Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG F.09.0101.N
Etat belge, (Finances),
Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. V. M. N.,
2. V. M. H.,
3. V. M. H.,
4. V. M. F.,
5. V. G. E.,
6. V. G. H.,
7. V. G. J.,
8. V. G. C.,
9. D. K. G.,
10. V. G. P.,
11. V. G. R.,
12. F. M.,
13. F. W.,
14. F. W.,
15. F. B.,
16. S. P.,
17. V. A. L.,
18. V. A. L.,
19. L. R.,
20. S. C.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 5 fevrier 2009par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat general Dirk Thijs a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen, libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 70 et 74 du Code des droits de succession, insere par l'arreteroyal nDEG 308 du 31 mars 1936, ratifie par la loi du 4 mai 1936 (Code desdroits de succession) ;
- articles 803, 811, 813, 1382, 1383, 1984, 1991, 1992 et 1998 du Codecivil ;
- articles 1228, alinea 1er et 1230 du Code judiciaire.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque declare la demande des defendeurs, formee sur appelincident, recevable et fondee dans la mesure suivante :
« Ordonne au demandeur de proceder au calcul des interets ayant couru du3 janvier 1996 au 21 novembre 1996, conformement aux regles du Code desdroits de succession, et de rembourser le montant des interets ainsicalcules, majores des interets judiciaires depuis le depot des conclusionsdes defendeurs contentant l'acte d'appel incident (soit à partir du 11mars 2004) ».
Cette decision se fonde sur les motifs suivants :
« L'article 74 du Code des droits de succession dispose que lerepresentant des heritiers, les curateurs des successions vacantes (...)sont tenus envers l'Etat des droits de succession ou de mutation pardeces, des interets et des amendes, en tant qu'il a dependu d'eux de seconformer à la loi.
En cas de succession vacante pour laquelle le tribunal a designe unadministrateur provisoire, le delai pour l'introduction de la declarationne commence à courir pour cet administrateur provisoire qu'à partir desa designation. Par contre, la declaration de vacance de la succession nepeut pas etre assimilee à un changement dans la devolution, de sortequ'elle reste sans effet sur la date à laquelle les droits sont devenuslegalement exigibles, soit sept mois apres le deces.
En l'espece, la declaration de succession a ete introduite le 21 novembre1996, alors que le deces de feue madame G. datait du 20 septembre 1994 etque la designation du curateur datait du 2 aout 1995.
Cela signifie que les droits etaient dus sept mois apres le 20 septembre1994, soit des le 20 avril 1995. A ce moment, le curateur n'etaittoutefois pas encore designe. Cette designation n'a eu lieu que le 2 aout1995. En outre, le curateur doit logiquement disposer du delai legal decinq mois pour introduire la declaration (cf. art. 40 du Code des droitsde succession), soit jusqu'au 2 janvier 1996.
La circonstance que les heritiers n'ont pas donne procuration au curateurest sans pertinence en l'espece des lors que le curateur a ete legalementdesigne.
Des lors que la declaration n'a ete introduite que le 21 novembre 1996, lecurateur est tenu, en vertu de l'article 74 du Code des droits desuccession, envers l'Etat des interets ayant couru du 3 janvier 1996 au 21novembre 1996. Par contre, l'amende a dejà ete encourue cinq mois apresle deces, le curateur n'etant toutefois pas encore designe à ce momentlà.
Il y a, des lors, lieu d'accueillir partiellement cette branche de l'appelincident et le demandeur se voit ordonner de proceder au calcul desinterets ayant couru du 3 janvier 1996 au 21 novembre 1996, conformementaux regles du Code des droits de succession, et de rembourser le montantdes interets ainsi calcules, majores des interets judiciaires depuis ledepot des conclusions des defendeurs contentant l'acte d'appel incident(soit à partir du 11 mars 2004)».
Griefs
1. Lorsque apres l'expiration des delais pour faire inventaire et pourdeliberer, personne ne se presente qui reclame une succession, qu'il n'y apas d'heritiers connus ou que les heritiers connus y ont renonce, cettesuccession est, aux termes de l'article 811 du Code civil, reputeevacante.
Dans ce cas, conformement à l'article 1228, alinea 1er, du Codejudiciaire, il est pourvu par le tribunal de premiere instance à ladesignation d'un curateur sur la requete de tout interesse ou sur larequisition du procureur du Roi.
2. Le curateur gere et liquide la succession vacante en tant quemandataire legal des creanciers, legataires et des heritiers eventuels sepresentant ulterieurement.
Les dispositions du Code civil relatives à la liquidation de l'actif etdu passif par l'heritier acceptant sous benefice d'inventaire et lesformes prescrites à l'egard de cet heritier sont applicables à lamaniere de gerer, au compte et à la responsabilite du curateur d'unesuccession vacante (articles 803, 813 du Code civil et 1230 du Codejudiciaire).
3. En vertu de l'article 74 du Code des droits de succession, lesrepresentants des heritiers, legataires et donataires, les curateurs desuccessions vacantes, les sequestres, les executeurs testamentaires ettous autres qui ont pour mission ou qui ont assume la charge de deposer ladeclaration sont tenus envers l'Etat des droits de succession ou demutation par deces, des interets et des amendes, en tant qu'il a dependud'eux de se conformer à la loi.
En vertu de l'article 70 du meme code, les heritiers, legataires etdonataires sont, toutefois, tenus envers l'Etat des droits de successionou de mutation par deces et des interets, chacun pour ce qu'il recueille.
4. En vertu de cet article 70 du Code des droits de succession, en casd'une succession vacante, les heritiers qui se presentent ulterieurementsont des lors tenus de payer les droits de succession dus sur lasuccession.
Les interets dus ensuite d'un paiement tardif des droits de succession parle curateur de la succession alors vacante peuvent egalement etrerecouvres à charge des heritiers.
En effet, le curateur intervenait en tant que mandataire legal de cesheritiers en agissant pour leur compte.
Le simple fait que le curateur est aussi tenu en vertu de l'article 74 duCode des droits de succession du paiement de ces interets n'empeche pasque les heritiers demeurent personnellement tenus du paiement de cesinterets.
5. En l'espece, la declaration de succession n'a ete introduite par lecurateur que le 21 novembre 1996, alors que les droits etaient dus le 20avril 1995, à savoir sept mois apres le deces de madame G. le 20septembre 1994. Le curateur n'ayant ete designe que le 2 aout 1995,l'arret attaque a considere que le curateur aurait du introduire ladeclaration au plus tard le 2 janvier 1996, soit dans les cinq moissuivant sa designation. Suivant l'arret attaque, les interets etaient deslors dus par le curateur pour la periode allant du 3 janvier 1996 au 21novembre 1996.
6. Il s'ensuit que, en sa premiere branche, l'arret attaque n'a pu, sansvioler les articles 70 et 74 du Code des droits de succession, legalementcondamner le demandeur à rembourser aux defendeurs les interets dus enraison du paiement tardif des droits de succession, courant du 3 janvier1996 au 21 novembre 1996, au motif que le curateur etait tenu envers ledemandeur de ces interets en vertu de l'article 74 du Code des droits desuccession (violation des articles 70 et 74 du Code des droits desuccession, 803, 811, 813, 1382, 1383, 1984, 1991, 1992 et 1998 du Codecivil, 1228, aliena 1er, et 1230 du Code judiciaire).
7. Alors qu'en sa qualite de mandataire legal, le curateur est reputeavoir gere et liquide la succession au nom et pour le compte des heritiersse manifestant ulterieurement, il est tenu envers ces heritiers desnegligences commises dans l'execution de son mandat (articles 1382, 1383,1991 et 1992 du Code civil).
Le demandeur reste toutefois totalement etranger à ce rapport entre lecurateur et les heritiers et il ne peut, des lors, pas lui etre reprochede n'avoir pas impute au curateur, en application de l'article 74 du Codedes droits de succession, les interets dus en raison du paiement tardifdes droits ensuite du depot tardif de la declaration de succession par lecurateur, mais de les avoir directement imputes aux heritiers en vertu del'article 70 du meme code.
En vertu de l'article 70 du Code des droits de succession, les heritiersne peuvent pas se liberer envers le demandeur du paiement de ces interetsen invoquant la faute de leur mandataire dont ils doivent repondre(articles 811, 1998 du Code civil et 1228 du Code judiciaire).
8. Il s'ensuit que, en sa seconde branche, l'arret attaque n'a pulegalement condamner le demandeur à rembourser aux defendeurs lesinterets ayant couru du 3 janvier 1996 au 21 novembre 1996 et qui etaientdus en raison de la negligence du curateur, au motif que les defendeurs nepeuvent pas etre tenus responsables de cette negligence de leur mandatairelegal (violation des articles 70 et 74 du Code des droits de succession,803, 811, 813, 1382, 1383, 1984, 1991, 1992 et 1998 du Code civil, 1228,alinea 1er, et 1230 du Code judiciaire).
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
Aux termes de l'article 811 du Code civil, lorsque apres l'expiration desdelais pour faire inventaire et pour deliberer, il ne se presente personnequi reclame une succession, qu'il n'y a pas d'heritier connu, ou que lesheritiers connus y ont renonce, cette succession est reputee vacante.
L'article 813 du meme code dispose que le curateur designe par le tribunalde premiere instance est tenu de faire constater l'etat de la successionpar un inventaire. Les dispositions du Code civil relatives à laliquidation de l'actif et au paiement du passif par l'heritier acceptantsous benefice d'inventaire, y sont applicables.
2. Les actes juridiques poses par le curateur en matiere de successionsvacantes lient les heritiers qui se presentent ulterieurement.
3. En vertu de l'article 70, aliena 1er, du Code des droits de succession,les heritiers, legataires et donataires sont tenus envers l'Etat desdroits de succession ou de mutation par deces et des interets, chacun pource qu'il recueille.
4. Aux termes de l'article 74 du Code des droits de succession, lesrepresentants des heritiers, legataires et donataires, les curateurs desuccessions vacantes, les sequestres, les executeurs testamentaires ettous autres qui ont pour mission ou qui ont assume la charge de deposer ladeclaration sont tenus envers l'Etat des droits de succession ou demutation par deces, des interets et des amendes, en tant qu'il a dependud'eux de se conformer à la loi.
Cette disposition n'empeche pas que les heritiers, legataires etdonataires demeurent responsables envers l'Etat des droits de successionet des interets dus sur ce que chacun d'eux a obtenu dans la succession.
5. Les juges d'appel ont constate que :
- G. est decedee le 20 septembre 1994 ;
- le 2 aout 1995, Me M. V. a ete designe comme curateur de la successionvacante de G. ;
- le 21 novembre 1996, le curateur a fait une declaration de successionpour un actif net de 29.283.920 francs, sur lequel un montant de21.752.136 francs a ete perc,u à titre de droits de succession ;
- cette declaration etait tardive, des lors qu'elle devait avoir lieuavant le 20 avril 1995 ;
- apres une investigation genealogique, les heritiers legaux, lesdefendeurs, ont ete retrouves et les 29 janvier et 11 mai 1999, lecurateur a fait des declarations complementaires, ainsi qu'une demande enrestitution le 3 juin 1999 ;
- le 31 janvier 2000, un montant de 9.7333.706 francs de droits desuccession et d'interets a ete rembourse ;
- les defendeurs pretendent notamment au remboursement des interets duchef de paiement tardif des droits de succession.
6. Les juges d'appel ont considere que des lors que la declaration a eteintroduite tardivement, le curateur est tenu envers l'Etat des interetsdus depuis le 3 janvier 1996 jusqu'au 21 novembre 1996 et les defendeursont le droit d'en reclamer le remboursement au demandeur.
7. Ainsi, les juges d'appel n'ont pas legalement motive leur decision.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Quant aux autres griefs :
8. Les autres griefs ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque dans la mesure ou il statue sur les interets duspour la periode allant du 3 janvier 1996 au 21 novembre 1996 ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers EricDirix, Eric Stassijns, Alain Smetryns et Geert Jocque, et prononce enaudience publique du douze novembre deux mille dix par le president desection Edward Forrier, en presence de l'avocat general Dirk Thijs, avecl'assistance du greffier Johan Pafenols.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Christine Matray ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,
12 NOVEMBRE 2010 F.09.0101.N/1