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15/10/2010 | BELGIQUE | N°F.09.0080.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 octobre 2010, F.09.0080.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.09.0080.N

U.F.S., societe anonyme,

Me Francis Marck, avocat au barreau d'Anvers,

contre

ETAT BELGE, (Finances),

Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 novembre2008 par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Geert Jocque a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les t

ermes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 18, alinea 1er, 4DEG, et alinea 2, du Code des impots...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.09.0080.N

U.F.S., societe anonyme,

Me Francis Marck, avocat au barreau d'Anvers,

contre

ETAT BELGE, (Finances),

Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 novembre2008 par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Geert Jocque a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 18, alinea 1er, 4DEG, et alinea 2, du Code des impots sur lesrevenus 1992, tel qu'il est applicable depuis le 15 avril 1999 (article1er de l'arrete royal du 11 avril 1999 fixant la date d'entree en vigueurde certaines dispositions de la loi du 10 mars 1999 modifiant la loi du 6avril 1995 relative aux marches secondaires, au statut des entreprisesd'investissement et à leur controle, aux intermediaires et conseillers enplacements, fixant le regime fiscal des operations de pret d'actions etportant diverses dispositions, promulgue en execution de l'article 78 dela loi precitee du 10 mars 1999, Moniteur Belge du 14 avril 1999, secondeedition) qui constate en son article 44 les dernieres modificationsapportees à l'article 18, alinea 1er, 4DEG; l'alinea 2 a ete modifie parl'article 3, 2DEG, de l'arrete royal du 20 decembre 1966, portant desmesures diverses, en application des articles 2, S: 1er, et 3, S: 1er,2DEG et 3DEG, de la loi du 26 juillet 1996 visant à realiser lesconditions budgetaires de la participation de la Belgique à l'Unioneconomique et monetaire europeenne ;

- articles 1892 et 1895 du Code civil.

Decision et motifs critiques

a) L'arret attaque constate tout d'abord :

- que, conformement à l'article 18, alinea 1er, 4DEG, du Code des impotssur les revenus 1992, les dividendes comprennent notamment les interetsdes avances lorsqu'une des limites suivantes est depassee et dans lamesure de ce depassement :

- soit la limite fixee à l'article 55,

- soit, lorsque le montant total des avances productives d'interets excedela somme des reserves taxees au debut de la periode imposable et ducapital libere à la fin de cette periode.

Est considere comme avance au sens de cette disposition, tout pretd'argent, represente ou non par des titres, consenti par une personnephysique à une societe dont elle possede des actions ou parts ou par unepersonne à une societe dans laquelle elle exerce un mandat ou desfonctions vises à l'article 32, alinea 1er, 1DEG, ainsi que tout pretd'argent consenti le cas echeant par leur conjoint ou leurs enfants àcette societe lorsque ces personnes ou leur conjoint ont la jouissancelegale des revenus de ceux-ci, à l'exception d'un certain nombre de casnon pertinents en l'espece ;

- que la notion de 'pret d'argent' n'est pas definie en droit fiscal, desorte qu'en l'espece il y a lieu de se referer au droit commun. Le droitcommun s'applique, en effet, dans la mesure ou le droit fiscal ne prevoitpas de regle derogatoire expresse ou tacite (Cass., 9 juillet 1931, Pas.,1931, I, p.218) ;

- qu'il n'est pas conteste que le pret d'argent doit etre considere commeun pret de consommation. Conformement à l'article 1892 du Code civil, lepret de consommation est un contrat par lequel l'une des parties livre àl'autre une certaine quantite de choses qui se consomment par l'usage, àla charge par cette derniere de lui en rendre autant de meme espece etqualite. L'obligation qui resulte d'un pret en argent n'est toujours quede la somme numerique enoncee au contrat (article 1895 du Code civil). Lavalidite d'un pret ne requiert pas l'existence d'un ecrit ;

- que la doctrine n'est pas unanime quant à la definition precise, laportee et les caracteristiques du compte courant (...) ;

- que les parties admettent qu'un compte courant ne peut etre assimile àun pret d'argent. Qu'en effet, le compte courant peut exister avant quedes inscriptions aient ete effectuees, alors que le pret est un contratreel (J. Van Ryn et J. Heenen, Principes du droit commercial, IV,Bruxelles, 1988, 357,nDEG 486). L'inscription dans un compte courant resulte de l'existenced'une creance nee d'un autre contrat tel que, par exemple, un achat ;

b) et considere ensuite :

- que cela n'empeche pas qu'un pret d'argent puisse prendre la forme d'uneinscription en compte courant. Le compte courant constitue alors le moyenpar lequel la somme d'argent est mise à la disposition de l'emprunteur ;

- que la societe anonyme U.F.S. soutient à tort qu'il ne peut etrequestion d'un pret d'argent des lors qu'aucune somme d'argent n'a eteremise. A la suite du contrat de vente, le vendeur a acquis des droitsdefinitifs sur le prix de vente qu'il a mis volontairement à ladisposition de la societe apres inscription en compte courant pour qu'ilen soit fait usage moyennant interets.

Griefs

Si la Cour considere qu'un pret d'argent est un pret de consommation ausens des articles 1892 et 1895 du Code civil et qu'un compte courant nepeut etre assimile à un pret d'argent, le pret etant un contrat reel, lacour d'appel, se fondant sur ces premisses, a considere de maniereillegale, car en violation de l'article precite, que l'article 18 du Codedes impots sur les revenus 1992 etait applicable en l'espece.

Conformement à l'article 1892 du Code civil, le pret de consommation estun contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certainequantite de choses qui se consomment par l'usage, à la charge par cettederniere de lui en rendre autant de meme espece et qualite.

Il ressort de cette disposition legale que le pret de consommationconstitue un contrat reel et unilateral qui ne peut etre realise que parla remise ou la delivrance de la chose.

Lorsque l'arret attaque se fonde sur les constatations precitees (...) etconsidere sur cette base que « cela n'empeche pas qu'un pret d'argentpuisse prendre la forme d'une inscription en compte courant. Le comptecourant constitue alors le moyen par lequel la somme d'argent est mise àla disposition de l'emprunteur » et que « la societe anonyme U.F.S.soutient à tort qu'il ne peut etre question d'un pret d'argent des lorsqu'aucune somme d'argent n'a ete remise. A la suite du contrat de vente,le vendeur a acquis des droits definitifs sur le prix de vente qu'il a misvolontairement à la disposition de la societe apres inscription en comptecourant pour qu'il en soit fait usage moyennant interets », la cour violeles caracteristiques essentielles du pret de consommation telles qu'ellessont prevues par l'article 1892 du Code civil, à savoir le caractere reelet unilateral de ce contrat.

En effet, le raisonnement de la cour d'appel veut que le vendeur desactions, soit la personne physique S., n'a nullement mis le prix de venteà la disposition de la societe au moyen d'une inscription en comptecourant, mais qu'au contraire, c'est l'acheteur qui, unilateralement danssa comptabilite interne, a inscrit le prix de vente du sur son comptecourant.

Le vendeur n'a donc pas effectue la remise d'une somme d'argent requisemais au contraire il n'y a eu qu'une inscription effectuee par l'acheteursur son compte courant interne à la suite d'un achat-vente avec paiementdiffere, de sorte qu'il ne peut etre question d'une quelconque remise ou« mise à disposition » ni des lors d'un pret au sens de l'article 1892du Code civil.

Un pret ne se realise que par la remise par le preteur. En l'espece, iln'y a pas eu de remise par le preteur. Au contraire, le vendeur n'a jamaiseu les sommes d'argent en sa possession; a priori il ne peut des lors lesavoir remises à la societe par la voie du pret.

A defaut de remise ou de mise à disposition par le vendeur, aucun contratde pret n'a pu etre conclu et il ne peut etre question d'un « pretd'argent » au sens de l'article 18 du Code des impots sur les revenus1992.

Des lors que l'arret attaque considere qu'un pret d'argent est un pret deconsommation, requerant la remise d'un certain nombre de choses en vertude l'article 1892 du Code civil, et considere aussi qu'un compte courantne peut etre assimile à un pret d'argent, le pret etant un contrat reel,la cour, se fondant sur ces premisses, n'a, des lors, pas legalementjustifie sa decision qui est illegale des lors qu'elle a decide enviolation des articles precites qu'en l'espece « le compte courant est lemoyen par lequel la somme d'argent est mise à la disposition del'emprunteur ».

En considerant que « la societe anonyme U.F.S. soutient à tort qu'il nepeut etre question d'un pret d'argent des lors qu'aucune somme d'argentn'a ete remise », la cour d'appel a, pour les memes raisons, concluillegalement qu'il n'y a pas eu de pret d'argent en considerant « qu'àla suite du contrat de vente le vendeur a acquis des droits definitifs surle prix de vente, qu'il a mis volontairement à la disposition de lasociete apres inscription en compte courant pour qu'il en soit fait usagemoyennant interets ».

L'existence d'un pret d'argent constituant une condition expresse del'article 18, alinea 1er, 4DEG, et alinea 2, du Code des impots sur lesrevenus 1992, l'arret attaque viole cet article.

(...)

III. La decision de la Cour

1. A defaut de definition particuliere dans la loi fiscale, il y a lieud'entendre par pret d'argent, conformement au droit commun, le contrat parlequel le preteur remet de l'argent à l'emprunteur en vue de luipermettre de s'en servir et à charge pour ce dernier de le lui restituerau terme convenu.

2. Un pret d'argent au sens de l'article 18, alinea 2, du Code des impotssur les revenus 1992 peut etre constate par une inscription au comptecourant de l'actionnaire ou de la personne qui exerce un mandat ou desfonctions qui sont vises à l'article 32, alinea 1er, 1DEG, mais une telleinscription n'implique pas necessairement l'existence d'un contrat de pretau sens de cette disposition.

3. La remise d'argent dans le cadre d'un pret d'argent peut s'effectuerpar novation.

4. Les juges d'appel ont considere souverainement en fait que l'intentionreelle des parties etait, outre le transfert de propriete des actionsvendues, de mettre immediatement le prix de vente à la disposition de lasociete, au moyen d'un pret à interet.

5. Aux termes de l'article 1271, 1DEG, du Code civil, la novation s'operelorsque le debiteur contracte envers son creancier une nouvelle dette quiest substituee à l'ancienne, laquelle est eteinte. Conformement à cettedisposition, une convention qui a pour objet de mettre le prix d'achat àla disposition de l'acheteur au moyen d'un pret à interet implique que ladette de paiement du prix d'achat de l'acheteur est eteinte par novation.Par cette novation, la societe obtient, en tant qu'acheteur des actionsvendues, la disposition d'une somme egale au prix des actions.

6. Le moyen, qui repose sur le soutenement qu'un pret d'argent ne peutressortir d'une inscription au compte courant d'un actionnaire ou d'undirigeant d'entreprise ayant vendu des actions à la societe, pour lemotif qu'il ne peut etre question d'une remise par l'actionnaire ou par ledirigeant d'entreprise à la societe ou d'une mise à la disposition decette derniere par celui-ci, manque en droit.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller faisant fonction de president Eric Dirix, lesconseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et GeertJocque, et prononce en audience publique du quinze octobre deux mille dixpar le conseiller faisant fonction de president Eric Dirix, en presence del'avocat general Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Sylviane Velu ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

15 OCTOBRE 2010 F.09.0080.N/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.09.0080.N
Date de la décision : 15/10/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-10-15;f.09.0080.n ?
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