut rendre valide un contrat de vente nul àdefaut de delivrance d'un permis de batir (lire : lotir) prealable à laconclusion du contrat de vente », viole, partant, les articles 89, 93, 94et 95 du Code wallon de l'amenagement du territoire, de l'urbanisme, dupatrimoine et de l'energie, dans leur redaction resultant du decret du 18juillet 2002, de meme que les articles 1134, 1168 et 1181 du Code civil,des lors qu'il refuse de donner effet à la convention liant les parties.

Second moyen

Dispositions legales violees

- article 1138, 2DEG, du Code judiciaire et principe general du droit ditprincipe dispositif consacre par cette disposition ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide « que la convention litigieuse, si elle n'avait pas eteentachee d'une cause de nullite, etait caduque » et, par voie deconsequence, dit l'appel fonde, reforme le jugement dont appel, dit nonfondee la demande originaire, en deboute les demandeurs et decharge ladefenderesse de toutes les condamnations portees contre elle.

Cette decision s'appuie sur les considerations

« Que (la) nullite du compromis sur pied duquel les [demandeurs] agissentrend sans objet l'examen de l'imputabilite de la non-realisation de lacondition suspensive ;

Qu'il est donc superflu mais relevant de constater que toute conditionsuspensive comprend implicitement un delai raisonnable d'execution et unecollaboration des parties ;

Qu'en la presente espece, [la defenderesse], venderesse, a sollicite unpermis de lotir conforme aux stipulations du compromis sans le moindreretard et a suivi la procedure jusqu'à la decision de refus, irrevocablequant au mode d'acces edicte par le compromis ;

Qu'elle a ainsi parfaitement execute ce qui lui apparaissait comme sesobligations contractuelles ;

Que les [demandeurs] - qui s'etaient abstenus de toute collaboration en nefaisant pas realis(er) la mesure de contenance - n'ont pas invite [ladefenderesse] à interjeter un recours contre un refus irrevocable, saufmodification de leur projet de construction specifie au compromis ;

Que les [demandeurs], par un silence d'un an à compter du refus du permisde lotir, n'ont ni conteste ni impute à faute à [la defenderesse]l'absence de realisation de la condition suspensive ;

Que l'absence de realisation d'une condition suspensive dans un delairaisonnable, sans faute de celui qui en devait realisation, rend la ventecaduque ;

Que les pourparlers et tentatives ulterieurs sont irrelevants ;

Que la convention litigieuse, si elle n'avait pas ete entachee d'une causede nullite, etait caduque ».

Griefs

Dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, la defenderessefaisait valoir qu'elle avait « fait tout ce qui etait en son pouvoir pourtenter de parvenir à la realisation de la condition suspensive », que,« demontrant son souhait de faire tout ce qui etait en son pouvoir pourque la vente puisse intervenir mais etant manifestement prise au piege parla condition suspensive qui lui etait imputee, (elle) va continuer àinsister pour un denouement rapide (...) de la situation » et que, « nepouvant que constater que, malgre ses tentatives, le dossier d'obtentiond'un permis de lotir ne pouvait manifestement valablement aboutir, (elle)va faire part de ses recriminations à Monsieur le geometre-expert C.(...) », mais que les acquereurs « sont rest(es) dans l'inertietotale ». La defenderesse articulait encore qu'elle « etait toujoursdisposee à envisager une vente du terrain dont question mais etaitconfrontee à l'absence de reaction des [demandeurs] ».

La defenderesse n'articulait pas qu'elle etait liberee de ses engagementsau motif que la condition suspensive ne se serait pas realisee et que,partant, le compromis serait caduc.

Les demandeurs ne reprochaient pas à la defenderesse d'avoir fautivementempeche la realisation de la condition suspensive, le demandeur articulantqu'il resultait du dossier de la defenderesse « qu'à de nombreusesreprises, par elle-meme ou par l'intermediaire de son conseil ou de songeometre G. C., elle a cherche à obtenir le permis de lotir » etqu'« apres s'etre vu notifier une decision de refus de permis de lotir,plutot que de denoncer la non-realisation de cette convention et, partant,la caducite de la vente, il ressort au contraire du courrier de sonconseil (du 18 juillet 2004) qu'elle recherchait des solutions pourobtenir le permis de lotir le plus rapidement possible ».

La caducite de la convention du fait de la non-realisation, sans faute, dela condition suspensive n'etait ainsi soutenue par aucune des parties.

L'arret, qui souleve d'office ce moyen sans rouvrir les debats afin de lesoumettre à la contradiction des parties, meconnait, partant, le principegeneral du droit imposant le respect des droits de la defense, ainsi quele principe dispositif et l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire qui leconsacre.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Aux termes de l'article 89, S: 1er, alinea 1er, du Code wallon del'amenagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, dans saversion applicable au litige, nul ne peut, sans un permis prealable, ecritet expres du college des bourgmestre et echevins, lotir un terrain, ycompris la promotion ou la publicite y afferente.

Il suit de cette disposition d'ordre public que la vente de l'un des lotsqui seront issus de la division d'un terrain est nulle si elle estconclue, fut-ce sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis delotir, avant la delivrance de ce permis.

Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.

Sur le second moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la defenderesse et deduitedu defaut d'interet :

Des lors que, ainsi qu'il resulte de la reponse au premier moyen, l'arretdecide legalement que la vente est nulle pour avoir ete conclue avant ladelivrance du permis de lotir, le moyen, qui est dirige contre desconsiderations surabondantes, ne saurait entrainer la cassation et est,partant, denue d'interet.

La fin de non-recevoir est fondee.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent quarante-neuf euros vingt etun centimes envers les parties demanderesses et à la somme de centcinquante-sept euros quarante-trois centimes envers la partiedefenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Alain Simon et Mireille Delange, et prononce en audiencepublique du vingt-quatre fevrier deux mille onze par le presidentChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Delange | A. Simon |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

24 FEVRIER 2011 C.09.0553.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.09.0553.F
Date de la décision : 24/02/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-02-24;c.09.0553.f ?
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