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10/05/2010 | BELGIQUE | N°S.08.0072.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 mai 2010, S.08.0072.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.08.0072.F

MENSURA, caisse commune d'assurances contre les accidents du travail,anciennement denommee Assubel, dont le siege est etabli à Bruxelles,place du Samedi, 1,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

1. O. M.-F.,

2. D. S.,

3. D. C.,

4. D. P.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la

Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 13 juin2001 et 4 mars 2008 par la cour du travail de...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.08.0072.F

MENSURA, caisse commune d'assurances contre les accidents du travail,anciennement denommee Assubel, dont le siege est etabli à Bruxelles,place du Samedi, 1,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

1. O. M.-F.,

2. D. S.,

3. D. C.,

4. D. P.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 13 juin2001 et 4 mars 2008 par la cour du travail de Mons.

Le president Christian Storck a fait rapport.

Le procureur general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Disposition legale violee

Article 8, S: 1er, alinea 2, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidentsdu travail, tel qu'il etait en vigueur le 1er decembre 1992, jour del'accident litigieux (et donc tel qu'il a ete modifie par la loi du 12juillet 1991 modifiant l'article 8,S: 1er, alinea 2, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail,mais avant sa modification par la loi du 13 juillet 2006 portant desdispositions diverses en matiere de maladies professionnelles etd'accidents du travail et en matiere de reinsertion professionnelle)

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate en substance que W. D., ouvrier au service de laCompagnie des Ciments belges dont la demanderesse est l'assureur-loi, aete victime d'un accident le 1er decembre 1992 ; que ce jour-là, il avait« demande à son employeur de terminer son travail plus tot pour allerboire un verre avec ses camarades de travail, en raison de la fete deSaint-Eloi » ; qu'« il a cesse son travail à 14h25 et a quittel'entreprise à 15h05 ; (qu'il) s'est rendu dans un etablissement, le cafe`Le Central', situe à proximite de l'entreprise ; (qu'il) y a consommetrois bieres en compagnie d'un collegue de travail et a ensuite quittel'etablissement vers 15h50 pour rejoindre son domicile ; (que) vers 16h45- 17h, alors qu'il circulait à Velaines, rue du Bas Hameau, il a derapecontre une bordure et s'est blesse » ; qu'« entre le lieu du travail etle domicile, la duree normale pour effectuer le trajet des 12,4 kilometresen mobylette est de 25 minutes » et qu'apres avoir quitte le cafe « LeCentral », la victime « a interrompu une deuxieme et une troisieme foisson trajet pour examiner les vitrines des magasins à l'approche desfetes »,

l'arret attaque du 13 juin 2001, par confirmation de la decision dupremier juge, decide que W. D. « a ete victime d'un accident sur lechemin du travail » et condamne la demanderesse « à l'indemniserconformement aux dispositions de la loi du 10 avril 1971 ».

L'arret fonde cette decision sur le motif qu'« ainsi que l'a releve lepremier juge, 'compte tenu des circonstances (coutume professionnelle tresrepandue dans le milieu ouvrier et plus specialement dans le Tournaisis,consistant à feter la Saint-Eloi, absence d'exces de boisson,comportement raisonnable de la victime, et souhait de mettre à profit sesheures de recuperation pour preparer ses achats de fin d'annee), (...)cette interruption de trajet d'environ 1 heure 40 minutes etait peuimportante et justifiee par un motif legitime'».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'article 8, S: 1er, alinea 2, de la loi du 10 avril 1971 surles accidents du travail, « le chemin du travail s'entend du trajetnormal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa residence aulieu d'execution de son travail et inversement ». Un trajet qui estinterrompu dans le temps peut etre considere comme normal au sens de cettedisposition si l'interruption est peu importante et justifiee par un motiflegitime. En revanche, le trajet cesse d'etre normal lorsquel'interruption est importante, à moins qu'elle ne soit justifiee par laforce majeure.

Des lors, pour apprecier si le chemin effectue par un travailleur de sonlieu de travail à son domicile peut etre considere comme normal au sensde l'article 8, S: 1er, alinea 2, precite, le juge doit apprecier 1DEG sil'interruption du trajet est importante et 2DEG si elle est justifiee parun motif legitime.

Dans l'appreciation du caractere important de l'interruption, le juge doittenir compte de sa duree objective. Il ne peut en outre deduire lecaractere peu important de l'interruption des motifs qui l'ont provoquee,ces motifs fussent-ils legitimes.

En l'espece, les constatations des juges du fond quant à la duree destrois interruptions de trajet successives de la victime peuvent secomprendre de deux manieres : a) la duree totale des interruptions detrajet fut d'environ une heure quarante minutes, soit quatre fois la dureeordinaire du trajet proprement dit ou b) le temps separant le depart del'usine de la survenance de l'accident fut d'une heure quarante minutes,ce qui signifie que la duree totale des interruptions de trajet futd'environ une heure quinze minutes (puisque l'accident eut lieu alors quela victime avait dejà regagne la commune de Velaines et que les juges dufond evaluent à vingt-cinq minutes la duree necessaire pour couvrir ladistance separant l'usine du domicile de la victime, situe à Velaines),soit trois fois la duree ordinaire du trajet proprement dit. La questionde savoir si la duree des interruptions de trajet fut d'une heure quinzeminutes ou d'une heure quarante minutes n'a pas d'incidence sur lalegalite de la decision entreprise.

En effet, pour considerer comme peu importante l'interruption de plusd'une heure, l'arret attaque se fonde exclusivement, dans la motivationprecitee, sur la consideration que cette interruption etait justifiee parun motif legitime.

Il ressort ainsi des considerations precitees que la cour [du travail] n'apas apprecie de maniere autonome la duree objective - une heure quaranteminutes, soit quatre fois la duree ordinaire du parcours de vingt-cinqminutes ou une heure quinze minutes, soit trois fois cette duree ordinaire- des trois interruptions de trajet operees par la victime mais a fonde lecaractere selon elle peu important de ces interruptions sur lescirconstances qui les ont entourees et les motifs qui les ont provoquees.En d'autres termes, l'arret opere une confusion entre les deuxcaracteristiques que doit presenter l'interruption de trajet pour etreconciliable avec la notion de trajet normal au sens de la dispositionlegale applicable.

Des lors, en fondant sa decision sur les considerants precites, sans tenircompte de la duree objective des interruptions repetees de trajet de lavictime et sans constater que ces interruptions etaient justifiees par laforce majeure, l'arret attaque meconnait la notion de trajet normal ausens de l'article 8, S: 1er, alinea 2, de la loi du 8 avril 1971 tel qu'ilest vise en tete du moyen.

Seconde branche

Un trajet qui est interrompu dans le temps peut etre considere commenormal au sens de l'article 8, S: 1er, alinea 2, de la loi du 10 avril1971 si l'interruption peu importante est justifiee par un motif legitime.En revanche, le trajet cesse d'etre normal si l'interruption peuimportante procede d'un motif de convenance personnelle.

En l'espece, il ressort des motifs precites de l'arret attaque que pourqualifier de « normal » le trajet au cours duquel l'accident litigieuxest survenu, l'arret se fonde sur la consideration que les troisinterruptions successives de trajet operees par la victime etaientjustifiees par des circonstances qu'il qualifie de « motif legitime »,alors qu'il apparait des constatations du premier juge, que l'arrets'approprie, que ces circonstances constituaient pour partie au moins desraisons de convenance personnelle, puisqu'il s'agissait de « mettre àprofit ses heures de recuperation pour preparer ses achats de find'annee ».

En fondant sa decision sur les considerants precites, l'arret attaquemeconnait des lors la notion legale de trajet normal au sens de l'article8, S: 1er, alinea 2, de la loi du 10 avril 1971 tel qu'il est vise en tetedu moyen.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Pour considerer que l'interruption du trajet de la victime, pour feter laSaint-Eloi et preparer ses achats de fin d'annee, etait peu importante,l'arret attaque du 13 juin 2001, par adoption des motifs du jugement dontappel, releve que cette interruption a dure une heure quarante minutes,qu'il y a eu « absence d'exces de boisson » et que la victime a eu « uncomportement raisonnable ».

Le moyen qui, en cette branche, soutient que l'arret fonde cetteappreciation de la duree de l'interruption exclusivement sur laconsideration que cette interruption etait justifiee par un motiflegitime, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Le moyen, en cette branche, reproche à l'arret precite de qualifier lescirconstances qu'il constate de « motif legitime » alors que celles-ciconstituaient pour partie au moins des raisons de convenance personnelle.

Le moyen qui, en cette branche, revient à inviter la Cour à substituerà celle du juge du fond sa propre appreciation des circonstances de fait,est irrecevable.

La demanderesse ne fait valoir aucun moyen contre l'arret attaque du4 mars 2008.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de deux cent dix-neuf euros nonante-septcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, le president de section PaulMathieu, les conseillers Christine Matray, Martine Regout et MireilleDelange, et prononce en audience publique du dix mai deux mille dix par lepresident Christian Storck, en presence du procureur generalJean-Franc,ois Leclercq, avec l'assistance du greffierMarie-Jeanne Massart.

+-----------------------------------------+
| M-J. Massart | M. Delange | M. Regout |
|--------------+------------+-------------|
| Chr. Matray | P. Mathieu | Chr. Storck |
+-----------------------------------------+

10 MAI 2010 S.08.0072.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.08.0072.F
Date de la décision : 10/05/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-05-10;s.08.0072.f ?
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