Cour de cassation de Belgique
Arret
5717
NDEG P.10.1060.F
L. M.
etranger, prive de liberte,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Christophe Marchand, avocat au barreau deBruxelles.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 4 juin 2010 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.
Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.
L'avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. les faits et les antecedents de la procedure
Le demandeur est entre illegalement en Belgique à une date indeterminee.
Par un jugement du 16 fevrier 2006, le tribunal correctionnel de Bruxellesl'a condamne à un emprisonnement de six ans du chef, notamment, departicipation à l'activite d'un groupe terroriste en tant que dirigeant.Il n'a pas interjete appel contre cette decision.
Le 7 septembre 2006, il a fait l'objet d'un arrete ministeriel de renvoicontre lequel aucun recours n'a ete forme en temps utile.
Les demandes d'autorisation de sejour qu'il a introduites le 21 avril 2008et le 15 decembre 2009 ont ete rejetees.
Le 9 mars 2010, il a fait l'objet d'un ordre de quitter le territoire,avec decision de remise à la frontiere et decision de privation deliberte à cette fin à partir du 18 mars 2010, date à laquelle ilfinissait de purger sa peine. Par arret du 16 mars 2010, le Conseil ducontentieux des etrangers a ordonne la suspension de l'execution de cettemesure.
Le 18 mars 2010, il s'est vu notifier un nouvel ordre de quitter leterritoire, avec decision de remise à la frontiere et decision deprivation de liberte à cette fin, ainsi qu'un arrete ministeriel de miseà la disposition du gouvernement en vue de sa remise à la frontiere prissur la base de l'article 25 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers.L'execution de cet arrete ministeriel a ete suspendue par un arret du 25mars 2010 du Conseil du contentieux des etrangers.
Le 16 mars 2010, le demandeur avait manifeste son intention d'introduireune demande d'asile aupres du directeur de la prison d'Ittre.
Il a alors fait l'objet, le 26 mars 2010, d'un arrete ministeriel de miseà la disposition du gouvernement fonde sur l'article 54, S: 2, alinea 2,de la loi du 15 decembre 1980.
La requete de mise en liberte introduite par le demandeur a ete declareerecevable mais non fondee par la chambre du conseil du tribunal depremiere instance de Nivelles, qui a ordonne le maintien de sa detention.
L'arret attaque confirme cette ordonnance.
III. la decision de la cour
Sur le moyen :
Quant aux deux premieres branches reunies :
Pour contester le maintien de sa detention, le demandeur soutenait enconclusions devant les juges d'appel que l'article 5 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales ne permetla detention d'un etranger qu'en vue de son eloignement du territoire, quetoutes les dispositions de la loi du 15 decembre 1980 relatives auxpossibilites de placement en detention des etrangers concernent leureloignement, leur renvoi ou leur expulsion, que tel etait le but ultime dela mesure de privation de liberte prise à son encontre par l'arreteministeriel de mise à la disposition du gouvernement du 26 mars 2010 etque son eloignement ne pouvait intervenir sans violer l'article 3 de cetteConvention.
Le moyen, en ses deux premieres branches, reproche à l'arret attaque dene pas repondre à ces conclusions et, en confirmant le maintien de ladetention du demandeur, de violer lesdits articles 3 et 5.
L'article 149 de la Constitution n'est pas applicable aux decisions desjuridictions d'instruction qui statuent sur le maintien d'une mesureprivative de liberte prise sur la base de la loi du 15 decembre 1980, cesdecisions ne constituant pas des jugements au sens de cette disposition.
A cet egard, le moyen, en sa premiere branche, manque en droit.
Suivant l'article 72, alinea 2, de cette loi, il incombe aux juridictionsd'instruction, saisies d'un recours contre une telle mesure privative deliberte, de verifier si elle est conforme à la loi sans pouvoir seprononcer sur son opportunite.
En vertu de l'article 54, S: 2, alinea 2, de ladite loi, dans descirconstances exceptionnellement graves, le ministre peut mettrel'etranger, qui a introduit une demande d'asile, à titre provisoire à ladisposition du gouvernement, s'il l'estime necessaire à la sauvegarde del'ordre public ou de la securite nationale.
Contrairement à ce que le moyen soutient, la mesure prevue par cettedisposition n'a pas pour « but ultime » l'eloignement du territoire del'etranger qu'elle concerne, mais tend seulement à le priver de saliberte durant l'examen de sa demande d'asile, son eloignement etant àl'evidence exclu si cette demande est accueillie.
L'article 5.1.f . de la Convention autorise la privation de liberte s'ils'agit, selon les voies legales, de l'arrestation ou de la detentionregulieres d'une personne pour l'empecher de penetrer irregulierement dansle territoire, ou contre laquelle une procedure d'expulsion oud'extradition est en cours.
Cette disposition permet la detention reguliere d'un etranger durantl'examen de sa demande d'asile en vue de l'empecher de penetrerillegalement sur le territoire.
Pour le surplus, le moyen admet que ce n'est que dans le cas ou une mesured'eloignement serait prise à l'encontre du demandeur que l'article 3 dela Convention pourrait etre viole.
L'arret attaque enonce que « la mesure privative de liberte qui est laconsequence de l'arrete ministeriel querelle ne tend pas à assurerl'eloignement effectif du territoire de l'etranger, comme c'etait le caspour l'arrete ministeriel du 18 mars 2010, mais n'a pour but qued'empecher l'interesse de penetrer illegalement sur le territoire dansl'attente de la decision relative à la demande d'asile qu'il a introduitele 16 mars 2010, [qu'] il convient de relever que si l'execution del'arrete ministeriel du 18 mars 2010 a ete suspendue, c'est en raison dufait que cet acte ne mentionne pas à quelle frontiere l'interesse seraremis ni qu'il est exclu que l'interesse soit remis à la frontiere duMaroc, le Conseil du contentieux des etrangers constatant egalement dansla motivation de cet acte qu'un rapatriement vers le Maroc avait dejà eteprevu pour le 18 mars 2010 et que la decision n'est nullement motivee auregard de l'article 3 de la Convention europeenne de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertes fondamentales, [et que] l'arrete ministeriel du26 mars 2010 n'entre toutefois nullement dans ce cas d'espece (il est prissur pied d'une autre disposition legale), vu qu'il ne prevoit aucunemesure d'eloignement de l'interesse à ce stade de la procedure ».
En considerant que l'article 5 de la Convention n'est pas viole « deslors que la detention de l'interesse est prevue par l'article 54 de la loidu 15 decembre 1980 et qu'elle est reguliere » et « qu'il n'y a pas nonplus violation de l'article 3 de [cette Convention] vu que la mesure n'estpas destinee à assurer l'expulsion de l'etranger vers son pays d'origine,en l'occurrence le Maroc », l'arret attaque motive regulierement etjustifie legalement sa decision.
En tant qu'il est pris de la violation des articles 3 et 5 de laConvention, le moyen, en ses premiere et deuxieme branches, ne peut etreaccueilli.
Quant à la troisieme branche :
Le moyen, en cette branche, fait grief à l'arret attaque de violer lesarticles 3 et 5 de la Convention en considerant la detention du demandeurcomme reguliere.
D'une part, il n'apparait pas des pieces de la procedure que le demandeurait invoque devant les juges d'appel que la duree de l'examen de sademande d'asile revelait un manque de diligence fautif dans le chef del'Etat belge et qu'il ne ressort pas du dossier administratif que celui-ciaurait cherche une alternative à son placement en detention. Presentepour la premiere fois devant la Cour, le moyen, en cette branche, est danscette mesure irrecevable.
D'autre part, en tant qu'il soutient que l'Etat belge a fait preuve dansla gestion du dossier d'une mauvaise foi constitutive d'un exces ou d'undetournement de pouvoir, l'examen du moyen, en cette branche, impliqueraitune verification d'elements de fait qui n'est pas au pouvoir de la Couret, à cet egard, est des lors aussi irrecevable.
Pour le surplus, pour les motifs exposes dans la reponse aux deuxpremieres branches, le moyen, en sa troisieme branche, ne peut etreaccueilli en tant qu'il soutient que la detention du demandeur ne tend pasà l'unique but admissible au regard de l'article 5 de la Convention.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxes à la somme de soixante-six euros cinquante-troiscentimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles,ou siegeaient Jean de Codt, president de section, Christine Matray,Sylviane Velu, Benoit Dejemeppe et Geert Jocque, conseillers, et prononceen audience publique du vingt juillet deux mille dix par Jean de Codt,president de section, en presence de Patrick Duinslaeger, avocat general,avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | G. Jocque | B. Dejemeppe |
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| S. Velu | C. Matray | J. de Codt |
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20 JUILLET 2010 P.10.1060.F/7