Cour de cassation de Belgique
Arrêt
1205
N° C.09.0233.F
ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE « JEAN VIVES III », dontle siège est établi à Anderlecht, avenue Marius Renard, 45, représentéepar son syndic, la société privée à responsabilité limitée Bureau d'étudeset de gestion Tylleman, dont le siège social est établi à Koekelberg,avenue de la Basilique, 61,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est faitélection de domicile,
contre
D. N.,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 29 février2008 par le tribunal de première instance de Bruxelles, statuant en degréd'appel.
Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
Articles 577-3 à 577-14, en particulier 577-8 et 577-9, 1382, 1383 et1384, alinéa 1^er, du Code civil
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué condamne la demanderesse au paiement de diversmontants à titre de réparation de dommages causés aux parties communes del'immeuble dans lequel la défenderesse était propriétaire d'un appartementet fonde cette condamnation sur le fait que la demanderesse était, enqualité d'association des copropriétaires de cet immeuble, gardienne desparties communes de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa 1^er, duCode civil et, à ce titre, responsable des dommages occasionnés à cesparties communes, aux motifs que
« [La demanderesse] a la charge de conserver les biens litigieux avec lepouvoir de surveillance et de direction que la loi lui confie de manièrenon autrement limitée que par la notion de parties communes (ici en cause)- le fait que les décisions soient prises à la majorité et selon desprocessus contraignants ne limite en rien le pouvoir de surveillance et dedirection de l'association elle-même mais concerne son mode interne deprise de décision (s'agissant par là, non de limiter les pouvoirs del'association, mais, au contraire, de gérer la nécessaire limitation desdroits d'un copropriétaire par ceux d'un autre) ; par ailleurs, les droitsdu copropriétaire individuel sont limités `à son lot' et soumis àinformation du syndic notamment, tandis qu'en tout cas, d'éventuelsco-gardiens sont chacun tenus, en règle, à la réparation intégrale dudommage causé par le vice de la chose (...).
L'exigence que l'association des copropriétaires agisse pour son proprecompte (...) ne semble pas correspondre à la syntaxe exacte de ladéfinition de la notion de `garde' qui se réfère à des situations (userpour son propre compte, jouir ou conserver) liées par la conjonction `ou',tandis que la condition `pour son propre compte' n'affecte que lasituation d'usage, pas de conservation.
Surabondamment, s'agissant d'une personne de droit créée par lescopropriétaires mais dont les pouvoirs et missions sont déterminés par laloi, le fait pour une association de copropriétaires de gérer les partiescommunes ne s'assimile pas à la poursuite de son objet statutaire par unepersonne morale quelconque, et c'est bien pour son propre compte,s'agissant de remplir ses missions légales, que [la demanderesse] gèrelesdites parties communes ».
Griefs
Première branche
Il n'est pas contesté que le gardien de la chose au sens de l'article1384, alinéa 1^er, du Code civil ne doit pas nécessairement en être lepropriétaire. Les considérations du jugement à ce propos sont parconséquent sans objet.
Le gardien de la chose, au sens de l'article 1384, alinéa 1^er, du Codecivil est celui qui, pour son propre compte, en use ou qui en jouit ou laconserve avec pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle. Legardien est par conséquent celui qui agit pour son propre compte, et nonpour le compte d'autrui.
En considérant que, même si elle n'agissait pas pour son propre compte engérant les parties communes de l'immeuble, la demanderesse était lagardienne de ces parties communes au sens de l'article 1384, alinéa 1^er,du Code civil et responsable à ce titre des dommages occasionnés à cesparties communes, le jugement attaqué viole par conséquent l'article 1384,alinéa 1^er, du Code civil et, pour autant que de besoin, les articles1382 et 1383 du même code.
Seconde branche
Une association de copropriétaires, au sens de l'article 577 du Codecivil, gère les parties communes pour le compte des copropriétaires del'immeuble et n'agit pas, dès lors, pour son propre compte. Elle ne peut àce titre être considérée comme le gardien de ces parties communes au sensde l'article 1384, alinéa 1^er, du Code civil.
En considérant « surabondamment » que, de toutes façons, la demanderesseétait tenue des dégâts causés aux parties communes car, en tant quegérante de ces parties communes, elle agissait pour son propre compte, lejugement attaqué viole l'ensemble des dispositions légales visées aumoyen.
III. La décision de la Cour
Quant à la seconde branche :
Le gardien d'une chose, au sens de l'article 1384, alinéa 1^er, du Codecivil, est celui qui use de cette chose pour son propre compte ou qui enjouit ou la conserve avec pouvoir de surveillance, de direction et decontrôle.
En vertu de l'article 577-5, § 3, du Code civil, l'objet de l'associationdes copropriétaires consiste dans la conservation et l'administration del'immeuble ou du groupe d'immeubles bâtis et, suivant l'article 577-7, §1^er, 1°, b), de ce code, sous réserve de conditions plus strictes fixéespar le règlement de copropriété, l'assemblée générale décide à la majoritédes trois quarts des voix de tous travaux affectant les parties communes,à l'exception de ceux qui peuvent être décidés par le syndic.
Ces dernières dispositions confèrent à l'association des copropriétairesun pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle des partiescommunes de l'immeuble ou du groupe d'immeubles, qu'elle conserve etqu'elle administre dès lors pour son propre compte.
Elle a partant, en règle, la garde de ces parties communes au sens del'article 1384, alinéa 1^er.
Le moyen, en cette branche, manque en droit.
Quant à la première branche :
Les considérations du jugement attaqué que la demanderesse « a la chargede conserver les biens litigieux avec le pouvoir de surveillance et dedirection que la loi lui confie de manière non autrement limitée que parla notion de parties communes » et que « c'est bien pour son proprecompte, s'agissant de remplir ses missions légales, que [la demanderesse]gère lesdites parties communes » suffisent à justifier légalement ladécision qu'elle est gardienne de celles-ci.
Le moyen qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, estdénué d'intérêt et, dès lors, irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour,
sans avoir égard aux pièces déposées au greffe par la défenderesse le30 juillet 2009 sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent septante-trois eurosseptante-quatre centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, le président de section PaulMathieu, les conseillers Albert Fettweis, Christine Matray et SylvianeVelu, et prononcé en audience publique du vingt-huit mai deux mille dixpar le président Christian Storck, en présence de l'avocat général ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Velu | Chr. Matray |
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| A. Fettweis | P. Mathieu | Chr. Storck |
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28 MAI 2010 C.09.0233.F/1