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18/06/2010 | BELGIQUE | N°C.07.0139.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 juin 2010, C.07.0139.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

7862



N° C.07.0139.F

 1. C. B.,

 2. T. D.,

 3. T. A.,

 4. T. F.,

demanderesses en cassation,

représentées par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Jacquel

ine Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11,où il est fait élection de domicile.

I. La procéd...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

7862

N° C.07.0139.F

 1. C. B.,

 2. T. D.,

 3. T. A.,

 4. T. F.,

demanderesses en cassation,

représentées par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11,où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2006par la cour d'appel de Bruxelles.

Le président Christian Storck a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

II. Les moyens de cassation

Les demanderesses présentent deux moyens libellés dans les termessuivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;

- articles 16 et 24 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détentionpréventive ;

- article 27 de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnisation en casde détention préventive inopérante ;

- article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée parla loi du 13 mai 1955 ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- article 6 du Traité d'extradition conclu entre la Belgique et le Brésil,signé à Rio de Janeiro le 6 mai 1953 et publié au Moniteur belge le13 juillet 1957.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt, statuant sur la demande en réparation du dommage subi par R. T.et constitué par son incarcération au Brésil pendant la période du 11octobre 1995 au 30 avril 1996, décide que « les conditions requises pourengager la responsabilité [du défendeur] ne sont, en l'occurrence, pasréunies » et que « l'appel doit, partant, être déclaré non fondé » et ce,par tous ses motifs et spécialement par les motifs suivants :

« Le 29 août, l'ambassade de Belgique au Brésil notifia au ministre desRelations extérieures brésilien les demandes d'extradition etd'arrestation provisoire formulées par le gouvernement belge sur la basedes deux mandats d'arrêt délivrés par défaut à charge de R. T. ;

[…] À juste titre, [le défendeur] souligne que le droit à indemnisationprévu par la loi belge du 13 mars 1973, adoptée en exécution de l'article5,

§ 5, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, ne saurait être mis en oeuvre que si la privation deliberté était imputable aux organes de l'État belge ;

Tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que tant la décision de placerR. T. en détention au Brésil que les conditions mêmes de cette détentionont relevé exclusivement de la décision des autorités brésiliennes, enapplication de la législation en vigueur dans ce pays ;

Certes, cette décision faisait suite à la demande d'extradition de R. T.formulée par le gouvernement belge auprès des autorités brésiliennes ;

L'on ne saurait cependant considérer que la décision de placer R. T. endétention au Brésil était la conséquence nécessaire de cette demanded'extradition ;

En effet, la décision de placer en détention R. T. fut prise par lesautorités brésiliennes sous leur propre responsabilité ;

[Le défendeur] ne saurait répondre des conséquences de cette décision ;

Au demeurant, les cours et tribunaux belges sont sans pouvoir pour jugerdes irrégularités dont seraient entachés les actes d'un gouvernement oud'un pouvoir judiciaire étranger, en relation avec une procédured'extradition, alors que l'octroi d'une réparation sur la base del'article 27 de la loi du 13 mars 1973 exige que le juge saisi de lademande ait préalablement constaté le caractère illégal de la privation deliberté subie par R. T. ;

Il est donc exclu d'allouer aux [demanderesses] une quelconque indemnitéen raison de la détention subie par R. T. au Brésil ;

C'est également sans fondement qu'elles font valoir un manque de loyautéet d'impartialité de la part du juge d'instruction à l'occasion de soninculpation ; à l'époque, le juge d'instruction n'était pas tenu d'avertirpréalablement R. T. de son inculpation ;

En vain encore les [demanderesses] soutiennent que la demanded'extradition de R. T., qui avait déclaré ne pas vouloir se déplacer enBelgique, aurait été abusive ou irrégulière ;

La nature de l'affaire et la gravité des faits justifiaient amplementcette demande, à laquelle l'État brésilien a donné suite sous sa propreresponsabilité ».

Griefs

Première branche

Les demanderesses sollicitaient la réparation du dommage subi parR. T. et constitué par son incarcération subie au Brésil à la suite de lademande d'extradition accompagnée d'une demande d'arrestation provisoireformée par le gouvernement belge et fondée sur les mandats d'arrêtinvoqués par celui-ci.

Elles faisaient valoir que ces mandats d'arrêt étaient irréguliers.

L'article 27 de la loi du 13 mars 1973 dispose :

«  § 1^er. Un droit à réparation est ouvert à toute personne qui a étéprivée de sa liberté dans des conditions incompatibles avec lesdispositions de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par laloi du 18 mai 1955.

§ 2. L'action est portée devant les juridictions ordinaires dans lesformes prévues par le Code judiciaire et dirigée contre l'État belge en lapersonne du ministre de la Justice » .

L'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales dispose :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut êtreprivé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:

[…] c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autoritéjudiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonnerqu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables decroire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou des'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ;

[…] e) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'unepersonne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire,ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est encours.

2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai etdans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et detoute accusation portée contre elle.

3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues auparagraphe 1^er, c), du présent article, doit être aussitôt traduitedevant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer desfonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délairaisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut êtresubordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé àl'audience.

4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a ledroit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à brefdélai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si ladétention est illégale.

5. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans desconditions contraires aux dispositions de cet article a droit àréparation ».

L'article 27 de la loi du 13 mars 1973 donne exécution à l'article 5, § 5,de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, lequel accorde un droit à réparation au profit de toutepersonne qui a été victime d'une arrestation ou d'une détention dans desconditions contraires aux dispositions énumérées par cet article.

L'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales énonce de manière limitative les conditions danslesquelles une privation de liberté peut avoir lieu et il prévoit quecette privation de liberté doit se faire « selon les voies légales ».Celles-ci incluent notamment les règles contenues dans la loi du 20juillet 1990 relative à la détention préventive.

L'article 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détentionpréventive dispose que

«  § 1^er. En cas d'absolue nécessité pour la sécurité publique seulement,et si le fait est de nature à entraîner pour l'inculpé un emprisonnementcorrectionnel principal d'un an ou une peine plus grave, le juged'instruction peut décerner un mandat d'arrêt.

Cette mesure ne peut être prise dans le but d'exercer une répressionimmédiate ou toute autre forme de contrainte.

Si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans deréclusion, le mandat ne peut être décerné que s'il existe de sérieusesraisons de craindre que l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commettede nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tentede faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers.

§ 2. Sauf si l'inculpé est fugitif ou latitant, le juge d'instructiondoit, avant de décerner un mandat d'arrêt, interroger l'inculpé sur lesfaits qui sont à la base de l'inculpation et qui peuvent donner lieu à ladélivrance d'un mandat d'arrêt, et entendre ses observations. À défaut decet interrogatoire, l'inculpé est mis en liberté.

Il doit également informer l'inculpé de la possibilité qu'un mandatd'arrêt soit décerné à son encontre, et l'entendre en ses observations àce sujet. À défaut de respect de ces conditions, l'inculpé est mis enliberté.

Tous ces éléments sont relatés au procès-verbal d'audition.

Lorsque le mandat d'arrêt est exécuté conformément à l'article 19,§ 1^erbis, il est recouru lors de l'interrogatoire à des moyens radio,téléphoniques, audio-visuels ou d'autres moyens techniques qui permettentune transmission directe de la voix entre le juge d'instruction et lesuspect tout en garantissant la confidentialité de leurs échanges.

§ 3. Le mandat d'arrêt est décerné immédiatement après le premierinterrogatoire de l'inculpé par le juge d'instruction, sauf si le jugeprend des mesures d'investigation aux fins de contrôler un élément del'interrogatoire, l'inculpé restant à sa disposition.

§ 4. Le juge d'instruction informe l'inculpé qu'il a le droit de choisirun avocat. Si l'inculpé n'a choisi ou ne choisit aucun avocat, le juge eninforme le bâtonnier de l'Ordre ou son délégué. Il est fait mention decette formalité au procès-verbal d'audition.

§ 5. Le mandat d'arrêt contient l'énonciation du fait pour lequel il estdécerné, mentionne la disposition législative qui prévoit que ce fait estun crime ou un délit et constate l'existence d'indices sérieux deculpabilité.

Le juge y mentionne les circonstances de fait de la cause et celles liéesà la personnalité de l'inculpé qui justifient la détention préventive euégard aux critères prévus par le paragraphe 1^er. À défaut de cesinformations, l'inculpé est mis en liberté.

Le mandat d'arrêt indique également que l'inculpé a été préalablemententendu.

§ 6. Le mandat est signé par le juge qui l'a décerné et revêtu de sonsceau. À défaut de la signature du juge, l'inculpé est mis en liberté.

L'inculpé y est nommé ou désigné le plus clairement possible.

§ 7. Le procès-verbal de l'audition de l'inculpé par le juged'instruction, ainsi que tous les procès-verbaux d'auditions de l'inculpéintervenues entre le moment de sa privation de liberté et le moment où ilest déféré au juge d'instruction, doivent mentionner les heures du débutde l'interrogatoire, du début et de la fin des interruptions éventuelleset de la fin de l'interrogatoire ».

L'article 34 de la même loi dispose que :

« § 1^er. Lorsque l'inculpé est fugitif ou latitant ou lorsqu'il y a lieude demander son extradition, le juge d'instruction peut décerner un mandatd'arrêt par défaut.

§ 2. Si ce mandat est exécuté avant la clôture de l'instruction, l'inculpédoit être interrogé par le juge d'instruction. Si le juge d'instructionestime que la détention doit être maintenue, il peut délivrer un nouveaumandat d'arrêt auquel sont applicables les dispositions des chapitres III,IV et V.

Ce nouveau mandat d'arrêt est signifié à l'inculpé dans les vingt-quatreheures à compter de la signification sur le territoire belge ou sur leterritoire étranger où une fraction de l'armée est stationnée du mandatd'arrêt par défaut, laquelle doit intervenir dans les vingt-quatre heuresde l'arrivée ou de la privation de liberté sur le sol belge.

§ 3. Le prévenu ou l'accusé ne peut demander sa mise en liberté queconformément à l'article 27 ».

Le mandat d'arrêt par défaut décerné en vue de l'extradition doit répondreà toutes les conditions fixées à l'article 16 de la loi du 20 juillet1990, sous la seule exception de l'obligation de procéder àl'interrogatoire préalable de l'inculpé.

L'arrêt décide que la demande d'extradition n'était pas abusive. Il décideégalement que cette demande était régulière, considérant en effet « qu'envain encore les [demanderesses] soutiennent que la demande d'extraditionde R. T., qui avait déclaré ne pas vouloir se déplacer en Belgique, auraitété abusive ou irrégulière ; que la nature de l'affaire et la gravité desfaits justifiaient amplement cette demande, à laquelle l'État brésilien adonné suite sous sa propre responsabilité ».

Les demanderesses ont soutenu devant la cour d'appel que la demanded'extradition était irrégulière et illégale au motif que les mandatsd'arrêt délivrés les 24 octobre 1994 et 17 mai 1995, sur lesquels elleétait basée, étaient illégaux. Elles en déduisaient que la détention de R.T. au Brésil avait été illégale.

Elles ont énoncé en termes de conclusions :

« Que, subsidiairement, le premier juge a à tort posé que les mentionsrequises à l'article 16 de la loi ne seraient pas applicables aux mandatsd'arrêt par défaut qui auraient été pris sur pied de l'article 34 de lamême loi ;

Que, certes, on peut comprendre que, en vue d'extradition, et pour autantqu'une telle extradition se justifie, quod non, le magistrat instructeurne soit pas contraint d'interroger préalablement l'inculpé sur les faitsmis à sa charge et d'entendre ses observations, l'inculpé étant, pardéfinition, à l'étranger ;

Que l'article 16 de la loi est d'ailleurs explicite à cet égard : `Sauf sil'inculpé est fugitif ou latitant, le juge d'instruction doit, avant dedécerner un mandat d'arrêt, interroger l'inculpé sur les faits mis à sacharge et entendre ses observations. Il doit également informer l'inculpéde la possibilité qu'un mandat d'arrêt soit décerné à son encontre, etl'entendre en ses observations à ce sujet' ;

Qu'en revanche, un mandat d'arrêt par défaut ne peut quand même êtredécerné qu'en cas d'absolue nécessité pour la sécurité publique seulement; que cette mesure ne peut être prise dans le but d'exercer une répressionimmédiate ou toute autre forme de contrainte ; que le magistratinstructeur doit également constater qu'il existe de sérieuses raisons decraindre que l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commette de nouveauxcrimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tente de fairedisparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers ; qu'à tortle premier juge a considéré que de telles conditions n'étaient pasnécessaires en cas d'application de l'article 34 de la loi ;

Que le mandat d'arrêt par défaut doit répondre, lui aussi, à toutes lesconditions fixées par l'article 16 de la loi du 20 juillet 1990 sous laseule réserve de l'obligation d'interroger l'inculpé (et encore faut-ilque l'inculpation soit légale, ce qui n'était pas le cas) [...] ;

Qu'à tort le premier juge a considéré que l'article 34 de la loi du 20juillet 1990 ne précise pas quelles sont les conditions de forme et defond qui régissent le mandat d'arrêt international par défaut en vued'extradition ; que, s'agissant d'une manifeste détention préventive, iln'y a aucune raison pour que le mandat d'arrêt en vue d'extradition, prisle cas échéant sur pied de l'article 34, soit soumis à moins de conditionsque le mandat d'arrêt pris sur pied de l'article 16 de la même loi ;

Qu'à tort le premier juge a considéré qu'il fallait distinguer entrecertaines conditions ou mentions du mandat d'arrêt international quiseraient substantielles et d'autres qui ne le seraient pas, au prétexteque les conditions substantielles `permettent à l'autorité étrangère devérifier si les conditions fixées par le traité d'extradition sontremplies' ;

Qu'en l'espèce, la question n'est pas de savoir si l'autorité brésilienneétait ou non en mesure de vérifier les conditions d'un traitéd'extradition mais de vérifier ici si un mandat d'arrêt, sur pied del'article 16, voire sur pied de l'article 34, était légalement justifié endroit belge ;

Que, contrairement à ce qu'a posé le premier juge, les deux mandatsd'arrêt litigieux devaient répondre aux conditions posées par la loi encas de détention préventive ;

Qu'à tort, le premier juge a encore considéré que le magistrat instructeurpouvait, en l'espèce, délivrer valablement un mandat d'arrêt par défaut ;que, n'étant ni fugitif ni latitant et se tenant à la disposition dumagistrat instructeur comme la commission rogatoire opérée au Brésill'avait démontré, R. T. ne devait pas être placé en détention préventive,en vertu d'un mandat d'arrêt délivré par défaut ;

Que de tels mandats d'arrêt délivrés par défaut ont manifestement servi deprétextes à constituer des titres de détention préventive ainsi que toutesles pièces de la procédure le démontrent, que les mandats d'arrêt fussentou non décernés 'dans le but de demander l'extradition de l'intéressé' ;que cette intention exclusive et inexactement relevée par le premier jugeest d'ailleurs en contradiction avec le décalage qui sépare la commissionrogatoire envoyée au Brésil le 21 octobre 1993, le premier mandat d'arrêtdu 24 octobre 1994, le second mandat d'arrêt du 17 mai 1995 et la requêteau gouvernement brésilien du 14 juin de la même année ;

Qu'il s'ensuit que l'extradition fut irrégulière, R. T. ayant été capturéet étant détenu suite à des voies de fait ».

En leurs conclusions d'appel, les demanderesses ont énoncé :

« Les mandats d'arrêt n'indiquaient, ni l'un ni l'autre, aucunecirconstance propre à la personnalité de l'inculpé qui puisse entraînerl'absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner mandat d'arrêt ;qu'aucun danger n'existait que R. T. tente de se soustraire, n'étant pasen fuite ; que son établissement au Brésil était stable, ayant été précédéde son annonce dans toute la presse italienne saluant le départ, en fin decarrière, d'un grand commis de l'État ; [...] que le risque desoustraction à la justice ne peut être fondé uniquement sur des élémentssubjectifs : il doit reposer sur des éléments objectifs tirés des faits dela cause ou de la personnalité de l'inculpé ; que la qualité d'étranger nepeut fonder à elle seule la délivrance d'un mandatd'arrêt ; qu'il en est de même de l'absence de résidence fixe sur leterritoire ».

Les demanderesses ont également énoncé en leurs conclusions d'appel :

« Les deux mandats d'arrêt étaient incontestablement muets sur lescirconstances propres à la cause et à la personnalité de l'inculpé quiauraient entraîné en l'espèce l'absolue nécessité pour la sécuritépublique de décerner mandat d'arrêt [note 26 : On peut lire dans chacundes deux mandats : àttendu que les circonstances spécifiées ci-après,propres à la cause et à la personnalité de l'inculpé, entraînent l'absoluenécessité, pour la sécurité publique, de décerner le présent mandatd'arrêt à son encontre [...]' et rien n'est spécifié `ci-après'] ; attenduque c'est cependant sur la base de ces deux mandats d'arrêt illégaux quel'extradition sera illégalement, abusivement et déloyalement demandée,obtenue et exécutée ».

Au stade de son examen de la légalité de la détention subie par R. T. auBrésil, la cour [d'appel] n'a pas répondu à ces arguments. Elle s'estcontentée de considérer que la demande d'extradition de R. T. n'était pasirrégulière. Elle a par contre abordé la problématique de la légalité desmandats d'arrêt des 24 octobre 1994 et 17 mai 1995 au stade de son examende la légalité de la détention de R. T. en Belgique. Elle a en effetdécidé « qu'en tout état de cause, ces mandats d'arrêt par défaut des 24octobre 1994 et 17 mai 1995 n'étaient pas irréguliers ; que l'article 34de la loi du 20 juillet 1990 permet de décerner mandat d'arrêt par défaut,non seulement lorsque l'inculpé est fugitif ou latitant, mais aussilorsqu'il y a lieu de demander son extradition ; qu'il s'agit, dans cedernier cas, d'un mandat d'arrêt international ; que tel était le cas enl'espèce ; que la délivrance de tels mandats n'était pas subordonnée àl'interrogatoire préalable de R. T. ; que l'absence de référence, dans cesmandats d'arrêt, à l'article 34 de la loi du 20 juillet 1990 n'en affectepas la légalité ».

Dans la mesure où cette motivation constitue le soutien nécessaire, austade de l'examen de la légalité de la détention de R. T. au Brésil, de ladécision de la cour d'appel relative à la régularité de la demanded'extradition, elle n'est pas légalement justifiée. En effet, en décidantque les mandats d'arrêt litigieux étaient réguliers, sans examiner si lesconditions mentionnées par l'article 16 de la loi du 20 juillet 1990étaient toutes établies alors qu'elles déterminent la légalité d'un mandatd'arrêt, même décerné par défaut, l'arrêt viole les articles 16 et 34 dela loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

Il en résulte qu'en décidant que la demande d'extradition était régulière,l'arrêt viole l'article 27 de la loi du 13 mars 1973 relative àl'indemnisation en cas de détention préventive inopérante ainsi quel'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, lequel dispose notamment que la privation deliberté d'un individu doit avoir lieu selon les voies légales.

À titre subsidiaire, s'il est considéré que la motivation développée austade de l'examen de la légalité de la détention de R. T. en Belgique etde l'examen du dommage résultant de cette détention n'est pas le soutiennécessaire de la décision de la cour d'appel relative à la régularité dela demande d'extradition et d'arrestation provisoire et de l'examen dudommage résultant de la détention de R. T. au Brésil, il en résulte quel'arrêt n'est pas régulièrement motivé et viole partant l'article 149 dela Constitution, dès lors qu'il laisse sans réponse des moyensrégulièrement soulevés par les demanderesses en termes de conclusions.

En refusant, pour ces motifs, de reconnaître la responsabilité de l'Étatbelge, fondée sur le caractère irrégulier ou abusif des mandats d'arrêtinvoqués à l'appui de la demande d'extradition de R. T. formée par l'Étatbelge et accompagnée de la demande d'arrestation provisoire, l'arrêt violeen outre les articles 1382 et 1383 du Code civil.

Deuxième branche

L'article 6 du Traité d'extradition conclu entre la Belgique et le Brésil,signé à Rio de Janeiro le 6 mai 1953, dispose que :

« En cas d'urgence, les parties contractantes pourront demander l'une àl'autre, soit par l'entremise de leurs agents diplomatiques respectifs,soit directement, de gouvernement à gouvernement, l'arrestation provisoirede l'inculpé, ainsi que la saisie des objets se rapportant au crime ou audélit, ou pouvant servir de pièces à conviction.

Cette demande sera agréée si elle renferme une déclaration concernantl'existence de l'un des documents énumérés aux alinéas a) et b) del'article précédent, et s'il y est indiqué que le crime ou délit autorisel'extradition en conformité de ce traité.

L'arrestation provisoire sera effectuée dans les formes et suivant lesrègles établies par la législation de l'État requis.

Elle cessera d'être maintenue si, dans le délai de soixante jours à partirdu moment où elle aura été effectuée, l'inculpé n'a pas reçu communicationd'un des documents indiqués à l'article précédent. L'inculpé ne pourraêtre remis en détention, pour le même fait, qu'à la suite d'une demandeformelle d'extradition accompagnée desdits documents » .

Il résulte de cette disposition que l'arrestation provisoire en vue del'extradition ne peut être accordée et effectuée par l'État requis que siune demande est formulée en ce sens par l'État demandeur. Il en ressortque cette demande est une condition sine qua non de toute arrestationprovisoire.

En l'espèce, les autorités belges ont expressément demandé aux autoritésbrésiliennes que R. T. soit arrêté provisoirement en vue de sonextradition.

Les demanderesses ont soutenu en termes de conclusions que ni la demanded'extradition, d'une part, ni la demande d'arrestation provisoire, d'autrepart, n'étaient justifiées et qu'elles devaient toutes deux être déclaréesabusives.

L'arrêt décide « qu'en vain encore les [demanderesses] soutiennent que lademande d'extradition de R. T., qui avait déclaré ne pas vouloir sedéplacer en Belgique, aurait été abusive ou irrégulière ; que la nature del'affaire et la gravité des faits justifiaient amplement cette demande, àlaquelle l'État brésilien a donné suite sous sa propre responsabilité ».

L'opportunité de formuler une demande d'arrestation provisoire doit êtreappréciée indépendamment de la question de l'opportunité de formuler unedemande d'extradition. Dès lors que la cour d'appel n'a pas procédé àl'examen, même marginal, du caractère irrégulier ou abusif de la demanded'arrestation provisoire, l'arrêt ne répond pas aux moyens régulièrementsoulevés par les demanderesses dans leurs conclusions et viole ainsil'article 149 de la Constitution.

En refusant sur cette base de reconnaître la responsabilité de l'Étatbelge, fondée sur le caractère irrégulier ou abusif de la demanded'arrestation provisoire, l'arrêt viole en outre les articles 1382 et 1383du Code civil.

Troisième branche

L'article 6 du Traité d'extradition conclu entre la Belgique et le Brésil,signé à Rio de Janeiro le 6 mai 1953, dispose que :

« En cas d'urgence, les parties contractantes pourront demander l'une àl'autre, soit par l'entremise de leurs agents diplomatiques respectifs,soit directement, de gouvernement à gouvernement, l'arrestation provisoirede l'inculpé, ainsi que la saisie des objets se rapportant au crime ou audélit, ou pouvant servir de pièces à conviction.

Cette demande sera agréée si elle renferme une déclaration concernantl'existence de l'un des documents énumérés aux alinéas a) et b) del'article précédent, et s'il y est indiqué que le crime ou délit autorisel'extradition en conformité de ce traité.

L'arrestation provisoire sera effectuée dans les formes et suivant lesrègles établies par la législation de l'État requis.

Elle cessera d'être maintenue si, dans le délai de soixante jours à partirdu moment où elle aura été effectuée, l'inculpé n'a pas reçu communicationd'un des documents indiqués à l'article précédent. L'inculpé ne pourraêtre remis en détention, pour le même fait, qu'à la suite d'une demandeformelle d'extradition accompagnée desdits documents ».

Il résulte de cette disposition que l'arrestation provisoire en vue del'extradition ne peut être accordée et effectuée par l'État requis que siune demande est formulée en ce sens par l'État demandeur. Il en ressortque cette demande est une condition sine qua non de toute arrestationprovisoire.

En l'espèce, les autorités belges ont expressément demandé aux autoritésbrésiliennes que R. T. soit arrêté provisoirement en vue de sonextradition.

Le lien de causalité nécessaire, dont l'existence doit être établie entrela faute et le dommage conformément aux articles 1382 et 1383 du Codecivil, existe dès lors que, sans la faute, le dommage ne serait passurvenu tel qu'il est effectivement survenu.

Les demanderesses sollicitaient la réparation du dommage constitué parl'incarcération au Brésil de R. T.

L'arrêt constate que la décision de mise en détention de R. T., prise parles autorités brésiliennes, a fait suite à la demande d'extraditionformulée par le gouvernement belge auprès des autorités brésiliennes,cette demande d'extradition étant assortie d'une demande d'arrestationprovisoire.

L'arrêt considère cependant que le placement de R. T. en détention auBrésil n'a pas été la conséquence nécessaire de la demande d'arrestationprovisoire formulée par le gouvernement belge, au motif que la décision deplacer R. T. en détention fut prise par les autorités brésiliennes sousleur propre responsabilité.

Il résulte des constatations de l'arrêt que la demande d'extradition,assortie d'une demande d'arrestation provisoire, formulée par legouvernement belge, constitue le premier préalable contenu dans la chaînedes circonstances ayant conduit à la mise en détention de R. T. par lesautorités brésiliennes. La décision de mise en détention prise par lesautorités brésiliennes constitue ainsi la conséquence de la demande dugouvernement belge.

La circonstance que les autorités brésiliennes disposaient d'un pouvoirpropre d'appréciation quant à leur propre décision implique certes que cesautorités auraient pu ne pas décider l'arrestation de R. T. Cettecirconstance n'a, en revanche, pas pour effet de rompre le lien decausalité nécessaire unissant la demande d'extradition accompagnée d'unedemande d'arrestation expressément formulée par le gouvernement belge, dèslors que cette demande d'arrestation a été effectivement accueillie parles autorités brésiliennes. La constatation que cette demande n'était pasune condition suffisante de l'incarcération de R. T. n'implique pasqu'elle n'était pas une condition nécessaire de cette incarcération.

Sans la faute constituée par le caractère illégal de la demanded'extradition et spécialement de la demande d'arrestation provisoireformulées par le gouvernement belge, les autorités brésiliennes n'auraientpu décider une telle arrestation.

En décidant que la demande d'arrestation provisoire formulée par l'Étatbelge à l'égard des autorités brésiliennes ne constituait pas le préalablenécessaire de la décision d'incarcération prise par celles-ci, l'arrêtviole l'article 6 du Traité d'extradition entre la Belgique et le Brésil,signé à Rio de Janeiro le 6 mai 1953.

L'arrêt méconnaît en outre la notion légale de lien de causalité et violeen conséquence les articles 1382 et 1383 du Code civil.

Second moyen

Dispositions légales violées

- article 27 de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnisation en casde détention préventive inopérante ;

- article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée parla loi du 13 mai 1955 ;

- pour autant que de besoin, principe général du droit consacrantl'autorité de la chose jugée au pénal et articles 23, 24, 25 et 26 du Codejudiciaire ;

- articles 16 et 34 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détentionpréventive ;

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt, statuant sur la demande en réparation du dommage subi par R. T.et constitué par son incarcération en Belgique pendant la période du1^er mai 1996 au 15 mai 1996 et par les limitations apportées à sa libertépendant la période du 15 mai 1996 au 19 novembre 1996, décide que « lesconditions requises pour engager la responsabilité [du défendeur] ne sont,en l'occurrence, pas réunies » et que « l'appel doit, partant, êtredéclaré non fondé » et ce, par tous ses motifs et spécialement par lesmotifs suivants :

« Que la détention de R. T. en Belgique a trouvé son fondement dans lemandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction le 1^er mai 1996 ;

Que [le défendeur] souligne à bon droit que la régularité de ce titre dedétention, au regard de la loi du 20 juillet 1990, a été contrôléeconformément à la procédure prévue à cet effet, qui donna lieu àl'ordonnance de la chambre de conseil du 6 mai 1996, suivie de l'arrêt dela chambre des mises en accusation du 15 mai 1996 ;

Que, sous peine de méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'appliqueà cette dernière décision, elle s'impose à la cour [d'appel] actuellementsaisie d'une demande en réparation ;

Que la régularité de la détention de R. T. en Belgique découle de larégularité du mandat d'arrêt dont il a fait l'objet le 1^er mai 1996 et dela procédure qui s'en est suivie, et ce même si, quod non, les mandatsd'arrêt par défaut des 24 octobre 1994 et 17 mai 1995 avaient étéeux-mêmes irréguliers (arg. Cass., 23 février 1993, Pas., 1993, I, p. 294; Cass., 26 mai 2004, Rev. dr. pén., 2004, 1249) ;

Qu'en tout état de cause, ces mandats d'arrêt par défaut des 24 octobre1994 et 17 mai 1995 n'étaient pas irréguliers ;

Que l'article 34 de la loi du 20 juillet 1990 permet de décerner mandatd'arrêt par défaut, non seulement lorsque l'inculpé est fugitif oulatitant, mais aussi lorsqu'il y a lieu de demander son extradition ;

Qu'il s'agit, dans ce dernier cas, d'un mandat d'arrêt international ;

Que tel était le cas en l'espèce ;

Que la délivrance de tels mandats n'était pas subordonnée àl'interrogatoire préalable de R. T. ;

Que l'absence de référence, dans ces mandats d'arrêt, à l'article 34 de laloi du 20 juillet 1990 n'en affecte pas la légalité ».

Griefs

Première branche

L'article 27 de la loi du 13 mars 1973 dispose que :

«  § 1^er. Un droit à réparation est ouvert à toute personne qui a étéprivée de sa liberté dans des conditions incompatibles avec lesdispositions de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par laloi du 18 mai 1955.

§ 2. L'action est portée devant les juridictions ordinaires dans lesformes prévues par le Code judiciaire et dirigée contre l'État belge en lapersonne du ministre de la Justice ».

L'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales dispose que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut êtreprivé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:

[…] c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autoritéjudiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonnerqu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables decroire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou des'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ;

[…] f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'unepersonne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire,ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est encours.

2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai etdans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et detoute accusation portée contre elle.

3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues auparagraphe 1^er, c), du présent article, doit être aussitôt traduitedevant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer desfonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délairaisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut êtresubordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé àl'audience.

4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a ledroit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à brefdélai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si ladétention est illégale.

5. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans desconditions contraires aux dispositions de cet article a droit àréparation ».

L'article 27 de la loi du 13 mars 1973 donne exécution à l'article 5, § 5,de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, lequel accorde un droit à réparation au profit de toutepersonne qui a été victime d'une arrestation ou d'une détention dans desconditions contraires aux dispositions énumérées par cet article.

L'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales énonce, de manière limitative, les conditions danslesquelles une privation de liberté peut avoir lieu et il prévoit quecette privation de liberté doit se faire « selon les voies légales ».Celles-ci incluent notamment les règles contenues dans la loi du 20juillet 1990 relative à la détention préventive.

Devant la cour d'appel de Bruxelles, les demanderesses ont soutenu que lemandat d'arrêt du 1^er mai 1996 était illégal au motif, notamment, queR. T. avait été amené devant le juge d'instruction dans des conditionsirrégulières, ayant été « illégalement détenu et extradé », et au motifque le juge d'instruction avait méconnu la présomption d'innocence de R.T. Elles soutenaient également que R. T. avait été détenu à la prison de …dans des conditions inhumaines et dégradantes.

Les demanderesses ont également critiqué, devant la cour d'appel,l'ordonnance rendue le 6 mai 1996 par la chambre du conseil et l'arrêtprononcé le 15 mai 1996 par la chambre des mises en accusation, lesquelsont considéré que le mandat d'arrêt du 1^er mai 1996 était régulier. Ellesont soutenu que « les mandats d'arrêt, l'extradition et les décisionsjudiciaires qui en sont résultés constituent une chaîne de violations dela convention européenne ; qu'en conséquence, loin de s'imposerdéfinitivement au prétexte qu'elles auraient consacré sur le plan nationalla prétendue légalité de la détention, les décisions nationalesintervenues jusqu'à présent constituent l'objet même du contrôle dont lajuridiction présentement saisie est légalement chargée ».

L'arrêt considère que « la détention de R. T. en Belgique a trouvé sonfondement dans le mandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction le 1^ermai 1996 » et que la régularité de ce titre de détention, au regard de laloi du20 juillet 1990, a été […] contrôlée et a donné lieu à l'ordonnance de lachambre du conseil du 6 mai 1996, laquelle a été confirmée par l'arrêt dela chambre des mises en accusation du 15 mai 1996.

Se référant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt précité dela chambre des mises en accusation, l'arrêt décide, suivant en cela lesdéveloppements exposés par le défendeur mais contestés par lesdemanderesses, que cet arrêt s'imposait à la cour [d'appel] elle-même,saisie d'une demande de réparation, et qu'en conséquence, la régularité dela détention de R. T. en Belgique découlait, sans contestation possible,de la régularité du mandat d'arrêt dont il avait fait l'objet le 1^er mai1996, telle qu'elle avait été consacrée par la procédure qui s'en estsuivie.

Le principe selon lequel la demande tendant à obtenir la réparation dudommage causé par un acte juridictionnel n'est, en règle, recevable que sicet acte a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passéeen force de chose jugée en raison de la violation d'une norme établie,constitue une limitation apportée à la responsabilité de l'État du fait dela fonction de juger. Il est justifié par la nécessité de préserver lacohérence du système judiciaire, cohérence qui prohibe la mise en caused'un acte juridictionnel par des voies autres que les recours instauréspar la loi.

L'article 27 de la loi du 13 mars 1973 ouvre un droit à réparation quandune décision de justice a eu pour effet de priver le préjudicié de saliberté dans des conditions incompatibles avec les obligations découlantde l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales. Une voie de recours spécifique est ainsilégalement instituée. L'exigence que l'acte attaqué devrait avoir étépréalablement retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passéeen force de chose jugée en raison de la violation d'une norme établie pourpermettre d'introduire une demande tendant à la réparation d'un dommagecausé par un acte juridictionnel n'est par conséquent pas, dans ce cas,une condition nécessaire à l'intentement d'une action tendant à cetteréparation, dès lors que la cohérence du système judiciaire est ainsipréservée.

L'arrêt, constatant que l'arrêt du 15 mai 1996 prononcé par la chambre desmises en accusation était revêtu de l'autorité de la chose jugée, endéduit que cet arrêt s'imposait à la cour d'appel saisie d'une demande enréparation. En décidant que la cour d'appel n'était pas autorisée àexaminer la légalité du mandat d'arrêt du 1^er mai 1996 et de la détentionqui s'ensuivit au motif que l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de lachambre des mises en accusation du 15 mai 1996 s'imposait à elle, alorsmême que l'ordonnance du 6 mai 1996 et l'arrêt du 15 mai 1996 étaient parailleurs critiqués devant elle à l'appui de la demande de réparationformulée par feu R. T. sur la base de l'article 27 de la loi du 13 mars1973, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. Elle aviolé l'article 27 de la loi du 13 mars 1973 et l'article 5, § 5, de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales. Elle a en outre, pour autant que de besoin, fait uneapplication erronée du principe général du droit consacrant l'autorité dela chose jugée au pénal et des articles 23 à 26 du Code judiciaire,consacrant l'autorité de la chose jugée, en refusant de reconnaître ladérogation que leur institue l'article 27 de la loi du 13 mars 1973.

En refusant, sur cette base, de reconnaître la responsabilité de l'Étatbelge, fondée sur le caractère irrégulier du mandat d'arrêt du 1^er mai1996, l'arrêt viole en outre les articles 1382 et 1383 du Code civil.

Seconde branche

L'arrêt constate que les mandats d'arrêt des 24 octobre 1994 et 17 mai1995 ont été signifiés à R. T. lors de son arrivé à l'aéroport deBruxelles-National, que, privé de sa liberté sur le fondement de cesmandats d'arrêt, il a été amené devant le juge d'instruction A., aux finsd'interrogatoire, et que ce juge lui a ensuite délivré le même jour unnouveau mandat d'arrêt.

Les demanderesses ont soutenu devant la cour d'appel que les mandatsd'arrêt des 24 octobre 1994 et 17 mai 1995 étant illégaux, R. T. avaitcomparu en étant arbitrairement retenu, le 1^er mai 1996, devant le juged'instruction.

L'arrêt ne répond pas explicitement à ce moyen régulièrement formulé parles demanderesses en termes de conclusions.

A titre principal

S'il devait être considéré que la réponse à ce moyen doit êtreimplicitement déduite des motifs de l'arrêt relatifs à la légalité desmandats d'arrêts précités, l'arrêt ne serait pas légalement justifié.

L'article 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détentionpréventive dispose :

« § 1^er. En cas d'absolue nécessité pour la sécurité publique seulement,et si le fait est de nature à entraîner pour l'inculpé un emprisonnementcorrectionnel principal d'un an ou une peine plus grave, le juged'instruction peut décerner un mandat d'arrêt.

Cette mesure ne peut être prise dans le but d'exercer une répressionimmédiate ou toute autre forme de contrainte.

Si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans deréclusion, le mandat ne peut être décerné que s'il existe de sérieusesraisons de craindre que l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commettede nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tentede faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers.

§ 2. Sauf si l'inculpé est fugitif ou latitant, le juge d'instructiondoit, avant de décerner un mandat d'arrêt, interroger l'inculpé sur lesfaits qui sont à la base de l'inculpation et qui peuvent donner lieu à ladélivrance d'un mandat d'arrêt, et entendre ses observations. À défaut decet interrogatoire, l'inculpé est mis en liberté.

Il doit également informer l'inculpé de la possibilité qu'un mandatd'arrêt soit décerné à son encontre, et l'entendre en ses observations àce sujet. À défaut de respect de ces conditions, l'inculpé est mis enliberté.

Tous ces éléments sont relatés au procès-verbal d'audition.

Lorsque le mandat d'arrêt est exécuté conformément à l'article 19,§ 1^erbis, il est recouru lors de l'interrogatoire à des moyens radio,téléphoniques, audio-visuels ou d'autres moyens techniques qui permettentune transmission directe de la voix entre le juge d'instruction et lesuspect tout en garantissant la confidentialité de leurs échanges.

§ 3. Le mandat d'arrêt est décerné immédiatement après le premierinterrogatoire de l'inculpé par le juge d'instruction, sauf si le jugeprend des mesures d'investigation aux fins de contrôler un élément del'interrogatoire, l'inculpé restant à sa disposition.

§ 4. Le juge d'instruction informe l'inculpé qu'il a le droit de choisirun avocat. Si l'inculpé n'a choisi ou ne choisit aucun avocat, le juge eninforme le bâtonnier de l'Ordre ou son délégué. Il est fait mention decette formalité au procès-verbal d'audition.

§ 5. Le mandat d'arrêt contient l'énonciation du fait pour lequel il estdécerné, mentionne la disposition législative qui prévoit que ce fait estun crime ou un délit et constate l'existence d'indices sérieux deculpabilité.

Le juge y mentionne les circonstances de fait de la cause et celles liéesà la personnalité de l'inculpé qui justifient la détention préventive euégard aux critères prévus par le paragraphe 1^er. À défaut de cesinformations, l'inculpé est mis en liberté.

Le mandat d'arrêt indique également que l'inculpé a été préalablemententendu.

§ 6. Le mandat est signé par le juge qui l'a décerné et revêtu de sonsceau. À défaut de la signature du juge, l'inculpé est mis en liberté.

L'inculpé y est nommé ou désigné le plus clairement possible.

§ 7. Le procès-verbal de l'audition de l'inculpé par le juged'instruction, ainsi que tous les procès-verbaux d'auditions de l'inculpéintervenues entre le moment de sa privation de liberté et le moment où ilest déféré au juge d'instruction, doivent mentionner les heures du débutde l'interrogatoire, du début et de la fin des interruptions éventuelleset de la fin de l'interrogatoire ».

L'article 34 de la même loi dispose :

«  § 1^er. Lorsque l'inculpé est fugitif ou latitant, ou lorsqu'il y alieu de demander son extradition, le juge d'instruction peut décerner unmandat d'arrêt par défaut.

§ 2. Si ce mandat est exécuté avant la clôture de l'instruction, l'inculpédoit être interrogé par le juge d'instruction. Si le juge d'instructionestime que la détention doit être maintenue, il peut délivrer un nouveaumandat d'arrêt auquel sont applicables les dispositions des chapitres III,IV et V.

Ce nouveau mandat d'arrêt est signifié à l'inculpé dans les vingt-quatreheures à compter de la signification sur le territoire belge ou sur leterritoire étranger où une fraction de l'armée est stationnée du mandatd'arrêt par défaut, laquelle doit intervenir dans les vingt-quatre heuresde l'arrivée ou de la privation de liberté sur le sol belge.

§ 3. Le prévenu ou l'accusé ne peut demander sa mise en liberté queconformément à l'article 27 ».

Le mandat d'arrêt par défaut décerné en vue de l'extradition doit répondreà toutes les conditions fixées à l'article 16 de la loi du 20 juillet1990, sous la seule réserve de l'obligation de procéder à l'interrogatoirepréalable de l'inculpé.

En termes de conclusions, les demanderesses ont fait valoir que lesmandats d'arrêt délivrés les 24 octobre 1994 et 17 mai 1995 étaientillégaux. Elles ont énoncé :

« Que, subsidiairement, le premier juge a à tort posé que les mentionsrequises à l'article 16 de la loi ne seraient pas applicables aux mandatsd'arrêt par défaut qui auraient été pris sur pied de l'article 34 de lamême loi ;

Que, certes, on peut comprendre que, en vue d'extradition, et pour autantqu'une telle extradition se justifie, quod non, le magistrat instructeurne soit pas contraint d'interroger préalablement l'inculpé sur les faitsmis à sa charge et d'entendre ses observations, l'inculpé étant, pardéfinition, à l'étranger ;

Que l'article 16 de la loi est d'ailleurs explicite à cet égard : `Sauf sil'inculpé est fugitif ou latitant, le juge d'instruction doit, avant dedécerner un mandat d'arrêt, interroger l'inculpé sur les faits mis à sacharge et entendre ses observations. Il doit également informer l'inculpéde la possibilité qu'un mandat d'arrêt soit décerné à son encontre, etl'entendre en ses observations à ce sujet';

Qu'en revanche, un mandat d'arrêt par défaut ne peut quand même êtredécerné qu'en cas d'absolue nécessité pour la sécurité publique seulement; que cette mesure ne peut être prise dans le but d'exercer une répressionimmédiate ou toute autre forme de contrainte ; que le magistratinstructeur doit également constater qu'il existe de sérieuses raisons decraindre que l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commette de nouveauxcrimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tente de fairedisparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers ; qu'à tortle premier juge a considéré que de telles conditions n'étaient pasnécessaires en cas d'application de l'article 34 de la loi ;

Que le mandat d'arrêt par défaut doit répondre, lui aussi, à toutes lesconditions fixées par l'article 16 de la loi du 20 juillet 1990, sous laseule réserve de l'obligation d'interroger l'inculpé (et encore faut-ilque l'inculpation soit légale, ce qui n'était pas le cas) [...] ;

Qu'à tort le premier juge a considéré que l'article 34 de la loi du 20juillet 1990 ne précise pas quelles sont les conditions de forme et defond qui régissent le mandat d'arrêt international par défaut en vued'extradition ; que, s'agissant d'une manifeste détention préventive, iln'y a aucune raison pour que le mandat d'arrêt en vue d'extradition, prisle cas échéant sur pied de l'article 34, soit soumis à moins de conditionsque le mandat d'arrêt pris sur pied de l'article 16 de la même loi ;

Qu'à tort le premier juge a considéré qu'il fallait distinguer entrecertaines conditions ou mentions du mandat d'arrêt international quiseraient substantielles et d'autres qui ne le seraient pas au prétexte queles conditions substantielles `permettent à l'autorité étrangère devérifier si les conditions fixées par le traité d'extradition sontremplies' ;

Qu'en l'espèce, la question n'est pas de savoir si l'autorité brésilienneétait ou non en mesure de vérifier les conditions d'un traitéd'extradition mais de vérifier si un mandat d'arrêt, sur pied de l'article16, voire sur pied de l'article 34, était légalement justifié en droitbelge ;

Que, contrairement à ce qu'a posé le premier juge, les deux mandatsd'arrêt litigieux devaient répondre aux conditions posées par la loi encas de détention préventive ;

Qu'à tort le premier juge a encore considéré que le magistrat instructeurpouvait, en l'espèce, délivrer valablement un mandat d'arrêt par défaut ;que, n'étant ni fugitif ni latitant et se tenant à la disposition dumagistrat instructeur comme la commission rogatoire opérée au Brésill'avait démontré, R. T. ne devait pas être placé en détention préventiveen vertu d'un mandat d'arrêt délivré par défaut ;

Que de tels mandats d'arrêt délivrés par défaut ont manifestement servi deprétextes à constituer des titres de détention préventive, ainsi quetoutes les pièces de la procédure le démontrent, que les mandats d'arrêtfussent ou non décernés `dans le but de demander l'extradition del'intéressé' ; que cette intention exclusive et inexactement relevée parle premier juge est d'ailleurs en contradiction avec le décalage quisépare la commission rogatoire envoyée au Brésil le 21 octobre 1993, lepremier mandat d'arrêt du 24 octobre 1994, le deuxième mandat d'arrêt du17 mai 1995 et la requête au gouvernement brésilien du 14 juin de la mêmeannée ;

Qu'il s'ensuit que l'extradition fut irrégulière, R. T. ayant été capturéet étant détenu suite à des voies de fait ».

En leurs conclusions d'appel, les demanderesses ont énoncé :

« Les mandats d'arrêt n'indiquaient, ni l'un ni l'autre, aucunecirconstance propre à la personnalité de l'inculpé qui puisse entraînerl'absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner mandat d'arrêt ;qu'aucun danger n'existait que R. T. tente de se soustraire, n'étant pasen fuite ; que son établissement au Brésil était stable, ayant été précédéde son annonce dans toute la presse italienne saluant le départ, en fin decarrière, d'un grand commis de l'État ; [...] que le risque desoustraction à la justice ne peut être fondé uniquement sur des élémentssubjectifs : il doit reposer sur des éléments objectifs tirés des faits dela cause ou de la personnalité de l'inculpé ; que la qualité d'étranger nepeut fonder à elle seule la délivrance d'un mandatd'arrêt ; qu'il en est de même de l'absence de résidence fixe sur leterritoire ».

Les demanderesses ont également énoncé en leurs conclusions :

« Les deux mandats d'arrêt étaient incontestablement muets sur lescirconstances propres à la cause et à la personnalité de l'inculpé quiauraient entraîné en l'espèce l'absolue nécessité pour la sécuritépublique de décerner mandat d'arrêt [note 26 : On peut lire dans chacundes deux mandats : àttendu que les circonstances spécifiées ci-après,propres à la cause et à la personnalité de l'inculpé, entraînent l'absoluenécessité, pour la sécurité publique de décerner le présent mandat d'arrêtà son encontre' [...] et rien n'est spécifié ci-après] ; c'est cependantsur la base de ces deux mandats d'arrêt illégaux que l'extradition seraillégalement, abusivement et déloyalement demandée, obtenue et exécutée ».

L'arrêt décide « qu'en tout état de cause, ces mandats d'arrêt par défautdes 24 octobre 1994 et 17 mai 1995 n'étaient pas irréguliers ; quel'article 34 de la loi du 20 juillet 1990 permet de décerner mandatd'arrêt par défaut, non seulement lorsque l'inculpé est fugitif oulatitant, mais aussi lorsqu'il y a lieu de demander son extradition ;qu'il s'agit, dans ce dernier cas, d'un mandat d'arrêt international ; quetel était le cas en l'espèce ; que la délivrance de tels mandats n'étaitpas subordonnée à l'interrogatoire préalable de R. T. ; que l'absence deréférence, dans ces mandats d'arrêt, à l'article 34 de la loi du 20juillet 1990 n'en affecte pas la légalité ».

En décidant que les mandats d'arrêt litigieux étaient réguliers, sansexaminer si les conditions mentionnées par l'article 16 de la loi du 20juillet 1990 étaient toutes établies, alors qu'elles déterminent lalégalité d'un mandat d'arrêt même décerné par défaut, l'arrêt viole lesarticles 16 et 34 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détentionpréventive. Il viole à tout le moins l'article 149 de la Constitution enlaissant sans réponse les moyens développés par les demanderessesrelativement à la motivation des mandats d'arrêt litigieux.

A titre subsidiaire

S'il est considéré que la réponse au moyen régulièrement soulevé par lesdemanderesses devant la cour d'appel ne peut être déduite implicitementdes motifs ci-avant reproduits, l'arrêt ne répond pas aux conclusions desdemanderesses et, partant, viole l'article 149 de la Constitution.

En refusant, sur cette base, de reconnaître la responsabilité de l'Étatbelge, fondée sur le caractère irrégulier du mandat d'arrêt du 1^er mai1996, l'arrêt viole en outre les articles 1382 et 1383 du Code civil.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

D'une part, en considérant que les « mandats d'arrêt par défaut des24 octobre 1994 et 17 mai 1995 n'étaient pas irréguliers », l'arrêtrépond, en les contredisant, aux conclusions des demanderesses reproduitesau moyen, en cette branche.

D'autre part, aux termes de l'article 34, § 1^er, de la loi du 20 juillet1990 relative à la détention préventive, lorsque l'inculpé est fugitif oulatitant ou lorsqu'il y a lieu de demander son extradition, le juged'instruction peut décerner un mandat d'arrêt par défaut.

En son paragraphe 2, cet article poursuit que, si ce mandat est exécutéavant la clôture de l'instruction, l'inculpé doit être interrogé par lejuge d'instruction et que, si ce juge estime que la détention doit êtremaintenue, il peut délivrer un nouveau mandat d'arrêt auquel sontapplicables les dispositions des chapitres III, IV et V.

Il suit de ces dispositions que les conditions auxquelles, au chapitre IIIde ladite loi, l'article 16 subordonne la validité du mandat d'arrêt nes'appliquent au mandat d'arrêt décerné par défaut que dans la mesure oùcelui-ci fonde la détention préventive de l'inculpé en Belgique.

Il en résulte que l'arrêt a pu, sans violer les dispositions légalesprécitées, statuer sur la demande en réparation du dommage causé par ladétention qu'a subie au Brésil l'auteur des demanderesses sans examiner siles mandats d'arrêt décernés par défaut contre lui répondaient à toutesles conditions prévues audit article 16.

La violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen, encette branche, est pour le surplus tout entière déduite de celle,vainement alléguée, des articles 16 et 34 de la loi du 20 juillet 1990.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Il ne ressort pas de leurs conclusions que les demanderesses aient soutenudevant la cour d'appel que le caractère qu'elles prétendaient abusif de lademande d'arrestation de leur auteur devait être apprécié distinctement ducaractère abusif de la demande d'extradition de celui-ci.

Dès lors, en considérant « qu'en vain […] les [demanderesses] soutiennentque la demande d'extradition de R. T., qui avait déclaré ne pas vouloir sedéplacer en Belgique, aurait été abusive […] ; que la nature de l'affaireainsi que la gravité des faits justifiaient amplement cette demande »,l'arrêt répond aux conclusions des demanderesses.

Pour le surplus, la violation prétendue des articles 1382 et 1383 du Codecivil est tout entière déduite du vice de motivation vainement allégué.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Dès lors que, par les motifs vainement critiqués par les deux premièresbranches du moyen, l'arrêt exclut toute irrégularité de la demanded'arrestation de l'auteur des demanderesses en vue de son extradition, lemoyen, qui, en cette branche, critique les motifs par lesquels l'arrêtécarte l'existence d'un lien de causalité entre cette irrégularitééventuelle et le dommage dont la réparation est demandée au défendeur, nesaurait entraîner la cassation de la décision rejetant cette demande et,dénué d'intérêt, est, partant, comme le soutient le défendeur,irrecevable.

Sur le second moyen :

Quant à la seconde branche :

En constatant que, « lors de son arrivée sur le sol belge, le 1^er mai1996, [l'auteur des demanderesses] se vit signifier les deux mandatsd'arrêt délivrés par défaut à sa charge le 24 octobre 1994 et le 17 mai1995 » et que, « le1^er mai 1996 également, il fut entendu par le juge d'instruction, qui luidélivra un nouveau mandat d'arrêt », et en considérant que les « mandatsd'arrêt par défaut des 24 octobre 1994 et 17 mai 1995 n'étaient pasirréguliers », l'arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions desdemanderesses qui soutenaient que la détention de leur auteur en Belgiqueétait illégale car il avait comparu le 1^er mai 1996 devant le juged'instruction en étant « arbitrairement retenu ».

Pour le surplus, l'arrêt considère, sans être critiqué, « que la détentionde [l'auteur des demanderesses] en Belgique a trouvé son fondement dans lemandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction le 1^er mai 1996 ».

Il ressort de la réponse à la première branche du premier moyen quel'arrêt a dès lors pu légalement statuer sur la demande en réparation dudommage causé par la détention préventive et les restrictions de libertéqu'a subies en Belgique l'auteur des demanderesses sans examiner si lesmandats d'arrêt décernés par défaut contre celui-ci répondaient auxconditions prévues à l'article 16 de la loi du 20 juillet 1990.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la première branche :

Il ressort des conclusions prises devant la cour d'appel par lesdemanderesses que celles-ci ne déduisaient l'illégalité prétendue dumandat d'arrêt du 1^er mai 1996 que de l'illégalité qu'elles prêtaient auxmandats d'arrêt décernés par défaut les 24 octobre 1994 et 17 mai 1995.

Dès lors que l'arrêt tient, sans être valablement critiqué, ces derniersmandats pour réguliers, les motifs par lesquels il statue pour le surplussur la légalité de celui du 1^er mai 1996 sont surabondants, de sorte que,dénué d'intérêt, le moyen, en cette branche, est, comme le soutient ledéfendeur, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demanderesses aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de six cent trente-quatre euros trois centimesenvers les parties demanderesses et à la somme de cent soixante-troiseuros dix centimes envers la partie défenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé,Christine Matray, Martine Regout et Alain Simon, et prononcé en audiencepublique du dix-huit juin deux mille dix par le président ChristianStorck, en présence du procureur général Jean-François Leclercq, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | A. Simon | M. Regout |
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| Chr. Matray | D. Batselé | Chr. Storck |
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18 JUIN 2010 C.07.0139.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0139.F
Date de la décision : 18/06/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-06-18;c.07.0139.f ?
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